Tout est si paisible, chez moi, cela me paraît irréel.
Il y avait constemment du bruit et de l’agitation, à l'hopital, il ne se passait rien, personne n’avait rien à se dire, mais il y avait ce
bruit, le bouillonnement de l’oxygène, les raticinations d’une vieille qui
jurait, invectivait et gémissait dans son coin, les téléphones qui sonnaient,
les conversations, les va et vient... Je me demandais chaque matin comment je
tiendrais jusqu’au soir, et le soir jusqu’au matin. Je commençais à avoir les
mains qui tremblaient, et toutes sortes d’idées noires. Je commençais vraiment
à avoir peur pour ma santé mentale. Et de m’imaginer Dany, à plat ventre avec
son masque dans sa réa, m’emplissait d’une véritable terreur. Heureusement, elle commence aussi à sortir du tunnel.
Des gens m’écrivaient qu’il fallait sortir de
là, que les hopitaux étaient « peu recommandables ». Je ne sais pas
si c’est vraiment le cas, mais j’étais dans un état d’angoisse permanent. Le médecin jouait avec mes nerfs, elle m’a lâché le 12°
jour. En me disant que je devais rester en quarantaine jusqu’aux résultats du
test.
Ce 12° jour, elle m’a laissé mariner encore la
moitié de la journée, et puis j’ai eu à peine le temps d’apeller le
collaborateur de Gilles, j’ai été accompagnée jusqu’à une porte dérobée qui m’a
laissée dans une cour glaciale.
J’ai retrouvé ma maison sans y croire, et
surtout sans parvenir à me calmer. Cette ignoble angoisse ne me quittait pas. Katia
est venue m’apporter des provisions et discuter un peu avec moi. Puis c’est la
voisine Ania qui est passée : « Ne vous en faites pas, s’ils ont vous
ont laissé partir, c’est que c’est bon. »
Tout me paraissait d’un calme surnaturel. Et
la vue par les fenêtres, qui n‘a pourtant rien de rare, lumineuse et ouverte. J’ai
dormi comme une masse dans un lit normal et un silence total. Le lendemain, j’ai
senti que les choses reprenaient leur place.
Ma fatigue reste écrasante. J’ai demandé à
Nadia de m’aider, elle va m’apporter à manger. Ici, l’appétit revient quelque
peu.
Tout le temps que je suis restée là bas, je
songeais aux gens qui, pour diverses raisons, se retrouvaient enfermés, asiles
psychiatriques, mouroirs, cachots, Florenski aux Solovki, dont les lettres sont
si poignantes. Il faut une grande force d’âme pour surmonter ce genre d’épreuves.
Ce petit aperçu m’a fait comprendre que j’étais loin de l’avoir.
Dès le départ, mon premier séjour a été une erreur d'aiguillage. On aurait du traiter la crise de coliques néphrétiques et m'envoyer aussitôt chez le spécialiste à Iaroslavl, mais ici, ils aiment bien enfermer les gens des siècles à l'hosto, avec tous les germes qui s'épanouissent et trouvent un terrain favorable dans les organismes stressés et affaiblis.