Translate

lundi 23 janvier 2023

Le double sombre.

 


Slobodan Despot a commencé toute une réflexion sur la chute de la France, à laquelle j'avais répondu par une lettre qu'il a publiée. Son second article sur ce thème est extrêmement juste et profond. Dans ma lettre, j'expliquais, ne voulant pas trop m'étendre, comment j'avais assisté à l'assassinat programmé de la douce France de Trenet, mais il est certain que les racines du phénomène sont à chercher beaucoup plus loin, et c'est ce qu'il fait. Je ne peux que souscrire, d'autant plus que même en ce qui concerne la France de Trenet, il y avait déjà, comme on dit, du mou dans la corde à noeud. Bernanos et Saint-Exupéry en parlaient quand je n'étais pas encore née. Disons que j'ai vu s'éteindre les derniers feux... 

Il écrit:

Si l’Anglais moderne ne sait pas ce qu’est la vérité, le Français fils des Lumières ne sait pas ce qu’est le chant de la vie.

Ce n’est pas moi qui le dis. C’est Henry de  Montherlant, dans un article de 1928 consacré, justement, au «chant profond», le canto jondo des Andalous, des Arabes et des Gitans(1). Avant la fameuse conférence de Lorca sur le Duende — le démon de la création —, Montherlant fait l’éloge d’un art où la perfection formelle ne vaut rien sans l’investissement éperdu et total de l’âme du pratiquant. Il décrit la transfiguration d’un jeune Gitan pataud et peu assuré, lorsque l’hymne de la douleur d’être né monte de ses entrailles. L’enfant est soudain devenu un homme, puissant et sans âge. Peu importe s’il chante faux! Les virtuoses sont oubliés: c’est pour lui et sa bouleversante sincérité que le public est venu. Il recevra le premier prix et retournera à son obscur trafic de cochons. Chantera-t-il encore? Si l’envie lui prend. C’est une vie que Montherlant respecte: celle où «on ne chante que quand ça vous chante»

En réalité, ceci m'a frappée dès mon enfance, je ne savais pas trop où le chercher, ce chant de la vie, autour de moi, dans ce très beau pays plein de vestiges intacts d'époques antérieures qui ne concernaient plus la nôtre, de signes qu'elle ne savait plus déchiffrer. Montherlant parle du petit gitan transfiguré par le flamenco, c'est précisément ce qui m'a attirée dans le folklore russe, ce chant de la vie. Dont on a aussi essayé de priver les Russes, d'ailleurs, et on y est partiellement arrivé. Adolescente, je ne trouvais pas de chant de la vie chez les écrivains du XVIII° et du XIX° français, si géniaux qu'ils aient pu être. A l'exception de Giono qui était pour moi une source vive, d'ailleurs assez marginale, un "écrivain régional", ou des poètes. Je la trouvais chez les Russes. Il y a des gens pour qui Dostoievsky est déprimant. Pour moi, au contraire, c'était une porte ouverte sur la lumière, et dans les pires convulsions de ses héros, je sentais une vie et une sincérité qu'il n'y avait pas ou n'avait plus, dans notre univers. 

A un moment, nous n'avons pas pris le bon chemin et nous avons acculé le reste du monde à nous imiter ou à se soumettre, et cela concerne toute l'Europe occidentale.

Le malaise remonte à longtemps. Slobodan évoque Versailles, pour lequel il n'éprouve aucun engouement. Moi non plus, et quand Notre Dame a brûlé, je me suis dit que cela ne serait pas arrivé à Versailles, le monument emblématique de toute notre dérive, ce truc vain et pompeux, avec de fausses déesses antiques en lesquelles personne ne croit, ces imitations vides. Non, comme en Russie, où les plus vieux monuments étaient dynamités par les bolcheviques en priorité, c'est le moyen âge que détestent la modernité et la caste qui nous l'a vendue et imposée. Palais de nouveau riche, et en effet, d'ailleurs, Pierre le Grand, méprisant l'architecture unique de son pays, s'est précipité pour le copier avec son palais de Peterhof, déguisant dans la foulée sa noblesse en pingouins perruqués et la coupant de sa culture originelle. 

Je pense à ce sujet à deux films qui m'ont marquée, "tous les matins du monde", avec l'extraordinaire personnage de monsieur de Sainte-Colombe, qui incarne la France encore mystique du XVII° siècle, et celui de Marin Marais, déjà pris par la vanité du siècle "des Lumières" approchant, et puis "Ridicule", où sont dépeints tous les défauts de notre fameux "esprit" guère spirituel qu'évoque Slobodan. 

