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lundi 8 janvier 2018

Notre geronda nous a quittés

Le père Placide Deseille vient de nous quitter, le jour de Noël selon l'ancien calendrier julien toujours en usage au mont Athos, laissant spirituellement orphelins bon nombre d’orthodoxes français, belges, hollandais que sa personnalité avait réunis autour des monastères qu’il a fondés.
J’ai fait sa connaissance il y a très longtemps. J’étais allée faire un stage d’iconographie à l’atelier saint Jean Damascène, à Saint-Jean-en-Royans, dans les années 80, et j’avais assisté à des offices dans ce qui tenait lieu d’église, au monastère saint Antoine, avant la construction du sanctuaire en pierre de style byzantin, orné bénévolement de fresques par l’iconographe russe Iaroslav Dobrynine. A l’époque déjà, alors que j’étais généralement gênée par les liturgies orthodoxes en français, j’avais été frappée par le caractère naturel et organique de celles du monastère. Il me semblait entendre du grec et le comprendre couramment. Cela tenait sans doute à la qualité de la traduction et au travail d’Andréa Atlanti qui a passé sa vie à adapter les uns aux autres les textes français et les mélodies byzantines.  Je retirai de ce premier contact un sentiment de grande élévation spirituelle et de grâce.
Quand je décidai de repartir en Russie, au début des années 90, je me souvins du père Placide et allai le consulter : étais-je mue par la volonté de Dieu ou par une sorte d’exaltation ? Le père Placide m’incita à partir et me donna sa bénédiction : « Allez-y, je pense que c’est la volonté de Dieu, mais vous reviendrez. Voyez moi par exemple, je suis parti au mont Athos, et je me sens plus à mon aise en Grèce, mais nous sommes français, et nous avons quelque chose à faire en France. »
Alors que je travaillais en Russie depuis quelques années, je vins pour la première fois, pendant les vacances, à Solan. Je revis le père Placide, je lui dis que je travaillais en Russie. L’office me plut autant que la première fois. Habituée aux églises russes généralement délabrées , après des décennies de profanation, et couvertes d’échafaudages, à un public pauvre, à cette foule russe déphasée des années 90, j’étais un peu étonnée par les paroissiens qui me paraissaient élégants et bourgeois, typiquement français bien élevés, alors qu’en fait, je le découvris par la suite, ces gens étaient loin d’être riches, et parfois de vieux soixante-huitards ou des écolos.
L’idée m’avait alors effleurée de revenir en France, car je vivais mal de sentir maman isolée, après son veuvage. J’avais pensé passer le concours de professeur des écoles dans un des départements limitrophes de la Drôme du sud, et Solan ou saint Antoine m’auraient permis d’aller régulièrement aux offices et de faire partie d’une communauté. Maman, que cela aurait dû réjouir, me répondit quand je lui exposai le projet : «J’en serais naturellement ravie, mais réfléchis bien, il ne s’agit pas de venir par la suite m’emmerder avec tes déprimes. »
Le passage du concours me garantissant pour un certain nombre d’années des postes épouvantables, en me privant de toute ancienneté, d’autant plus qu’à l’étranger je n’en acquérais aucune, je renonçai à cette idée.
Quand la maladie de ma mère, longtemps après, m’obligea à rentrer, j’allai naturellement chercher refuge spirituel à Solan, qui était à quarante kilomètres de chez nous, et je me mis à me confesser au père Placide. «Dois-je vous considérer comme mon père spirituel ? lui demandai-je.
- Considérez-moi comme l’humble suppléant du père Valentin », me répondit-il.
J’aimais énormément Solan, le père Placide, l’higoumène Hypandia et ses moniales, et me fis des amis parmi les paroissiens. J’aimais le Gard, la beauté des paysages m’émerveillait tous les jours. Le village de Cavillargues me rappelait la France des années 60 ou 70, malgré les prénoms américains de presque tous les enfants que j’y voyais. Les gens étaient fort aimables. Bien sûr, quand j’allais en Russie, j’avais l’impression d’avoir perdu ma vie, celle que je m’étais faite, qui était plus dure, mais très intense, et puis c’était ma vie, mon rêve russe. Je me souviens avoir assisté à un concert de mes cosaques avec un sentiment de tristesse indicible et d’exclusion : tout cela continuait sans moi, j’oublierais toutes ces chansons et la langue russe elle-même, bien qu’il m’arrivât de la parler en France.
