Lorsque je travaillais à Moscou, je détestais le mois de mars, encore si hivernal, un printemps qui, en France, serait considéré comme un hiver rude, et cela au moment où on n'en peut plus du mauvais temps. Mais ici, c'est une autre affaire, j'observe qu'en fin de compte, ce premier mois du printemps est le plus beau de l'hiver. Tout scintille au premier soleil, il fait encore très froid la nuit, mais le jour, le fond de l'air est doux. Le ciel dégèle avant le lac, et de grandes et légères banquises de nuées dérivent au dessus de nous, des ombres courent, des rayons fusent, des giboulées s'abattent, pleines de lumière, au loin l'horizon s'assombrit, mais les flocons étincellent. Hier matin, tout était givré, un fantastique univers de dentelles, aujourd'hui, tout resplendit, et le vent souffle, il est tombé beaucoup de neige, brillante, légère, immaculée. D'ici quinze jours, peut-être même avant, tout cela va commencer à fondre, et j'en profite comme je profite des derniers feux et des dernières tiédeurs de l'automne, de cette féérie somptueuse que l'hiver nous offre avant de partir. Son départ sera brutal, comme cette étrange bascule polaire des jours qui commence à s'accentuer vertigineusement, c'est comme un oeil qui s'ouvre, de plus en plus grand, et la clarté s'y déverse.
C'est le moment de dessiner, car les mois précédents, il faisait trop froid pour cela. Et je sens que d'ici quelques jours, ce sera fini, la neige se changera en boue, il faudra attendre le moment ou l'herbe ressurgira, avec les crocus et les jonquilles.
J'ai vu avec consternation que mon petit saule crevette, qui avait fait une si belle poussée, a été cassé en deux, et je soupçonne Nounours ou Alba d'avoir commis ce méfait. Je l'avais planté il y a deux ans et il m'aurait déjà, cette année, partiellement caché la terrasse de mon voisin et ses occupants sous l'oeil desquels se trouve tout mon jardin. J'en aurais pleuré. Les saules poussent ici à une vitesse supersonique, mais quand même, je lui avais donné une jolie forme, une longue tige coiffée d'une couronne, et il me faudra encore patienter deux ans pour faire écran aux observateurs de ma vie et ne plus avoir l'impression d'être une ourse dans sa fosse au zoo, attendant qu'on lui jette des poissons... Et puis surtout, je tremble à l'idée de déprédations ultérieures, je n'ai plus l'âge d'attendre dix ans pour avoir des arbres qui ressemblent à quelque chose. Rosie aussi se précipitait sur tout ce qui poussait pour l'arracher ou le ronger.
Un jeune Français m'a appelée hier, il était rentré en France, et on l'a arrêté, parce que sur les réseaux sociaux, il avait commenté l'épisode de la jeune Cassandre et sa pancarte "Qui?", au moment du Covid, en fournissant des graphiques parlants et gênants. Bien qu'au regard de la loi, il n'y ait pas vraiment moyen de l'inculper, la juge, pour lui pourrir la vie, parce que, comme il est souvent allé en Russie, il lui avait caché son passeport, et pour l'empêcher d'y retourner, l'assigne à résidence depuis des mois, sans procès, et pour une durée illimitée, le soumettant à son arbitraire. Du jour au lendemain, une vie peut être suspendue aux décisions d'un petit fonctionnaire haineux. C'est un beau garçon, catholique tradi, gilet jaune. Une cible...
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