On est parti d’un récital de chant, quelque part dans le Sud, mais c’était pour arriver au cœur du problème: la raideur raisonnante, mesquine et glacée d’une société que Montherlant, comme bien d’autres avant ou après lui, ne supportait plus. Une société dont, pour reprendre les critères de Goumilev, la température passionnelle s’approche du zéro absolu. Son erreur fatale est d’avoir fait divorcer, depuis Descartes, l’intelligence et le sentiment: «Cette grande conspiration française contre la naïveté et le naturel!» Il vient parfois à Montherlant des fulgurances saisissantes. Comme ici: de l’esprit «classique» surcivilisé au primate petit-bourgeois qui se définit aujourd’hui comme «citoyen», la cloison est bien mince. «Les mots d’ordre du primaire ne sont pas si différents de ceux du classique: pas de lyrisme, pas de fantaisie, pas de vision vraie de la réalité, pas d’expression directe de ce qui est ressenti, tout cela est ou ridicule ou choquant: un peuple hier avec perruque, aujourd’hui avec certificat d’études, ne saurait le supporter. Le jargon démocratique de nos petits intellectuels avancés sert un idéal bien opposé, certes, à celui des beaux esprits de Versailles, ou à celui des scolastiques: n’importe, tarte à la crème et baralipton y montrent le nez. Le lit de Procuste sur lequel un instituteur de 1928 étend une page d’écrivain, pour la mutiler de tout ce qu’elle a vigoureux et d’inspiré, c’est un meuble national, le même depuis des siècles…

https://antipresse.net/aparchive/373437/Antipresse-373.pdf

C'est cet esprit que j'ai rejeté dans ma jeunesse et qui me rejetait avec mépris et aversion, que j'ai fui dans la Russie et dans l'orthodoxie, cet esprit qui a enfanté deux monstres, le petit marquis et le bourgeois, à l'origine de notre révolution, de ses horreurs et de la disparition, avec la paysannerie et nos derniers aristos, de nos forces vives, de nos réservoirs d'âme, de poésie, de pureté, de noblesse et de grandeur. 

Je suis ensuite tombée sur cet article complémentaire d'Alexandre Douguine:

 "Aujourd'hui, la Russie mène une guerre absolue pour la première fois de son histoire. Toutes les guerres précédentes n'ont été que des prototypes, des modèles relatifs pour la guerre la plus importante. Maintenant, cette guerre, la guerre actuelle, est définitive, finale et irréversible.

Il est clair que nous ne le comprenons pas encore. Ce qui va se passer dépasse l'entendement, même de ceux qui sont impliqués dans cette guerre et de ceux qui l'ont déclenchée.

Pour la première fois, nous sommes confrontés au mal pur, absolu, total. Elle ne sera plus partielle ou relative. Et il ne s'agit plus seulement de l'"Ouest", et encore moins de la "formation en U" à court terme. L'enfer qu'ils représentent n'a plus d'importance. Ce mal est quelque chose de beaucoup plus profond, comme l'humanité n'en a jamais vu. C'est la dernière guerre de l'humanité. Seule la Russie se tient fermement, inébranlablement, du côté de la justice et de la vérité, sans savoir pourquoi. Mais c'est pour cela que nous avons été créés et c'est pour cela que nous avons vécu. Nous ne savons pas comment cela va se terminer, mais les préparatifs du jugement dernier battent leur plein.

La planète se divise en deux. Soit dans cet hémisphère, soit dans l'autre. L'humanité se divisera. L'histoire est un mouvement de un à deux. Au début, il n'y avait qu'Adam, mais à la fin, il y en aura deux : Adam et son double sombre."

Ce double sombre, c'est bien l'esprit de l'occident chrétien dévoyé, apostasié tout à la fois dans le sarcasme et le sang, qui lui aura donné naissance et l'aura lâché sur le monde. 


dimanche 22 janvier 2023

Immortalisée


Le peintre Alexandre Savielev est venu me peindre. J’aime beaucoup ses portraits puissants et très vivants, qui ne sont pas forcément flatteurs, surtout quand on n’est plus un perdreau de l’année. Me voici immortalisée, et Rita aussi. Il m’a dit qu’il trouvait les animaux très difficiles à peindre, il s’en est vraiment bien sorti, Rita est criante de vérité, on dirait un petit coeur battant. Je suis dévorée par le bleu, ce qui traduit une certaine réalité..

C’était la fête du transfert des reliques du saint métropolite  Philippe des Solovki à Moscou, où elles reposent depuis le XVII° siècle. Comme me le fait toujours remarquer mon amie Liouba, j’ai été logée par l’Ambassade et j’ai acquis ensuite un appartement juste à côté de l’endroit où on était allé accueuillir ces reliques en procession et où une église rappelle l’évènement.

Je suis allée aux vigiles puis à la liturgie le lendemain. En sortant de ma voiture, j’ai vu que ma tante m’appelait, mais je n’ai pas pu répondre. A l’église, j’étais dans un état de tristesse lumineuse et de grâce, d’acceptation et de consolation, je ressentais tout le trajet de ma vie et son mystère. J’ai entendu dire que ma cousine s’adressait à son père défunt pour demander de l’aide, et moi, j’ai toujours demandé de l’aide pour les miens défunts, l’intercession des saints et la miséricorde de Dieu. Cependant, l’autre jour, regardant la photo de mon père, je lui ai dit : « En fin de compte, tu es le seul qui ait été vraiment croyant dans cette famille, et si comme je le crois, tu es à la bonne place, joins tes prières aux miennes, là bas, pour les nôtres vivants et morts. »



Et curieusement, il est depuis beaucoup plus présent dans mes pensées, je dirais encore plus présent. Comme si je lui avais ouvert une porte. C'est curieux, cette relation que j'ai gardé plus ou moins toute ma vie avec mon père disparu. Oui, ces jours-ci, j'ai vraiment l'impression qu'il est là quand je lui parle.

