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samedi 5 octobre 2019

L'Orthodoxie et la modernité


 

Quelqu’un m’a adressé cette information où, sans parler de l’apparence de jésuite propre sur lui du charmant conférencier, à elle seule assez parlante, je lis personnellement des tas de choses entre les lignes, les dernières, qui définissent le propos de la conférence..

« Ces difficultés (invasions, conquêtes, pouvoir soviétique) ont eu comme conséquence un certain isolement des orthodoxes,
Et une certaine méfiance envers les occidentaux. »
Là, il est tout de suite visible qu’on le déplore. On déplore et l’isolement, et la méfiance. Or moi, en tant qu’orthodoxe convertie, je considère qu’en fin de compte, tous ces événements ont été voulus par Dieu pour préserver les orthodoxes le plus longtemps possible de l’influence occidentale qui a, d’une part dénaturé en partie l’orthodoxie et d’autre part, introduit dans l’empire russe des idées regrettables qui ont conduit à la révolution.  Quant à la méfiance,  elle est bien naturelle, quand on considère le sac de Constantinople par les Croisés, la campagne des chevaliers teutons contre la Russie arrêtée par le saint prince Alexandre Nevski,  lequel Alexandre Nevski, plutôt que de se soumettre au pape, a préféré les Tatars: il suffisait de leur payer tribut pour avoir la paix, pratiquer sa foi et conserver ses us et coutumes. Alors qu’en choisissant le pape, la Russie aurait perdu l’une et les autres. Ensuite, avec la conquête polonaise de la Petite Russie, on a vu arriver le cheval de Troie uniate, destiné à convertir les orthodoxes de force, et cette politique occidentale, comme l’a montré le théologien grec Théodore Zissis, est encore appliquée en Ukraine de nos jours, sous une autre forme, et avec la complicité enthousiaste du patriarche Bartholomée.  Il y a encore les exactions hallucinantes de cruauté commises par les Croates catholiques contre les Serbes pendant la guerre. Donc des raisons d’être méfiants, les orthodoxes en ont eu de très sérieuses.
 Pour en revenir à l’isolement, et en ce qui concerne la Russie, je dirais que grâce à cet isolement, dû aux Tatars, aux dimensions du pays, à sa nature inhospitalière, elle a développé une culture extrêmement originale avec des éléments d’une insondable antiquité, qu’à mon avis aucun peuple européen n’a pu conserver à ce point, culture qui fut par la suite ignorée et méprisée de la noblesse occidentalisée, béate d’admiration devant l’efficacité des protestants et « l’art » des catholiques, les idées des « Lumières » et la franc-maçonnerie, mentalité que l'on retrouve aujourd'hui chez les libéraux.  Les pays orthodoxes ont échappé à la Renaissance, ce retour en arrière à un paganisme hellénistique décadent et à des antiquailleries que la vivacité et la spontanéité du moyen-âge chrétien avaient dépassées tout en les intégrant naturellement.  La Renaissance qui vit surgir l’hérésie protestante de l’hérésie catholique, l’esprit bourgeois et capitaliste, ennemi de la communion chrétienne, de la société organique naturelle où tous les éléments sont reliés et complémentaires, comme dans une cathédrale, de la conception cosmique et traditionnelle du monde, du désintéressement, du don. Un esprit matérialiste, rationaliste, prométhéen, terriblement efficace, d’ailleurs, puisqu’il est la marque de ce monde, dont nous savons qui est le prince.  Je ne vois pas comment on pourrait regretter d’avoir été tenu à l’écart de tout cela, sauf à être soi-même dénaturé, surtout quand on voit, et cela se voit maintenant d’une façon éclatante, quel gigantesque asile de fous totalitaire cette civilisation finit par mettre en place. Que pour survivre les peuples orthodoxes aient dû plus ou moins « se mettre au niveau » technologique de cette civilisation satanique et mortifère mais très puissante, était peut-être inévitable aux yeux de leurs dirigeants. Mais l’Eglise n’a pas à participer à cela, sauf à se renier, et nous en arrivons au deuxième point de la conférence annoncée :

