Les gens se bousculaient au concert gratuit du nouvel an dans le bar du café la Forêt. Et je crains bien qu'ils ne se bousculent pas à celui de Skountsev, à commencer par les cosaques, à qui l'on fait pourtant un prix, et la gratuité pour les enfants. Une connaissance qui voulait venir avec des amis m'a demandé "combien il y avait de cosaques dans le choeur?" Apprenant qu'il y en aurait trois (la salle est minuscule, et finalement, ils seront six), ils se sont tous décommandés. Il ne s'agit pas d'un choeur, il s'agit d'un ensemble. Parfois ils sont trois, parfois six, parfois quinze, cela dépend du local et des circonstances. Il parait que ces gens sont des amateurs de folklore cosaque. S'ils l'étaient vraiment, ils viendraient à quatre pattes écouter Skountsev, en dépit du verglas, même s'il chantait tout seul, car sans lui, le folklore cosaque aurait pratiquement disparu, c'est lui qui a initié l'intérêt croissant des cosaques pour leur tradition perdue, et pour tous les amateurs du genre, c'est une référence. Après l'épuration de Trotski, des cosaques, il n'en restait pas beaucoup, et tout ce qu'on présentait comme tel n'avait que peu de rapport avec la culture originale. J'en conclus donc que ces "amateurs de folklore cosaque" sont en réalité des amateurs de contrefaçon soviétique bruyante et pompeuse à cent cinquante choristes et corps de ballets, avec mouvements et sourires mécaniques, qui pour la plupart des rééduqués des décénnies passées, sont tout ce qu'ils connaissent de la question.
Notre concert était ce qu'on appelle bon enfant. Il y avait pas mal d'enfants, d'ailleurs, et des enfants qui se produisaient, un ensemble familial façon Jacques Martin dans les années 80, de la variété chantée par des gosses qui imitent les tics professionnels des adultes, sous l'oeil extatique de la mère. Katia, éblouissante dans une tenue chic et choc, participait à un petit concert de jazz, avec beaucoup d'entrain. J'y suis allée de mes chants de Noël, russes et français. Mais le grand moment de la soirée, pour moi, ce fut Jason l'Américain, mort de timidité, qui nous a chanté un country râpeux si authentique, avec tant de sincérité et de tempérament, entrecoupé de mots d'esprit et de considérations sur l'imperfection de son jeu, alors que si imperfection il y avait, cela n'avait aucune importance, de par la nature des chansons et de l'interprétation, c'était de la musique vivante et vécue, la voix même de son peuple, de son quotidien rude, et de son désespoir sous jacent, de son humour particulier. Jason est une des personnes les plus intéressantes, vraies et touchantes que je connaisse ici. Il a fait un tabac, malgré le goût du public pour la variété guimauve américanoïde, parce que tout de même, les gens ressentent la vérité, l'air frais qui entre par la fenêtre ouverte, quelque chose en eux, Dieu merci, réagit encore à cela.
Le verglas était tel que je n'ai pas pu ouvrir mon portail, bloqué par la glace, et j'ai descendu les trois marches de mon perron façon tobboggan pour éviter une chute de plus. Aujourd'hui, il neige, heureusement. Car on annonce - 28 pour la nuit de Noël...
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