Le portrait d'Alexandre est le troisième de ma vie, le premier avait été fait par un peintre peu connu et oublié, Cazassus, qui exposait sur la plage de Sainte-Maxime. Il avait voulu me peindre parce qu'il me trouvait très romantique. J'avais onze ans. Maman avait acheté le tableau, je l'ai toujours, il est dans ma chambre. A ma grande surprise, il m'avait peinte en vert, j'attendais plutôt du bleu, comme chez Alexandre, et avec cette cage et ces oiseaux qui en sont sortis, mais qui restent dessus comme si cela ne valait pas la peine de s'envoler. Je me souviens qu'il m'avait fait poser près du café de la plage, les pieds dans le sable et un pull jeté sur les épaules. 

Le troisième, c'est moi qui l'avais fait à l'aquarelle, j'avais vingt cinq ans. Ces trois tableaux, indépendamment de la qualité artistique des uns et des autres, me paraissent tout à coup former des jalons dans le cours de mon existence. Comme on dit, avant après! De la petite fille à la vieille en passant par la jeune femme. Seule du début à la fin. Ratatinée avec Rita dans tout ce bleu!




J'ai discuté avec une cousine qui m'a dit: "Je n'ai pas vécu ma vie". C'est justement la caractéristique de notre époque, nous sommes très nombreux à ne pas vivre notre vie. Pourtant moi, j'ai vraiment essayé, désespérément essayé, je crois même y être plus ou moins parvenue, cahin caha, pour certaines choses, je ne me suis jamais faite à l'idée que ma vie pouvait m'être volée par des vampires invisibles. Le pire moment, ce furent mes débuts dans l'éducation nationale en banlieue. Comme si j'étais définitivement tombée au royaume des morts vivants, quand j'ai réussi à partir travailler en Russie, j'ai eu l'impression de m'arracher in extremis au naufrage définitif, accrochée par une seule plume à l'oiseau de feu.

 

jeudi 19 janvier 2023

Réminiscences

 


Une personne qui m'est très chère est tombée malade, en France. En d’autres temps, je serais partie la voir, mais en ce moment, je crains de rester bloquée là bas, et avec ma floppée d'animaux, ce serait l'angoisse. Il est vrai que je le crains depuis longtemps, mais on ne peut pas dire que la situation s’arrange. Dans mon désarroi, j’ai appelé le père Valentin, qui m’a dit : « N’y allez pas, je ne fais aucune confiance à l’Occident. Priez pour elle mais n’y allez pas ». 

Je pleurais hier soir comme une Madeleine, je sentais à quel point j'étais loin, comme disait une autre de ces personnes chères que j'ai laissées derrière moi. Evidemment, j’aurais pu y aller quand la situation n’était pas encore aussi explosive, mais avant l’intervention militaire, c’était le covid, les masques, les tests et les vaccins... 

J’avais très mal à la tête, et ce matin, j’ai dû me pousser pour aller fêter la Théophanie, jour anniversaire de mon entrée dans l’Orthodoxie. J’ai dû me pousser, mais comme d’habitude, cela m’a fait beaucoup de bien, la Théophanie est toujours pour moi une fête pleine de grâce. J’ai communié, et je ne saurais dire la saveur qu’ont pris les saints dons dans ma bouche. J’avais encore mal à la tête, j’avais mal aux jambes, j’avais de la peine, et les larmes qui coulaient, mais je ressentais au fond de moi une espèce d’espace intérieur calme dans lequel résonnaient doucement des chants qui, par leur parenté pourtant regrettable avec la musique occidentale, me restituaient l’atmosphère du catholicisme naïf et préconciliaire de ma petite enfance annonéenne.

Cette situation qui me sépare des miens est étrange et affreuse. Quoiqu’il arrive en Ukraine, c’est la faute des Russes. La vérité commence à percer, mais tout est si fourbe et embrouillé, par exemple, le métropolite Onuphre fait des déclarations antirusses que me citent des orthodoxes français, alors même que ses hiérarques, ses prêtres et ses fidèles sont abominablement persécutés, l'étaient auparavant, et le seront de toute manière, si les entreprises des démons ne sont pas déjouées. Le père Valentin m’a dit avec fureur qu’on ne devait ni le critiquer ni même le commenter, c’est aussi ce que recommande le patriarche. Et c’est ce que je fais. La position des orthodoxes là bas est plus que difficile. On peut très bien massacrer tout le troupeau et ses hiérarques, et trouver des justifications ou le passer sous silence, ou l'attribuer aux Russes. Les responsables de tout cela n’ont absolument aucun respect de rien. Le père Andreï m'a dit: "Tellement de péchés invraisemblables se sont accumulés, et pas seulement là bas, mais aussi chez nous, il n'y a rien d'étonnant à ce qui nous arrive, et comme d'habitude, ce sont les meilleurs, les plus courageux, qui souffrent en premier. Mais ayez confiance, comme dit notre ancienne directrice d'école, "l'incendie se déroule selon le plan..."

Quand je lis les nouvelles le matin, j’en ai les larmes aux yeux, j’ai tellement pitié des gens normaux qui sont pris dans cet engrenage infernal et cette horreur fantasmagorique, et aussi des Français qu’on ruine, à qui on pourrit la vie, et qui seront peut-être demain achevés dans les guerres civiles fomentées dont on leur a créé toutes les conditions. Je savais dès la guerre au Kosovo, que c’était là le projet.


