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mardi 15 octobre 2019

Protection

J'ai enfin réussi à mobiliser ma volonté pour aller à Moscou rendre visite à mon père Valentin. Il faut dire que c'était hier la fête votive de son église consacrée à la Protection de la Mère de Dieu. Difficile de laisser passer ça...
Dans sa paroisse, je me sens en famille. Les prêtres et tous les gens que je connais ont toujours un mot gentil, et de plus, j'ai enfin réussi à repérer la dame qui s'occupe des plates bandes, et à qui depuis deux ans je voulais demander un rejet d'un églantier à ravissantes petites roses blanches, avec un port de branches très souple, de petites feuilles légères qui prennent en automne des tons rubescents, au sein desquelles les fruits noirs sont du plus bel effet. Il a deux floraisons, au printemps et à l'automne. La dame appelle cela un rosier, c'est vrai que la fleur est plus élaborée que chez l'églantier ordinaire, mais pour moi, c'est un églantier...Par la même occasion, j'ai récolté quelques roses trémières pour compléter ma collection. Cette dame à la main très verte arrive même à faire pousser des lavandes dans les parterres de l'église, mais me dit que c'est grâce au micro-climat urbain.
Le dimanche, on fêtait aussi l'anniversaire du sixième enfant de Macha, Doroteïa, et le lendemain, celui de la troisième fille de Liéna, Zinaïda. J'ai vu également Xioucha, et son septième bébé, Kyra. Et chez elle, un charmant jeune Français, Samuel, qui est en train d'émigrer. Il est beau garçon, et sympathique. Xioucha lui a trouvé une chambre à louer dans l'appartement du dessus. "On m'a reproché de partir sans lutter, m'a-t-il dit, mais je sens tellement que ce n'est pas la peine, on dirait que les gens n'ont plus aucune réaction.
- Je sais, ils sont sous hypnose. Vous savez, j'ai vu hier un Russe libéral qui, lorsque j'ai confirmé qu'après les églises qui brûlaient en série, chez nous, ce sont maintenant les usines, et que quasiment chaque jour, un "déséquilibré", ou plusieurs, assassinent le premier venu, violent impunément ou tabassent, m'a répondu: "Je ne veux pas savoir ce qui se passe en France, en Russie, ça va très mal, ça va très très mal, et c'est tout ce qui m'intéresse." Comme ça, il est bien sûr de ne pas discerner ce qui se passe au niveau mondial et de continuer à gober ce qu'on lui raconte qu'il faut croire dans les milieux intelligents, exactement comme chez nos bobos. Et exactement comme un pur produit de la République, il n'en croit pas moins, tout en étant libéral et anticommuniste, qu'avant la Révolution, la Russie paysanne n'était que ténèbres, alors qu'en dehors de leur art populaire et de leur folklore magnifiques, plus de la moitié des gens savaient lire, et les folkloristes me chantent des chants populaires élaborés sur des vers de Lermontov et Pouchkine que cette "populace" prenait dans les journaux! Mais toute cette frange d'intellectuels urbains est complètement hors sol, et parle d'autant plus dans le vide qu'elle est persuadée d'être le sel de la terre. J'ai trouvé à Férapontovo des gens qui n'ont jamais quitté leur province et qui sont plus intelligents et profonds, et d'aplomb que beaucoup d'entre eux.
- Oui, c'est sans doute le phénomène Gustave Thibon qui joue!
- Un peu!"
Samuel, et d'après ce que j'ai compris, toute sa génération, attribuent la désagrégation de la France à l'aveuglement des babyboomers, dont je ne fais partie que par la date de naissance...
Il a soutenu les gilets jaunes et pris des coups de matraque. D'après lui, ce sont là les vrais Français, le sursaut de la province, mais leur récupération l'a découragé.
Le père Antoni, avec qui j'ai échangé sur Whatsapp, m'a dit qu'il rêvait de fonder une paroisse dans un coin perdu des Alpes: "Quand on est en France, il faut monter dans les montagnes, et quand on est en Russie, s'éloigner des villes dans les profondeurs du pays".
J'ai ensuite parlé avec le père Valentin de la situation de schisme provoquée par les Américains par l'intermédiaire du patriarche Bartholomée, et rendue irréparable par la trahison des hiérarques grecs. Avec beaucoup d'orthodoxes que je connais, je ne suis désormais plus en communion. "Comment pourrais-je rester en communion avec des gens qui le sont, depuis la décision de leur synode, avec des imposteurs plus ou moins criminels comme Philarète et Epiphane Doumenko, lesquels à présent, se jettent de surcroît dans les bras des uniates et de leur métropolite menteur et complice des massacres au Donbass?
- Impossible, impossible, m'a répondu le père Valentin, pourtant très héllénophile. C'est devenu impossible, c'est fini. Le schisme est acté."
Bien sûr, comme au temps du premier schisme du XI° siècle, des gens qui ne savent rien, continueront à aller, déterminés par leur position géographique, dans leurs églises habituelles, et se retrouveront de facto d'un côté ou de l'autre sans l'avoir vraiment décidé. Mais moi, je sais. Les hiérarques grecs qui ont suivi Bartholomée savent ce qu'ils font, comme le leur a dit le métropolite de Zaporojié. Ils vouent consciemment des millions de croyants et leur pasteur, à juste titre respecté de tous, aux persécutions d'intrigants impurs, aux ordres d'une bande de mafieux supranationaux notoirement sataniques et antichrétiens. Leur pardonner est l'affaire de Dieu, pas la mienne. Je Lui rends grâce de m'avoir fait monter dans la dernière arche plutôt que de m'avoir laissée en occident, dans la nef des fous.
N'oublions pas cependant ces rochers grecs de l'orthodoxie qui ne suivent pas le triste mouvement de la course à l'abîme:
https://orthodoxologie.blogspot.com/2019/10/sur-lexcellent-blog-ortodossiatorino.html

