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mardi 21 mai 2024

Rayons

 

Dany m’avait envoyé un mot pour me dire que le gouvernement russe avait signé l’accord maudit avec l’OMS, ce n’était pas officiel, mais elle le savait. J’étais catastrophée mais, bien qu’il y ait pas mal de chances que le gouvernement commette cette signature qui pourrait nous placer complètement sous tutelle mafieuse et ferait du sacrifice des soldats russes un massacre inutile, le traité n’est pas signé, il ne le sera pas avant la fin du mois. Parallèlement, d'après Isabelle, des voix dissidentes disent que ce traité est mort avant d'être signé. Ca aussi, j'aimerais bien savoir si c'est vrai. Car en ce cas, la signature de ce papier par les Russes n'aurait pas du tout le même sens, car ainsi que me le fait observer un autre ami inquiet, la signature du traité serait en contradiction complète avec l'opération menée en Ukraine et dans le monde, du moins si il est vraiment mis en application, si l'organisation mafieuse est encore en mesure de l'imposer. 


Je suis allée chez ce couple rencontré à l’église du père Ioann, Vladimir et Mariana. Nous avons plein de connaissances communes. Ils vivent au village de Dobrylovo, que je ne connaissais pas, c’est un endroit ravissant, une belle église perchée sur une colline, environnée d’espaces immenses, et surplombée par un ciel énorme. Mais là dessous, une palissade rouge de cinq cents mètres affiche : terrains à vendre...

En chemin, un bonhomme m’arrête en agitant les bras et me demande de le ramener vers la route principale, ce qui me faisait rebrousser chemin sur cinq kilomètres. « Je prierai pour vous toute ma vie, » me dit-il en pleurant, à mon avis, plein comme un coing, mais bon... Quand on est plein comme un coing au milieu des bois à six heures du soir, ce n’est pas marrant. Je l’ai remis dans la civilisation avec le sentiment d’être charitable mais imprudente.

J’ai fait un saut à Moscou pour faire faire la traduction assermentée de mon permis. Je vais avoir un permis russe, et c’est semble-t-il assez facile en ce moment, profitons-en, ce sera une bonne chose de faite. Je suis allée à l'église du père Valentin, et j'ai eu droit à une magnifique procession au son des cloches, pour le dimanche des Femmes Myrrophores, avec du soleil, une douce brise, les arcs éblouissants des jets d'eau bénite que déversaient sur nous nos prêtres souriants et ravis de nous faire ce plaisir. Puis je suis allée à l'église des vieux-croyants, le dimanche des Femmes Myrrophores est aussi l'anniversaire de l'oukase de Nicolas II qui mettait fin à toute persécution à leur égard et leur donnait un statut normal. Il y avait plein de barbus en chemises russes, et parmi eux, Veniamine le Suisse cosaque, son miel, sa femme Katia, et son fils Savva. Mais pas Skountsev.



 

Cette fois, j’étais chez Xioucha, car les filles de Liéna étaient malades et je ne voulais pas risquer de me faire contaminer. En réalité, elles ne l’étaient plus tellement quand je les ai vues à l’église. Du coup, je suis passée chez le père Valentin, j’ai laissé « Epitaphe », je l’ai donné en français à Macha qui y était aussi. J’étais contente d’apercevoir Macha et de voir un peu Xioucha, qui est si gaie, chaleureuse et vivante, et généreuse.


Son quartier reste encore joli, avec de vieilles maisons du XIX° siècle, et même une maison de marchand à l’étage en bois. Il y a un parc agréable pour promener Rita. La nuit, il faisait très doux, la brise m’apportait depuis les nombreux cafés, des relents de musique et de cuisine, des trottinettes traversaient l’espace, avec des lumières clignotantes et multicolores, pareilles à de gros insectes. Je n’aime pas ces machins, ni les gens qui les utilisent, et j’ai toujours peur de me faire renverser ou de voir mon chien écraser sous mes yeux, mais je dois dire que cet étrange spectacle m’a fascinée, et j’ai eu une pensée pour ceux qui avaient construit les vieilles maisons survivantes, quelle tête auraient-ils faite en voyant ce que je regardais ? Les jeunes gens qui passaient avaient des physionomies de Russes typiques, mais qu’y a-t-il encore de commun entre eux et les jeunes gens de cette époque, élevés traditionnellement, héritiers d’une tradition séculaire ? La langue, et encore elle-même a changé, et la foi quand ils sont orthodoxes. 