J’ai vu là au milieu un reportage sur un luthier paysan qui a décidé d’ignorer tout cela et de vivre normalement, pleinement, librement, il le proclame : la vie de paysan, dans sa rude simplicité, donne la liberté et la paix, et ce contact avec la vie qui irrigue l’être et l’enrichit. De quelle liberté, de quelle paix jouit le malheureux qui se précipite sur le métro tous les matins pour aller remplir une tâche imbécile et « travailler de toutes ses forces pour son patron », ainsi que le dit monsieur de Maesmaker dans Gaston Lagaffe ? De quel enrichissement intérieur, de quelle plénitude bénéficie-t-il ? N’y a-t-il pas derrière tout cela une escroquerie énorme ?

Dima Paramonov, le roi des gousli, a vu cette émission deux fois, bien qu’il ne parle pas français, et se demande où se procurer l’espèce de moulin à farine dont se sert le luthier. A mon avis, on ne trouve plus cela que dans les brocantes, et encore...

Au moment du covid, Dima est parti vivre dans l’Oural, dont il est originaire, au village, où le folklore survit encore. Il a fait un très joli disque de polyphonie au violon, c’est-à-dire qu’il joue les différentes parties vocales de chants russes, et cela jette sur ces chants un autre éclairage. Le violon était un instrument populaire courant, avant la révolution, il le redevient peu à peu. Dima n’est pas seulement le roi des gousli, au violon, il ne se défend pas mal non plus.

https://vk.com/music/album/-2000994847_16994847_0b7362c24751c58d4b

 


Bénediction des eaux par le père Valentin et son équipe

lundi 16 janvier 2023

Nourritures terrestres et discussions spirituelles


Vendredi soir, j'étais invitée avec Katia et son amie Ania, la photographe, chez le cuisinier Laurent, dans son appartement de très mauvais goût qui veut faire riche, une location provisoire. Le repas était absolument délicieux et parfaitement diététique, simple et raffiné. De la très bonne viande coupée en lamelles, des ananas revenus avec des poivrons, des patates douces et des pommes de terre, et un très bon taboulé. Laurent nous a expliqué qu'il avait travaillé comme cuisinier privé d'un riche Russe, et je pensais au cuisinier Anatole de la tante Dahlia, dans les romans de P.G. Wodehouse. Quel luxe d'avoir un cuisinier privé! Mais en avoir un parmi ses relations, en plus d'un pâtissier, n'est pas mal non plus... Cela ne m'était jamais arrivé avant Pereslavl!

Je dois dire que Katia, qui n'est pas française, fait pourtant bonne équipe avec moi, car elle adore bouffer, et comme aurait dit Didier, "elle est de la gueule"...

Aujourd'hui, étant allée porter des affaires pour l'aide humanitaire au Donbass, j'ai décidé de déjeuner au café. Et là je suis tombée sur le père Vadim, et sur l'Américain Jason. Nous avons passé trois heures ensemble. Cette fois, j'avais commandé un gratin dauphinois, que Laurent m'a servi avec la sauce de son jarret de porc, et je lui ai dit que sa bouffe était pour moi la madeleine de Proust, parce qu'elle avait le goût français que je ne trouvais à aucune autre cuisine, même excellente. Tout à coup me revenaient ma grand-mère d'Annonay, les restaurants de la vallée du Rhône, Tournon ou Tain l'Hermitage, avec les nappes et les serviettes blanches et le doux tintement des verres ballon et des couverts d'argent! Godefroid qui passait par là m'a déclaré que sa forêt noire l'avait surpris lui-même par la variété de ses goûts et de ses textures, et en effet, c'est le gâteau que je préfère dans sa production. Le chocolat et la cerise, le tendre et le craquant, difficile de résister...

Bien que je vitupère sans arrêt l'Amérique, Jason m'est proche par l'esprit, c'est une des personnes que je préfère ici, parce qu'il a un côté atypique et barjot que j'aime et que je partage, que je trouvais chez les Américains de type Kerouac ou Jack London, et que l'on trouve aussi d'ailleurs chez les Russes. Ce qui me plaît, c'est qu'il ne fait absolument pas semblant d'être ce qu'il est, il est naturel et sincère, fervent, profond. D'après lui, le père Pantaleimon lui aurait conseillé de se méfier des femmes confites en dévotion, et je vois très bien ce qu'il veut dire! Tout fervent qu'il soit, Jason, comme moi, aime sa liberté et un certain style de bigoterie lui fait froid dans le dos, peut-être aussi simplement parce qu'il est vivant. Il se situe entre les beatniks et Dostoievski. Le père Vadim a vécu vingt ans en Amérique et parle parfaitement anglais, Katia les a présentés l'un à l'autre, et ils ont découvert que le premier connaissait très bien, outre Atlantique, le frère du second, le monde orthodoxe est minuscule.

Etonnante petite ville que Pereslavl. On y trouve un pannel de personnalités vraiment varié. Hier, j'ai eu la visite de trois jeunes filles qui faisaient un reportage sur les intellectuels moscovites ou autres venus s'installer ici, et elles s'étonnaient justement de ce fait. "Nous ne nous attendions pas à trouver une maison comme la vôtre, où tout est tellement stylé, m'ont-elles dit. 