Réaction du métropolite Luc de Zaporojié à la décision du synode grec :


Le Sanhédrin juif condamne le Christ pour une seule raison simple et banale : pour ne pas perdre de confortables conditions de vie. « Il vaudrait mieux mourir… » (Jean 18 :12). Les hiérarques grecs font la même chose. Mieux vaut que souffre le Corps du Christ, Son Eglise, plutôt que de nous voir privés de nos salaires européens, de notre confort, de nos bonnes relations avec les poches d’où sortent nos salaires. C’est quand même plus simple.
Vous vous en êtes lavé les mains, pareils à Pilate, mais vous avez souillé vos cœurs. On nous spolie de nos églises, on tabasse nos paroissiens, le sang coule sur notre terre. Et c’est là seulement « le commencement des maux » (Mat. 24 !8). Pendant que vous philosopherez sur le Christ et théologiserez sur Dieu dans vos bureaux douillets, on nous tuera pour le Christ avec votre permission. Du levain de votre hypocrisie nous a prévenu le Seigneur depuis longtemps (Mat. 16 :6) et nous sommes à nouveau les témoins de la véracité de ses paroles.
Vous n’avez pas senti  dans le baiser de Dmitrios Archondonis le goût de Judas. Maintenant que vous avez dit « A », il vous faudra dire « B » et continuer plus loin selon tous les points du plan prévu par le gouvernement du Nouvel Ordre Mondial. Après que vous aurez baisé le soulier du pape de Rome, vous baiserez déjà celui de l’antéchrist.  Cest là votre choix daujourdhui.
«Serpents, race de vipères ! Comment fuirez-vous votre châtiment dans la géhenne » ? (Mat. 23 :33). « Ainsi votre maison restera vide » (Luc 13 :35). Comme vous vous en souvenez, la trahison des juifs ne les a pas sauvés. Au bout de quelques temps, le Jugement de Dieu n’a pas tardé à venir. Dieu ne connaît que deux mots « Oui » et « Non ». Les déterminants biaisés, glissants, déguisés et perfides de votre sanhédrin ne vous sauveront déjà plus. Dieu vous a entendus, vous avez dit non à la Justice. Vous êtes allées consciemment contre la Vérité, et cela, c'est le blasphème contre le Saint Esprit qui ne peut jamais connaître de pardon (Mat. 12 :23).
Nous,  nous sommes infiniment reconnaissants à Dieu de nous avoir choisis en qualité de victimes pour la Vérité. Sans doute par les prières de la Mère de Dieu. Dans le monde entier, c’est seulement sur notre sainte terre que se trouvent trois de Ses saintes Laures. Pour nous, souffrir pour le Christ est un grand honneur. Merci à Dieu pour ce don immense : non seulement croire en Lui, mais souffrir pour Lui.  (Philip. 1 :29). A votre propos, j’aimerais pouvoir dire à Dieu : « Pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Mais je ne le peux pas, car alors, je serais un hypocrite pareil à vous.
Car je le sais à coup sû: vous savez, mais vous le faites quand même.

lundi 7 octobre 2019

Les trois Russie


sainte Russie

Je lis parfois des choses sur facebook qui me plongent tout d’abord dans une grande fureur et une espèce d’angoisse, celles d’avoir à y répondre, car je ne peux pas laisser passer ça, dans la mesure où mon père spirituel m’a bénie pour combattre. Mais c’est pour moi une souffrance, car je déteste les conflits et la polémique. Hélas nous vivons des temps où l’on ne peut vivre en paix, même intérieure.
Quelqu’un m’a inscrit sur un groupe « d’amitié biélorusse » ; des groupes, j’en ai des milliers, je n’arrive pas à tout lire, et celui que j’ai ouvert pour soutenir le métropolite Onuphre m’occupe déjà pas mal. Mais soit. Et là, je tombe sur le post d’un Français, résidant depuis onze ans au pays de Loukatchenko et avide  de démontrer que les Biélorusses ne sont surtout pas des Russes (comme si être de près ou de loin apparenté à des Russes était quelque chose d’absolument infamant), ni par leur histoire, ni par leur langue, ni par rien. Bref le syndrome de la vérole ukrainienne galopante (et inoculée).

