Translate

vendredi 27 mai 2022

Réponse à un Américain orthodoxe, inquiet du révisionnisme soviétique

Cet Américain touche une question qui me préoccupe également et dont j'ai mainte fois parlé. Je publie ici ma réponse. Comme je l'ai aussi maintes fois expliqué, je pense que ce problème est dû largement à l'attitude occidentale au moment de la Perestroika et après celle-ci, au mépris, aux manipulations, aux mensonges, à la corruption exercés par les dirigeants occidentaux, qui ont tout fait pour rendre l'ouest haïssable.

 Je suis monarchiste, et je déplore l'image que l'on donne de Soljénitsyne qui était un vrai patriote et qui disait la vérité aussi bien sur la Russie que sur l'occident. Cependant, j'ai remarqué que sur des groupes consacrés à la mémoire du goulag s'exprimaient des russophobes enragés qui ne détestaient pas seulement le communisme mais la Russie elle-même qu'ils trouvent criminelle depuis l'aube de son histoire, lui niant toutes qualités et tout génie, et j'ai quitté un de ces groupes pour cette raison. J'ai personnellement rencontré dans un avion la veuve du dissident Sinivaski et elle est tombée dans une rage noire quand elle a compris que j'étais venue travailler à Moscou parce que j'aimais ce pays. C'était la Russie qu'elle détestait, ce que n'a jamais fait Soljénitsyne. Je crois possible que Mémorial ait eu de telles tendances, et je crois aussi que les Russes et Poutine essaient d'opérer une réconciliation nationale, indispensable à la survie du pays. L'historien Nazarov pense qu'on tente de légitimer les organes du pouvoir issus de l'union soviétique, ce n'est sans doute pas faux, cela dit, il est revenu vivre ici depuis plusieurs années. Personnellement, je partage la thèse d'Alexandre Panarine dans son livre "la Civilisation Orthodoxe". Le communisme a été une horreur antirusse d'une rare méchanceté, mais cette idéologie occidentale imposée par des intellectuels qui n'étaient pas ethniquement russes, a été malgré tout russifiée au cours des décennies, et une fois obtenue la liberté et le respect de l'Eglise, et disons, des opinions et pratiques religieuses, aurait dû ne pas être touchée et évoluer à sa manière. Seulement ce n'était pas le plan de ses apparatchiks ni des Américains qui voulaient la perte du pays pour mieux le piller. 

Un processus analogue a eu lieu avec la révolution française, ce qu'un écrivain français, Jean de la Viguerie, a expliqué dans son livre "les deux patries". Après la révolution, la France charnelle, spirituelle, traditionnelle a coexisté avec la République et l'a même servie, en la personne d'officiers aristocrates qui allaient mourir pour leur France au service de la nouvelle. Cependant, il y a une grande différence entre la France et la Russie, c'est la religion orthodoxe même si de façon marginale, des prêtres délirent dans le stalinisme, nous n'allons quand même pas décanoniser nos martyrs nombreux et la famille impériale, je ne crois pas la chose possible. Les religions occidentales se sont prosternées devant le Moloch des révolutions et du modernisme. Et puis si l'on n'a pas fait le procès des crimes communistes, on a canonisé, justement, la famille impériale, ce qui n'a pas été fait en France. Le dissident Vladimir Boukovski n'était pas partisan d'un tel procès, qui aurait déclenché une chasse aux sorcières. Enfin je constate que dans la guerre d'Ukraine, les gens du Donbass, restés ou redevenus communistes par réaction au néonazisme justifié par l'Amérique et la caste mondialiste, ont une conduite impeccable, ils sont dignes et humains, plus rien à voir avec les gardes rouges et les commissaires du peuple. Le père Séraphin de Valaam, moine français remarquable, dit que la société russe est très malade. Et en effet, elle l'est, nous sommes tous plus ou moins dans une confusion perversement entretenue par ceux qui nous y ont plongés et leurs descendants, leurs élèves ou leurs complices, mais de toutes les sociétés de civilisation chrétienne, je dirais que la Russie est la moins atteinte, et la plus susceptible de connaître un sorte de rémission avant la fin des temps. Notre rôle à nous, en Russie, est pour moi de montrer que nous avons choisi la sainte Russie et pas Staline, que nous avons choisi la culture et la spiritualité russes et pas le béton soviétique. En ce moment, j'évite un peu ce genre de sujets, car à part les libéraux russophobes comme la veuve de Siniavski, nous sommes tous d'accord pour opérer une union nationale, orthodoxes, blancs, rouges, musulmans, bouddhistes ou même juifs, ils ne font pas tous partie de la mafia khazare; et aussi Français, dans mon cas, ou Américains, ayant épousé la Russie. Parce que le mal a changé de camp, quel que soit le passé de la Russie, ce mal qui a sévi chez elle est désormais en face, où, si l'on utilise le nazisme en Ukraine, on est surtout maçon et trotskiste, néocon transhumaniste, et la société qu'on nous impose à l'ouest sera, si on n'arrête pas les malfaiteurs qui nous la font, à mon avis plus terrible et plus aliénante que le stalinisme. Cela peut tourner mal de deux façons pour nous, ici, soit par la victoire du mondialisme transhumaniste, soit par la renaissance d'un stalinisme totalitaire, mais outre que je ne crois pas à cette deuxième option, cela signifiera que la fin des temps est venue et qu'il faudra mourir avec les derniers orthodoxes, parce que plus aucune vie ne sera possible nulle part, sans renoncer à son âme, et même si l'on y renonce, d'ailleurs. Pardonnez-moi, je comprends très bien l'anglais mais à force de parler russe, je n'arrive plus à m'exprimer...