- C'est que j'ai besoin d'avoir de la beauté chez moi, surtout quand on voit ce qui se passe au dehors et qui ne fait que s'accentuer. Pour moi, il est normal de ne pas mettre côte à côte deux tableaux qui vont jurer ensemble, ou d'accumuler des objets n'importe comment, façon foire à la brocante. J'ai besoin de mettre de l'harmonie et de la poésie autour de moi, du sens. J'ai remarqué que dans la famille de mon père spirituel, on faisait pareil, ses filles ont beaucoup de goût. On l'a fait disparaître chez la plupart des gens, mais chez les natures artistiques, cela revient parfois."

J'ai parlé avec Tatiana, qui recueille l'aide humanitaire. J'ai donné quelques uns de mes livres, l'année 16 du blog, cela peut amuser et distraire le soldat. Je pense, et elle aussi, que les Russes remporteront cette guerre, mais on a quand même une fois de plus réussi à organiser une boucherie de slaves, et à monter les Européens les uns contre les autres, tout en préparant, avec une immonde fourberie, leur disparition définitive. Un plan affreux, auquel seule la Russie peut encore faire échec. Et la volonté de Dieu. 


Jason n'aime pas rencontrer des Américains typiques, qui ne sont pas venus ici pour des raisons profondes, et je le comprends. On a demandé à ses filles ce qui les surprenait le plus en Russie, elles ont répondu: "la grande gentillesse des gens", une gentillesse que Jason trouve incroyable et qu'il n'a pas l'impression de mériter, car il est humble de coeur. Avec le père Vadim, nous avons commenté la déchristianisation hallucinante de la France, il parle bien français et connaît notre pays. Il faut dire qu'on a tout fait en haut lieu et dans les cercles qui donnent le ton, pour obtenir ce résultat, et même l'Eglise s'est prêtée à cela. "En Amérique, me dit Jason, le christianisme subsiste plus que chez vous, mais sous un aspect tellement déformé qu'il est méconnaissable et éloigne souvent les gens qui ont une quête spirituelle profonde.

- Oui, eh bien chez nous c'est pareil, outre que les gens ne savent absolument plus ce que c'est et n'en connaissent que des caricatures, ils ne savent de quel côté se tourner quand ils ont besoin d'une vie intérieure, l'univers, Bouddha, l'exotique, le vague et le new age... Je trouve l'affreux boulot des exterminateurs d'étoiles mieux réussi en occident qu'ici, en dépit des persécutions soviétiques, mais je me fais du souci, en voyant filtrer parfois dans l'Eglise orthodoxe, la merde des chansonnettes protestantes pour neuneus à sourire hagard.

- Que voulez-vous, me dit le père Vadim, c'est quand même vous qui avez amorcé le mouvement, avec les "Lumières" et la révolution..."

Cet hiver est si pénible, nous avons à nouveau un redoux, qui sera obligatoirement suivi d'une vraie patinoire. J'ai demandé à la pharmacie du Magnit si elle vendait des crampons pour les chaussures, on m'avait dit qu'on pouvait en trouver là. Pas du tout. Mais la jeune employée, qui toujours s'extasie sur mon accent et sur mon style, est partie explorer les boutiques de la galerie et m'a conduite chez celle de chasse et pêche, où l'on m'a vendu ce qu'il fallait. Oui, une incroyable gentillesse, on peut le dire.

vendredi 13 janvier 2023

Le ciel et la terre aujourd'hui triomphent

 


Le père Nikita de Donetsk chante un noël traditionnel

J'ai eu la visite de ma voisine Macha; avec ses deux garçons Micha et Kolia, mais pas son mari. Et puis Katia. La fête de Noël dure une semaine en Russie, les gens se rendent visite, la tradition était d'aller de maison en maison en chantant des noëls, et les enfants demandaient des friandises. Micha et Kolia m'ont chanté "le Ciel et la Terre aujourd'hui triomphent". J'avais pris une galette des rois au café, et me suis arrangée pour qu'un enfant trouvât la fève et gagnât la couronne, mais le café devrait mettre deux couronnes, car l'idée est de désigner ensuite sa reine, et puis Kolia avait envie de la couronne de Micha, évidemment. J'ai chanté sur les gousli la Marche des Rois, et Katia a trouvé la chanson si jolie qu'elle m'a embrassée. C'est une chanson qui sent le mistral et la garrigue, les petits santons de la crèche de mon oncle Henry, les veilles de Noël chez Pierre et Marthoune, et j'avais envie de pleurer. Pourtant je ne me souviens pas qu'on l'ait jamais chantée, ni chez Henry et Mano, ni chez Pierre et Marthoune, malheureusement pour moi, ce n'était pas auprès des Fargier que j'aurais pu apprendre des chants folkloriques, car ils chantaient tous faux et ne chantaient d'ailleurs pas du tout, sauf mon beau-père parfois la Traviata quand il était de bonne humeur.