Pour moi, il a toujours été évident que les Biélorusses et les Malorusses sont des Russes, avec des particularités locales, mais des Russes. Ceux qui ne sont pas russes parmi eux sont des sortes de polonais uniates, car ce qui fait la différence initiale entre les tribus slaves de la grande plaine, c’est l’adoption du catholicisme romain par les uns, de l’orthodoxie par les autres. Génétiquement, avec bien sûr de petits métissages locaux, ils sont tous pareils, et ça se voit. Culturellement et linguistiquement également. Ils sont beaucoup plus proches les uns des autres que de n’importe quel représentant de l’Europe occidentale, et par la génétique, et par la culture, et par la foi, et par la mentalité, et par les traditions. Les Polonais et leurs uniates se sont éloignés et puis ils se croient d’une autre essence, qui a « connu la renaissance », des Européens pur jus, pas des paysans arriérés des steppes, mais Biélorusses, Malorusses ou grands Russiens, tout ça, c’était les Russes des trois Russie qui avaient un seul tsar et un seul patriarche. Certes les frontières ont pas mal fluctué, les Polonais sont allés jusqu’à Moscou et l’ont occupée au XVII° siècle, provoquant un rejet absolu des populations. Mais les trois Russie avaient toutes en commun la même foi orthodoxe et le même folklore.
Les vidéos de folkloristes, sur youtube, sont souvent accompagnées des commentaires haineux et stupides des «Ukrainiens » ukrainisants : « C’est notre folklore, vous nous l’avez volé ; vous vous n’avez pas de folklore, vous êtes des mongols etc… » C’est complètement faux et affligeant à lire. Car justement, le folklore remonte à la plus haute antiquité , dans les trois Russie, et en démontre la profonde unité. D’une certaine manière, il rejoint même celui des pays d’Europe, qui s’est parfois davantage éloigné de ces sources millénaires, mais je laisserai cette question de côté. En ce qui concerne les trois Russie, c’est le même folklore. Des musiciens italiens venus en Russie au XVIII° siècle se sont à ma grande surprise intéressés à la question. Ce folklore les avait émerveillés par la complexité de ses architectures musicales, que de simples paysans élaboraient d’instinct. Et ils avaient observé que dans tout l’empire russe, de Pétersbourg au Khamtchatka, d’Arkhangelsk à Odessa, il s’agissait d’UNE SEULE formule mélodique qui connaissait d’infinies variations. Cela pourrait être d’ailleurs la formule de l’âme russe qu’Ukrainiens et Biélorusses antirusses renient purement et simplement. Je ne suis jamais allée en Biélorussie, sauf deux jours à Brest-Litovsk, et l’envie m’en passe au vu de telles considérations ; mais je suis persuadée qu’on retrouve les mêmes coutumes et les mêmes motifs de tissage et de broderies, symboles de fertilité, conjuration du mauvais œil etc. Qui plus est, on voyageait pas mal, par les grandes plaines et les forêts, pèlerins, marchands, cosaques ou même brigands, et le folklore aussi. Personne ne songeait alors, dans l’empire des tsars, à le revendiquer pour sa seule région.
La Biélorussie, comme l’Ukraine actuelle, sont des créations soviétiques entérinées par l’Occident via Eltsine pour affaiblir l’entité russe, le prochain stade étant de casser la Russie en deux selon l’axe de l’Oural et vous verrez que si cela se fait, ce qu’à Dieu ne plaise, avec une bonne propagande, les Sibériens dans vingt ans ne seront plus russes du tout, eux non plus. Comme en Ukraine, il y a sans doute des régions de Biélorussie occidentale qui se sentent plus polonaises que russes. Mais j’ai observé que même en Pologne orientale ce phénomène existait, en direction inverse. Ainsi je me suis arrêtée au monastère saint Onuphre, qui était russe depuis le XIV° siècle, et s’est retrouvé après la guerre, à son grand désespoir, en territoire polonais. Pour le monastère saint Onuphre, d’ailleurs, la Biélorussie, c’était la Russie…
J’avais rencontré ensuite un prêtre à Brest-Litovsk, il parlait russe, et pas biélorusse, et dans la bibliothèque qu’il s’occupait de monter pour relever le niveau culturel des populations, il mettait Tolstoï, Dostoïevski, Pouchkine et Gogol en version originale…
Au moment du démembrement de l’URSS, j’avais parlé avec une jeune Biélorusse qui était catastrophée par « l’indépendance » et me disait que personne n’y comprenait rien et n’avait rien demandé. Les Biélorusses ont eu de la chance, en un sens, car de tous les apparatchiks communistes pourris bombardés roitelets dans leur nouvelle petite république périphérique, il est le seul qui ait pris les intérêts de son fief en considération et conservé une sorte de société soviétique soft, ce qui était la meilleure chose à faire, dans le contexte actuel. A tel point que les Russes enviaient leurs voisins de l’avoir pour président. J’avais rencontré une Biélorusse dont le fils travaillait et s’était marié en Russie, comme foule de Biélorusses et d’Ukrainiens depuis la nuit des temps et aujourd’hui peut être encore plus que jamais.  La dame m’avait confié : « l’indépendance, au début, on était tous contre, mais finalement, on y trouve notre compte ». Mettons qu’aujourd’hui, le Pays d’Oc fasse sécession, avec par exemple, Robert Ménard de la République soluble dans l’UE et le Nouvel Ordre Mondial du traître Macron, et développe une politique nationale satisfaisante pour les habitants, dans 20 ans, il pourrait s’en féliciter, et le Pays d’Oc aurait bien plus de raisons historiques et culturelles de le faire que la Biélorussie.
De là à dire que les Biélorusses n’ont rien en commun avec les Russes… Alors bien sûr, quand l’histoire des gens et leur mémoire ne remontent pas au-delà de 1917, ou pire, de 1990, et que tous les liens sont rompus avec la culture et la foi de leurs ancêtres, on peut facilement prétendre une chose pareille. On dit bien aux Français, qui ont perdu tout lien avec leur passé et donnent à leurs gosses des noms américains, qu’ils doivent tout aux Arabes et que les héros de l’Iliade étaient noirs… Vous avez même des Russes qui renient leur histoire, sous l’effet d’une propagande inlassable, et mettraient leur pays avec joie sous tutelle internationale, je dirais que ceux-ci ne sont pas plus russes, en fin de compte que les Biélorusses ou les Ukrainiens revendiqués : ce sont là des mutants post-soviétiques, des serviteurs bien dressés du Nouvel Ordre Mondial. Car derrière le nationalisme régionaliste des uns et la haine de soi des autres, on discerne le même rejet général de sa spécificité, celle qui subsiste dans la foi orthodoxe, le folklore, la littérature et la mémoire commune. Vous remarquerez en passant que BHL, le principal soutien médiatique du maïdan ukrainien, en dépit du nationalisme des cavernes des banderistes et de leur symbolique nazie, se revendique auprès des Français qui eux, non plus que les Russes, n’ont pas le droit d’être nationalistes, comme cosmopolite et affirme, à la façon de Trotski, son mépris et sa haine de tout ce qui est local et folklorique, bref ce qui fait d’un peuple une famille et même une entité mystique. Je rappellerai à ce propos qu’il se place dans la droite ligne des bolcheviques. Ceux-ci avaient convoqué un « congrès panrusse des vielleux », des joueurs de vielle-à-roue (d’ailleurs majoritairement ukrainiens et biélorusses, et le congrès, là, il était « panrusse »), à seule fin de les arrêter tous et de les fusiller en masse, ce qui a pratiquement détruit cette tradition populaire. Je le tiens du grand folkloriste russe Starostine. Pourquoi leur fallait-il le faire ?

