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En corrigeant la traduction sur les nouveaux martyrs, je me fais toutes sortes de réflexions. J’en suis aux Metchov père et fils, saint Alexis et saint Serge. Les écrits du père Serge sont très profonds et intéressants. Mais sa façon de fonctionner dans leur paroisse m’aurait complètement épuisée. Ils n’arrêtaient pas, avec des offices très longs, et parfois à n’importe quelle heure pour habituer leurs fidèles à l’éternité. Comme dit mon père Valentin, les saints sont souvent invivables pour leur entourage! Le père Tkatchev, qui n’est pas un facile non plus, proclame d’ailleurs que l’éternité, c’est une liturgie qui n’en finit pas. Mais moi, pendant les liturgies, il m’arrive de m’ennuyer sérieusement, d’avoir hâte de rentrer chez moi prendre un café, et Ania, qui est très croyante et très pieuse, me dit la même chose, je suis semble-t-il loin d’être la seule, même parmi les orthodoxes qui me paraissent les plus accomplis. Même le père Valentin m’a avoué que lui aussi se poussait pour y aller. Il est vrai que si je n’y vais pas, je sombre vite dans la déprime. Il est vrai aussi que j’ai connu des moments où je recevais une telle grâce que je ne me rendais plus compte du temps ni de la fatigue, mais ce n’est pas tous les jours que cela se produit. Je communie avec joie, je me sens pleine d’amour pour les prêtres, les paroissiens. Mais quand même. En fait, mes plus purs moments de joie supérieure et de contemplation, c’est dans la nature que je les ressens. Je deviens la bienheureuse partie d’un immense et splendide organisme, je suis l’arbre, les oiseaux, les nuages, les papillons, les abeilles, les fleurs, et je rends grâce à notre Créateur qui nous réunit dans cette fête magnifique de la Vie. Le père Basile ayant envoyé un extrait de l’Apocalypse où saint Jean décrit la Jérusalem céleste, je m’étais prise à penser que je n’avais pas envie de me retrouver dans un endroit constitué, comme un reliquaire, uniquement de pierres précieuses et de perles géantes, cela manque un peu trop pour moi de verdure, et aussi de toutes les petites existences qui accompagnent la nôtre. Mon intuition est envers et contre tout, que la Création doit se transfigurer avec l’homme, et je la sens se réjouir, lorsque je retrouve avec elle l’harmonie perdue. Les animaux nous aiment, ils viennent chercher notre secours et notre attention, même les animaux sauvages, parfois. Les oiseaux que je nourris m’accueillent quand je sors de voiture. Ils viennent se poser sur ma fenêtre pour me regarder.
Dimanche, j’étais complètement
comateuse, parce qu’insomniaque, mal à la tête. J’ai eu du mal à arriver à
temps pour la liturgie de neuf heures. En confession, j’ai dit au père Andreï
que le gouvernement français était en train de répéter la collectivisation des
années trente pour vendre la France à Black Rock et que je détestais toute
cette clique de malfaiteurs comme jamais je n’avais détesté personne, que je ne
pouvais ni leur pardonner, ni les aimer. Il m’a répondu : « Il faut
prier pour eux et dire : mon Dieu, pardonne-leur, ils ne savent pas ce
qu’ils font !
- Mais ils le savent très
bien ! »
Il m’a regardée avec une
indulgence navrée et légèrement complice : « C’est comme cela qu’on
doit faire, laissez tout cela à Dieu. Pensez à ce qu’il adviendra de ces gens
après leur mort, avec ce qu’ils font de leur vie...Ils ne s’en doutent pas, ils
ne savent pas ce que ce c’est que Dieu.
- Mais père, si, ils le
savent, puisque ils le détestent et profanent tout, ses églises, ses créatures
et sa création !
- Sans doute, mais ne vous
laissez pas envahir par des pensées affreuses, tenez-vous à l’écart de ce
cloaque. Pensez au Christ et la façon dont ils l’ont traité, sans qu’il
les maudît pour autant.»
Ce que je déteste par dessus tout, chez l’anti-France au pouvoir, c’est son hypocrisie totale, éhontée, rien n’entame sa suffisance, son assurance, aucune preuve, aucune démonstration, elle ne sait pas ce que c’est que la honte, on dirait même que ces gens sont des espèces de robots, programmés pour dire quoiqu’il advienne le même type de choses, afin de désarçonner l’interlocuteur normal et satisfaire un certain public, dressé depuis l’enfance à se nourrir la cervelle de calembredaines.
Le père Valentin, de son côté,
m’a dit : « Laurence, vous devez pardonner à ceux qui vous offensent
personnellement, mais vous n’avez aucune raison d’aimer ceux qui offensent la
Russie ou la France. » Il a comparé le passage dans l’au-delà à la
naissance dans notre monde, que nous ne connaissions jusque là seulement par ce que
nous percevions dans le ventre de notre mère.
