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samedi 11 juillet 2020

La cabane au fond du jardin



Mes locataires sont arrivées, mais je ne sais pas pourquoi je m'impose cela, finalement, pour rentabiliser ma grande maison, pour en prendre l'habitude, au cas où cela deviendrait indispensable? Je planifiais de transporter la cuisine que j'ai installée dans une seule petite pièce avec le coin douche dans la pièce à côté, ce qui ferait une cuisine-salle à manger décente, séparée du reste, et me permettrait de faire une entrée complètement indépendante, mais à ce moment-là, je perdrai une chambre, je n'aurais plus qu'un grand studio. J'avais enlevé le lit pour arranger les deux poètes, qui voulaient installer le leur, orthopédique. Il est maintenant démonté dans un coin. Or voilà que mes deux arrivantes veulent deux chambres séparées. Et en plus, cela ne va pas que ce qu'il me reste de lit dans la grande pièce, un lit superposé double, soit trop près de la porte de l'autre chambre, il faut le transporter à un autre endroit, dont je devrai enlever tous les tableaux. Et puis le drap housse cela ne va pas non plus, il faut un vrai drap, une taie d'oreiller en vrai coton, et enfin, on n'arrive pas à installer la Wifi, j'ai dû faire appel à un spécialiste d'urgence, il n'arrive toujours pas, toute ma journée est passée dans ce genre de détails. Le spécialiste va me bloquer l'ordi pendant une heure. Hier, c'était le plombier qui me faisait un cours de physique-chimie, quand je lui demandais simplement de faire en sorte que l'eau ne passe pas dans la douche de l'état bouillant à l'état glacial de façon inopinée et incontrôlable...
Après quelques locataires, et leurs diverses exigences, cela ne ressemble plus à rien, là bas. Mais quand j'aurai terminé ces aménagements, ce sera en l'état ou rien, et qu'on me rende l'endroit tel qu'il était à l'arrivée.
Jusqu'à présent, j'en avais qui du moins n'étaient pas difficiles, celles-ci vont je crois bien m'emmerder. Je vais réserver cela à des copains ou pour les réfugiés français qu'attend l'higoumène Dmitri!
J'ai dit à Skountsev que je ne pourrais pas travailler avec lui aujourd'hui. Il est venu hier, mais comme il était soumis aux desiderata de l'équipe de tournage, il était difficile de planifier quelque chose. Marina et lui ont passé chez moi deux heures, le temps de bouffer et de répéter un peu, car il voulait voir mes instruments, et me montrer sur pièce comment m'en servir pour des gestes que je ne peux saisir à distance.
Sa femme m'a confié avoir trouvé une lettre enflammée de sa bru dans de vieilles partitions de son fils qu'elle allait jeter à la poubelle: "Elle lui mettait toute son âme dans cette lettre, et lui l'a laissée n'importe où.
- Oui, mais cela ne l'a pas laissé indifférent, il l'a quand même épousée...
- D'accord, mais c'est pour dire qu'ils ne sont vraiment pas comme nous, ils ne peuvent pas nous comprendre, et réciproquement, et s'ils nous comprennent, ce ne sont pas des hommes, et d'après le prêtre, ils ne nous servent alors à rien. Si nous voulons être comprises, il nous faut aller trouver des femmes."
Cela m'a plongé dans des abimes de réflexions. Je ne pense pas que ce soit absolument vrai, j'ai entendu une fois une interview du père Vladimir Viguilianski, qui a une grande complicité avec Olessia, et il disait que la condition d'un bon mariage était un sentiment d'amitié entre époux qui survit à l'engouement sensuel et unit dans les circonstances diverses de la vie. Ce sentiment d'amitié existait entre ma mère et mon beau-père. Je pense que dans un certaine mesure, il existait aussi entre le père Valentin et sa matouchka. Je pense qu'il existe entre le père Antoni et sa femme Myriam. Personnellement, c'est ce que j'ai vainement cherché, car les hommes qui avaient des points communs avec moi ne me considéraient plus comme une femme, mais comme un copain, tandis que des "vraies femmes", ils se plaignaient abondemment, avec toutes sortes de sarcasmes. L'amitié implique le respect et exclut le mépris, l'exaspération et la rancoeur. Je n'ai pas le réflexe d'aller chercher de la compréhension chez les femmes, à l'exception de ma mère autrefois, ou de mes tantes, et de celles qui n'ont pas ce qu'en russe on appelle "babstvo", ce côté femelle, possessif, hystérique, tyrannique, cette tendance à être dans la rivalité permanente, tout cela assorti d'un prosaïsme profondément emmerdant, à des degrés plus ou moins marqués. En l'occurrence, je m'entends malgré tout mieux avec Skountsev qu'avec sa femme, je me sentais beaucoup plus à l'aise aux répétitions où j'étais seule avec dix cosaques que dans une compagnie de nanas, si j'aime Xioucha et Dany, c'est que ni l'une ni l'autre ne sont dans le registre "babstvo". Et bien que je sois traditionnaliste, et que je conçoive très bien que les hommes aient besoin d'être entre eux par moments, me trouver tout le temps dans une compagnie féminine me déprimerait plutôt. Au point que je n'entrerais pas au monastère, je préfère les monastères d'hommes!