Si je regarde les vidéos des sermons du père André, du monastère sainte Elizabeth de Minsk, et les fidèles qui l’écoutent, je vois la sainte Russie. Je suis à la fois aujourd’hui et il y a cent ans et même cinq cents ans, je suis dans la sainte Russie. Si je regarde les grandes processions du lumineux métropolite Onuphre de Kiev, le métropolite lui-même, ses fidèles persécutés, je vois la sainte Russie. Tous ces croyants des trois Russie, qui n’ont pas perdu la mémoire, sont frères par leur histoire, par leur volonté, par le sang versé de leurs guerriers et de leurs martyrs, par les chemins séculaires de leurs pèlerins, par leurs nombreux saints, vénérés par tous, par leurs traditions, leurs cousinages, leur génétique, par l’âme russe qui n’a qu’une seule formule mélodique. Partout où j’entends résonner cette formule, où je vois ces moines et ces pèlerins, je suis en sainte Russie. Partout où j’entends les criailleries d’un nationalisme politique artificiel revendiquant la « démocratie » occidentale et les slips en dentelles au son du rock et du rap, je suis dans la modernité du poisson de banc voulue par BHL et consorts pour les idiots utiles. Ce qui attend les Biélorusses, s’ils se laissent mettre dans la tête ce qu’on a inculqué aux Ukrainiens, c’est de devenir un trou noir périphérique, avec une base américaine au milieu, des défilés LGBT, des usines à bébé, des filières de prostitution, des trafiquants et des mercenaires internationaux, administré par des oligarques à passeport israélien. Le stade ultérieur étant l’infiltration de migrants pour le métissage obligatoire annoncé par Sarkozy et mis en place chez nous à marche forcée, et là, adieu le joli dialecte biélorusse ou ukrainien, les chemises brodées et l’indépendance. Tous à la chaîne, tous sur le trottoir. C’est ça le programme, et pour le monde entier.

sainte Russie...

sainte Russie...

dimanche 6 octobre 2019

Mauvais goût

Première neige, mouillée, et elle ne tiendra pas. Mais enfin voilà, on passe à la dernière partie de l'automne. Il y a trois jours, je faisais une aquarelle au bord du lac dans un air suave et tiède. Ce matin, je suis partie à l'église en doudoune, et il va falloir sortir le sac d'hiver de Rita, qui est très frileuse. J'ai entrevu Katia, qui reçoit une copine de Moscou et revient de Sicile. Elle était très en forme, très jolie et discrètement maquillée, ce qui lui va bien.
Je suis allée ensuite au café Montpensier où Rita a été accueillie par son fan club et une écuelle de poulet. J'étais allée au café la Forêt la veille. J'y ai vu un Français, qui a suivi sa femme prise de mal du pays. Il est pêcheur, et trouve son bonheur à Pereslavl, il m'a dit avoir pêché 60 poissons en une seule fois. Pourquoi autant? Il me semble que si je pêchais, je prendrais juste de quoi manger. C'est la mentalité contemporaine...
Auparavant, j'étais allée à pied à l'embouchure de la rivière, près des quarante martyrs, c'est un endroit qui vaut à lui seul le coup de vivre à Pereslavl. Mais la pluie m'a accompagnée, ce qui a compromis mon aquarelle de l'ambiance nordique à l'horizon. Il y a des bateaux et des mouettes, comme sur la côte en France, mais c'est un lac nordique violacé, verdâtre, avec des nuages lourds où des taches d'azur résiduelles s'enchâssent dans l'or et la nacre. Il sera sans doute bientôt gelé, mais les canards glissent encore avec élégance sur ses eaux de plomb.
Ces changements atmosphériques m'ont épuisée, en revenant de l'église, j'ai dormi deux heures.
J'ai eu un échange avec des Russes sur une page facebook consacrée à la restauration de la vie paysanne. C'est-à-dire que voyant une photo de village avec un abominable toit bleu façon hangar de centre commercial, j'ai poussé un cri du coeur: "Encore ce bleu vénéneux, y a-t-il encore un endroit en Russie où il ne blesse pas le regard?" Manque de bol, c'était la maison de la fondatrice du groupe et j'ai provoqué un tollé. Une  journaliste (journaliste!) d'un organe de presse important ne voyait pas le problème et m'a vanté son toit rouge qui est probablement encore pire, car le rouge sang de boeuf rutilant fait généralement écho partout au bleu cuvette de plastique dans les malheureux paysages russes défigurés. Une troisième nana m'a objecté que ces toits étaient "bleus comme le ciel". Hé oui mais non... justement! Un toit de ce bleu suffit à tuer le ciel entier, toutes les maisons autour, les arbres, tout ce qui vit, respire et porte les couleurs subtiles de la vie est anihilé par un pareil toit, comme le sont les sons mélodieux de la nature par la radio que met à fond le fils du voisin quand il bricole sa voiture dehors. Le problème est que les descendants de ces paysans géniaux, qui avaient une architecture et des arts décoratifs absolument féériques, sont dénaturés par un siècle de modernité imposée à coups de pied au cul, et même quand ils veulent "restaurer la campagne", ils ne savent pas l'observer, lire les signes laissés par leurs ancêtres, leur âme est bétonnée et plastifiée, imperméable, la sève et l'eau vive ne passent plus. Il faut dire que lorsque j'avais visité Moscou en 1973, j'avais été effarée par la laideur de ce monde soviétique, les maisons, les meubles, les vêtements, les gosses habillés n'importe comment, ça laisse des traces. Et les maternelles où on élevait ces gosses, j'ai connu cela dans les années 90, ces coloriages gnangnans, ces affreux petits objets qu'on leur faisait fabriquer, ce mauvais goût désespérant... Il paraît que la femme du père Vsévolod Schpiller, émigrée revenue avec son mari au pays dans les années 50, souffrait plus que tout de ce fantastique mauvais goût contre lequel elle n'arrivait pas à lutter, car même dans l'aménagement de son propre appartement, elle ne disposait que des horreurs en vente dans les magasins de l'époque.
J'ai essayé de rattraper ma gaffe sans me dédire.. C'est sûr que je ne voulais pas faire de la peine à la dame si fière de son toit bleu... Mais ici, c'est ce qui me déprime le plus, cette lèpre galopante de la laideur contemporaine fantasmagorique. En France nous en avons jusqu'ici moins souffert, mais les démons qui nous gouvernent sont en train de s'occuper de Paris, comme les bolcheviques ont saccagé Moscou et pratiquement toutes les villes russes...
Sérioja Lochakov m'a apporté son soutien d'architecte, dans cet échange! Cela dit, la journaliste, par exemple, ne s'attend sûrement pas à voir ce genre de toits dans les pittoresques villages d'Europe où elle va peut-être passer ses vacances...
Cette question du mauvais goût, inconnu au moyen âge et introduit par la société industrielle, a pour moi des prolongements métaphysiques, elle n'est pas du tout anodine, comme le pensent beaucoup de gens qui ont grandi dedans. Milan Kundera avait écrit qu'on allait à l'église, en Tchécoslovaquie communiste, pour trouver un peu de beauté. Et aussi, que la laideur du monde contemporain était telle que si tout à coup nous le voyions tel qu'il est sans les lunettes de l'habitude, nous deviendrions fous de terreur. Et une de mes amies me disait à propos des villes du midi de la France, au centre pourtant préservé, que si elles nous apparaissaient telles qu'elles étaient il y a cent ans, nous nous mettrions à pleurer.Je n'ai jamais eu ces lunettes de l'habitude, et j'ai au contraire entraîné mon regard à voir, à voir pleinement, toute ma vie, mon regard est un trou béant sans défense . Je ne suis pas devenue folle parce que j'ai la foi, mais j'ai souvent envie de pleurer...

