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vendredi 7 juillet 2017

Les icônes du père Grégoire et de Léonid Ouspensky

saint Séraphin de Sarov par le père Grégoire

J’ai été très émue de tomber sur ce compte-rendu d’une exposition consacrée au père Grégoire et à Léonid Ouspensky.

Lorsque je suis arrivée à Paris toute jeune pour étudier le russe aux Langues O, hantée par la Russie, et décidée à devenir orthodoxe, j’ai commencé par rencontrer Léonid Ouspenski, et j’ai un peu travaillé avec lui, c’est essentiellement lui qui m’a appris le peu que je sais de l’iconographie et je n’ai rien oublié de ce qu’il m’a montré ou dit. C’était un homme sévère et taciturne, qu’exaspéraient parmi ses élèves une religieuse catholique et une vieille Russe incapable de faire un dessin normal. Lorsque je lui avais demandé de m’apprendre la dorure, il m’avait toisée par-dessus ses lunettes et m’avait demandé : « Pourquoi ? Vous êtes riche ? »
Ensuite, j’ai fait connaissance avec le père Serge, père spirituel du père Grégoire, qui venait malheureusement de mourir, et avec le père Barsanuphe, qui m’avait, comme la dame de l’émission, expliqué les icônes et les fresques du Skite du Saint-Esprit où il m’avait accueillie. Ce moment a été déterminant dans ma décision de devenir orthodoxe, car ce langage des icônes me parlait profondément et me rendait mes racines médiévales, me reliait à tout ce que nous avions perdu en France et que les Russes me restituaient.  J’ai été recentrée spirituellement et enracinée par cette rencontre avec ces icônes inspirées et plus tard par ma découverte du folklore russe authentique auprès de Skountsev et de Mikhaïl Korzine. C’était comme une greffe de mon individualité flottante, qui n’avait pas reçu de tradition religieuse réelle, ni de tradition populaire sur un tronc vénérable aux racines profondément ancrées dans le fin fond des siècles. D’où le sentiment que j’ai  d’avoir trouvé une patrie en Russie, mais sans perdre pour autant ma patrie d’origine, dont je rejoins parfois la substance profonde au travers de mon expérience orthodoxe. Car cela répondait à un vrai besoin de sortir d’un monde superficiel, hors sol, entièrement plat, coupé de son passé et tourné vers un futur qui par définition n’existe pas, alors que le passé est inclus dans le présent, lui-même réduit à une mince pellicule à la surface de l’énorme masse des siècles qui ne cesse de dévorer la minute suivante.
L’originalité du père Grégoire et d’Ouspenski est d’avoir fait des icônes modernes qui me rendaient l’abîme des siècles dans le moment présent. Elles étaient imprégnées de tout ce qui les avait précédées, mais elles étaient actuelles, à la fois immédiates et immémoriales. Comme le moment où mes cosaques chantent une byline, avec tout l’arrière-plan des ancêtres qui la leur ont transmise.
Je ne trouve pas cet esprit dans les icônes russes actuelles qui me semblent souvent des reconstitutions dont la spontanéité, la vie, cette sève qui monte jusqu’à nous depuis les racines de l’arbre sont souvent absentes. Elles sont « bien peintes » et bien dorées. Les gens choisissent leur style : byzantin, quatorzième siècle, dix-septième siècle… Comment est-ce possible ? Riches de toute cette tradition, c’est aujourd’hui que nous vivons… Les chants de mes cosaques, venus d’avant Pierre le Grand, c’est aujourd’hui qu’ils les chantent, même si chantent à travers eux toutes les générations précédentes.