Le père Placide m’encourageait à écrire et me parlait beaucoup de la Russie. Alors que j’avais acheté une maison à Cavillargues, et que ma mère se mourait, il commença à me dire que je devais réfléchir à un retour en Russie. Je m’étais déjà habituée à l’idée que j’avais été poussée par les événements à faire comme il me l’avait prédit autrefois : j’étais revenue en France, m’intégrer dans l’Orthodoxie française, comprendre les textes lus dans ma langue était pour moi une découverte extraordinaire, et j’aimais le chant byzantin, qui me rappelait celui des vieux-croyants, ou le folklore, plus que les chants russes du XVIII° ou du XIX° siècles, pleins de trilles et d’effets, qui me distrayaient de la prière au lieu de m’y plonger, surtout quand les dames du chœur donnaient de la voix avec extase. Je fus donc extrêmement déstabilisée par ce conseil : «Père, mais je viens d’acheter une maison…
- Eh bien vous pouvez la revendre…
- Mais je suis déjà âgée et repartir là bas représente tant de difficultés et de démarches…
- Au contraire, vous n’êtes justement pas encore trop vieille pour cela, mais dans cinq ou dix ans, vous le serez, aussi hâtez-vous… »
J’hésitai encore un moment, faisant des voyages, envisageant divers lieux de résidence là bas, je ne voulais plus vivre dans la capitale, et en Russie, vivre à la campagne n’est pas aussi simple qu’en France… Le père Placide me disait que son conseil n’était pas un ordre, et que c’était à moi de prendre la décision. J’allai deux fois sur la tombe de sainte Matrona. Une higoumène russe rencontrée à Solan me conseilla même d’y prendre le voile. J’hésitais, mais en dehors du père Placide, du père Valentin lui-même, et aussi du père Basile Pasquiet, pour qui la Russie était « la dernière arche », je fus poussée à partir par un profond sentiment d’inadéquation à la société française, à son manque étonnant de spiritualité et même, paradoxalement, malgré la conservation du décor, de mémoire, à ses idéologies hédonistes, matérialistes, à l’imbécilité gauchiste soixante-huitarde dont elle restait très empreinte, à son implication politique dans les causes otanesques les plus pourries, en Yougoslavie d’abord, ensuite au Moyen Orient, en Ukraine, la russophobie cultivée par sa classe politico-médiatique, sans parler de ses orientations sociétales révoltantes. Je n’étais solidaire de rien, en France, à part des orthodoxes de Solan, et il me semblait, comme avant mon départ, ne pas appartenir à ce monde. Le monde français auquel j’appartenais étant pratiquement anéanti, malgré la bonne conservation des villages, des châteaux et des églises.
Le père Placide poursuivait son idée qui faisait son chemin dans ma tête. J’achetai une maison à Pereslavl, et, n’en menant pas large, je commençai à organiser mon retour.
« Si j’avais seulement dix ans de moins, me dit alors le père Placide, je vendrais tout ici et j’irais fonder des monastères en Crimée pour la diaspora française qui trouvera refuge là bas. Car il ne faut pas se faire d’illusions : pour l’Europe et la France, c’est la fin, et j’ai parfois l’impression ici d’être un prêtre grec qui se promène en Turquie. Certains ne parlent pas russe, et ont toutes sortes d’obligations qui les retiennent ici, mais ce n’est pas votre cas, alors partez ! »
J’avais parlé de ces exhortations à un moine russe qui m’avait commandé une traduction et qui m’avait dit, impressionné : «Si le père Placide, qui est si patriote, vous dit une chose pareille, c’est que ça va mal…. »
Le père Placide déclinant, j’eus de moins en moins l’occasion de lui parler, et m’adressai à la mère Hypandia, dont le raisonnement était le suivant : «Si votre mère n’avait pas eu besoin de vous, seriez-vous rentrée en France ?
- Non, certainement pas.
- Alors c’était votre choix, il vous faut repartir. »
Ce que j’ai fait. J’ai revu le père Placide pour l’ouverture des portes de la nouvelle et magnifique église de Solan, j’ai juste recueilli sa bénédiction. Je lui avais écrit une lettre à laquelle je n’aurai pas de réponse en ce monde. L’annonce de sa mort m’a laissée en larmes. Pourtant, c’est certainement pour lui une bénédiction, d’être parti doucement, après avoir vu son église réalisée et avant les événements difficiles qu’il semblait prévoir. Sa vie a été lumineuse et bien remplie, il a dû monter directement vers le Seigneur accompagné par les anges, et il priera pour nous qui en avons bien besoin.