sur le chemin du lac, j'ai rencontré un tigre abandonné!

un canard profite des derniers jours d'eau fluide

Sibélius ou Arvö Part...

Les bateaux, les mouettes, mais ni Raimu ni Fernandel...


samedi 5 octobre 2019

L'Orthodoxie et la modernité


 

Quelqu’un m’a adressé cette information où, sans parler de l’apparence de jésuite propre sur lui du charmant conférencier, à elle seule assez parlante, je lis personnellement des tas de choses entre les lignes, les dernières, qui définissent le propos de la conférence..

« Ces difficultés (invasions, conquêtes, pouvoir soviétique) ont eu comme conséquence un certain isolement des orthodoxes,
Et une certaine méfiance envers les occidentaux. »
Là, il est tout de suite visible qu’on le déplore. On déplore et l’isolement, et la méfiance. Or moi, en tant qu’orthodoxe convertie, je considère qu’en fin de compte, tous ces événements ont été voulus par Dieu pour préserver les orthodoxes le plus longtemps possible de l’influence occidentale qui a, d’une part dénaturé en partie l’orthodoxie et d’autre part, introduit dans l’empire russe des idées regrettables qui ont conduit à la révolution.  Quant à la méfiance,  elle est bien naturelle, quand on considère le sac de Constantinople par les Croisés, la campagne des chevaliers teutons contre la Russie arrêtée par le saint prince Alexandre Nevski,  lequel Alexandre Nevski, plutôt que de se soumettre au pape, a préféré les Tatars: il suffisait de leur payer tribut pour avoir la paix, pratiquer sa foi et conserver ses us et coutumes. Alors qu’en choisissant le pape, la Russie aurait perdu l’une et les autres. Ensuite, avec la conquête polonaise de la Petite Russie, on a vu arriver le cheval de Troie uniate, destiné à convertir les orthodoxes de force, et cette politique occidentale, comme l’a montré le théologien grec Théodore Zissis, est encore appliquée en Ukraine de nos jours, sous une autre forme, et avec la complicité enthousiaste du patriarche Bartholomée.  Il y a encore les exactions hallucinantes de cruauté commises par les Croates catholiques contre les Serbes pendant la guerre. Donc des raisons d’être méfiants, les orthodoxes en ont eu de très sérieuses.
 Pour en revenir à l’isolement, et en ce qui concerne la Russie, je dirais que grâce à cet isolement, dû aux Tatars, aux dimensions du pays, à sa nature inhospitalière, elle a développé une culture extrêmement originale avec des éléments d’une insondable antiquité, qu’à mon avis aucun peuple européen n’a pu conserver à ce point, culture qui fut par la suite ignorée et méprisée de la noblesse occidentalisée, béate d’admiration devant l’efficacité des protestants et « l’art » des catholiques, les idées des « Lumières » et la franc-maçonnerie, mentalité que l'on retrouve aujourd'hui chez les libéraux.  Les pays orthodoxes ont échappé à la Renaissance, ce retour en arrière à un paganisme hellénistique décadent et à des antiquailleries que la vivacité et la spontanéité du moyen-âge chrétien avaient dépassées tout en les intégrant naturellement.  La Renaissance qui vit surgir l’hérésie protestante de l’hérésie catholique, l’esprit bourgeois et capitaliste, ennemi de la communion chrétienne, de la société organique naturelle où tous les éléments sont reliés et complémentaires, comme dans une cathédrale, de la conception cosmique et traditionnelle du monde, du désintéressement, du don. Un esprit matérialiste, rationaliste, prométhéen, terriblement efficace, d’ailleurs, puisqu’il est la marque de ce monde, dont nous savons qui est le prince.  Je ne vois pas comment on pourrait regretter d’avoir été tenu à l’écart de tout cela, sauf à être soi-même dénaturé, surtout quand on voit, et cela se voit maintenant d’une façon éclatante, quel gigantesque asile de fous totalitaire cette civilisation finit par mettre en place. Que pour survivre les peuples orthodoxes aient dû plus ou moins « se mettre au niveau » technologique de cette civilisation satanique et mortifère mais très puissante, était peut-être inévitable aux yeux de leurs dirigeants. Mais l’Eglise n’a pas à participer à cela, sauf à se renier, et nous en arrivons au deuxième point de la conférence annoncée :