Et le travail de ces deux Russes émigrés, exilés, reste peu connu et peu apprécié ici, malheureusement.

jeudi 6 juillet 2017

L'immortalité


Je me suis échappée à Moscou. J’étais très heureuse de revoir Xioucha, Zakhar, toute ma merveilleuse petite bande de jeunes gens moscovites. Même les enfants, je les ai revus avec plaisir. Xioucha a un nouveau buffet dans sa cuisine, et comme j’en faisais la réflexion à son fils Adam, il m’a dit : « Faites connaissance : buffet, je vous présente Lolo, Lolo, le buffet. »
Zakhar m’a demandé ce que je pensais du transhumanisme, de l’immortalité qu’il promettait, sous forme de cyborgs, si c’était à mon avis réalisable. Je lui ai répondu : « Peut-être et une certaine caste de fondus projette d’y arriver, de réduire, dans cette perspective, drastiquement la population terrestre,  de détacher complètement l’homme de la nature et la procréation de l’amour, du couple, et même du corps de la femme. Une question : avez-vous envie d’être immortel dans ces conditions ? Imaginez l’état de votre personnalité, si votre corps n’est plus qu’une machine ou si l’on a transplanté votre tête sur un autre corps.
- Je suis d’accord avec vous, je me demande simplement si c’est réalisable…
- Cela ne se réalisera pas, a déclaré Olia, la sœur de Xioucha, en rinçant un verre, parce que d’ici là, nous aurons eu l’antéchrist et le second avènement du Christ. La seule immortalité valable, c’est celle des corps glorieux, après la Résurrection, dans la Jérusalem Céleste, qu’est-ce que tu vas chercher, Zakhar ?
- Ces spéculations sont toujours intéressantes, car cela éclaire ce que nous vivons à présent.
- Ce que nous vivons à présent, dit Olga, mariée avec un Français à Paris, c’est Sodome et Gomorrhe pour la deuxième fois.
- Oui, c’est aussi mon avis. Avec des conséquences possiblement identiques. Zakhar, je signerais pour naître une seconde fois au moyen âge. Mon époque me fait horreur. Vous comprenez que pour un homme du moyen âge, et pour moi-même, rien n’est fermé, rien n’est étanche, tout communique, les gens entre eux, les gens avec le cosmos environnant, avec leurs ancêtres, avec tout ce qui a été, et le souci de tous, c’est la mise en communion de tout dans le Christ, toutes choses et toutes créatures irriguées en permanence par le souffle de l’Esprit, « que tout souffle loue le Seigneur » ; ce que vous ressentez quand passe le vent, quand vous plongez dans l’eau, quand vous prenez quelqu’un dans vos bras, quand des oiseaux traversent les nuages, tout cela vaut le coup d’être éternel, mais que vaut l’éternité des cyborgs, une éternité de machine ? On reconnaît le diable à ceci qu’il est le père du mensonge et que tout ce qu’il nous donne est de la fausse monnaie ! »
Zakhar hochait la tête, avec son sourire ironique et ses yeux captivants. Il me recevait cinq sur cinq.
Olga m’a dit quelque chose qui m’a frappée : «On se fait tous notre propre paradis, si le vôtre, c’est les illustrations de Bilibine, vous aurez Bilibine ! » Et c’est quelquefois ce que je me dis, au bord du lac, ce lac que je voyais dans le film d’Eisenstein Alexandre Nevsky à dix huit ans, et près duquel j’habite à présent. Que ma maison chez le Père s’appellera sainte Russie.
Auparavant, j’avais assisté à la présentation de trois livres de Iouri Iourtchenko. Cela se passait dans une cave glaciale et antique du Fond de Culture Slave, où Skountsev et les cosaques répétaient à un moment. Le premier, « le Témoin »,  concerne l’expérience de Iouri au Donbass, où il a été prisonnier des Ukrainiens, et torturé pendant dix jours, avec toutes les subtiles relations qui font que rien n’est vraiment blanc ni vraiment noir, les gens qui l’ont aidé, ou épargné, qui se sont soucié de lui en cachette, qui lui ont demandé pardon. Le second parle de la Tchétchénie et des mensonges médiatiques formidables qui entourent cette affaire, exactement comme ailleurs, livre que je vais m’efforcer de traduire, « Djihad ». Il serait en effet salutaire qu’il fût lu chez nous, car là encore, tout communique. Mais j’ai parfois la déprimante impression qu’une partie des gens, en France, mais aussi en Russie, a pris une mentalité de secte Moon, et que même avec des témoignages irréfutables et des démonstrations éclatantes, rien ne les fera démordre de leur délire idéologique. Un peu comme le bourgeois de Tartufe, qui, lorsqu'on lui énumère les turpitudes de son protégé, répète « le pauvre homme » avec attendrissement. Il est cependant de notre devoir de faire parvenir les témoignages et de dire la vérité, c’est ce que Iouri expliquait à son public, et on lui reproche en fait ouvertement de mettre en cause les mensonges établis.
Il a présenté en dernier l’œuvre de sa vie, une pièce en vers, « Faust et Hélène », que je suis en train de lire.



