Nil est revenu hier soir, et pour la première fois depuis bien longtemps, de l'avoir attendu m'avait donné faim, une faim de loup. Or il m'avait apporté de la part de sa mère du munster et du saint Nectaire sur lesquels je me suis jetée.
Dans l'après-midi, j'avais eu la visite de Nadia qui, ces temps-ci, cuisine pour moi, pour m'éviter de le faire. Elle voudrait acheter un terrain et construire mais se trouve dans la plus grande perplexité, car la laideur fantasmagorique des nouvelles constructions gâche absolument tous les quartiers de Pereslavl. Je comprends bien le problème, surtout avec la mort d'oncle Kolia, qui peut ajouter un monstre au dernier joli point de vue qu'il me reste. En fait, je crois que tous ceux qui ne sont pas de la nouvelle facture vont devoir se mettre en communautés pour se protéger de la hideur et de la folie du monde que nous a créé le "Progrès".
De France m'arrivent de paradisiaques visions de paysages encore intacts, mais combien de temps seront-ils accessibles? Le gouvernement rêve de nous instaurer l'appartement communautaire pour tous, toutes les brebis masquées parquées dans des clapiers radieux. Le prétexte est écologique… Or la seule issue écologique à notre problème général, en plus de neutraliser ceux qui nous l'ont installé pour leur profit, c'est de revenir massivement à une agriculture familiale vivrière, soit à l'agrocécologie et la permaculture, et à une façon de vivre plus modeste et aussi plus communautaire, et cela suppose au contraire la maison individuelle avec terrain. Evidemment, ce serait la fin de ce capitalisme délirant qui désire tellement notre bien. C'est pourquoi il ne veut absolument pas nous foutre la paix.
Le test pris à l'hopital étant encore positif, j'ai été invitée à en refaire un ce matin. J'y suis allée à l'ouverture, cabinet 110, derrière la polyclinique. Je suis entrée dans une espèce de sous-sol sinistre interminable où il devait y avoir à 8 heures du matin une queue de 300 personnes, je m'y perdais, car il y avait des gens absolument partout. Ils attendaient tous pour le cabinet 109, coup de bol. Pour le 110, j'étais la première, on m'a fait poireauter quand même un moment. Puis on m'a vaguement caressé la narine avec un coton tige, même chose pour la gorge. Intriguée, j'ai quand même demandé ce que c'était que ce cabinet 109: le généraliste… Eh bien punaise…
Enfin du coup, je suis ressortie assez vite de cet endroit infernal. J'essaie de jouer un peu des gousli, de chanter un peu, en guise d'exercice respiratoire. J'ai perdu beaucoup, la voix complètement, l'agilité des doigts dans une bonne mesure.