Le modèle des Eglises autocéphales nationales a rendu aussi difficile le cheminement des Orthodoxes vers la modernité.
Là, ce qui me vient immédiatement à l’esprit, c’est pourquoi les orthodoxes doivent-ils cheminer vers la modernité ? Comment un prêtre peut-il envisager un cheminement orthodoxe vers la modernité ? Il me paraît clair que si l’Eglise a un chemin, c’est vers le Christ, son second avènement et l’Apocalypse, avec le souci d’y parvenir entière, intacte, en conservant le plus de brebis possibles à l’écart des gouffres de perdition. La modernité n’a absolument rien à voir là dedans, ou plutôt, elle est précisément LE gouffre de perdition number one, ce n’est plus un gouffre, d’ailleurs, c’est même un maelström ! Cela devrait être visible à tout chrétien authentique, ce l’était aux yeux de tous les grands saints orthodoxes du XX° siècle. Aucun ne nous a prêché de cheminement vers la modernité. Je vois ici le titre d’un livre de saint Païssios l’Athonite que j’ai sous la main : « Avec crainte et douleur pour le monde contemporain »… De toute évidence, saint Païssios ne cheminait pas vers la modernité. Moi non plus. Quand j’ai choisi l’Orthodoxie, je n’ai pas choisi la modernité, j’ai choisi la Tradition et l’Eternel Présent qui est l’écume d’un passé toujours vivant, ce que ne me donnait pas le catholicisme romain ni le monde dans lequel j’étais née, progressiste, effréné, superficiel, artificiel, égoïste, de plus en plus hideux et vulgaire. Si on tient à cheminer vers la modernité, ce n’est vraiment pas la peine de devenir orthodoxe ou de le rester, il suffit d’être protestant, ou catholique de gauche, il est vrai que le fin du fin, pour ceux-ci comme pour les orthodoxes sympathisants, serait de faire de l’orthodoxie quelque chose de comparable, avec quelques icônes et de jolis chants… «L’orthodoxie intelligente et occidentale » dont m’a cassé les oreilles un jour une adepte de cette dérive. La modernité est certes une donnée dont on est forcé de tenir compte, malheureusement, mais pour faire face aux problèmes qu’elle pose, car elle pose surtout des problèmes, il existe la fameuse « économie » qui fonctionne si bien dans l’orthodoxie. Ainsi aujourd’hui, les femmes font des icônes, ce qui ne leur était pas permis, sans doute à tort, au moyen âge. Mais ce genre d’aménagements survient, sans toucher à l’essentiel, sous la pression de l’histoire, de façon organique.
Ici je bute sur le premier élément de la phrase que j’avais laissé pour la fin : le modèle des Eglises autocéphales. C’est le modèle des Eglise autocéphales qui nuit au glorieux cheminement des Orthodoxes vers les lendemains qui chantent de la modernité. Ce modèle des Eglises autocéphales tellement mis à mal par le patriarche Bartholomée, qui s’affirme en tant que pape orthodoxe, dans l’affaire ukrainienne. C’est vrai que ces Eglises autocéphales de Serbes, Roumains et levantins arriérés, toutes ces structures défendues au fil des siècles par le sang des martyrs, des saints princes et guerriers locaux, contre les divers musulmans, tatars, ottomans, polonais, oustachis, croisés, chevaliers teutons, ça fait désordre, ce n’est pas compatible… avec quoi ? Je vous laisse vous poser la question et tirer vos conclusions, cela vaut vraiment la peine d’y réfléchir.
Pour moi, qui suis une arriérée assumée, la réponse est claire. Les Eglises autocéphales qui constituent l’Orthodoxie, la vraie, sont une fâcheuse persistance d’un état d’esprit archaïque normal dans un monde complètement perverti, abruti et confus que des oligarchies pas si occultes que ça sont en train d’organiser en société globale sous l’autorité d’un gouvernement mondial. Il ne paraît pas si difficile d’atomiser les plus petites d’entre elles, mais l’Eglise russe est un plus gros morceau, et c’est la seule qui n’est pas au pouvoir politique et militaire de l’OTAN, le gouvernement de son pays ne l’étant pas encore non plus. C’est là que l’infamie commise en Ukraine apparaît dans sa vraie perspective.
Aux foules de consommateurs et d’esclaves amnésiques ébahis sur lesquelles entend régner ce gouvernement mondial, il faut une religion syncrétique pour sous-hommes, projet décrit dans les années 80 par le père Séraphim Rose dans son livre « l’Orthodoxie et la religion du futur ».
S’il ne reste plus que deux papes en lice et que les Eglises locales « arriérées » sont soumises à celui de Constantinople, la « religion du futur », la communion arc-en-ciel dans l’extase œcuménique des confessions « intelligentes et occidentales » pourra commencer à se constituer.
Traitez moi de complotiste, si vous voulez. Je sais déjà que si par malheur le patriarcat de Moscou pliait devant ce projet, ce qu'à Dieu ne plaise, j’irais retrouver les vieux-croyants, ce serait pour moi la preuve éclatante qu’ils étaient dans le vrai, ce que je crois déjà à beaucoup d’égards.