samedi 1 juillet 2017

Le cosaque et Marfa




La dresseuse de chiens, Olga, m'a montré comment dresser le poil du mien qui fait "sa crise d'adolescence", et puis les laïkas sont des chiens difficiles, oui, je m'en suis rendu compte, et j'ai vu qu'elle-même, qui est baraquée avec de la poigne, n'en venait pas si facilement à,bout.
Au cours de la séance est arrivé le cosaque Boris Alexeïevitch, avec sa plus jeune fille Marfa, qui a dans les huit ans. "Laura, tu dois laisser ce chien dehors, il te fait pis que pendre, c'est un chien fait pour rester dehors, et tu me fais pitié, là!"
Il m'a emmenée au village de Gorodichtché, près du lac. Ce sont tous ces merveilleux endroits que guettent les promoteurs et défigurent déjà des barrières métalliques. Il ne faut avoir aucun respect de son histoire ni de ses ancêtres, ni de leur foi, ni de leurs traditions, il faut avoir un porte-feuille en guise de cœur, pour toucher à ce paysage. Boris le cosaque regrette comme moi la construction anarchique de cottages prétentieux et horribles. Une habitante du coin, rencontrée sur place avec sa famille, le regrette également.
Marfa m'a cueilli un bouquet de fleurs sauvages aux tiges trop courtes. "J'ai pitié de toi, me dit Boris, parce que ce n'est pas facile de vivre chez nous, il te faut appartenir à une communauté. N'hésite pas à nous appeler et à venir nous voir, si les cosaques te protègent, il ne t'arrivera jamais rien."
Le cosaque Boris aimerait créer une "stannitsa" dans un village des environs où il a acquis des terres, avec des gens qui voudraient vivre de façon traditionnelle et écologique.





Boris Alexeïevitch et Marfa

A l'endroit de la croix orthodoxe, on prévoit une statue d'Alexandre Nevski

La lumière variait sans cesse, illuminant tantôt le lac, tantôt le premier plan.


L'église de Gorodichtché avec le monastère Nikitski en arrière-plan




Et pour finir, derrière le monastère saint Nicétas le stylite, l'arc-en-ciel presque quotidien


vendredi 30 juin 2017

Eté?


Le lac étendu rêve, ses pensées dérivent, il les laisse partir dans le ciel, et elles lui reviennent sous forme de reflets. Nous allons avoir une espèce d'été.
J'ai rencontré mon voisin de derrière, quand je revenais de promenade avec le monstre. Il était en train de creuser un caniveau devant mon portail nord, pour y mettre un tuyau et évacuer l'eau, ce que je comptais faire ultérieurement. En France, il serait venu me sommer de le faire, là, il retrousse ses manches et le fait lui-même. "Voulez-vous que je vous paie quelque chose?
- Mais non, passez plutôt nous voir, je m'appelle Vadim, et vous?
- Laurence.
- Ma femme sera là tout l'été, elle s'appelle Yana."
Mes voisins sont tous gentils, bien disposés, ils supportent même mon chien. C'est une chance, il peut y en avoir ici de très méchants, parfois.
Rosie est encore tombée dans la cave en poursuivant les chats à travers la lucarne qui débouche dans le jardin. Et au lieu de venir vers moi, quand je l'appelais, depuis la trappe, elle restait sur place à pousser des cris déchirants. Il m'a fallu descendre là dedans, avec des bottillons en caoutchouc, mais il m'aurait fallu des bottes d'égoutier. J'ai récupéré cette andouille qui n'a rien eu de plus pressé, le premier état de confusion passé, que de se précipiter sur mon lit, avec ses pattes immondes. Quand je pense que certains soupirent devant les chiots qu'ils ne devraient jamais grandir...
Le lit reste l'objet de toutes ses convoitises et elle cherche à en faire la conquête avec acharnement. Hier, j'ai laissé tomber, elle y est montée à cinq heures du matin, la lutte avec elle m'aurait interdit de me rendormir et je n'en peux plus. Elle m'a fait un câlin, sans mordiller. Je vais peut-être aller au compromis: interdit la nuit mais permis le matin, au réveil, en revanche pas au petit-déjeuner, privilège des chats, et puis un chien qui me saute dessus quand j'ai ma tasse à la main, merci.