3 commentaires:

  1. J'avais quatre articles de retard. Entre histoire de voisinage (qui ressemble à n'importe quelle histoire de voisins!) et lecture de ce tremblement de terre que nous vivons, je me régale. Je tremble aussi car je suis mal positionnée géographiquement, mes vues ne collent pas avec ce qui "se dit", cela fait maintenant bientôt 10 ans que je comprends l'entourloupe des médias et de nos politiciens (je le savais avant, mais pas dans les tripes) et c'est justement avec l'Ukraine que j'ai ouvert les yeux, presque en même temps que ce qui se disait sur la Côte d'Ivoire. Depuis, j'ai évité les merdias, et choisi mes lectures. Maintenant de plus belle. Mais cette lucidité est une torture de plus en plus intenable. Garder le moral est un gage non? La séquence co vidienne m'a traumatisée encore: on peut s'en prendre à mon corps? eeet ben voyons! La religion n'est pas mon refuge, j'ai eu trop honte de l'église catholique pour ses méfaits. Il me reste la prière, direct, sans intermédiaire! Pas de soutane, pas de sachant, pas de structure corruptible. Enfin, à vous lire, l'église orthodoxe semble également touchée. Nous sommes surtout tristement humains, et tous dans le même bateau, russes ou américains et tous ceux qui gravitent autour de ces pôles. Mais nous sommes sur un seul bateau, et nous devrons bien - au-delà des visions qui s'affrontent aujourd'hui, retrouver la raison qui consiste à accepter les différences, les accepter comme source d'enrichissement respectif. La voie des peuples. Car n'oublions pas que les peuples occidentaux sont méchamment endormis, ça oui, mais il y a des éléments du groupe qui ne le sont pas, et qui parlent comme ils peuvent dans un tel contexte. Il y a aussi un tel nettoyage de cervelle que je refuserai de juger ceux qui ne voient pas l'entourloupe (c'est drôle comme la censure change notre manière de dire les mots...). Bon je m'arrête-là, il y a trop à dire. Mais sachez que je vous lis avec gratitude parce que vous m'offrez, avec d'autres, un regard de là-bas (et dans ma langue, car comme bonne occidentale, je suis nulle en langues... slaves de surcroît!) Merci et bonne suite. A bientôt

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. L'Eglise Orthodoxe est touchée mais pas dans ses dogmes, son essence ni sa tradition. Enfin pas trop. Moi, la prière directe sans intermédiaires, je trouve que c'est difficile à long terme et ne garantit pas contre toutes sortes de dérives et illusions, la tradition de l'Eglise, ce sont des millénaires d'expérience de dialogue avec le Divin. De plus, l'Eglise est le Corps du Christ, qui nous réunit en Lui, et quand on est tout seul dans son coin, on est atomisé comme tous les autres, bien sûr, on peut garder ce lien dans une sorte d'érémitisme, et communier avec le cosmos, mais ce n'est pas simple. Ce qui se passe est à bien des égards monstrueux car cela touche à notre esprit, à notre âme, et aussi à l'intégrité de notre corps. Dans tous les pays, il y a un élément résistant, et des gens qui se donnent à cette monstruosité. Même ici, il y a des cervelles lavées qui ne voient pas où l'on nous mène, et que leur pays a un sursaut de survie qu'il faut soutenir. Avant sa reprise en mains, les médias occidentalistes ont eu le temps de faire pas mal de dégâts, et d'instiller que leur propagande, celle de l'occident et de ses maîtres, est la vérité. J'ai une correspondante américaine qui m'a dit: "Comment vivez-vous tout cela? Je sais qu'ici, on nous ment tout le temps". Les Russes mentent beaucoup moins, sauf peut-être sur les chiffres des pertes, et ils ne disent pas tout, mais un gouvernement ne peut pas tout dire; ils donnent une interprétation des faits et de l'histoire avec laquelle je ne suis pas toujours d'accord, certains croient que toute l'Europe est nostalgique du fascisme or c'est beaucoup plus pervers que ça, ce qui est pervers, c'est qu'on en arrive à penser cela, comme chez nous que tous les Russes sont des bolcheviques le couteau entre les dents.

      Supprimer
  2. Personnellement, je verrais le couteau entre les dents du côté de la grande finance, la très grande finance. Celle-ci n'a pas de patrie. Le chaos est son terreau. La peur des russes que l'on peut ressentir parfois ici - mais c'est rare, c'est les médias qui jouent leur rôle-là - cette peur vient surtout d'une grande inculture. L'école et les formations qui suivent produisent des êtres adaptés. Les autres, ceux qui giclent, sont souvent bien plus intéressants, et moins perméables à la propagande. Mais ces derniers n'ont pas droit au chapitre au niveau décisionnel.

    RépondreSupprimer