J'ai vu une série de photos sur des vieux-croyants de Sibérie, en république bouriate, et ce qui me saute aux yeux, c'est que leurs petites maisons sont solides et très bien entretenues, certaines ont des toits de tuile métallique, car de nos jours, il est difficile de l'éviter, mais ils ne jurent pas du tout avec les façades ni les autres maisons, ce qu'on voit de décoration intérieure est très joli; les costumes sont très colorés, sans doute même trop, le costume russe traditionnel tel que j'ai pu le voir dans les musées, les livres et les ensembles folkloriques qui récupèrent des vêtements authentiques, a des teintes riches mais moins criardes, plutôt dans les rouges, blanc et noir. Cependant, il règne dans ce village une harmonie qui a complètement disparu de Pereslavl, par exemple, et de quartiers entiers de villes russes autrefois pittoresques. Le respect de la tradition empêche naturellement de faire n'importe quoi, autant avec ses vêtements qu'avec ses maisons, mais au delà de cela, je pense qu'il donne une harmonie intérieure qui se reflète dans une harmonie extérieure et si notre civilisation est si laide, c'est qu'elle fait les âmes tordues, et des âmes tordues ne produisent que de la contrefaçon, du mauvais goût, voire de la monstruosité. Le mauvais goût qui atteint à présent une dimension fantasmagorique, métaphysique, est la marque de la chute, de la dégénerescence de la société moderne antitraditionnelle. Qui plus est, alors qu'on nous parle sans arrêt de la misère des campagnes, ces vieux-croyants semblent bien vivre, sans tous les excès de la société de consommation, simplement et dignement.
Parallèlement, j'ai vu la photo d'un tableau de Polenov que j'aime beaucoup, "une cour de Moscou", mise en regard du même endroit de nos jours, avec la même église, et autour un décor urbain banal. La plupart des commentaires déplorent la transformation. Le tableau est idyllique, paisible, féérique. On y sent l'atmosphère que j'avais trouvée à Pereslavl la première fois que j'y étais venue; une sorte de nonchalance, de simplicité détendue dans un décor organique, naturel et pittoresque. Quelque chose d'assez proche de ce village de vieux-croyants, mais en plus délabré, car les vieux-croyants ont gardé toute la vertu des anciens, ils sont travailleurs, honnêtes, cela se sent dans leur maintien, dans la propreté de leurs maisons.
C'est alors qu'intervient une bonne femme qui n'échangerait pas le paysage urbain contre celui de Polenov, car on faisait alors la lessive à la rivière et on avait les cabinets au fond du jardin. Donc vive les cages en béton, et quand j'ai protesté, elle m'a répondu que je ne ferais pas ma lessive dans la rivière et mes besoins au fond du jardin. Elle rejoint en cela tous ceux qui se scandalisent qu'on répare une église ancienne plutôt que de "construire un hôpital ou un jardin d'enfants", c'est-à-dire la mentalité communiste ou capitaliste utilitaire qui vend son âme pour un plat de lentilles.
Il est évident que vivant seule, ayant grandi à notre époque et ayant un certain âge et des rhumatismes, je n'irai pas laver à la rivière ni recourir à la cabane au fond du jardin, encore que de ce côté-là, on trouve des arrangements. Mais ce raisonnement me paraît profondément faux, et du reste, même si, dans une certaine mesure il est vrai, si la vie était plus inconfortable, plus dure, cela ne veut pas dire que nous ayons gagné à nous la simplifier, ou que nous n'ayons pas compliqué d'un côté ce que nous avons simplifié de l'autre, et surtout humainement et spirituellement terriblement appauvri notre existence. Mais il y a des gens, produits de la modernité, qui, voyant le tableau de Polenov, et tout ce qu'il nous dit sur ce que nous avons perdu, restent au niveau des chiottes et du linge sale, c'est comme cela. Ce qui est triste, c'est que cette mentalité n'était pas du tout russe, elle était petite-bourgeoise et occidentale. Mais c'est celle qu'ont imposée les révolutions politiques et industrielles, en éliminant et rééduquant tous ceux qui y étaient réfractaires.