Mais il va nous manquer. Priez pour nous, cher père Placide, cher geronda, priez pour nous. Nous en aurons bien besoin, et vous le saviez.

Le père Placide après la liturgie, à Solan, recevant les gens et leur distribuant sa bénédiction
au moment du café en commun.

dimanche 7 janvier 2018

Joyeux Noël

Le temps épouvantable se poursuit, il neige, puis il pleut, on patauge et dérape sur la glace fondue, le ciel est gris, la terre marron. Je devais aller à Moscou hier et sentait un refus total de mon organisme. Je suis fatiguée par le temps, la pâtisserie. Didier pense qu’à 65 ans on est en pleine forme, sa mère qui en a 75 travaille malade, moi je n’ai pas la religion du travail. J’essaie de le faire correctement quand je suis obligée de le faire, mais je n’en ai pas la religion.
Lorsque je me suis décidée à partir, j’ai trouvé le bus bondé : je n’ai pas pu embarquer. Il fallait revenir une heure et demie plus tard ou se cailler en attendant dans un décor sinistre, et pas sûr que j’aurais eu de la place dans le suivant, pour lequel on ne peut pas acheter les billets d’avance, parce que c’est un longue distance et pas « notre autobus » qui fait exclusivement Pereslavl Moscou et réciproquement.
J’ai donc opté pour le monastère saint Théodore. Je me suis confessée, j’ai communié. La sœur Larissa m’avait ménagé une place assise dans la chapelle latérale sainte Nathalie et saint Adrien, où se tenait la mère de Pierre le Grand et où les éclopés trouvent refuge. Le problème est qu’on entend moins bien, et comme c’est en slavon, plein de choses m’échappent, seule une fréquentation assidue peut permettre à la plupart des Russes de comprendre complètement ces lectures, quand ils les savent pratiquement par cœur, si c’est possible.
J’étais épuisée et dans un état de semi-conscience vaseuse, les vieilles échouées autour de moi étaient pleines de sollicitude : le fait d’avoir accès à la chapelle signifie en soi que nous en sommes toutes au même point ! L’unique jeune femme du lot avait un lumbago…
La sœur Larissa m’a fait des cadeaux, j’ai eu droit à l’assiette de plastique décorée d’une photo du monastère. On a offert à tout le monde un livre : « l’influence des mauvais esprits sur notre vie ». Puis tout le monde est allé au réfectoire. Le chœur a chanté des noëls. Des gosses ont récité des vers. Une adolescente a chanté une abominable chansonnette aux accents américanoïdes sur la nouvelle année. Une jeune fille lui a succédé avec le même genre de répertoire. J’aurais pu me lever et chanter un noël français ou même russe, mais j’étais trop fatiguée.
Je trouvais les gens fort gentils et touchants, mais le mauvais goût, qui s’infiltre jusque dans ce vénérable monastère, bâti au XIV° siècle, embelli par Ivan le Terrible et plus tard par Pierre le Grand ou sa mère, me consterne profondément. Je devrais en avoir l’habitude, mais depuis que je suis au monde, je n’ai jamais pu m’y faire et c’est même ce qui m’a toujours fait considérer mon époque avec méfiance et aversion : sa laideur, marque du diable, la laideur du toc, du faux, du clinquant et du bariolé, du bling bling, de la poudre aux yeux.  A Solan, tout est en harmonie, dans la nouvelle église et les bâtiments d’habitation, tout est simple, beau et s’accorde, pas une fausse note. A saint Théodore, malheureusement, comme dans tout Pereslavl, toute la Russie soviétique et post-soviétique, c’est plutôt la cacophonie. L’évêque fait bien de se préoccuper de la résurrection du folklore...
Autrefois les gens connaissaient de nombreux noëls et aussi des refrains de quête, car on allait avec une grosse étoile de maison en maison demander des friandises, et l'on pratiquait toutes sortes de jeux carnavalesques et bouffons avec des masques, dont par exemple celui de la chèvre, est probablement un rite de fertilité païen. On se livrait à la divination avec un miroir et une bougie, dans la cabane de l'étuve, dans l'espoir de voir le visage de son futur fiancé.
Avant de partir, tout le monde a décroché sur le sapin des moniales un petit rouleau de papier brillant: c'était notre message spirituel pour l'année qui vient. Voici le mien:
Préparez-vous aux souffrances et elle seront allégées, refusez la consolation et elle viendra à celui qui s'en considère indigne. Saint Ignace Briantchaninov. 
Le taxi qui me ramenait, et que je partageais avec une autre bonne femme, expliquait à celle-ci que j’étais une vraie Française, et que personnellement, jusqu’à moi, il n’en avait jamais vu qu’à la télé.  Il voudrait des cours de français. «Et avec qui allez-vous pratiquer ça ? Lui demande sa passagère.
- Le patron du café la Forêt est français, son pâtissier aussi ! dis-je

