On sent qu’on est dans la dernière partie de l’hiver, la
température est remontée jusqu’à 1 °, ce matin, tempête de neige, maintenant le
vent est si fort que je n’ai plus d’électricité. Le ciel est resté gris toute la journée, mais un gris
secrètement infusé d’irisations chatoyantes et vers le soir, quand je suis
allée promener le chien, il est devenu violet, puis à l’horizon, d’un rose vif
et presque orange, avec des filaments jaunes, et des taches turquoise. C’était
un vent froid et exaltant, un vent d’ouest.
Sur le chemin, j’ai rencontré un cycliste, avec un conteneur
d’eau sur son porte-bagages, mais il allait à pied. Je lui ai demandé : «Ce
n’est pas trop glissant, pour faire du vélo ?
-Si, mais je ne monte pas dessus, je m’en sers pour
transporter l’eau que je vais chercher à la source.
- Il y a une source ? Elle est loin ?
- Vous n’y arriverez jamais, moi j’ai le vélo, mais vous ?
- L’eau n’est pas bonne ici ?
- Mais c’est un cauchemar, l’eau c’est la vie, alors celle
des canalisations, jamais ! »
Ce type avait dû être beau, il gardait d’étranges yeux bleu
pâle, épuisés.
Je n’ai pas de vélo, mais j’ai un sac à roulettes, seulement
je ne sais pas où est la source.
Plus tard dans la soirée, j’ai vu par la fenêtre que le vent
avait coupé le ciel en deux, et au dessus de ce désastre, brillait une seule
grosse étoile, celle du berger.
Je pense que je resterai ici, et je sens en permanence
auprès de moi Ivan le Redoutable, ses fils, son favori, le jeune Basmanov, et
le métropolite Philippe. Une compagnie qui ne me laissera pas si facilement tomber...
Celui-ci n'est pas à moi... |