Le raisonnement est faux, parce que ce que ne faisaient pas les robots ménagers, les gens le faisaient en commun ou à tour de rôle, et souvent en se racontant des histoires, ou en chantant, la fonction créative de l'être humain, qui est en réalité communicative, qui ne devrait pas être individuelle, je dirais même qu'elle ne peut pas être limitée à l'individu sous peine de le faire sombrer dans la folie, faisait partie intégrante de la plupart des activités. Le sacré et le symbolique également. De sorte que la vie était probablement physiquement plus dure, mais psychologiquement plus simple, et humainement, spirituellement plus enrichissante et plus digne. De plus, d'accord, la machine à laver, l'aspirateur, mais la plupart des gens passent leur vie à accomplir des tâches qui ne les concernent pas, ne les enrichissent pas mais au contraire les aliènent, pour ensuite perdre quatre heures dans les transports afin de rallier leur cage en béton et s'écrouler devant les conneries de la télévision, sans plus rien supporter, ni leur moitié, ni les gosses ni le chien, mais ils sont persuadés qu'en les arrachant à cette vie campagnarde communautaire et transfigurée par une humble, ancestrale et quotidienne création collective, et par le sens sacré de l'appartenance au cosmos et à Celui qui l'inspire, on les a libérés et qu'ils sont considérablement plus intelligents que leurs ancêtres ploucs pour lesquels ils ont un mépris apitoyé. Moi, dépendante de la machine à laver et des commodités, après avoir passé ma vie seule, sans mari et sans enfants, j'ai conscience d'être une erreur de la nature, un peu comme un lion ou un ours qui a passé la sienne dans une cage au zoo. Les talents que j'ai ne m'ont pas donné de chaleur et ne m'ont pas délivrée de mon égoïsme. Dans le chagrin de ne pouvoir vivre en famille, et la profonde aversion du système de vie où j'étais née, l'obligation d'aller travailler pour remplir un compte en banque et ne pas me retrouver sous les ponts, qui m'emplissait de stress et d'angoisse, je n'arrivais pas à créer spontanément, je n'avais ni les bonheurs de la femme épanouie, ni ceux du créateur absorbé. Et j'étais obligée de vivre dans ce milieu artificiel immonde qu'on appelle une ville, ou plutôt une agglomération, une ville, c'est encore trop organique, et qui nous coupe de la terre et du ciel, des forêts, des fleuves, des nuages, des étoiles, des autres créatures que nous ne savons plus comment offenser et persécuter au lieu de les admirer avec ravissement. Oui, j'ai poussé comme un arbre tordu, comme un bonzaï dans son pot. Mais j'ai poussé quand même et je ne me suis pas désséchée; alors que tant d'autres, comme la femme du commentaire, préfèrent le béton soviétique avec un chiotte et une machine à laver au quartier organique et vivant de Polenov, plein de ciel, de soleil, et de coupoles dorées qui se dressent avec une douceur recueillie, prière séculaire reconnaissante et centrale. De cela je peux rendre grâce à Dieu qui ne me laisse pas tomber...








photos Alexeï Romanov
https://www.facebook.com/groups/neizvepro/permalink/2618948668372254/?__xts__%5B0%5D=68.ARArKF4AxE_Xz2XJIjWFKy2-HG2A5ny7804SVmSkrZXk0A6FPdjjKXNhvylRWzgrIIRlwCDFcbTSigwD0Hk5kDQ1ZwlEwsqgwvMltcWkV5AYw30jsEcc4YfZQhhQ3NPhjrVn7gA5ghR4t4YGxBFEZZJ226XaZ9f6aESZ-LjNQTEzcCXUPxJbpAhZcim1s5z_H8WDwPmtG_Ry33hYz2n_p_yuho9M4hI_paiVpnSjfyGrBRlquQ6NeW5uaJCYzxu4jioxD0ly1a6mGjAOsNkKdZS95yPVh2hg8QU0rkgeG-lZKeRndTQvhcTTCg&__tn__=H-R

mardi 31 décembre 2019

Humeur de fin d'année sinistre

Nous assistons tous à l’installation d’une dictature mondiale ou du moins à des tentatives arrogantes, et accélérées visant à l’installer, mais toujours dissimulées, bien qu’imposées d’en haut, sous des prétextes qui en masquent le contenu.
Ainsi plein de gens, en occident, qui sont persuadés que les Russes sont des brutes, ne comprennent pas la résistance, notemment de l’Eglise, à la loi sur les violences domestiques, une loi qui permet déjà, dans les pays scandinaves, d’enlever abusivement les enfants à leur famille sous des prétextes très légers. On voit aussi des cas de ce genre en France. Et même déjà en Russie, ou sans avoir une telle loi, les fonctionnaires des services sociaux commettent des abus de pouvoir et mettent parfois enfants et familles dans des situations affreuses. Que sera-ce demain, si cette loi est adoptée ?
Si l’on comprend, comme moi, qu’une dictature de type Big Brother est en voie d’installation par des gens qui ont une mentalité de mafieux et de satanistes, on regarde chacune de leurs lois noblement intitulées avec une extrême méfiance. Sous prétexte de protéger femmes et enfants, c’est d’exercer un total contrôle sur les individus dès le berceau qu’il s’agit. Et de briser tous liens familiaux et toute éducation traditionnelle. Cette loi n’est ni plus ni moins que la mise en œuvre du contrôle d’une bande de créatures des ténèbres sur des gosses qu’elles dresseront à leur gré sans que les parents puissent rien faire.