- Voilà, conclut le taxi. Ca fait déjà deux ! »



Accompagnement de la chèvre chez des cosaques du Kouban

Nous ne venons pas tout seuls, nous amenons la chèvre.
Et notre chèvre vient d'arriver de Moscou.
Elle vient de Moscou, avec ses longues tresses, ses petits chevreaux.
Ohoho la chèvre, ohoho la chèvre grise,
Ne va pas la chèvre à Mikhaïlovka.
a Mikhaïlovka, ils sont tous chasseurs.
Ils ont blessé la chèvre à l'oreille droite
De son oreille gauche a coulé du sang. voilà la chèvre qui tombe, la voilà morte. 
Hé toi, Mikhanos, souffle-lui sous la queue!
Hé toi, Gavrila, souffle-lui dans le museau!
Voilà la chèvre qui se lève, la voilà vivante!
Tape, tape du pied, pique, pique de la corne.
Où la chèvre lève la queue, voilà le blé en gerbe.
Où la chèvre pique de la corne, voilà le blé en meule. 
Où la chèvre passe, voilà le blé qui lève.

J'avais mis ce jeu en scène avec mes enfants de grande section de maternelle à Moscou.



Des enfants recueillent des friandises


vendredi 5 janvier 2018

Plus au nord...



Sur le fil de nouvelles de Natalya Ponomaryova, j'ai trouvé ce merveilleux film documentaire sur le nord de la Russie, la rivière Mezen.
Oubliée des promoteurs, de ceux qui font de l'argent à tout prix, délabrée et austère, subsiste là bas la sainte Russie, celle qui m'a pris l'âme dans son charme à la fois humble et puissant, dans son immensité et sa profondeur, dans son humanité et sa pureté.
Ce film comporte peu de paroles, il se regarde, s'écoute et se ressent.
Dieu garde la sainte Russie. Jusqu'au Dernier Jour.

