Comme Liéna était accompagnée de son fils Génia, qui a d'ailleurs été très sage, nous sommes allées au Destki Mir pour lui acheter des petites voitures, et manger dans un café des trucs qui font grossir. Il y avait là une église du XVII° siècle ravissante, écrabouillée par le voisinage du centre commercial. Elle était sobre, et je l'aurais crue plus ancienne. Pas de traces d'influence baroque occidentale dégoulinante.
Après cela, nous avons vu une exposition dans une jolie maison du début du XX° siècle, c'est le musée d'art contemporain de la ville. J'ai demandé et oublié le nom de l'artiste, il est connu, mais je l'ai oublié. C'est un type de la génération d'après guerre, comme moi, élevé en URSS. Il a du talent, ce qu'il fait est puissant, rien à dire, mais je suis hérmétique à son inspiration. Le jeune homme qui me faisait visiter m'expliquait toutes ses intentions et ses symboles, mais justement, c'était cela qui m'emmerdait, trop d'intentions. J'aime l'art qui n'a pas d'intentions et laisse arriver par là le plus intéressant, c'est-à-dire le non intentionnel, l'irrationnel, le sacré.
Toutes ses femmes sont des amazones, des guerrières, la femme russe qui assume tout, qui soutient tout le pays, et j'en ai ras le bol des guerrières, j'aimerais voir plus de guerriers.
Evidemment, c'est aussi un néopaïen, et si je suis assez proche du paganisme, je trouve la démarche du néopaganisme artificielle, j'inclus très bien mon paganisme dans le christianisme, comme le christianisme l'a fait d'ailleurs dans son ensemble, comme mon enfance dans l'âge adulte, et le néopaganisme antichristique de ce produit du soviétisme me casse les pieds.
Enfin, clou de l'exposition, une sculpture représentant un poivrot, sa mégère qui fume, leur dégénéré de fils qui attend de leur ressembler. Les parents ont des jambes déformées, le gosse a carrément des pieds de chèvre, et il y a un pneu qui symbolise le cercle vicieux de la famille russe destinée à reproduire indéfiniment son vice intrinsèque. Très bien sculpté, mais ras le bol.
Le petit jeune homme était sympathique et touchant, il adore la France, les Français, comme d'habitude, et je me suis fait encore un copain, bien qu'Edouard et moi ayons de plus grandes affinités par Ivan le Redoutable interposé.
A mon retour, je me suis rendu compte que mon imprimante déconnait complètement et que je n'arriverais pas à sortir le matériel dont j'avais besoin pour mes séances de demain, le français créatif! La vielle est inaccordable, l'imprimante inflexible et tout à coup je me dis que tant d'obstacles ne peuvent signifier qu'une chose: не судьба. Ce n'est pas mon destin. Je sens derrière moi la présence narquoise (bien qu'attendrie tout de même) du tsar Ivan et de son favori Fédia: "tu ne croyais tout de même pas que nous allions te laisser te livrer à des billevesées, alors que nous attendions depuis trente ans que tu reviennes t'occuper de nous?"
Ces deux emmerdeurs me fichent tout en l'air. Ce n'est pas nouveau. Mais je les aime...
L'amazone russe coupe des choux, parce que les choux, c'est le blé, c'est-à-dire le fric |
la famille russe et son cercle vicieux |
eux!!! |