J’en ai trouvé le résumé que voici :
Les « juvénaux » ont le droit de s’ingérer  dans n’importe quelle famille et d’enlever n’importe quel enfant, à leur gré, sans jugement du tribunal.
La quantité d’enfants dans une famille nuit à la qualité de vie de chaque enfant, ce qui crée un prétexte pour les enlever. (Donc si vous avez une famille nombreuse et repeuplez les contrées qui doivent être livrées par les mêmes malades au remplacement de population et au métissage, vous êtes déjà susceptible de voir vos enfants placés chez n’importe qui).
Les « juvénaux » évaluent et dictent aux parents les méthodes obligatoires d’éducation et d’entretien des enfants (si vous êtes contre la théorie du genre, l’initiation précoce à la sexualité, si vous donnez une éducation chrétienne à vos enfants, ou trop intellectuelle, ou Dieu sait quoi encore, on peut vous les enlever) .
Toutes les mesures disciplinaires sont interdites en famille. La punition est une violence et contrevient aux droits des enfants (car si les éducateurs peuvent désormais se permettre de montrer à vos gosses les bienfaits de la masturbation décomplexée, vous, vous n’avez pas le droit de leur donner la fessée qui part toute seule et qui semble même attendue comme une catharsis. Or les meilleurs gosses que j’ai vus de ma vie, les plus attachants, les plus gentiment spontanés, avaient une éducation stricte, où on ne les battait pas comme plâtre, mais où le père était à la fois admiré et respecté).
Les droits des enfants sont supérieurs à ceux des parents. Les parents sont présumés coupables.
La justice juvénale est une instance particulière qui n’est pas soumise aux tribunaux internes et externes au pays (c’est-à-dire que tout cela provient bien du même endroit que la théorie du genre et autres absurdités destructrices, des instances supranationales qui sont, toute personne consciente doit le savoir à présent, entre les mains d’une caste mafieuse au dessus des lois qui est en même temps une secte.)
Par conséquent, les Russes et l’Eglise russe font preuve d’un discernement réconfortant en ne se laissant pas piéger à la culpabilité et aux bonnes paroles. Vous confieriez l’éducation de vos enfants à Georges Soros, aux époux Clinton ? A l’ogre du Petit Poucet ? A Gilles de Rais ?
Parallèlement, nous voyons surgir  ce qui est pudiquement appelé « la loi sur les libertés religieuses » au Monténégro, qui n’est rien d’autre qu’une spoliation éhontée de l’Eglise serbe, devant à mon avis précéder, comme en Ukraine, l’installation d’une « Eglise autocéphale ». Mais la plupart des occidentaux voient écrit : « liberté religieuse » et hochent la tête avec approbation, comme lorsqu’ils voient « démocratie » ou « droits » des uns et des autres. C’est déjà un réflexe de Pavlov bien installé. La loi en question est destinée à casser l’orthodoxie, dernier bastion d’un christianisme cohérent et authentique, et va déclencher sur place les mêmes persécutions qu’en Ukraine. De surcroît, le patriarche Irénée ayant  résisté aux intimidations mafieuses de la CIA, il convient de le punir en déclenchant ces désordres. Ensuite, on ira faire la même chose en Tchécoslovaquie, où des jalons ont déjà été posés, en Géorgie. Et Pompeo s’apprête à aller en Biélorussie, essayer de trouver des maillons faibles. En fait, partout où est allé le patriarche Bartholomée essayer de faire reconnaître son golem autocéphale ukrainien, dirigé par un aventurier notoire et grotesque, déguisé en métropolite, il a été précédé d’une délégation américaine décidée à préparer le terrain, la carotte dans une main et le bâton dans l’autre. Mais plein d’imbéciles font encore une fixette sur le KGB fantôme qui n’existe plus en tant que police politique depuis la Perestroïka, ou disons, les années Eltsine.
Pour ne pas voir que l’Amérique tente de diriger le monde à la manière dont Al Capone administrait Chicago, il faut vraiment délibérément fermer les yeux.
Tout nous est, avec une grande fourberie, présenté sous le paquet cadeau d’intentions magnifiques. Ainsi le pape qui nous livre avec enthousiasme au génocide par submersion migratoire et métissage forcé, indifférent à la détresse matérielle et morale croissantes des indigènes, aux abus dont ils sont l’objet, aux persécutions religieuses (et politiques) de plus en plus patentes, accommode l’Evangile à la sauce bisounours pour nous faire accepter ce qui mettait nos ancêtres à cheval, flamberge au vent, tandis que les manants faisaient chauffer l’huile bouillante aux créneaux. A cela, j’ai trouvé pour réponse une anecdote du métropolite Antoine de Souroj, homme de Dieu irréprochable :
"Je dirigeais une fois la retraite de carême pour les étudiants d'Oxford, et à mon premier entretien, je ne sais plus ce que j'avais dit, un de ceux-ci s'approche de moi et me dit:
- Je quitte la retraite, vous n'êtes pas chrétien.
Je dis:
- Bon, quitte-la, mais explique-moi au moins en quoi je ne suis pas chrétien?