Des enfants russes

Je dis des enfants russes, parce qu'ils sont vraiment russes, des Russes complets, pour qui être russe s'inscrit dans une continuité culturelle millénaire...
Hier, la famille Leïkine s'est arrêtée chez moi, à la grande joie de Rosie qui a pu jouer avec des enfants qui n'avaient pas peur d'elle, et j'ai pu observer qu'en devenant adulte, elle avait acquis de la douceur et déployait de grandes précautions pour ne blesser personne.
Les petits Leïkine avaient un ami, avec eux, Ilioucha, lui aussi grandi dans sa tradition, et ils ont joué, dansé et chanté, avec une grâce et un naturel qu'on acquiert seulement quand musique et danse sont des moyens d'expression spontanément développés, comme des jeux, lesquels jeux sont, comme on la sait, l'apprentissage de la vie, du moins de la vie normale.
Les parents Leïkine appliquent plus ou moins avec leurs enfants les principes que je développais en maternelle, de manière évidemment beaucoup moins suivie, car j'avais moins de temps à consacrer à chacun de mes élèves, et je devais aussi tenir compte des impératifs de l'éducation nationale...
Sont venus nous rejoindre Olga et Oleg, qui m'apportaient un ragoût de poisson et de légumes dans un vieux pot paysan en fonte . J'avais rencontré Olga cet été, avec Yana et Dounia, elle s'était souvenue de moi et avait souhaité me revoir.
Nous avons mangé un gâteau de Didier, caramel poire, un délice absolu! D'ailleurs, il n'en est rien resté. Oleg et Olga m'ont dit que même à Moscou chez des pâtissiers renommés, ils n'avaient jamais rien mangé d'aussi raffiné.
Nous avons bu de mon vin de pomme. Et discuté de foi orthodoxe, de paganisme et de tradition. J'ai expliqué comment je suis venue ici: "Pour moi, c'était quand même une sorte d'exploit, car il était plus simple de rester là bas, mais je crois que je devais le faire...
- Oui, me dit Oleg, vous avez employé le mot qu'il convient, "exploit", à notre sens spirituel du terme, car cet exploit vous fait avancer, vous bouscule et vous fait avancer, et cette maison si jolie et si agréable où vous êtes venue seule à la rencontre de la Russie est, en réalité, une sorte de skite...
- Pourtant, je ne suis vraiment pas quelqu'un d'ascétique!
- Cela ne fait rien. En soi, ce que vous avez fait est une forme d'ascèse."
Oleg et Olga m'ont vanté les mérites de leur médecin, ici, et Micha et Natacha me recommandent à Moscou une amie qui travaille chez Renault...
Comme quoi, tout de même, je suis aidée!
Il neige enfin, pourvu que ça tienne. Un taxi m'a dit: "Le beau temps, ici, il vaut mieux se le faire à l'intérieur de soi". Comme c'est la deuxième fois que j'entends dire quelque chose comme ça, je pense qu'il s'agit d'une caractéristique de la psychologie russe!




mercredi 3 janvier 2018

L'hiver russe, c'est pas du millefeuilles...

Ce monument, c'est Rosie perchée sur le tas de sable du voisin qu'elle accompagne à la pêche
Je suis revenue aujourd’hui de la pâtisserie d’une humeur massacrante, à cause de la fatigue et du temps immonde. Je ne sais plus à quoi ressemble le soleil, à vrai dire, on a même l’impression que le jour ne se lève pas, bien que théoriquement, depuis le 21, il rallonge. On passe directement de l’aube au crépuscule, sans les couleurs qui vont avec l’un et avec l’autre.  Tout est gris, morne, sale et moche. Rien de mieux qu’un tel temps, quand il n’y a plus de verdure et pas de neige, et pas de soleil, pour voir les disgrâces de cette ville autrefois si jolie, encore très pittoresque il y a vingt ans, et de plus en plus abîmée, banale et sale. Didier me disait qu’il voyait des sacs poubelles jetés le long de la rivière, près de la plage du lac. Quand j’allais encore promener Rosie le long de l’ancienne berge escarpée, c’était pareil, des décharges sauvages de tous les côtés. La cour des anciens baraquements que je traverse pour raccourcir et éviter le marécage qu’est ma rue derrière la maison, est jonchée d’ordures, un véritable dépotoir, d’où Rosie me rapporte diverses pièces de choix, qu’elle dissémine à travers mon propre terrain.
Un concours étant ouvert sur internet pour trouver un projet de monument à placer à l’entrée de la ville pour la caractériser aux yeux des touristes, un plaisantin a proposé : un écriteau noir avec « corruption » marqué dessus…
Didier n’arrête pas de râler : on n’est heureux et tranquille que dans son cercueil, le monde moderne est immonde et va à la catastrophe, la Russie est un pays sinistre avec un climat de merde et des gens qui ne savent pas travailler. Et moi, je vais l’assister parce que je ne sais comment me débiner, car je l’aime bien, j’aime bien tout le monde, et c’est pourquoi je ne peux refuser, mais c’est une trop grosse contrainte, je rentre chez moi à deux heures, sur place, une des employées prépare une tambouille ignoble et grasse, qui fait grossir, l’alternative, c’est le grignotage ou crever de faim ; j’ai mal aux genoux, et je reste trop souvent debout. Avec  Didier, je laisse râler le chef, et en rentrant chez moi, je râle pour moi seule, et pour les animaux : ces parasites ne mangent pas ce que je leur donne et je leur donne ce que je peux. Dans un magasin je trouve pour les chats mais pas pour la chienne, dans l’autre, c’est le contraire. Les chats ne veulent considérer que les croquettes Purina en paquet métallisé, j’ai acheté Purina d’une autre sorte, ils n’en veulent pas. La salope de chienne ne veut pas de la pâtée que je mitonne avec de la farce, mais elle bouffe les merdes des chats et tout ce qu’elle peut trouver de révoltant dans le périmètre. Les misérables chats tordent le nez devant le fromage blanc  extra que j’achète au marché, du vrai fromage de vache normale, que je paie deux fois plus cher qu’ailleurs pour ma propre consommation ! Bref je donnerais tout ce paquet de connards pour mon petit Doggie toujours content, du moins en de tels moments.
Didier fait des chaussons aux pommes, maintenant. Je ne les ai pas encore goûtés, mais il y a eu l’essai de galette des rois à la frangipane…  «Tu ne fais pas de mille-feuilles ? J’adore les mille-feuille, c’est juste un peu difficile à manger…

