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vendredi 8 mars 2024

Sur la pointe des pieds.

 

Marseille by night

Je suis partie en France sur la pointe des pieds. Je ne voulais pas que des commentaires pussent entamer ma résolution, ni attirer sur moi le regard de l'oeil de Sauron. Le séjour fut riche en émotions et enseignements, mais le voyage, en revanche, l'a été en toutes sortes de mésaventures, et je ne suis pas en mesure d'écrire pour l'instant la chronique de ces deux semaines, car le petit portable russe où j'avais tout noté est resté dans ma valise à Casablanca.

Depuis les sanctions, on ne peut plus aller en France, comme dit l'expression russe, qu'à travers l'oreille gauche, et tous les voyages sont des chemins de croix généralement ruineux. Le mien l'était. Ruineux et pénible. J'avais choisi Air Maroc, parce qu'il n'y avait qu'une seule correspondance, classique, sans avoir réceptionner ses valises et repasser toutes les formalités de douane à chaque correspondance, et il y en a parfois deux ou trois. 

Je n'avais pas vu les miens, ni mon pays natal, depuis quatre ans. Fin 19, j'étais revenue avec la ferme intention de ne pas laisser passer trop de temps, et d'y aller au mois d'avril. Et puis, le covid... Comme je ne voulais ni voyager étouffée pendant des heures sous une couche-culotte, ni subir le test absurde et sadique qui consiste à aller chercher jusqu'au cerveau des traces du virus si contagieux, ni surtout la piquouse du bon docteur Fauci et de tous ses pareils, j'attendais la fin de cette folie furieuse. En novembre 21, je l'ai attrapé à l'hôpital, et le temps de guérir, déjà début 22, c'était l'intervention russe en Ukraine... J'ai remis à des temps meilleurs, mais il s'avère que ceux-ci se font vraiment attendre, et ce qui pointe à l'horizon n'est pas encourageant. Je suis donc partie, sur la pointe des pieds, et à "l'ombre de Mars", de ces événements répugnants et de ces déclarations inquiétantes. J'en parlerai quand j'aurai récupéré la valise et le petit portable.

Hier, j'ai quitté ma tante que j'adore, et j'ai marché jusqu'au métro, car on n'est sûr de rien, à Marseille, quand on appelle un taxi, et il me fallait prendre la navette pour Marignane. Ma valise n'était pas trop énorme mais quand même, il faut monter et descendre des marches, je n'ai plus vingt ans. Après quelques stations, on s'arrête à la Timone, et débroullez-vous: incident technique. Je monte, complètement perdue, l'escalier, avec ma valise, et une beurette me dit: "Je vais aussi à Saint-Charles, je vais vous montrer." Elle a même insisté pour qu'on m'acceptât dans le bus bondé.

Une fois à Marignane et la valise enregistrée, j'ai entamé une longue hibernation  sur une chaise, à écouter les annonces feutrées, et voir passer et repasser tout le Mahgreb, avec beaucoup d'enfants. L'avion est parti avec un quart d'heure de retard, et il a accentué ce retard en vol, puis au lieu de se fixer à un tunnel d'accès, il nous largue au diable vauvert, avec des bus qui mettent des heures à se remplir. J'avais vingt minutes pour faire la correspondance avec l'avion de Moscou. On m'avait indiqué une porte qui n'était pas la bonne, j'ai dû courir en sens inverse, haletante et au bord de l'infarctus. Je suis montée dans l'avion in extremis. Mais pas ma valise.

On va me la livrer dans le courant de la semaine, mais outre le petit portable, j'ai là dedans les bégonias des fidèles de Solan dans une boîte hermétique avec du sopalin humide, et de la semence pour faire du kéfir de fruits...

Ces péripéties ont duré pratiquement vingt quatre heures, et je ne ferais pas ça tous les jours, mais je suis contente de l'avoir tenté, au cas où. Je regardais, sur la route de Iaroslavl, défiler le paysage hivernal et chaotique, et je pensais à la France qui périclite et s'étouffe sur elle-même, de plus en plus baillonnée, liée de bandelettes sournoises par les sectateurs de Mammon, préssés de l'achever. Les chats avaient visiblement décidé que je les avais abandonnés, qu'il leur faudrait désormais s'accommoder de la dame venue, sur la fin du séjour, adoucir leur solitude. Quand je suis entrée dans le jardin, j'ai vu Moustachon immobile, les yeux exorbités, qui semblait se demander s'il n'avait pas la berlue, et s'est approché en bondissant, dès que le son de ma voiх lui eût prouvé que c'était bien moi. Aussitôt a rappliqué Robert. Puis Blackos. Georgette, sur le bord de la fenêtre, semblait elle aussi penser qu'elle avait une hallucination. Mais Rom, qui avait pratiquement disparu pendant mon absence, n'osait même pas approcher, et poussait des cris déchirants en me regardant de loin! Enfin il a décidé que ses sens ne le trompaient pas, et il est venu se frotter frénétiquement sur mes jambes, en tapissant mon jeans de poils. Rita revient demain, j'irai la chercher au café français, il paraît qu'elle languit, moi aussi.



                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    Je recommande cette vidéo très éclairante sur la situation de la France et la mentalité  qui l'a permise.


                                                                                                                                 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                

3 commentaires:

  1. Merci, ça ne donne pas envie d'y aller en France... Vous avez eu du courage! Nécessité fait loi... J'aime vos textes, j'espère que vous récupérerez votre pc.

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  2. Quel simple et petit bonheur d'avoir une nouvelle date et une surprenante et toute mimi écriture (qui manquait grave beaucoup ;) comme disent les d'jeunes !)L'aventure c'est l'aventure;Bravo à vous!Amicalement ,

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