Le
prêtre de l’église du Signe, le père Alexeï, m’a contactée parce qu’il a vu le
rédac chef de Thomas, Gourbolikov, et que celui-ci lui a parlé de moi. De son
côté, Dany, à Paris, à la rue Daru, a rencontré l’évêque de Pereslavl,
monseigneur Théodore, le monde orthodoxe est petit…
J'ai reçu aussi un coup-de-fil d'une femme que j'avais connue quand j'avais ma datcha, "la comtesse", qui était effectivement comtesse, de Saint-Pétersbourg. Elle vit maintenant à Pereslavl, dans sa maison de famille, à côté du monastère saint Théodore.
J'ai reçu aussi un coup-de-fil d'une femme que j'avais connue quand j'avais ma datcha, "la comtesse", qui était effectivement comtesse, de Saint-Pétersbourg. Elle vit maintenant à Pereslavl, dans sa maison de famille, à côté du monastère saint Théodore.
Je
suis contente de me faire des amis sur place, car depuis que j’ai Rita, je ne
sais plus comment aller à Moscou. Elle n’est pas propre. Bien sûr, elle
comprend que lorsqu’elle fait pipi dehors, elle a une « vkousniachka »
et se précipite vers l’armoire où je garde les friandises pour chien, mais elle
n’a pas le réflexe de demander à sortir, ni même de sortir seule à travers la
chatière, ce que faisait Doggie. Elle est contente de sortir, maintenant, elle
aboie joyeusement dans le jardin. Mais pas sans moi…
Je
l’ai emmenée promener hier avec Rosie, et elle marche beaucoup plus
volontiers. Rosie la défend, pour elle, elle fait partie du troupeau, avec moi
et les quatre chats. Rosie monte la garde avec un air très compétent. Elle fait
des rondes jour et nuit, inspecte même la maison, c’est comme si j’avais un
flic à domicile. Au retour de la promenade, nous sommes passées devant un
chemin au bout duquel vivent des chiens errants, que je n’avais pas vus depuis
longtemps. Rita a fait mine de s’y engager, et bien qu’il n’y eût personne à l’horizon,
Rosie s’est précipitée pour la décourager, en tournant autour d’elle et la
mordillant, si bien que je l’ai prise dans son sac. La minute suivante, les
chiens sont arrivés. Et Rosie est restée sur le chemin pour leur barrer le
passage tandis que je m’éloignais avec Rita…
Tout
était gelé, terne, mais très graphique, avec ces fleurs sèches devenues une
sorte d’écume terreuse qui moutonne, gorgée des graines
des floraisons futures, sous les branches nues . Il y a de plus en plus d’ordures, partout, de
bouteilles en plastique, les gens ont-ils plaisir encore à venir pique-niquer
dans une décharge en apportant, à chaque fois, leur contribution à ce désastre ?
Leurs maisons elles-mêmes, qui pullulent insolemment et sans autorisation sur l’escarpement
et cachent le monastère tout en cassant l’ambiance, ressemblent à de gros
déchets de plastique, et sans doute que leur âme aussi, prend cette allure-là…
sinon, ils vivraient et construiraient autrement.
Le
lac gelé a pris cet aspect laiteux et opalescent qu’il a en hiver. La neige se
fait attendre, mais elle recouvrira bientôt miséricordieusement la plupart des
disgrâces. Dans le marais, un arbre brisé étale de grandes ailes osseuses de ptérodactyle, Rosie va et vient, elle casse la glace pour boire là où il y a encore de l'eau dessous, et cherche des proies, en sautant verticalement comme un renard polaire. Rita me suit comme mon ombre, mais trottine et renifle.
Les
commentaires des communistes, sur Facebook, me glacent le sang. Youri Shoubine
en a de toutes sortes, sa page est une sorte de forum, où il admet tout le
monde, entrant patiemment en discussion avec n’importe quel imbécile, ce que je
n’ai pas le courage de faire, et lorsque cela m’arrive, j’ai du mal à rester
sereine. En cela, pourtant, il répond aux désirs du patriarche, qui nous demande de ne pas laisser internet aux trolls... Il a mis la photo d’archive d’une des innombrables victimes des
purges, une folle en Christ de 90 ans, fusillée au terme des joyeusetés que l’on
sait, emprisonnement, interrogatoires musclés… « Elle a eu ce qu’elle
méritait », écrit une communiste. Et en dehors de son âge, qui à lui seul aurait pu
décider des juges humains à la laisser mourir tranquille, qu’avait-t-elle fait
qui méritât cela ? Des gens venaient la voir avec vénération dans son
appartement et lui demander des conseils spirituels… En effet, la mort était
pour cela un châtiment trop doux. La mentalité idéologique est une maladie
mentale. Parce qu’à côté de cela, il y a des gens, sympathisants communistes
par horreur du libéralisme ou par amour de la justice (il y en a quelques uns),
qui admettent et regrettent ce qui s’est passé. Mais le vrai pur et dur ne
regrette rien, il ne demande qu’à recommencer les délations, les exécutions, il
partirait joyeux garder la chiourme, toute personne qui lui paraît se mettre en
travers de son illusion forcenée et de son idolâtrie des bourreaux est un
ennemi mortel à exterminer, du tsarévitch Alexis jusqu’à la vieille
folle-en-Christ, en passant par les paysans, les vielleux, les cosaques et les
poètes. J’avais une amie orthodoxe qui me disait dans les années 90, à propos
des vieux qui défilaient avec la photo de Staline : « Je ne les
plains pas, ce sont eux qui ont laissé s’installer tout cela et qui y ont
contribué, ils en récoltent maintenant les fruits. Les vieux normaux, leurs
familles et leurs paroisses s'occupent d’eux. »
Un autre communiste, en commentaire à un article que j'ai traduit sur les turpitudes de l'abominable "patriarche" Philarète, (et c'est effectivement Iznogoud, le vizir qui voulait être calife à la place du calife, en beaucoup moins drôle), décrète que Staline avait bien raison de tenir les popes avec un collier de fer. C'est-à-dire qu'il voit en Philarète, qui, avant de se rabattre sur les néonazis, avait construit toute sa carrière en mouchardant pour le KGB, soit pour les organes de son cher pouvoir communiste, et envoyé les prêtres et hiérarques ukrainiens en taule par paquets entiers, la justification du martyre et de la persécution de tous les saints prêtres et laïques des répressions bolcheviques et staliniennes. Mais il ne voit pas la gueule de l'apparatchik pourri Koutchma, cauteleux et vicieux jusqu'à la moelle, lui aussi pur produit de son régime bien-aimé. Et il ignore le métropolite Onuphre, ses hiérarques fidèles et les 60% d'orthodoxes ukrainiens qui n'ont jamais trempé dans ces magouilles et en souffrent même tous les jours. Cela me rappelle l'histoire de la mouche et de l'abeille, l'une trouvant toujours la merde, et l'autre les fleurs, de par leurs natures respectives.