Le studio de la styliste
Victoria est dans un quartier que j’ai connu très délabré, mais qui avait du
potentiel, et maintenant, il a beaucoup de charme, et respire l’opulence. Ce
qu’il a de bien, c’est qu’il est homogène, ce sont essentiellement des
immeubles plus ou moins de même hauteur,
en partie constructivistes des années vingt, en partie staliniens, organisés
autour de cours intérieures boisées. Ils évoquent la science-fiction rétro de
ces années-là, tout en restant harmonieux et agréables à vivre, encore à échelle
humaine. Avant l’expo, j’étais invitée par Olia et Ioura, dans leur atelier qui
est situé dans ce coin. Autrefois, c’était une cave sinistre dans un état
affreux, avec les oeuvres de Ioura au milieu, et nous y faisions la fête, avec
le bel enthousiasme des Russes que rien n’ébranle. Après une « réparation
capitale », c’est toujours un sous-sol, mais propre, avec un coin évier
carrelé, des toilettes, des murs blancs, des carreaux gris sur le sol, Olia et
Ioura ont fait comme le quartier, ils se sont embourgeoisés ! Ce sont deux
personnes de talent, Ioura fait des gravures géniales, des livres uniques
calligraphiés, il a une fantaisie inépuisable. Et tous deux aiment bien
rigoler, ce que nous avons fait, aidés par un coup de pinard de Crimée.
La boutique de Victoria
regorge de belles choses. Et à ma surprise ravie, comme je lui faisais
compliment d’un pouf dont je n’aurais pas osé demander le prix, elle m’a
répondu : « Oui, je comprends qu’il vous plaise, car il irait
parfaitement dans votre maison de Pereslavl, et c’est pourquoi j’ai l’intention
de vous l’offrir.
- Je suis confuse, c'est un très beau cadeau! Il a quelque chose d'un peu art nouveau...
- Oui, il est inspiré par une tapisserie de Morris."
Je ne devrais peut-être pas le
dire, car la chasse aux « agents de Poutine » est ouverte chez les
gargouilles de la Caste, et le pouf pourrait être considéré comme le salaire de
mes témoignages positifs !
Cette caste ment de façon si
sordide, si impudente, qu’à mon avis, peu à peu, tous ceux qui sont désormais
victimes de cette désinformation et de ces calomnies, et ils sont de plus en
plus nombreux, vont finir par ouvrir aussi les yeux sur l’affaire Ukrainienne.
Mes pastels n’étaient pas tellement mis en valeur, car c’est une boutique, on les colle sur des stores que Victoria baisse pour cacher ses échantillons de tissu. Mais ils plaisaient néanmoins beaucoup, la table était belle, chargée de bonnes choses, la compagnie chaleureuse, c'était une fête qui permettait aux gens de se rencontrer, un peu comme les représentations théâtrales de Iouri, et cela valait la fatigue de la route affreuse que j'avais faite, des heures debout, des conversations. Cela me rappelait un peu le Donbass, aussi, quand, malade et crevée, je tenais debout grâce à l'amour et à l'acceuil des gens que j'étais venue voir. Il y avait des connaissances de Victoria, mais aussi les miennes, et aussi celles de la blogueuse Cécile Rogues que je remercie pour la pub ! Dany était présente, et puis un comédien charmant, intelligent et profond, Patrick Roulière. Il adore la Russie et les Russes : « Ils nous prennent comme nous sommes, et à bras ouverts. Je me suis presque tout de suite adapté avec l’étrange sentiment d’être chez moi. » Je partage cette impression. Les Russes reflètent l'amour qu'on leur donne en le décuplant.
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Tout le monde s’entendait bien. Patrick me dit que c'était moi qui créais cette atmosphère de bonheur partagé, que je chantais et dessinais avec toute ma vie, avec mon âme, en harmonie avec tout le reste, cela m’a beaucoup touchée. Nous avons discuté avec Dany de la place salutaire, thérapeutique de l'art dans le désastre eschatologique où nous sommes, des personnes qui réparent les dégâts par leur existence, leur activité, leur spiritualité, ces points lumineux qui naissent dans les ténèbres, ces ferments de renouveau.
J’ai revu Claire, qui est
mariée avec un prêtre russe, et j’en étais très contente. Comme elle me disait
qu’elle ne pouvait pas me payer son dessin séance tenante, je lui ai répondu :
« Vous le ferez plus tard. Vous savez, je ne pense pas que cela change
quelque chose de fondamental à ma situation actuelle. » Elle a éclaté de
rire avec une spontanéité de jeune fille, et j’ai ajouté : « Un peu d’humour
français...
- Ah oui, oui... J’en avais
perdu l’habitude ! »
Il y avait un très vieux monsieur, Guennadi Ivanovitch Lavrov, et sa fille, il joue de gousli un peu particuliers conçus par lui-même, et dit des bylines, des épopées. J'ai chanté des chants populaires, russes et français, et deux chansons de mon cru, sur les gousli et la vieille à roue. Et les gens m'écoutaient passionnément, ce qui me surprend toujours, car je me trompe régulièrement, j'estropie un mot, je saute un couplet, et je fais des fausses notes!
