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samedi 1 avril 2023

Onction

 


Alors que je commençais à m'affairer dans le jardin, je l'ai trouvé hier matin recouvert de neige. Il faisait froid et humide, un temps affreux. aujourd'hui, ca se réchauffe, c'est la gadoue partout. J'étais très satisfaite d'avoir changé mes pneus sans faire la queue, eh bien je comprends pourquoi les gens ne se bousculaient pas. Mais je ne le regrette pas, car je n'ai pas des kilomètres à faire, et demain, le coup de froid est fini.

Une lectrice de mon blog vient visiter Pereslavl. Elle n'a pas pu prendre le train, à cause de la situation en France, mais elle est prête à tout pour partir, et elle laissera sa voiture au parking de l'aéroport... J'attends également Valérie et Lioudmila, après Pâques.

Hier, c'était la lecture de l'acathiste à la Mère de Dieu, un très bel office qui dure très longtemps et m'a valu des douleurs nocturnes. Aujourd'hui, c'était l'office de l'onction. Ointe sept fois, j'ai eu l'impression de me transformer en morceau de savon. C'était le grand nettoyage de printemps spirituel. Notre prêtre ukrainien, le père Vassili, me demande d'un ton consterné et confidentiel: "Mais que se passe-t-il en France?" 

Eh bien disons qu'on ne crée pas la pagaille uniquement en Ukraine...

En sortant de l'église, je suis allée au café français, prendre quelque chose de rigoureusement carémique mais de parfaitement délicieux, grâce au cuisinier Laurent. J'ai même taillé une bavette avec lui, car les clients ne se bousculent pas, à cause du carême, et puis ce sont surtout les moscovites qui vont au restaurant. Pourtant, ce n'est pas cher du tout.

Son ex femme ne comprend pas pourquoi il travaille dans notre ville, elle n'a, à défaut de l'Europe, que Moscou à la bouche. Il me disait qu'un Russe de sa connaissance mesurait la réussite de quelqu'un à la place de son logement dans la capitale, plus on est près du centre, plus on a réussi, si on reste en province, on est un pauvre type. Comme quoi il y a des imbéciles partout.

Laurent a été séduit ici par les gens, qu'il trouve souvent très bons, qui sont restés sains. Il aime aussi le fait d'entendre sonner les cloches, de croiser des processions, d'avoir l'icône en mosaïque de saint Alexandre Nevski sur le mur de son immeuble.


J'ai vu sur facebook ce tableau de Verechtchaguine daté de 1905. Si les gens d'alors avaient pu voir ce qu'on allait faire de la Laure de Kiev, de l'Ukraine et de façon plus générale de la sainte Russie... Cette vision calme et mystique est si différente des foules qu'on voit résister aujourd'hui sous les quolibets, les coups et les ricanements des démons lâchés sur elles par l'Occident...  Mais si ma compassion est immense pour les croyants ukrainiens, le métropolite Paul qui défend le saint lieu avec un acharnement héroïque et pour lequel je prie, ainsi que pour les métropolites Onuphre, Luc, Longin et Arséni, je me dis aussi que si Dieu ne met pas le holà à ce qui se trame, de toute façon, les gnomes qui ont provoqué cette situation ne l'emporteront pas en paradis. Je suis confiante. 

D'aucuns disent que défendre les lieux saints n'a pas de sens, que nous avons Dieu dans le coeur etc... Certes. Mais quand il n'y a plus rien de beau ni de sacré, que tout a été profané, il devient bien difficile d'avoir Dieu dans le coeur, on ne sait plus comment le laisser entrer, on ne sait pas à qui s'adresser, à quel saint se vouer, on s'endurcit, on s'avilit, on se dégrade. Il n'y a pas de place pour Dieu dans un coeur racorni. On le voit bien dans tous les pays dont on l'a chassé. Les gens y deviennent mesquins et hérmétiques.

Mais Dieu sait ce qu'Il fait. Et peut-être le sacrifice de la Laure, et l'exemple des fervents orthodoxes qui se rassemblent pour elle seront-ils le signe de la fin pour les fourbes et les imposteurs, leur méfait de trop, celui qui les démasque.

Je lis le livre du père Andreï, il est plein d'humour et de tendresse. La famille de sa mère a été décimée par les nazis, elle a été pratiquement la seule à survivre; tout ce qu'il dit de la guerre est terrible, très impressionnant. La plus jeune de la famille, après l'execution des autres, alors qu'elle était restée en vie par miracle, s'est relevée en disant: "Puisque tous les miens sont morts, tuez-moi aussi." Ce qu'on a fait aussitôt...

  Il parle beaucoup de son expérience d'enseignant, quand il allait le soir faire la lecture à ses quelques élèves d'une école de campagne, où ils étaient pensionnaires, pour essayer de les faire sortir de la terreur qu'il leur inspirait. Et peu à peu, ces enfants se sont ouverts, mais l'école, elle, a fini par fermer. Il raconte qu'arrêté un jour par un flic pour un léger excès de vitesse, il l'entendit lui dire: "Ce n'est pas bien, professeur, de mettre votre vie en danger, alors que vous pouvez être si utile aux enfants." C'était un de ses anciens élèves qui l'a laissé repartir sans amende!

Lorsqu'il est devenu chrétien, et prêtre, il a eu l'impression de passer à l'intérieur de quelque chose d'éternel, d'immémorial, dont tout son pays était issu et de se l'approprier depuis les origines, son regard sur son environnement a changé. C'est une chose que j'ai ressentie moi-même, le problème est que, moi aussi, je me suis appropriée en Dieu la Russie depuis les origines! Ma réappropriation de la France est venue plus tard, et en quelque sorte, à travers ou au delà de la Russie. Pourtant, à le lire, je vois clairement nos différences d'horizons et d'expériences, d'autant plus que je me penche moi-même en ce moment sur la rédaction de mes souvenirs d'enfance.

J'essaie de lire le matin, dans mon lit, sinon, je m'endors au bout de trois phrases. J'ai une overdose de lecture électronique, j'ai lu, relu et corrigé mes livres, en français, en russe, tout ce que j'essaie de publier tant que je suis en vie pour sauver les meubles, et je suis fatiguée, j'ai la cervelle en surchauffe.


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