Il dit:
- Vous n'êtes pas pacifiste.
Je dis:
- Non, je ne suis pas pacifiste, je ne crois pas qu'il ne faut jamais réagir. Et toi, tu es pacifiste?
Il répond:
- Oui.
- Et tu es prêt à aller jusqu'au bout dans ton pacifisme?
- Oui, jusqu'au bout.
- Eh bien alors réponds à ma question. Tu entres dans ta chambre et tu vois qu'un voyou s'apprête à violer ta fiancée. Que fais-tu?
Il me dit:
- J'essaie de le convaincre de renoncer à sa mauvaise intention.
- Bien, supposons que pendant que tu lui fais un discours, il continue son affaire.
- Je me mets à genoux, et je prie Dieu d'empêcher cela.
- Eh bien, et si quand même tout se produit, il se lève et il s'en va, que fais-tu?
- Je prie Dieu pour que de ce mal sorte un bien.
- Tu sais quoi? Si j'étais ta fiancée, je chercherais quelqu'un d'autre, parce que oui, ta démarche est cohérente, mais c'est quand même épouvantable!"
En effet, c’est épouvantable, un pape qui livre ses ouailles aux infidèles et participe à la transformation de l’Europe en gigantesque Kossovo. Comme il va exactement dans le sens de la caste qui fiche la pagaille en Ukraine et au Monténégro, et cherche à pourrir la Russie de l’intérieur, toujours à l’affût du maillon faible, du traître qui va faciliter ce sale travail, nous pouvons en conclure qu’il est à son service. 
Cependant, le soulèvement serbe est spectaculaire et bénéficie du soutien musulman local, de même qu’un ministre tchétchène a fait un discours enflammé pour soutenir la Russie orthodoxe éternelle qu’il respecte, contre les « valeurs occidentales » qu’il méprise. Peut-être va-t-il se produire quelque chose de salvateur…

Cela fait déjà un moment que les ressemblances entre le communisme bolchevique d’il y a un siècle et le bolcho-capitalisme qui s’installe commencent à m’apparaître. Mais le second s’exprime un peu différemment. Pas de camps de concentration, en tous cas pas pour l’instant. Mais les paysans ont presque tous disparus, les derniers se suicident en série. C’est me semble-t-il mieux réussi que la collectivisation atroce des années 30 qui fait un peu désordre et a laissé subsister quand même quelques kolkhosiens et leur folklore, depuis longtemps oublié chez nous par les « exploitants agricoles ». Les campagnes, les petits commerces, les artisans sont l’objet depuis longtemps de persécutions subtiles, l’URSSAF, les normes européennes, les impôts, le manque de considération, et maintenant, cela ne vous étonne pas que les tribunaux donnent toujours raison aux emmerdeurs qui ne supportent pas le chant du coq ni les sonnailles des vaches, et font déménager des gens de leur ferme ancestrale ou fermer des boulangeries ? Dans tous pays et civilisation normaux, les nécessités du travail passeraient avant les caprices des mauvais coucheurs…
Pas de destruction officielle d'églises, pas de persécutions avouées, mais l'incendie jamais poursuivi et même rarement commenté dans la presse, de nombreuses églises, dont Notre Dame dont on ne me fera jamais croire qu'elle fut victime d'un mégot mal éteint. Et les profanations de cimetières, les destructions de crèche, les intimidations diverses, les sarcasmes, la propagande incessante et imbécile des séries télévisées, des romans, des manuels scolaires, l'histoire effacée et travestie, là aussi on dirait que le libéralo-bolchevisme arrive mieux à ses fins que le bolchevisme en bottes de tchékistes.
Enfin pour ce qui est de la terreur rouge, nous avons plus subtil, nous aurons la terreur noire qui commence d'ailleurs déjà, et à laquelle s'opposer est raciste, d'autant plus qu'en tant que blancs, nous avons à peine le droit d'exister, comme on le démontre à la fois à la population de souche et à celle qu'on lui importe par millions, en lui fournissant toutes les justifications qu'elle attend pour piller, violer, torturer et tabasser impunément.
Il me manque même pas au tableau les spoliations, puisqu'on envisage de rendre la propriété viagère pour tous, sauf pour la poignée de sangsues qui contrôlent le monde, et les appartements communautaires, puisque nous sommes vivement invités, avant d'y être obligés, à héberger les hôtes africains invités par nos satrapes.
Si vous voyez tout cela, on vous dit que vous avez la berlue; ou mauvais esprit. 
Cependant, je viens de regarder des vidéos sur l’ancien ministre Yves Cochet qui m’ont fait réfléchir.  On parle de transhumanisme, de dictature globaliste, de pucer les gens et de les traquer avec la reconnaissance faciale, comme en Chine, cet immense abcès de germes toxiques consuméristes dont certains égarés admirent la « réussite économique ». Mais lui est persuadé que tout va s’effondrer et qu’on en reviendra aux carrioles attelées d’ici 15 ans, il se prépare à vivre en autarcie sur sa ferme. Je ne suis pas éloignée de le croire, en réalité, c’est même ce qui m’aide à supporter tout ce que je vois de révoltant. On accumule trop de méfaits et de monstrueuses bêtises pour que cela puisse encore durer bien longtemps. Et là, je ne parle même pas de justice divine mais de l’enchaînement des causes et des conséquences.  La fantastique nuisance de la civilisation technologique fondée par le capitalisme arrive certainement au bout de son ubris déchaînée.