Le lac par bouffées souffle au ciel ses anges
Qui passent lumineux au dessus des forêts
Du monastère lointain les cinq bulbes dorés
Font aux rives des prés des étoiles étranges

Parles creux du chemin des flaques dispersées
Ouvrent des yeux d’azur dans les plis de la terre
Se déployant froissés sous la brise légère
Et fauchant au passage de grandes fleurs dressées.

Les nuées dans le nord sont nos seules montagnes
Aux blancs sommets d’argent sur des pentes obscures
Que le vent déplaçant sur les vastes campagnes
Ebranle et démolit au travers des ramures.

Je me souviens de vous, collines cévenoles
Sous le soleil brûlant votre encens balsamique
Que me paraissent loin dedans vos herbes folles

Les gais coquelicots et leurs rondes comiques.

jeudi 29 juin 2017

Bonjour la France

C'est en français, c'est bouleversant, et ça s'adresse aux sourds et aux aveugles dans l'espoir d'un miracle.
Le peuple du Donbass est systématiquement exterminé, ce qu'on appelle les séparatistes sont des gens du pays qui résistent, l'armée russe n'est pas entrée en Ukraine, sinon, cela serait terminé depuis déjà trois ans. Les civils le crient depuis le même laps de temps sans  que personne ne leur donne la parole, au contraire, on fait tout pour l'étouffer. Comme en Syrie, comme au Yemen, et avant cela en Irak et en Yougoslavie. En ce moment, des résistants du Donbass, enlevés par les Ukrainiens sont torturés et leurs familles subissent des pressions, pour obtenir d'eux qu'ils prétendent être des soldats russes, afin de justifier les horreurs commises là bas.
Philippe Ekoziants est un écrivain ukrainien d'origine arménienne. En dehors du Donbass, c'est toute l'Ukraine qui s'écroule et qui est traitée comme une colonie. Il prend la peine de nous l'expliquer en français dans une vidéo personnelle et confidentielle qu'il nous demande de diffuser un maximum.
Je la diffuse en espérant que les gens préféreront l'écouter lui, plutôt que des journalistes vendus au Nouvel Ordre Mondial.
Il y a des moyens de savoir. Ne pas savoir est un choix qui nous rend complices de tout cela, un aveuglement délibéré. Ce qui se passe en Ukraine, c'est le sort qu'on cherche à imposer à la Russie, et c'est celui qui guette toute l'Europe.
Et qu'on ne vienne pas me parler de propagande de Poutine, quand ces vidéos, toutes les vidéos tournées sur place et traduites bénévolement dépassent rarement les mille vues, parce qu'elles ne sont pas homologuées par la bien-pensance.


En complément, déjà difficile à trouver sur youtube


Conversations avec monsieur Poutine (3/4) от Georges MALAKOFF на Rutube.