Une inconnue m’appelle. Elle voudrait déménager à Pereslavl Zalesski, mais elle voudrait aussi être sûre qu’elle y trouvera un milieu ouvert à ses idées et intérêts. J’ai compris qu’elle rejetait en bloc toute la société russe actuelle, en dehors des monarchistes purs et durs, elle rejette également le patriarcat de Moscou. Elle ne reconnaît pas la réunion du patriarcat et de l’Eglise hors-frontière. Je lui ai fait observer qu’ici, on n’avait rien d’autre en magasin. J’ai senti un certain mépris, suivi de considérations sur l’histoire de l’Eglise russe, qu'elle connaît très bien, depuis l’époque de saint Serge de Radonej... Bon, admettons, alors redevenons tous vieux-croyants, j’y ai pensé moi-même, si j’avais un esprit extrémiste, c’est peut-être ce qu’il me serait logique de faire, d’ailleurs. En réalité, il y a des tas de choses que je ne sais pas, je ne suis pas une érudite, il y en a beaucoup que j’ai oubliées, il y en a beaucoup que je ne saurai jamais, et c’est peut-être dommage mais je fais mon miel où je peux, et je n’ai plus le temps ni les forces. Je suis monarchiste, mais je suis aussi réaliste. Je regrette le schisme des vieux-croyants, je ne trouve pas utile d’en créer un de plus. Beaucoup de gens en Russie ont été bien abîmés par l’URSS et la modernité, le progressisme, puis le consumérisme arrivé ensuite, nous en sommes tous là. Cependant, le bon aspect du communisme a été de les préserver longtemps du capitalisme mafieux, du freudisme, de la dégradation morale, de l’intellectualisme creux et snobinard dont le wokisme est l'aboutissement lamentable. Certes, les guerres du XX° siècle n’ont eu de vrais gagnants que les banksters et les sionistes, mais je ne peux pas cracher sur les mythes de tout un tas de braves gens dont les parents ou grands-parents sont morts par millions avec héroïsme, que le mythe soit ou non exploité politiquement dans tous les sens. Que puis-je faire de pages couvertes d'imprécations, de lamentations, de caricatures, assorties de portraits de Nicolas II, des officiers blancs, et de récits sur les martyrs, sur les massacres de paysans, sur les intellectuels injustement réprimés et calomniés, et tout cela n’est pas faux, je ne dirai pas le contraire. Mais peut-on s’hypnotiser toujours sur cela, ne jamais rien voir de positif ? Dieu sait que je ne suis pas du genre à blanchir les rouges mais laissez-moi souffler... Et puis les migrants, avec toujours des photos d’asiates ricanants, impudents, perfides, qui font appel aux émotions extrêmes et aux instincts animaux, je suis allée à Moscou, et n’ai pas vu une capitale submergée par des hordes mongoles, personne n’a peur, tout le monde est calme, et même libre, décontracté sans être débraillé, en tous cas dans les coins du centre où je suis passée. Et là encore, Dieu sait que je ne suis pas favorable à la submersion migratoire et convaincue qu’elle est organisée, mais encore une fois, pourquoi noircir tout le temps le tableau et aussi réduire toute une population à des malfrats ricanants, alors que beaucoup d’ouzbeks cèdent leur place aux vieux dans le métro, et que mon épicier tadjik très aimable fait commerce honnête de ses spécialités orientales délicieuses, pourquoi ne pas admettre que la vie est la vie, qu’elle est pleine de nuances, et qu’on ne peut sans arrêt être dans la révolte, la colère, l’invective, la rancoeur et déshumaniser les gens en les représentant d’une façon systématiquement caricaturale et insultante ? Malgré toute ma tristesse, c'est bien ce qui m'est apparu en France, où le problème est plus grave qu'ici... Dieu sait, encore une fois, par ailleurs, que je suis consciente du rôle néfaste d’une certaine intelligentsia juive dans la vie russe depuis les « deux siècles ensemble » dont parle si bien Soljétitsyne. Et pas seulement dans la vie russe, d’ailleurs, il suffit de regarder tout le monde occidental, et son prolongement israélien au moyen orient. Mais j’éprouve un malaise total devant les pages bourrées de caricatures antisémites, de jérémiades et d’invectives, où l’on n’aborde aucun autre sujet, où l’on nourrit sa haine en grattant ses plaies. Il m’est très difficile de discuter avec des gens obnubilés et ulcérés qui veulent votre adhésion entière à leurs thèses, sous peine d'anathème. Le problème est d’ailleurs qu’en ce moment, on en trouve dans pratiquement tous les camps. Et que ceux qui ont ourdi tout cela se réjouissent de tous nous jeter les uns sur les autres. Je pense souvent à mon évêque, monseigneur Théoctyste, me répondant à la confession: "On ne vous demande pas d'avoir pour vos ennemis une affection profonde, mais de ne pas les déshumaniser. Ainsi, les Français en ce moment nous font des misères, certains les surnomment des grenouilles, eh bien il ne faut pas le faire."