Il ne reste plus qu’à se tourner vers Dieu, à lui faire vraiment confiance au sein du maelstrom qui nous engouffre tous dans le fracas des clameurs médiatiques et des cris impuissants de rage et de terreur. Ce que je ne fais pas assez.






dimanche 22 décembre 2019

Solstice d'hiver

Triste solstice sans neige, si gris, si misérable, les cabanes construites n'importe comment, n'importe où, dans une accumulation chaotique hideuse,  où se ressent la complète aliénation de ceux qui les ont construites et qui les habitent par rapport à la nature environnante, ou aux  maisons voisines, c'est-à-dire plus généralement, à l'Autre. Et dans les herbes jaunies, au bord des chemins boueux, les ordures jetées dans le complet mépris de l'endroit que l'on souille de sa présence indiscrète, et des gens qui y résident également et voudraient peut-être ne pas voir ça...
L'été ces disgrâces sont maquillées par la verdure, les fleurs sauvages, et quand l'hiver est normal, la neige les recouvre de sa surface pure et lumineuse. Cela rend tout cela acceptable.
Je suis tombée sur une courte vidéo de la société Obchtcheïe Dielo, la Cause Commune, ces gens vont restaurer bénévolement les magnifiques églises en bois du nord qui brûlent et tombent en ruines les unes après les autres. La vidéo est en russe, mais elle vaut d"être regardée même par ceux qui ne le comprennent pas, pour la beauté des sites et des visages: le prêtre, les restaurateurs ont cette noblesse des traits qui m'a toujours frappée sur les photos anciennes de la Russie, et qu'on trouve déjà moins aujourd'hui. C'est d'ailleurs remarquable non seulement en Russie, mais en France, quand on compare les photos anciennes au Français dénaturé actuel. Ce fait est relevé par quelques commentaires, l'un dit que voici la véritable élite de la Russie, ce qui est parfaitement exact. L'autre que ces visages sont tellement différents de ceux des impudents libéraux en vue qui grouillent sur le devant de la scène, et c'est tout à fait juste. Ces commentaires sont en majorité enthousiastes et louangeurs, ce qui est rassurant. Mais on y trouve quelques couacs qui ont attiré mon attention, parce qu'ils sont classiques et révélateurs. 
1) celui qui glisse avec aigreur qu'après tout l"Eglise (bien entendu richissime) n'a qu'à s'occuper de restaurer ces églises, ou bien elle est trop radin pour le faire?
Passons sur le fait que les restaurateurs sont bénévoles. L'église est richissime... Dans l'éparchie de Pereslavl-Zalesski, d'après ce que j'ai compris et constaté, l'évêque n'a trouvé que des dettes, un nombre considérable de merveilles architecturales du passé au bord de l'écroulement, et un nombre en comparaison infime de paroissiens capables de supporter la charge financière de la restauration de cet énorme patrimoine à l'abandon depuis des décennies, quand il n'a pas été délibérément déterioré, car idéologiquement non conforme. Les prêtres sont tous fauchés. Je regardais ce matin les paroissiens à la cathédrale, s'ils peuvent donner cent roubles par personne à la quête, c'est le maximum; cela fait une somme ridicule pour la survie des prêtres et de leur famille, sans aller jusqu'à la restauration des églises. Ces restaurations sont souvent le fait de riches sponsors, c'est pourquoi à Moscou, de ce côté-là tout va bien. Mais en province, et d'autant plus dans le nord, dans les villages ruraux, où les trouver, ces sponsors?...
Ces églises s'écroulent ou brûlent parce que ces villages sont souvent vidés de leurs habitants et lorsqu'ils y vivent encore, ils n'ont plus l'habitude de fréquenter l'église à la suite de décennies de persécutions et de propagande antireligieuse active. On peut dire au sens propre que ces villages perdent ce qu'il reste de leur âme avec leur église, ils perdent tout simplement la vie. Il faut sauver l'église avec le village, mais l'auteur du post, pur produit du soviétisme, ou plus généralement de la modernité, n'a plus aucun  lien ni avec la foi, ni avec le village, ni avec son folklore, ni avec ses ancêtres. 
L'activité des bénévoles peut servir d'exemple et de motivation, car dans le nord, la mentalité des gens est moins entamée que dans les villes ou d'autres régions. Comme dit l'un d'eux: si une seule âme est sauvée grâce à ce que nous faisons, cela vaut le coup de le faire. C'est aussi mon sentiment, et le folklore s'inscrit dans la même démarche.