En partant, la famille Serjantov a allumé ces espèces de feux qui ne brûlent pas et jettent des étoiles partout, j'ai oublié le nom, on en accrochait dans l'arbre de Noël, dans mon enfance, on en met aussi sur les gâteaux d'anniversaire. Mon jardin nocturne et neigeux resplendissait de ces scintillements et résonnait des chants de Noël. Macha m'a dit que malheureusement, dans le lycée orthodoxe locale, on leur faisait chanter d'horribles trucs traduits de l'américain, les chansonnettes religieuses que je haïssais dans mon enfance, issue des sectes protestantes et adoptées avec enthousiasme par les curés à guitare. Cette merde liquide court et s'infiltre partout, la voilà qui contamine l'Eglise orthodoxe. Dans l'après midi, j'étais tombée sur la vidéo d'un prêtre russe chantant avec de pseudo cosaques, en russe, "douce nuit, sainte nuit" d'une façon effroyablement doucereuse, puis "Jingle bells" avec des trémoussements et des sourires idiots, puis d'autres chansons bien pires, musique nulle, paroles stupides, aucune poésie, et ces bonshommes au sourire mécanique et neuneu, mais tout cela était approuvé par un public qui biberonne le mauvais goût depuis la maternelle. J'ai demandé pourquoi, avec une tradition russe si riche, fallait-il chanter des noels allemands ou américains. On m'a répondu que le christianisme était universel. Soit. Alors les Allemands et les Américains chantent-ils des noëls russes? Bien sûr que non! me répond une vieille. Pourquoi "bien sûr" et pourquoi "non"? J'explique que je suis française, que je chante des noëls traditionnels russes et français, et que je n'ai pas besoin de merde américaine ni de variété vulgaire, que c'est un des éléments qui m'a fait fuir l'Eglise catholique, complètement infectée de toute cette guimauve hérétique d'outre Atlantique. La vieille affirme que la musique de variété mène à l'appréhension du divin! Je suppose alors que la prestation des Pussy Riots à la cathédrale du Christ Sauveur a dû lui apporter la révélation... Et pourquoi une partie des Russes éprouve-t-elle une pareille passion pour ce que l'Occident fait de pire? Fin de l'échange, où j'ai apporté un beau couac. 

A la place du patriarche, je condamnerais ce genre de choses, qui présente du chritianisme une image fausse, caricaturale, stupide et odieuse à toute personne normale. On le voit bien d'ailleurs quand on compare l'atmosphère des offices du machin autocéphale de Bartholomée, et le fervent adieu de l'Eglise ukrainienne traditionnelle à la Laure de Kiev.

L'horrible concert: https://vk.com/loralira?z=video-76137996_456250078





mercredi 11 janvier 2023

Autodafés



Après les autodafés de livres russes, les destructions de statues de Pouchkine et de Catherine II, voici le tour des saints russes, vont-ils virer les reliques que l'on vénérait dans les grottes de la Laure? 

Le chef de l'église orthodoxe ukrainienne [schismatique], Serge Dumenko *, a déclaré que les Ukrainiens devraient abandonner leur saint, en l'honneur duquel ils ont été baptisés, si le saint est apparenté à l'Église orthodoxe russe ou à la Russie.


Répondant à la question d'une journaliste de lb.ua, demandant que devrait-elle faire si elle était baptisée en l'honneur de sainte Xénia de Petersburg, Dumenko a répondu que maintenant nous devons prier une autre Xénia : "Nous pouvons parler de changer tel ou tel saint. Si nous prenons Xénia, il y a d'autres Xénia en l'honneur desquels nous pouvons changer la date de la célébration. » Selon lui, si une personne veut abandonner son saint en faveur d'un autre, elle doit aller chez le prêtre et recevoir une bénédiction.

Dumenko a déclaré que les Ukrainiens devraient renoncer à leurs patrons célestes s'ils sont liés à l'Église russe.

Dans le même temps, Dumenko se plaint que les croyants de l'OCU [schismatique] ont exigé que les saints « russes » soient laissés dans le calendrier.

« Nous avons dû quitter des saints vénérés aussi connus, bien que nous sachions quel rôle ils ont parfois joué dans l'histoire », a ajouté Dumenko, parlant de la sainte et  Bienheureuse Xenia de Saint-Pétersbourg, du prince orthodoxe Alexandre Nevski et d'autres saints.

Epiphane [nom de scène de Serge Dumenko] est sûr que la présence de ces saints dans le calendrier est un phénomène temporaire causé par la demande des paroissiens, et à mesure que la génération change, les croyants ne se souviendront même pas de ces saints de Dieu.

« Il est arrivé dans l'histoire qu'il y ait eu une certaine période de temps où nous étions unis, dans cette occupation spirituelle, et il faut du temps pour s'éloigner progressivement de cette tradition russe », a déclaré le chef de l'OCU [schismatique].

Plus tôt, l'Union des Journalistes Orthodoxes a rapporté que l'OCU schismatique  avait annoncé une transition complète vers un nouveau calendrier.

Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

Union des Journalistes Orthodoxes

 *laïc, excommunié devenu en mépris de tous les canons, métropolite de l'église orthodoxe ukrainienne schismatique créée par Constantinople, et reconnue par seulement 3 églises grecques, les autres Eglises orthodoxes -dont le Patriarcat de Jérusalem- ne reconnaissant pas cet acte anti canonique.