J'ai vu également mes Belges, Ivan et sa femme Irina, et Aurélie, les Soutiaguine, Kostia et Sveta, Yana, Vladimir et Marianna, beaucoup de mes amis, et m'en suis fait de nouveau dans le public de Victoria. C'était plutôt une petite soirée que le vernissage d'une exposition. Je ne voulais pas prendre ma chienne, mais le père Valentin me dit: "Sans vous, elle pleure tout le temps! Mais ne la prenez pas, ne la prenez pas!" Comment ne pas la prendre?
Je l'ai prise, et elle a été gâtée par tout le monde. Mais comme je le prévoyais, est venu le moment où elle est allée se réfugier dans son sac, grognant sur ceux qui l'approchaient etme regardant avec un reproche intense, en émettant de temps en temps un jappement comminatoire: "Alors, c'est pas bientôt fini? Quand est-ce qu'on va se coucher?
Pour finir, le sort des agriculteurs, en dehors de me provoquer un manque de sommeil permanent, m'a inspiré un poème. Les poèmes et les chansons ont toujours accompagné, chez les hommes normaux, les grandes détresses et les actes héroïques.
Troupeaux au ciel
Les vaches titubant,
Nous ouvrent le chemin
Des grands tombeaux gluants
De notre après demain.
Qu’as-tu fait, papa, tout ce temps ?
Demande le petit enfant
- J’ai gazé le poney tout blanc,
Le petit veau, puis sa maman
Et puis aussi le paysan
Sa femme à genoux, sanglotant,
Sur ordre du gouvernement.
Dans le creux de la nuit s’envolent les troupeaux
Plus haut que les nuées, plus haut que les étoiles,
Par dessus les clochers s’élancent les chevaux
Plus loin que les bateaux, lancés à toutes voiles,
Voici l’enfer béant que nous font les messieurs,
Les dames en tailleurs, leurs cognes encasqués.
Les lendemains de fer n’ont plus rien de radieux
Ils sont noirs et saignants, horribles et piteux.
Sur ordre du gouvernement
Vous vous donnerez à Satan
Et sacrifierez vos enfants
Et peut-être aussi vos parents
Si l’on vous en prie gentiment,
Si l’on vous paye grassement.
Aux prairies des anges les moutons doucement
Machent l’or du soleil et l’écume des astres
Egayant dans le ciel leurs légers flocons blancs
Au dessus des tombeaux où reposent leurs pâtres.
Plus rien ne chantera désormais sur la terre,
Ni le berger rêveur, ni l’accorte fermière.
Ni l’oiseau ni le coq, ni la cloche au matin,
Ni le vent vagabond au revers des chemins.
Ils viennent nous incarcérer
Dans le béton et puis l’acier
Les animaux et puis les gens
Chacun dans son compartiment.
Mais les troupeaux lâchés dans les replis stellaires
Des au-delà brumeux vont cherchant notre coeur
Qui battant au fin fond de nos prisons de verre
Aspire au pré fleuri de l’éternel bonheur.
Prenez-nous avec vous, vaches mortes, nos soeurs.
Emportez avec vous notre troupeau hagard,
Ce monde qu’on nous fait, nous en avons trop peur
Et nous mourrons plutôt que de vivre au mitard.
Qu’as-tu fait, papa, tout ce
temps ?
Demande le petit enfant
- J’ai gazé le poney tout
blanc,
Le petit veau, puis sa maman
Et puis aussi le paysan
Sa femme à genoux, sanglotant,
Sur ordre du gouvernement.
Dans le creux de la nuit
s’envolent les troupeaux
Plus haut que les nuées, plus
haut que les étoiles,
Par dessus les clochers
s’élancent les chevaux
Plus loin que les bateaux,
lancés à toutes voiles,
Voici l’enfer béant que nous
font les messieurs,
Les dames en tailleurs, leurs
cognes encasqués.
Les lendemains de fer n’ont
plus rien de radieux
Ils sont noirs et saignants,
horribles et piteux.
Sur ordre du gouvernement
Vous vous donnerez à Satan
Et sacrifierez vos enfants
Et peut-être aussi vos parents
Si l’on vous en prie
gentiment,
Si l’on vous paye grassement.
Aux prairies des anges les
moutons doucement
Machent l’or du soleil et l’écume
des astres
Egayant dans le ciel leurs
légers flocons blancs
Au dessus des tombeaux où
reposent leurs pâtres.
Plus rien ne chantera
désormais sur la terre,
Ni le berger rêveur, ni
l’accorte fermière.
Ni l’oiseau ni le coq, ni la
cloche au matin,
Ni le vent vagabond au revers
des chemins.
Ils viennent nous incarcérer
Dans le béton et puis l’acier
Les animaux et puis les gens
Chacun dans son compartiment.
Mais les troupeaux lâchés dans
les replis stellaires
Des au-delà brumeux vont
cherchant notre coeur
Qui battant au fin fond de nos
prisons de verre
Aspire au pré fleuri de
l’éternel bonheur.
Prenez-nous avec vous, vaches
mortes, nos soeurs.
Emportez avec vous notre
troupeau hagard,
Ce monde qu’on nous fait, nous
en avons trop peur
Et nous mourrons plutôt que de
vivre au mitard.
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