- Difficile à manger, le mille-feuille ? Attends… Tu ne sais pas ce que c’est qu’un vrai mille-feuille. Je te fais un mille-feuille, tu n’auras pas besoin de serviette, mon mille-feuille est fondant comme un pavé sur la gueule d’un flic ! »
Mais il a renoncé à en fabriquer, parce qu'il ne trouve pas ses collaborateurs à la hauteur de la tâche...


dimanche 31 décembre 2017

BONNE ANNEE 2018

Je trouve toujours un peu bête de le faire, mais le moment est venu de se souhaiter une bonne année. Depuis le temps qu'on en voit passer de pas franchement meilleures ou de pas toujours pires, on peut se dire que cela ne sert pas à grand chose, mais enfin oui, évidemment, souhaitons-nous le meilleur quand même!
J'ai cherché une carte de vœu russe. Je n'ai vu que des horreurs. Je suis allée sur carte de vœu soviétique, je dois dire que c'était nettement mieux, il faut dire qu'à l'époque, beaucoup d'artistes réfugiaient leur talent dans l'illustration et ce genre de choses, maintenant, les cartes sont commandées par des gens qui font du fric, qui ne sont intéressés que par le fric, et jugent de la qualité d'un artiste de par leur mauvais goût personnel.
Souhaitons plus de beauté, d'harmonie, de bonté et de simplicité, de respect pour nos cultures et nos traditions locales qui, à travers nos ancêtres, nous relient à toute l'humanité, elles nous relient, elles ne nous mélangent pas, n'importe comment, comme on croise des chiens ou des chats pour créer une nouvelle race. Souhaitons des prises de conscience salutaires: sans retour à un genre de vie plus simple, plus normal, plus respectueux de tout ce qui vit sur terre, plus digne, plus noble, nous allons nous créer un enfer qui nous rendra la mort facile.
Je souhaite que tout cela prenne fin avant de nous faire le monde irrespirable, hideux et révoltant au delà de ce que nous pourrons supporter. Je souhaite que soient défaits les serviteurs transnationaux de Mammon.
En un mot: maranatha... Viens, Seigneur Jésus!

Et donc, autant que possible, meilleurs vœux à tous ceux qui me lisent.

samedi 30 décembre 2017

Déco

Le temps dégueulasse ne me poussant pas à sortir, je fais comme les Russes dans le temps, et dans la même situation, sans doute, je décore.
J'avais deux chaises soviétiques en contreplaqué complètement destroy trouvées dans la maison, je les ai peintes et recouvertes d'un tissu trouvé au "Lin Russe", à Pereslavl.
J'avais un vieux tabouret certainement fabrication maison, endommagé par les artisans qui s'en servaient pour couper des planches, je l'ai peint de même, et décoré.
Et puis je me suis attaquée à ce que j'hésitais depuis longtemps à faire: des fresques intérieures. Cela doit être fait avec discrétion, quand même, si l'on veut suspendre des tableaux, il faut choisir les endroits, et les couleurs...
J'ai commencé sur la porte de ma chambre, un lion, comme il se doit! Il n'est pas fini, j'ai besoin de réfléchir.
J'espère que je n'ai pas fait une connerie...
Le froid arrivera vers la Théophanie, pas un grand froid, quelque chose comme moins cinq moins dix. J'espère qu'on n'aura pas moins trente au mois de mars...
Depuis deux jours, j'arrive à dormir sans être éveillée par des douleurs. Ca me repose.