Je suis tellement lasse de ces passions exacerbées que pour un peu, je me ferais ermite. Heureusement, j'ai eu des rayons de lumière dans toute cette angoisse. La mère Hypandia a chargé Cathy de me transmettre "tout son amour", et quand elle lui a fait part de mon regret de ne pas l'avoir vue plus longtemps, avec ses soeurs, elle lui a répondu: "Nous ne nous sommes jamais quittées." Cela m'a profondément émue et réconfortée, car en effet, il y a de cela, je pense si souvent à Solan, à la mère Hypandia, aux soeurs, que leur prière me devient palpable, et elle me soutient sans doute plus que je ne le réalisais..

Et puis j'ai trouvé dans le blog de Maxime ce merveilleux message: 

https://orthodoxe-ordinaire.blogspot.com/2024/05/pere..
"Je recommande avant tout un état d’allégresse intérieure, intime, dans le cœur, état qui suppose la prière ininterrompue. C’est un état d’allégresse véritable, dégagé des soucis de la vie, des soucis que présente, d’une façon ou d’une autre, le chemin de la vie: de toute façon, un état d’allégresse. Quand on s’attriste, le diable couve ses œufs! Et cela produit un état d’absence, de ténèbre. Tant que l’être humain ne meurt pas à son mode de vie d’élévation de soi et de prétention, toute la création souffre. Nous vivons dans une grande unité, toute la création de Dieu est une unité. Quand nous nous éloignons de cette grande unité, nous sommes dans une position d’annulation, d’auto annulation. Je recommande donc une attitude de vie. La tragédie du monde entier doit être pleurée comme nos propres péchés, et l’état de prière signifie un état de présence. En ce qui me concerne, en tant que père spirituel qui toute la journée parle avec un monde qui a besoin de verticalité, je ne recommande pas des efforts ascétiques, des renoncements. Je recommande un état permanent de présence, qui signifie la reconnaissance des forces du bien qui sont en nous."

le père Arsène Papassios


5 commentaires:

  1. Merci Laurence pour cet excellent texte ! C'est réconfortant en cette période troublée. Fred de Tahiti

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  2. C le Père Papassios, ce moine au sourcil gauche joyeusement dressé, qui a publié ce texte ? ❤. En ces temps difficiles, cultivons joyeusement notre jardin, et aidons le voisin ! Merveilleux texte !

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  3. Bonjour Madame Guillon.
    Je lis vos récits avec bonheur.
    Vous écrivez comme j'aimerais écrire si j'écrivais.
    Ce Père au regard si pétillant m'inspire "... quand on s'attriste le diable couve ses œufs... ", c'est tellement vrai ! J'étais hier jeudi, pour l'Ascension, à la messe dans une église tenue par des coptes et des roumains où la liturgie et les Chœurs sont en français. D'ordinaire je fréquente une église prêtée aux ukrainiens où tout est en slavon ; les trois choristes, des pros aux voix harmonieuses et cristallines qui élèvent les âmes me transportent. Il y a plein de gosses et ensuite, on partage ce que chacun a apporté.
    Je vous souhaite une bonne journée.
    Christian le joueur de duduk.

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    1. Merci Christian, cela me va droit au coeur, mais qu'est-ce que c'est que le duduk? Quelquefois, j'aimerais bien une liturgie en français, quoique la liturgie, je la comprends, maintenant, c'est plus compliqué quand il y a de longues lectures de psaumes ou de prophéties, et lire en même temps, je trouve que c'est fastidieux. J'aimais beaucoup la liturgie byzantine en français du monastère de Solan. Ici, on fait de temps en temps des liturgies en français pour les Africains qui deviennent de plus en plus souvent orthodoxes et font des stages à la Trinité saint Serge, ou même chez le père Basile Pasquiet.

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