mercredi 28 juin 2017

Rosie ko mnié

Il fait enfin beau, un temps printanier, soleil, petite brise fraîche. Les nuages se lèvent plus tard que moi. Quand je pars promener le monstre, le ciel est tout bleu, puis le lac souffle petit à petit d'énormes créatures éblouissantes qui dérivent.
Il y a une chose que je n'arrive absolument pas à saisir sur la pellicule, c'est l'éclat des coupoles dorées du monastère saint Nicolas, qui font comme des étoiles diurnes au détour des chemins.
Rosie se fiche éperdument de mes "ici, Rosie, Rosie ko mnié" assortis de petites friandises, c'est une anarchiste totale. Ca l'a amusée cinq minutes, maintenant c'est râpé. La seule chose dont elle ne se fiche pas, c'est de mes crises de rage qui me mettent dans des états limite. Si nous rencontrons des gens, elle va obligatoirement leur sauter dessus avec ses pattes dégueulasses et beaucoup de persévérance. Ce matin, elle a couru allègrement dans les hautes herbes, joué avec deux chiots sauvages.
Elle mène une guerre sans merci pour gagner une place sur mon lit, or je m'y refuse, car j'ai déjà les chats, ça va bien, et puis il paraît que ce n'est pas pédagogique. En réalité, un chien de traîneau devrait rester dehors et vivre en meute, et si possible travailler. D'ailleurs, la meute lui manque, c'est clair.
Je donnerais n'importe quoi pour lui trouver une famille normale où elle serait beaucoup mieux à sa place.
Parfois, je sais qu'elle est sur mon plumard, mais je fais semblant de ne pas le voir pour avoir la paix cinq minutes.
Elle m'a cassé un delphinium qui préparait une fleur, et des fleurs cette année, il n'y en aura pas beaucoup. Elle s'attaque avec prédilection à ce que j'ai planté avec amour, rarement aux herbasses adventices.
J'ai essayé de faucher et découvert que si la débroussailleuse à essence est une merde qu'il faut changer, et qui ne marche pas, la débroussailleuse électrique en est une aussi: la roue pour couper les hautes herbes ou les plantes résistantes ne coupe rien, et le manche de l'instrument se défait constamment. De même mon aspirateur marche mal, l'allumage reste coincé. Encore heureux que l'électroménager semble opérationnel. J'ai l'impression qu'ici, on te vend les machins dont on ne veut pas ailleurs. Mais on les paie, ces machins, et pas si bon marché que ça!


