J'ai eu la visite de ma voisine Macha; avec ses deux garçons Micha et Kolia, mais pas son mari. Et puis Katia. La fête de Noël dure une semaine en Russie, les gens se rendent visite, la tradition était d'aller de maison en maison en chantant des noëls, et les enfants demandaient des friandises. Micha et Kolia m'ont chanté "le Ciel et la Terre aujourd'hui triomphent". J'avais pris une galette des rois au café, et me suis arrangée pour qu'un enfant trouvât la fève et gagnât la couronne, mais le café devrait mettre deux couronnes, car l'idée est de désigner ensuite sa reine, et puis Kolia avait envie de la couronne de Micha, évidemment. J'ai chanté sur les gousli la Marche des Rois, et Katia a trouvé la chanson si jolie qu'elle m'a embrassée. C'est une chanson qui sent le mistral et la garrigue, les petits santons de la crèche de mon oncle Henry, les veilles de Noël chez Pierre et Marthoune, et j'avais envie de pleurer. Pourtant je ne me souviens pas qu'on l'ait jamais chantée, ni chez Henry et Mano, ni chez Pierre et Marthoune, malheureusement pour moi, ce n'était pas auprès des Fargier que j'aurais pu apprendre des chants folkloriques, car ils chantaient tous faux et ne chantaient d'ailleurs pas du tout, sauf mon beau-père parfois la Traviata quand il était de bonne humeur.
En partant, la famille Serjantov a allumé ces espèces de feux qui ne brûlent pas et jettent des étoiles partout, j'ai oublié le nom, on en accrochait dans l'arbre de Noël, dans mon enfance, on en met aussi sur les gâteaux d'anniversaire. Mon jardin nocturne et neigeux resplendissait de ces scintillements et résonnait des chants de Noël. Macha m'a dit que malheureusement, dans le lycée orthodoxe locale, on leur faisait chanter d'horribles trucs traduits de l'américain, les chansonnettes religieuses que je haïssais dans mon enfance, issue des sectes protestantes et adoptées avec enthousiasme par les curés à guitare. Cette merde liquide court et s'infiltre partout, la voilà qui contamine l'Eglise orthodoxe. Dans l'après midi, j'étais tombée sur la vidéo d'un prêtre russe chantant avec de pseudo cosaques, en russe, "douce nuit, sainte nuit" d'une façon effroyablement doucereuse, puis "Jingle bells" avec des trémoussements et des sourires idiots, puis d'autres chansons bien pires, musique nulle, paroles stupides, aucune poésie, et ces bonshommes au sourire mécanique et neuneu, mais tout cela était approuvé par un public qui biberonne le mauvais goût depuis la maternelle. J'ai demandé pourquoi, avec une tradition russe si riche, fallait-il chanter des noels allemands ou américains. On m'a répondu que le christianisme était universel. Soit. Alors les Allemands et les Américains chantent-ils des noëls russes? Bien sûr que non! me répond une vieille. Pourquoi "bien sûr" et pourquoi "non"? J'explique que je suis française, que je chante des noëls traditionnels russes et français, et que je n'ai pas besoin de merde américaine ni de variété vulgaire, que c'est un des éléments qui m'a fait fuir l'Eglise catholique, complètement infectée de toute cette guimauve hérétique d'outre Atlantique. La vieille affirme que la musique de variété mène à l'appréhension du divin! Je suppose alors que la prestation des Pussy Riots à la cathédrale du Christ Sauveur a dû lui apporter la révélation... Et pourquoi une partie des Russes éprouve-t-elle une pareille passion pour ce que l'Occident fait de pire? Fin de l'échange, où j'ai apporté un beau couac.
A la place du patriarche, je condamnerais ce genre de choses, qui présente du chritianisme une image fausse, caricaturale, stupide et odieuse à toute personne normale. On le voit bien d'ailleurs quand on compare l'atmosphère des offices du machin autocéphale de Bartholomée, et le fervent adieu de l'Eglise ukrainienne traditionnelle à la Laure de Kiev.
L'horrible concert: https://vk.com/loralira?z=video-76137996_456250078