Le modèle des Eglises autocéphales nationales a rendu aussi difficile le cheminement des Orthodoxes vers la modernité.
Là, ce qui me vient immédiatement à l’esprit, c’est pourquoi les orthodoxes doivent-ils cheminer vers la modernité ? Comment un prêtre peut-il envisager un cheminement orthodoxe vers la modernité ? Il me paraît clair que si l’Eglise a un chemin, c’est vers le Christ, son second avènement et l’Apocalypse, avec le souci d’y parvenir entière, intacte, en conservant le plus de brebis possibles à l’écart des gouffres de perdition. La modernité n’a absolument rien à voir là dedans, ou plutôt, elle est précisément LE gouffre de perdition number one, ce n’est plus un gouffre, d’ailleurs, c’est même un maelström ! Cela devrait être visible à tout chrétien authentique, ce l’était aux yeux de tous les grands saints orthodoxes du XX° siècle. Aucun ne nous a prêché de cheminement vers la modernité. Je vois ici le titre d’un livre de saint Païssios l’Athonite que j’ai sous la main : « Avec crainte et douleur pour le monde contemporain »… De toute évidence, saint Païssios ne cheminait pas vers la modernité. Moi non plus. Quand j’ai choisi l’Orthodoxie, je n’ai pas choisi la modernité, j’ai choisi la Tradition et l’Eternel Présent qui est l’écume d’un passé toujours vivant, ce que ne me donnait pas le catholicisme romain ni le monde dans lequel j’étais née, progressiste, effréné, superficiel, artificiel, égoïste, de plus en plus hideux et vulgaire. Si on tient à cheminer vers la modernité, ce n’est vraiment pas la peine de devenir orthodoxe ou de le rester, il suffit d’être protestant, ou catholique de gauche, il est vrai que le fin du fin, pour ceux-ci comme pour les orthodoxes sympathisants, serait de faire de l’orthodoxie quelque chose de comparable, avec quelques icônes et de jolis chants… «L’orthodoxie intelligente et occidentale » dont m’a cassé les oreilles un jour une adepte de cette dérive. La modernité est certes une donnée dont on est forcé de tenir compte, malheureusement, mais pour faire face aux problèmes qu’elle pose, car elle pose surtout des problèmes, il existe la fameuse « économie » qui fonctionne si bien dans l’orthodoxie. Ainsi aujourd’hui, les femmes font des icônes, ce qui ne leur était pas permis, sans doute à tort, au moyen âge. Mais ce genre d’aménagements survient, sans toucher à l’essentiel, sous la pression de l’histoire, de façon organique.
Ici je bute sur le premier élément de la phrase que j’avais laissé pour la fin : le modèle des Eglises autocéphales. C’est le modèle des Eglise autocéphales qui nuit au glorieux cheminement des Orthodoxes vers les lendemains qui chantent de la modernité. Ce modèle des Eglises autocéphales tellement mis à mal par le patriarche Bartholomée, qui s’affirme en tant que pape orthodoxe, dans l’affaire ukrainienne. C’est vrai que ces Eglises autocéphales de Serbes, Roumains et levantins arriérés, toutes ces structures défendues au fil des siècles par le sang des martyrs, des saints princes et guerriers locaux, contre les divers musulmans, tatars, ottomans, polonais, oustachis, croisés, chevaliers teutons, ça fait désordre, ce n’est pas compatible… avec quoi ? Je vous laisse vous poser la question et tirer vos conclusions, cela vaut vraiment la peine d’y réfléchir.
Pour moi, qui suis une arriérée assumée, la réponse est claire. Les Eglises autocéphales qui constituent l’Orthodoxie, la vraie, sont une fâcheuse persistance d’un état d’esprit archaïque normal dans un monde complètement perverti, abruti et confus que des oligarchies pas si occultes que ça sont en train d’organiser en société globale sous l’autorité d’un gouvernement mondial. Il ne paraît pas si difficile d’atomiser les plus petites d’entre elles, mais l’Eglise russe est un plus gros morceau, et c’est la seule qui n’est pas au pouvoir politique et militaire de l’OTAN, le gouvernement de son pays ne l’étant pas encore non plus. C’est là que l’infamie commise en Ukraine apparaît dans sa vraie perspective.
Aux foules de consommateurs et d’esclaves amnésiques ébahis sur lesquelles entend régner ce gouvernement mondial, il faut une religion syncrétique pour sous-hommes, projet décrit dans les années 80 par le père Séraphim Rose dans son livre « l’Orthodoxie et la religion du futur ».
S’il ne reste plus que deux papes en lice et que les Eglises locales « arriérées » sont soumises à celui de Constantinople, la « religion du futur », la communion arc-en-ciel dans l’extase œcuménique des confessions « intelligentes et occidentales » pourra commencer à se constituer.
Traitez moi de complotiste, si vous voulez. Je sais déjà que si par malheur le patriarcat de Moscou pliait devant ce projet, ce qu'à Dieu ne plaise, j’irais retrouver les vieux-croyants, ce serait pour moi la preuve éclatante qu’ils étaient dans le vrai, ce que je crois déjà à beaucoup d’égards.


2 commentaires:

  1. Grand merci Laurence pour cette mise au point salutaire. Je suis française de "souche", d'une famille catholique.Après un long parcours cahotique je suis devenue orthodoxe, dans l'Eglise russe, et en remercie le Seigneur chaque jour. J'aime et admire particulièrement le métropolite Onuphre et son Église: persécutés ils bénissent...

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    1. Merci à vous de votre réaction réconfortante et saine!

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