2) Celui qui écume de haine devant ces "branleurs" qui ont assez de loisir pour aller restaurer gratis ces églises dont on n'a rien à foutre, qui ne servent à rien, alors que les gens crèvent de faim et que l'on ne construit ni hôpitaux ni écoles. 
Celui-ci s'apparente au commentateur précédent, en plus agressif. Notons qu'il est tellement tombé de l'arbre que ces églises, construites par de simples paysans, et si belles, si originales, ne lui font plus ni chaud ni froid, ni la beauté extérieure ni le contenu ne l'atteignent plus, j'ai vu plein de commentateurs français réagir de la même manière après l'incendie de Notre Dame. Ce gars-là, sauf intervention miraculeuse d'un ange gardien efficace, a perdu son âme dans quelque poubelle urbaine et aura du mal à la récupérer. Mais il déteste de toutes ses fibres ceux qui l'ont gardée et montrent de si beaux visages inspirés, comparables à ceux que l'on voit sur les photos des nouveaux martyrs fusillés par le KGB et probablement dénoncés par des gars dans son genre...
J'avais, quand j'avais fait la connaissance de mes cosaques, déjà observé que certaines personnes, indifférentes aux radios qui diffusent de la musique américaine de merde à tue-tête, entraient dans une rage meurtrière lorsque ceux-ci chantaient les chansons de leurs ancêtres dans l'autobus, la rue ou le métro...
Ce type enverrait facilement à la mort des gens qui travaillent pour rien, pour la beauté, pour une seule âme sauvée. Ce n'est vraiment pas un poète...
Notons que le raisonnement du premier commentateur appelle justement l'objection du second: si l'Eglise restaure un sanctuaire, alors on l'accusera de ne pas construire un hôpital. Ces gens-là vivent seulement de pain. Et ne comprennent pas que tout est lié, le sens de la beauté, la spiritualité et l'altruisme...
L'un et l'autre, à mon avis, se fichent d'ailleurs complètement des hôpitaux, que l'on ne construira pas davantage si les églises sont laissées à l'abandon, ce que l'expérience nous prouve tous les jours. Elles sont laissées à l'abandon la plupart du temps, et les hôpitaux aussi, ce qu'on construit, ce sont des cliniques privées.
3) Le gentil nigaud qui propose de restaurer plutôt cela en dur. Le bois, ça brûle, quelle utilité de rafistoler du bois quand on pourrait tout casser et construire à la place une horreur en béton éternelle?
Ah oui... effectivement, que répondre à cela? C'est la démarche d'esprit qui a détruit complètement la beauté et la poésie de Pereslavl. Qui préside au massacre de Moscou, et en général de tout ce qui est beau dans notre pauvre monde de plus en plus défiguré. 
Le journaliste Yegor Kholmogorov vient d'écrire un papier sur l'adoration d'une partie des gens pour Staline, où il exprime que celui-ci prenait la Russie antérieure à 17 pour un Congo blanc. Il en était de même des bolcheviques, et je dois dire, depuis Pierre le Grand, dans une certaine mesure, de la noblesse occidentalisée. Kholmogorov démontre qu'il n'en était rien, sur un plan culturel comme sur un plan économique. En réalité, pour toute personne s'intéressant vraiment à ce pays pour ce qu'il est, et non pour des raisons idéologiques, la chose est évidente. Et sans aller jusqu'aux données sur l'économie qui me restent hérmétiques, ni revenir sur la floraison de génies du XIX° siècle dans le domaine de la littérature, des arts et des arts décoratifs, il suffit de regarder ce que faisaient les gens du peuple, leurs vêtements, leurs isbas d'une beauté fantastique, les objets de leur quotidien, leurs magnifiques chansons, leurs danses, et aussi ces églises de bois d'une architecture unique. Nous sommes là devant une civilisation paysanne chrétienne et païenne à la fois d'une rare perfection, d'une grande poésie, d'une grande originalité, devant quelque chose d'absolument féérique... Mais cela n'intéresse pas l'intellectuel libéral, comme cela n'intéressait pas l'intellectuel soviétique, et même, le principal souci des barbares au pouvoir a été d'éliminer le plus possible toutes traces de cet univers pour mieux accréditer la légende univoque d'une Russie ténébreuse et attardée, d'un Congo blanc qui justifiât la terreur exercée contre ses habitants, l'extermination de ses paysans et aussi des représentants les plus illustres de son intelligentsia. 
Tout ce qui rappelle cette beauté, cette noblesse et cette poésie perdues aux résultats mutilés pitoyables de cette expérience moderniste féroce leur est haïssable, comme la lumière de Dieu l'est aux damnés.