mercredi 2 octobre 2019

Thuyas

Les nouvelles de plus en plus affreuses me semblent un songe maléfique dès que je regarde par la fenêtre mon paisible paysage russe. Je suis partie avec Ritoulia me promener dans le vent chargé de pluies bleues et de rayons d'or. Le long de l'ancienne berge du lac on a commencé à brûler les ordures, ce qui dégageait dans l'air humide de nauséabonds relents de plastique.On a mis deux pancartes comminatoires pour rappeler aux malotrus de ne pas prendre la nature pour une décharge. C'est bon signe.
J'aime particulièrement ce temps très court où, devant l'imminence de l'hiver, les arbres font une fête de plus en plus frénétique, et dans leurs atours déchirés d'or et de pourpre, se donnent en titubant, ivres du sommeil qui les gagne, au vent encore doux qui leur vole des feuilles au passage et fuit à ma rencontre, me secoue et me laisse. J'ai alors du mal à croire que je suis déjà si vieille et que je traîne la patte, et devant le ciel béant, j'essaie d'évaluer ce qui m'attend, d'en prendre la mesure, comme d'une robe beaucoup trop grande, et beaucoup trop splendide.
Les prés prennent des tons de brocart ou de tapis précieux, avec des moirures d'un or écaillé qui se fane et luit. Le ciel tombe dans le miroir des flaques. Les saules deviennent de grosses mongolfières vaporeuses et cuivrées que retiennent au sol des branches noires enchevêtrées, on les dirait prêts à partir vers ces montagnes d'air et ces gouffres bleus qui s'ouvrent.
Je pense à ceux qui ont parcouru Pereslavl et le hantent toujours à mes côtés, le prince Alexandre. Le tsar Ivan et Fédia. Comme s'ils m'avaient conduite ici, et m'accompagnaient, invisibles. Quand j'ai commencé à les aimer, à les laisser me séduire et me terrifier, j'avais quinze ans, c'était il y a tellement longtemps, sans doute ne me voient-ils pas vieille, ils accompagnent la fille de quinze ans, et c'est sans doute cette adolescente qui franchira, chassée d'un corps de moins en moins ressemblant et de moins en moins habitable, le seuil mystérieux d'un monde inimaginable.
J'ai fait une aquarelle, en essayant de ne pas traîner, pour ne pas être prise sous une averse. Ritoulia ne raffole pas de mes expéditions cosmiques, elle s'assied, et attend que je la mette dans le sac-à-dos. Ce qui lui plaît, c'est la direction du café français, les rues, les passants, voir du monde et se faire admirer et gâter.
J'ai eu tout un échange sur mes thuyas, avec visiblement, un jardinier compétent et raffiné, c'est vrai, le thuya, c'est con, mais cela vient aussi beaucoup de la façon dont on l'utilise, et ici, la gageure est d'arriver à faire quelque chose de joli avec ce qu'on trouve et avec des artisans qui ont un goût immonde. Ne pouvant planter des sapins ou des mélèzes qui deviennent énormes, ni des saules pour la même raison, et en plus ils perdent leur feuilles, je me suis rabattue sur l'affreux thuya dont raffolent les Russes. Mais ma surface de thuyas est assez limitée, il s'agit juste de créer le plus vite possible un écran persistant entre ma maison et celle du voisin qui est, disons, très présente...
Curieusement, ces thuyas ne me déplaisent pas tant que cela. Ils prennent un air ébouriffé, car ils poussent comme ils veulent, et créent des éléments verticaux, quelque chose qui m'évoque les cyprés du midi. En hiver, chargés de neige, ils ploient gracieusement sous ce blanc vêtement. Bien sûr, au lieu de suivre le conseil de la paysagiste, je pourrais intercaler autre chose entremi, mais quoi? autre chose de vertical, évidemment.

Lorsque j'ai planté le thuya du milieu, il y a trois ans, il était de la taille de celui de droite. Il a doublé. Il me semble qu'un écran vert n'est pas superflu. 