En lisant cet article, je me suis souvenue de tout ce que j'avais vu depuis les grandes processions du métropolite Onuphre, soigneusement ignorées par l'occident. Leur ferveur, leur élévation spirituelle. Les émissions sur le métropolite Longin et ses orphelins. Les sermons enflammés du métropolite Luc de Donetsk. Ceux du métropolite Arséni de Sviatogorsk. La dignité des adieux du métropolite Paul, de la Laure de Kiev, à ses fidèles, et la façon dont ceux-ci ont entonné l'hymne de Pâques. 

https://vk.com/loralira?z=video-30464713_456241885%2Fb4c351d720602d8a0b%2Fpl_wall_19879744

Comment des orthodoxes occidentaux peuvent-ils soutenir ce qui se passe et le justifier? Comment ne voient-ils pas à qui nous avons affaire, avec cet Epiphane grotesque et néfaste? Par quels étranges déformations de la conscience restent-ils aveugles à ce qui est évident? Comment peuvent-ils s'associer à des choses pareilles? Mystère. Mais si scandaleux que soit tout cela, je ferai référence au message de Noël d'un catholique respectable et courageux, Sébastien Recchia, qui, par son témoignage répété de sainte colère, a déjà fait un bout bout de chemin sur la voie du paradis, car il est clair, net et vrai, ce qui à notre époque tordue peut-être déjà considéré comme le fruit d'une ascèse:

Chers tous, je vous remercie pour vos bons voeux et votre fidélité. Je vous souhaite d'avoir la force de vous tenir debout au milieu des ruines de ce monde, d'avoir le courage de rester sur la ligne qui est la nôtre, et d'avoir la santé nécessaire, physique et mentale, pour endurer les coups qui ne manqueront pas de s'abattre sur ceux qui se dressent contre le mal. Nous sommes chaque jour plus nombreux, plus conscients, et un nouveau cycle est déjà enclenché. Nous n'y pouvons rien, et "eux" non plus. Nous nous inscrivons dans quelque chose qui nous est infiniment supérieur et qui s'impose à nous. C'est ainsi. Que Dieu nous protège. Force et honneur.
Sébastien Recchia

Comme Sébastien Recchia, malgré toute la compassion souvent horrifiée que m'inspire ce qui se passe en Ukraine comme ce qui se passe chez nous, j'ai un étrange sentiment de confiance, de sérénité, au delà de mes angoisses ou de mes indignations, disons de mes doutes, car la foi ne laisse place ni aux unes ni aux autres. Sébastien Recchia s'indigne beaucoup, et avec verve, il apostrophe, il invective, et je suis persuadée que questions angoisses, avec une femme militante et des enfants, il doit être encore mieux servi que moi. Cependant, dans ce qu'il exprime ici, je sens quelque chose d'analogue à ce que j'éprouve de mon côté. La certitude d'avoir fait le bon choix, de ne plus être au pouvoir de ceux qui ont promu Epiphane et mis hors la loi les orthodoxes sur la terre de leurs ancêtres, de ceux qui vendent la France, de ceux qui la détruisent, la déshonorent et la mettent au pillage.

Certes lui et moi ne nous retirons pas pour prier dans un ermitage, d'une certaine façon, nous sommes plus proches de Daria Douguine, laquelle avait dit à son père qu'elle se sentait un petit guerrier, juste avant d'être immolée par une poupée maléfique botoxée. Mais chacun sa place dans l'architecture de la cathédrale ecclésiale. Ce catholique est mon frère, davantage que les deux orthodoxes que j'ai virées quand elles ont commencé à me justifier les persécutions des orthodoxes par le régime de Kiev et son métropolite de carnaval. Le masque chirurgical, fût-il bleu et jaune, n'est pas pour notre museau.

lundi 9 janvier 2023

Moins 28 le matin

 


Il fait toujours très froid, entre moins 28 et moins 20, enfin ce sont des températures russes. La lumière sur le givre est féérique, féériques les vapeurs de nacre, les scintillantes paillettes de glace qui flottent dans l’atmosphère, et les visites de Nounours et d’Alba, avec leur épaisse fourrure craquante et gelée, leurs bons yeux et leurs gros nez noirs, des géants tutélaires, débonnaires et patauds, qui font la tournée de nos maisons et semblent les garder de tout mal par la vertu de leur innocente bonté.

Les cosaques fêtaient hier Noël, avec les habituels chants, lectures de poésies et discours d’oncle Slava,  pleins de bons sentiments. C’est quand même un peu trop toujours la même chose, et j’aurais la solution, des cours online à plusieurs avec Skountsev ; mais pour les remuer...

Même dans l’état actuel des choses, ce qu’ils font avec les enfants n’est pas inutile. Les garçons dansent, créent des rythmes sur les tambours, même le petit Savva qui n’a pas trois ans s’en sort bien.

Il faut grimper un escalier métallique très raide pour accéder à leur local, et j’ai cru que je n’allais pas y arriver. En plus de mes genoux, il y a les douleurs conséquentes à ma chute de l’autre jour. Je grimpe autant avec les bras qu’avec les jambes. Quand on est jeune, on n’imagine pas que monter un escalier puisse devenir un problème, et voilà que c’est le cas, c’est même difficile à réaliser, pour une adolescente attardée.

J’avais pris deux excellentes pizzas de Laurent au café, et j'ai opposé une résistance raisonnable à la galette des rois qui n'avait pourtant pas l'air dégueulasse. C'est un super cuisinier, un vrai piège, quoiqu'il vaille mieux se taper la cloche avec des plats cuisinés qu'avec des pâtisseries pleines de sucre. Je pense que je ferai mon anniversaire là bas, avec une raclette. Je me sens incapable de l'organiser à Moscou, cela me coûte cher, cela me prend du temps, et surtout, il faut aller là bas, trouver une place, trimballer des tas de choses, je sens que lorsque j’ai tourné les soixante-dix, j’ai franchi un stade dans la décrépitude. J’ai voulu les fêter avec faste, en annonçant que ce serait la dernière fois. Et en effet, je ne renouvellerai pas l’exploit. Je ne crois pas, d’ailleurs, que j’irai à Moscou avant le mois de mars.

