la maison d'Ania et Kolia |
Mon marchand de légumes s'appelle Edik, Edouard, il est azeri. Nous avons parlé de la France, des masques, des vaccins. "Tout ce cirque, c'est pour nous amener à la dictature générale, me dit-il. Vous savez ce que j'en pense? Il faut nous débarrasser de tous nos gouvernements, tous, dans le monde entier. Maintenant, ça commence vraiment à bien faire."
J'ai emmené Chocha chez le vétérinaire, elle pisse partout, il est possible qu'elle soit malade, elle est vieille, il est possible qu'elle ait un problème rénal, on lui a fait une prise de sang. Je l'avais engueulée, la veille, elle prenait un air profondément scandalisé absolument humain. Du coup, je me reprochais de l'avoir fait. Elle est restée plutôt prostrée deux jours, maintenant ça va plutôt mieux, sauf qu'elle continue quand même à pisser partout, tandis que les autres chats marquent leur territoire et je me sens dépassée par les événements, je n'arrête pas de nettoyer et de faire tourner la machine. Je finis par me dire que j'expie quelque chose, les animaux que je n'ai pas su protéger, mon petit Doggie, dont je n'avais pas deviné toute la gravité de l'état, avec mes histoires de visas et de voyages inévitables pour les renouveler. Peut-être même que j'expie les péchés des autres, de ceux qui ont abandonné toute cette bande de cons, comme Mitia Karamazov quand il part au bagne.
Ce matin, c'était Rita qui me posait problème, elle est en chasse et se débine avec l'affreux basset noir qui règne sur toutes les chiennes du quartier. Je n'osais pas partir à l'église sans l'avoir récupérée. Elle est arrivée au dernier moment, je l'ai mise dans la voiture.
J'avais l'intention de communier, je vais donc me confesser au père Andréï. Je lui parle de mon petit Doggie, de ce remords, de ce chagrin qui ne me quittent pas depuis qu'il est mort, et aussi de maman. La lâcheté, l'égoïsme dont j'ai fait preuve dans ma vie me rongent beaucoup plus le foie que les quelques aventures que j'ai eues avec des bonshommes. "Je pense que j'ai déjà confessé tout cela, mais ça me tourmente quand même, pourtant, si je l'ai confessé, cela devrait me laisser en paix?
- Non, pas du tout. Dieu nous pardonne, mais nous, nous continuons à nous reprocher nos péchés, cela contribue à nous en donner la conscience, nous sommes tous coupables de quelque chose, c'est comme ça..."
Je pensais à la phrase du métropolite Antoine de Souroj: "L'enfer peut se définir en deux mots: trop tard"...
Je suis allée communier la larme à l'oeil. Il n'y avait plus de prosphore, pour me caler une dent creuse. Mais pendant le sermon, la dame qui vend les cierges est venue m'en glisser une dans la main avec un grand sourire, car on venait de lui en apporter. Les gens de la paroisse sont tellement gentils...
A la sortie, le prêtre ukrainien dont j'ai oublié le nom, le père Vassili, je crois, est venu me trouver pour me demander de donner des cours de français à sa fille Macha. Je déteste donner des cours, mais comment refuser? Il est extrêmement gentil, et sa Macha est très mignonne, elle a treize ans et un joli minois aux yeux noirs.
Il ne fait pas très beau, frais humide, sans vent, plein de moustiques. Romane a fini la palissade, cela me dérobe au moins la vue du sinistre terrain. J'ai vu passer une photo de l'année dernière, quand tout cela était encore libre, vivant, plein de ciel et de nuages. Maintenant, c'est fini, circulez, y a rien à voir. J'ai acheté un saule frisé. Ca vient gros, mais on m'assure qu'il est facile de contrôler les dimensions en taillant. Le saule frisé n'avait que quelques feuilles tristounes, mais en l'espace de deux jours, il m'a déjà fait des rameaux de dix centimètres, j'ai même cru que j'avais des hallucinations.
Dès qu'il fait meilleur et que le vent souffle, je suis dehors; je contemple les feuillages, les fleurs et les nuages. Je joue des gousli et je dessine, quand je ne travaille pas sur le terrain, bien entendu.