mardi 27 juin 2017

Etat souverain

J'ai regardé hier soir le documentaire d'Oliver Stone sur Poutine mais pas le débat, ou plutôt je me suis endormie devant, c'était trop tard pour moi. J'ai vu ce matin que les chacals de la médiocratie glapissaient à qui mieux mieux et déjà, hier, j'avais sur mon fil de commentaires, sur facebook, une trollette qui hurlait au dictateur et à la propagande. Il faudrait parler à ce type d'un ton agressif, comme s'il était au tribunal, et encore pas n'importe quel tribunal, un tribunal révolutionnaire destiné à épurer et réprimer. C'est ce qu'on fait avec le Pen et généralement toutes les têtes de Turc de la bobocratie, et ceux qui, ouvrant les yeux, quittent ses rangs un jour, comme le journaliste qui avait fait un documentaire relativement honnête sur l'Ukraine. Pour ces gens, nous sommes incapables de nous faire une opinion par nous-mêmes. Nous ne pouvons qu'être endoctrinés, sinon par eux, alors par ceux qu'ils détestent sans aucun argument que des calomnies et des incantations assénées avec aplomb et destinées à intimider et museler d'éventuels contradicteurs. Le reproche fait à Oliver Stone doit être compris au rebours de ce qu'il est, puisque cette clique retourne tout: on lui reproche non de faire de la propagande mais justement de ne pas en faire, dans le sens unanime du fantasme occidental homologué. Il me semble que toute interview devrait partir du désir de donner à l'interviewé l'occasion d'exposer son point de vue, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, avec politesse et attention, sans complaisance servile ni agressivité systématique, et non d'organiser un interrogatoire. C'est ce que fait Oliver Stone, et il est évident qu'il trouve Poutine sympa, ce qui est son droit, je dois dire que moi aussi.
Je l'ai trouvé sympa dès le départ, par son discours direct, intelligible, ferme et mesuré. Après la marionnette ivrogne qui l'avait précédé et qui avait mis la Russie à genoux devant les oligarques et les Américains, son apparition me parut avoir quelque chose de miraculeux. J'avais dit à mon père spirituel, monarchiste et viscéralement anticommuniste: "Le KGB reprend les rênes? " Il m'avait répondu: "Le KGB a au moins le sens de l'état." En dépit de tout le mal que je pense de cette institution au départ, mon séjour en Russie m'a appris à nuancer ma position. Car le KGB, devenu FSB, n'en est pas resté au stade du NKVD et de la Guépéou, les choses ont évoluées, et aussi, les services secrets de défense nationale et de renseignement ne sont pas la même chose que la police de répression politique. J'avais eu l'occasion d'en parler avec un ancien colonel du renseignement, rencontré en croisière, homme intelligent, patriote et orthodoxe. Le FSB n'est actuellement rien d'autre qu'un service de renseignement, analogue au nôtre, je ne dirais pas à la CIA, car la CIA aujourd'hui me paraît aussi néfaste, dangereuse et tentaculaire que le KGB de la grande époque, sinon plus, car elle bénéficie de beaucoup plus de moyens. Du reste, on observe que les dissidents vont en sens inverse. Iouri Iourtchenko, indigné par les mensonges médiatiques français à propos de l'Ukraine et du Donbass, est parti faire de la réinformation que personne ne voulait écouter, et après avoir été torturé par les bataillons néonazis, est revenu définitivement à Moscou. Snowden n'a trouvé de refuge qu'en Russie. Moi-même, malgré mon âge et les difficultés d'un déménagement là bas et de l'obtention d'un permis de séjour, je suis partie. Je suis partie, en dehors d'autres raisons personnelles et spirituelles, pour être dans le bon camp, contre les fauteurs de troubles, de guerres civiles, contre la mafia bancaire internationale qui noyaute tout l'Occident et voudrait dominer le monde, contre les manipulateurs de société, les corrupteurs de moeurs, les organisateurs d'invasion, les destructeurs des pays qu'ils contrôlent en se conduisant comme des parasites. Loin d'eux, le plus loin possible. Même s'ils ont ici leurs suppôts et leurs dupes, la Russie, comme le rappelle Poutine, à la différence de la France vassalisée, est un état souverain.
. D'après le documentaire d'hier, je dirais que contrairement à ce qu'on nous assène, ce n'est pas lui qui ment, et cela se voit et s'entend. A certains moments, il refuse de répondre, il esquive la question. Nous entrons dans les secrets d'état, il ne nous en donne pas l'accès. Mais pour tout le reste, ses propos sont clairs, argumentés, étayés, il prend la peine de tout expliquer avec calme, il ne glapit pas des slogans, des incantations et des contre-vérités comme les dirigeants occidentaux, en essayant d'empêcher les autres de parler et d'écouter. Les gens devraient être considérés comme capables de juger par eux-mêmes sans ce concert d'imprécations, préalables et postérieures, destinées à les assourdir. Il nous fait l'honneur de nous supposer assez intelligents pour le faire.