Une Ukrainienne du Donbass, Angelina, mariée avec un Français, comme Yelena, réinforme à longueur de temps, et ce qu’elle dit est si terrible que j’en ai les larmes aux yeux, un sentiment de panique, d'horreur métaphysique. Les ukronazis déterrent les morts, endommagent les cadavres pour faire croire à des sévices de l’armée russe et les jettent dans des fosses communes. Ils gazent les soldats russes, comme en 14. Il n’y a pas de limite à la fourberie et à la cruauté de ces gens, ce qui me rappelle tout à la fois les bolcheviques de la première heure, et les nazis. Encore les nazis étaient-ils plus francs. Pendant ce temps, le Monde essaie de convaincre ses lecteurs, ce qui n’est pas difficile, que le culte de Bandera est consécutif à l’intervention russe, mensonge délibéré à l’usage du crétin bobo qui en réclame toujours davantage, comme le drogué sa dose. J’entends parler de ce culte de Bandera depuis huit ans, à vrai dire, dès la chute de l’URSS, les banderistes du Canada se sont jetés sur l’Ukraine pour terminer la guerre, à laquelle ils n’avaient pas mis fin.

Parallèlement, on m’envoie un article du Point sur le vilain patriarche Cyrille, agent du KGB etc... et bien que je ne sois pas fana du patriarche Cyrille, qui pourtant, ces temps-ci, remonte dans mon estime, il faut quand même savoir que si l’Eglise fut obligée de louvoyer pas mal au temps de l’URSS, le KGB n’existe plus depuis 30 ans, et si un hiérarque était à coup sûr un de ses agents zélés et actifs, c’était le pseudo patriarche Philarète de Kiev, sur lequel j’avais traduit un article que l’on m’avait finalement demandé de ne pas publier. A tel point que cela lui a coûté la place de patriarche qu’il convoitait et pour laquelle il était le mieux placé, étant locus tenens du patriarche précédent, Pimène. Il comptait bien sur ses appuis du KGB pour l’avoir mais voilà, c’était la perestroïka, et le KGB lui a répondu qu’il ne s’en mêlerait pas. Laissés libre de leur choix, les hiérarques ont élu avec enthousiasme le patriarche Alexis, de bienheureuse mémoire, personne ne voulait de Philarète qui avait dénoncé je ne sais combien de prêtres, et qui, ulcéré, s’est rabattu sur les banderistes et proclamé patriarche de Kiev. Cela, ni le Point, ni la Croix, ni le Monde, ni tous les sites orthodoxes de France et de Navarre, à part les plus rebelles d’entre eux, et cela ne fait pas grand monde, n’en parleront jamais. On m’a maintes fois répondu que cela n’intéressait personne, et on a joyeusement laissé le patriarche Bartholomée aggraver la position de l’Eglise ukrainienne ancestrale et canonique sur commande de la CIA, en fabriquant son machin autocéphale avec métropolite d’opérette et icônes de Bandera. Que retombe sur les complices de tout cela le sang des prêtres assassinés et les larmes des chrétiens persécutés. Tous les témoignages que je lis et que je vois serrent le coeur. Je ne voudrais pas avoir favorisé cela, même par indifférence. Un prêtre a été attaqué au couteau et gît à l'hôpital entre la vie et la mort. D'autres sont privés de leur nationalité ukrainienne et du droit à résider chez eux. L'admirable métropolite Longin, qui a élevé des centaines d'orphelins, se voit retirer ces enfants.

Mon père spirituel m’a assurée du contraire mais à la limite, je m’en fous que le patriarche ait collaboré ou non avec le KGB ou le FSB. Bartholomée et le pape collaborent avec la CIA, et cela me paraît pire, car le FSB n’est plus le KGB, et même quand le KGB était encore là, comme dit mon père spirituel monarchiste et anticommuniste, il avait au moins le sens de l’Etat. La CIA est une pieuvre mafieuse supranationale qui sème partout la désolation, la corruption et l’abomination, nous préparant une tyrannie à côté de laquelle le nazisme et le bolchevisme seront d’aimables plaisanteries. Ici, quels que soient leurs défauts et leurs péchés, nous avons encore des êtres à peu près humains au pouvoir et pas des formes vides remplies de démons, pareilles à ces insectes que des larves ont peu à peu dévorés de l’intérieur. Que beaucoup de gens en occident refusent de les voir tels qu'ils sont est bien regrettable pour tout le monde, même si cela les rassure cinq minutes, plus dure sera leur chute... Mais moi je les vois: un vrai casting de film d'épouvante. 

Qu'on le voit ou qu'on ne le voit pas, Dany me dit que cela ne change pas grand chose. Il est vrai... Finalement, beaucoup de commentaires sur les sites des médias officiels français manifestent une lucidité grandissante à l'égard de toute cette bande, mais qu'est-ce que cela change concrètement? La police devient pléthorique, d'un côté ils ruinent les gens, les excluent et les calomnient, de l'autre ils les tabassent et les éborgnent, et personne ne sait comment s'en débarrasser, si Dieu ne s'en mêle pas, or c'est là dessus que je compte, sur l'intervention divine. Et sur ses instruments.