J'ai lu parallèlement un commentaire sur la propagande antichrétienne acharnée, énorme, éhontée qui s'exerce en France et va de pair avec la destruction organisée de nos églises de la part du bolcho-capitalisme mondialiste totalitaire qui se met en place. Certes la République a sévi chez nous pendant deux cents ans, mais du temps de mon enfance, on voyait encore à la télé "le dialogue des Carmélites" ou "monsieur Vincent". Dans le cadre de la prise de pouvoir intellectuelle, puis politique des trotskistes de 1968 et de l'autodestruction de l'Eglise post-conciliaire, s'est installé un antichristianisme virulent, systématique, accompagné d'une réécriture de l'histoire de plus en plus fantasmagorique, à l'école, dans les manuels, mais aussi dans la presse, et les romans, et les séries télévisées. On attribue par exemple à des nobles et guerriers du moyen âge les calculs d'une mentalité parfaitement contemporaine, "convertir les gens pour les soumettre", ce qui n'existait pas dans la nature. Car si l'on soumettait bien entendu les gens à l'occasion, les convertir dans ce but n'entrait pas dans les structures mentales de l'époque, où les gens croyaient sincèrement, où le pire des reîtres pouvait croire et d'ailleurs brusquement tout lâcher pour entrer au couvent. On bourre le mou des gens à longueur de temps, de sorte qu'ils ne savent plus qui ils sont ni d'où ils sortent, haïssent "les religions" sans savoir ce que ce terme recouvre, et se résignent à se dissoudre dans l'Afrique et l'islam parce qu'on leur matraque à longueur de temps qu'ils ne sont pas dignes d'exister et que tout ce que leurs ancêtres ont fait est une insulte au genre humain. Comme une partie des Russes, ou disons des post-soviétiques, la plupart des Français honnissent leur patrie dans son expression millénaire et tout spécialement ce dont ils devraient être le plus fiers, leur moyen âge et leur paysannerie. Pour les uns, la Russie commence en 17, pour les autres, la France commence en 1789. Au delà de ces dates règnent les ténèbres.
Est-ce un hasard si, en Russie comme en France, on en est arrivé là? Et pourquoi suis-je plus à l'aise en Russie qu'en France, si entre le fruit de la république franc-maçonne et du trotskisme réunis, et celui de soixante-dix ans de soviétisme, la différence n'est pas si grande?
Je suis tombée sur une citation de Bernanos qui m'a plongée dans des abîmes de réflexion précisément sur ce thème: 
"Lorsqu'on a déjà tant de mal à être français, le plus furtif regard jeté sur l'abîme des siècles qui, à notre droite et à notre gauche, nous sépare des aïeux, risque de nous donner le vertige. Quoi! Nous sommes déjà si loin, si seuls?
Car c'était là exactement mon état d'esprit quand je me trouvais en France, pays par ailleurs aimable et ravissant, où il faisait bon vivre. Les siècles ouvraient entre la France, la vraie, celle des aïeux, et moi, si loin et si seule, un abîme vertigineux, or déjà, quand je me suis intéressée dans mon adolescence à la Russie, je sentais que cet abîme des siècles était beaucoup moins grand entre le Russe actuel, même soviétique, et le Russe de la sainte Russie. Et en effet, il ne s'agissait alors pas de siècles, mais de décennies. La révolution faisait encore partie du passé récent, pour moi qui suis née trente-cinq ans après qu'elle se fût produite. Alors que la France avait commencé à dériver depuis beaucoup plus longtemps. Depuis la révolution, mais aussi depuis la renaissance, et qu'est-ce qui avait amené cette renaissance? Comment me greffer spirituellement sur la France, quand l'Eglise elle-même reniait ce qu'elle avait été, et l'esprit qui avait présidé à l'élaboration séculaire de notre pays? C'est là que l'orthodoxie est venu pour moi combler cet abîme des siècles, comme me le disait le père Barsanuphe: "Pourquoi regretter le moyen âge, depuis que vous êtes orthodoxe, n'êtes-vous pas intérieurement  au moyen âge?"
J'avais senti que cet abîme des siècles, cette faille n'existaient pas chez les Russes dès que j'avais connu leur littérature. Si je lisais les écrivains français du XIX° siècle, je me trouvais déjà piégée dans la modernité, "loin et seule", tandis que les écrivains russes me plongeaient dans un monde apparemment moderne mais en substance profondément médiéval. Dans l'histoire russe, il y avait la rupture du schisme des vieux-croyants, l'occidentalisation forcée de la noblesse par Pierre le Grand, et les fâcheuses influences occidentales sur la liturgie, l'iconographie et l'architecture des Russes. Et puis la révolution, naturellement. Mais même dans les films soviétiques, le courant de la source originelle passait encore.
De sorte que ma patrie s'est révélée plus inscrite dans le temps que dans l'espace, plus spirituelle que génétique, et je n'ai pu la retrouver que par ce détour russe qui m'a fait franchir "l'abîme des siècles". Dans la Russie contemporaine, on  trouve des mutants de la modernité et l'on trouve encore pas mal de gens qui vivent dans la continuité de l'entité russe millénaire, alors qu'en France, même l'Eglise s'est acharnée à déraciner la population, elle s'est déracinée elle-même, son pape nous voue à la disparition, et la paysannerie a été plus sûrement laminée par l'Union Européenne que la paysannerie russe par les massacres de la collectivisation.