mardi 1 octobre 2019

Ronces


Hier, une dame qui vend parfois les cierges à l’église m’a proposé de venir chercher des plants de ronce. La ronce, qui pousse partout en France, est ici beaucoup plus rare, et moins envahissante. Mais elle donne des mûres, et j’adore les mûres. J’en mangeais le long des chemins de Cavillargues quand on n’avait pas massacré les ronciers. Les ronciers servent d’abris aux rossignols, raison pour laquelle mon beau-père en laissait toujours un de l’autre côté du mur de la ferme. J’ai des endroits pourris où je ne peux rien planter, des recoins vides, j’y ai lâché des ronces, j’espère que ce ne sera pas trop humide.
Cette dame est biélorusse, plutôt sympathique. Son quartier est ravagé par les maisons hideuses, prétentieuses , énormes qui ont l’air soit de bâtiments administratifs, soit de châteaux d’opérettes. Je me suis extasiée sur la fenêtre sculptée d’une isba branlante : « Elles disparaissent toutes, me dit-elle. Vous savez qu’en Biélorussie, le gouvernement à donné une maison à mes enfants et à leur famille, une maison neuve, en bois, avec des fenêtres et des planchers en bois, et vous savez ce qu’ils ont fait ? Ils ont mis des fenêtres en plastique et du parquet flottant ! »
Chez nous, on met des fenêtres en plastique et du parquet flottant parce que le bois revient trop cher. Ici, ils trouvent que le plastique et le parquet flottant, c’est le comble du chic, ça fait riche et moderne.
Parfois, je pense à la ville ravissante qu’a été Pereslavl pendant près de mille ans, et puis la révolution en a ravagé une partie, la modernité a rendu les gens fous, les a déconnectés de leur tradition et de leur nature, et ce qui restait encore pittoresque il y a vingt ans devient monstrueux et absurde, non plus une ville mais une « agglomération » de baraques disparates et contrefaites, qui ne tiennent pas compte les unes des autres et bourgeonnent comme des tumeurs, à l’image du monde engendré par le progressisme matérialiste et des âmes mutilées qu’il a élevées, coupées les unes des autres, mal nourries, mesquines, envieuses et insatisfaites.
Au café français, Valia, qui est communiste, m'a dit que son grand-père avait été "dékoulakisé" mais n'en tenait pas rigueur au régime soviétique. Ca existe. Soljénitsyne parlait de prisonniers du Goulag qui, ne comprenant pas en quoi ils avaient trahi la cause, continuaient à lui vouer tout leur être. Le grand-père de Valia s'était vu confisquer par le pouvoir soviétique le joug sculpté et décoré de l'attelage de ses noces...
A Férapontovo, je ne peux pas dire que les braves gens du coin gardent un bon souvenir de la dékoulakisation. Ils m'en ont parlé dans les termes les plus négatifs et les plus énergiques. Valia met les horreurs sur le compte des dénonciateurs. C'est le grand argument, les coupables des dérapages sont les gens qui dénonçaient et pas le gouvernement qui les encourageait à le faire. Etrange démarche d'esprit, l'esprit idéologique dont mon oncle Louis disait "on est communiste comme on est boîteux". Ainsi chez nous, certaines demoiselles formatées par la gauche, violées en bande par plusieurs migrants, craignent de faire preuve de racisme en allant porter plainte, c'est un effet de ce que dans les années soixante-dix on appelait la misère sexuelle des immigrés.... La mentalité idéologique fait accepter n'importe quelle monstruosité, et lui trouve toujours des justifications.
Valia nie aussi les ravages de la pollution, tout ça c'est des histoires pour nous faire oublier les inégalités sociales. Et certes, comme dans tous les domaines, les pervers du Nouvel Ordre Mondial commencent à manipuler le truc avec la poupée Greta, tandis que par ailleurs, en France, les usines s'enflamment les unes après les autres, mais de là à affirmer qu'il n'y a pas de problèmes... Il faut dire que pour ce qui est de ravager le milieu naturel, les soviétiques n'étaient pas en reste, voir la mer d'Aral, entre autres. Valia me dit qu'elle est chimiste et m'assure qu'un sac en plastique s'autodétruit en un mois et demie. Pas dans mon jardin, où j'en retrouve enfouis dans le sol depuis plusieurs années.
J’ai appris que le topinambour, outre beaucoup d’autres vertus, avait celle d’exterminer la berce du Caucase, dont l'invasion est encore dûe à une trouvaille d'un fonctionnaire soviétique. J’ai donc commencé à transplanter  tous les topinambours donnés par la chevrière Nadia  dans les endroits infestés de berce. Le topinambour est esthétique, comestible, il assainit l’air et le terrain.
J’ai acheté à Nadia des œufs et du fromage de chèvre, et constaté qu’un des gosses qui s’invitaient chez moi était son petit-fils. Il est revenu avec le petit voisin Vania, mais ils se conduisent mal. 
Des nuages lourds de pluie se déroulent au dessus des moutonnements dorés des saules, leur houle bleue, soulevée par un vent violent, s’abat en gerbes liquides sur nos jardins parés de rouge et de jaune, où subsistent quelques fleurs tardives.
Ekaterina Igorovna, la femme de lettres, est venue avec une copine. Je croyais que c’était pour me la présenter, mais c’était pour me faire bénéficier de ses conseils de paysagiste. Or mon grand plaisir est d’organiser mon terrain en faisant toutes sortes d’expériences, et je n’ai pas trop envie qu’on vienne s’en mêler. Elle m’a cependant dit que je pouvais encore rajouter deux thuyas entre ceux que j’ai déjà plantés, et qu’ils ne seraient pas trop serrés mais me feraient plus vite une haie. Cela cache la maison voisine et fournit un écran vert persistant aux feuillages dorés de l'automne. C’est aussi la seule verdure que je garde en hiver.
J’ai réussi à rattraper l’icône pour le rhumatologue, qui partait mal,  et elle est presque finie, Dieu merci; il me l'avait commandée en échange d'une infiltration gratuite! Elizabeth, paroissienne de Solan, m’en a commandé trois, et Cécile une…
Mais c'est une chance, je me sens à nouveau capable d’en faire, plus ou moins. C’est drôle, le tsar Ivan commence à me laisser tranquille. Je continue à prier pour lui et pour Fédia tous les jours. Je suis persuadée qu’avec mon livre, j’ai fait quelque chose pour eux que je devais accomplir, et qu’ils avaient besoin des prières que j’adresse en leur faveur; je veux dire que naturellement, ils en avaient besoin, avec tout ce qu’ils ont sur la conscience, mais que cela a changé la situation et l’état de leurs âmes. A un moment, l’âme du tsar exerçait sur moi son pouvoir et sa séduction, sur qui d'autre encore lui était-il loisible de le faire? Elle ne le fait plus, elle semble avoir trouvé une sorte de paix, en renonçant à perdre la mienne.