En démocratie française exemplaire, je n'ai jamais pu voter pour quelqu'un qui me plaisait vraiment. Je votais contre ceux qui me déplaisaient le plus, jusqu'au jour où j'ai vu que c'était bonnet blanc et blanc bonnet, nous l'avons d'ailleurs tous vu, et nous avons vu, à gauche et à droite chez les gens conscients, comment le pouvoir était confisqué, l'opinion manipulée, la population bernée. Je n'ai jamais pu vraiment m'exprimer non plus, car je n'avais pas la forme d'esprit ni les opinions qu'il fallait, et me retrouvais ostracisée. Avec la plupart de mes amis, je me taisais sur tous les sujets politiques. A la fac, j'ai été l'objet d'une vraie persécution de la part d'un professeur qui m'avait acculée à dire le fond de ma pensée. J'assiste depuis longtemps à la destruction de mon pays par des élites écervelées et des malfaiteurs qui les utilisent. Ceux qui ne participaient pas à cela laissaient faire par négligence, inconscience, paresse, et puis, il faut bien le dire, on peut avoir de l'instinct et du bon sens, mais il n'est pas à la portée de tout un chacun de comprendre ce qui se passe au plan politique, national et international. Sans être forcément des imbéciles, les gens n'ont pas tous le temps ni la forme d'esprit pour se pencher là dessus et en tirer les bonnes conclusions. Néanmoins, il est à la portée d'une personne normalement élevée de faire la différence entre une expression franche et une gueule de faux témoin, un discours étayé et clair et un salmigondis idéologique pour victimes de la secte Moon.
Pendant le débat où j'ai dormi, j'ai capté qu'on affirmait que Poutine mentait en prétendant ne pas contrôler l'information. Sur quelle base l'affirme-t-on? La presse russe est en partie exactement dans la même mouvance que la nôtre et répète, par exemple, à ses sectateurs, (sectateurs est le mot) que les troupes russes sont entrées en Ukraine, ce qui ne résiste pas à l'examen du plus élémentaire bon sens et n'est prouvé absolument par rien. Nikita Mikhalkov a démontré dans ses émissions Besogon comment le journaliste Ganapolski trafiquait délibérément l'information, au sujet de l'Ukraine et de la Crimée, coupait la parole à ceux qui le contredisaient et les insultait, il a montré les "opposants" en congrès quand ils proclamaient la nécessité de démembrer la Russie, de la casser en plusieurs morceaux et de la mettre sous gouvernement international, je l'ai vu de mes yeux, entendu de mes oreilles, traduit, la vidéo est bloquée par youtube. Tous ces opposants, que je qualifierais plutôt de traîtres et de marionnettes oranges, tous ces journalistes malhonnêtes et haineux se portent fort bien et continuent à empoisonner tranquillement les esprits, la différence entre la Russie et nous, c'est qu'il y a aussi des médias qui leur apportent la contradiction, ce que nous n'avons pratiquement plus.
Je vois ici des gens mécontents, et souvent pour de bonnes raisons. Cependant, dans le moment difficile que nous traversons, et après les bouleversements qu'a subi la Russie, la période Eltsine faisant suite au communisme, je ne vois pas comment cela pourrait être ici le paradis du jour au lendemain. Qui plus est, les raisons de mécontentement sont souvent locales et nécessitent une résistance locale à l'impudence, la cupidité, la malhonnêteté de fonctionnaires qui se croient tout permis. Ces gens croient souvent que nous avons en Europe la démocratie idéale et un niveau de vie sensationnel. Ce sont des gens qui restent, comme les occidentaux, au niveau de leur quartier et de leur cour d'immeuble, et rêvent que l'herbe est plus verte ailleurs. Au moment même où notre niveau de vie s'effondre et où notre petit accident historique prospère et humain est battu en brèche par l'avènement d'une dictature libérale internationale et l'invasion qu'elle organise, l'intellectuel russe continue de rêver démocratie idéale, petits cafés, petits restaurants, petits commerces, gentils fermiers, aimables agents de police, Louis de Funès, Charles Trenet, Pierre Richard, en gros, les années 50 et 60. Quand ils viennent chez nous en touristes, c'est souvent ce qu'ils voient, ils ne sont pas au courant des suicides massifs de nos 6% d'agriculteurs, des centre-villes qui meurent, des SDF en quantité exponentielle, des manipulations d'opinion, des bourrages d'urnes, des intimidations diverses, de l'unanimité en béton de la presse, des délits d'opinion entraînant lourdes amendes et peines de prison, de la corruption et de l'arrogance de nos petits marquis, du double standard systématique dans le traitement des gens, selon qu'ils appartiennent à telle ou telle mouvance, ethnie ou religion. Je pense personnellement que c'est l'ensemble de la planète qui va mal et cela ne va pas s'arranger, pour toutes sortes de raisons, dont la première est la cupidité effrénée et l'absence totale de scrupules des puissances d'argent, des lobbys.
Cependant, dans ce monde qui va mal, la Russie qui souffre comme les autres et a souffert beaucoup plus, est un ETAT SOUVERAIN.
Actuellement, un état qui n'est pas souverain ne peut être dit démocratique, puisque on se fout éperdument dans les hautes sphères transversales de ce que le bon peuple préfère, nous l'avons déjà vu maintes fois. Un état vassal fait ce que lui dit son suzerain et il est dirigé par des compradores, autrement dit des traîtres, des hommes de main. C'est notre cas, avec nos élections trafiquées, notre presse entièrement noyautée par quatre ou cinq milliardaires. Nous n'avons donc aucun droit à critiquer le gouvernement russe. Occupons-nous plutôt du nôtre ou de ce qui en tient lieu...