Avant de commencer cette chronique, je voudrais signaler deux vidéos remarquables, celle de cet ancien parachutiste au parcours universitaire brillant, dont je retiens la formule: "Les juifs américains sont des descendants de juifs pessimistes qui ont fui aux USA, les fosses communes des camps d'extermination sont pleines de juifs optimistes qui pensaient que ça allait s'arranger":
La tableau qu'il trace n'est pas riant, mais pas excessivement catastrophique non plus, disons qu'il est réaliste, un homme averti en vaut deux. Il dit en substance que nous ne reviendrons pas en arrière, et qu'il nous faut trouver des moyens de survivre, de nous adapter et de résister, dans l'entraide, car nous ne pouvons plus compter que sur nous-mêmes en face de gouvernements plus ou moins mafieux et susceptibles de commettre n'importe quelle saloperie.
Et ensuite la prestation de Slobodan Despot au club Aristote, qui fait avec lucidité, culture et mesure le tour de la question russo-ukrainienne, et dont je retiens la formule, exprimée à propos de l'agression de l'OTAN contre la Yougoslavie: "A partir de ce jour, je prie pour tous les soldats et pour tous les civils qui tomberont par leur faute, et je les envie, ces morts, de ne plus avoir à regarder les sales tronches des dirigeants occidentaux qui sont des monstres (...) Nous vivons sous l'emprise de gens qui n'ont absolument aucune moralité humaine, qui n'ont aucun frein et qui n'ont aucune pitié ni des autres ni de vous, qui êtes sous leur pouvoir." C'est une prise de conscience que j'ai eue à peu près au même moment que lui et qui n'a fait que se confirmer par la suite.
Quelqu'un me fait des remarques fines sur la gueule de Kadyrov, que je citais sur mon mur, non parce que j'en suis une admiratrice enthousiaste, mais parce que sa déclaration sur un événement récent pouvait être éclairante. La personne en question n'a pas hésité une minute à me placer parmi les groupies du Tchétchène, car je suis naturellement excessive, puisque je ne rejoins pas les rangs des rhinocéros, en lesquels tous se transforment, en démocrature, à vitesse impressionnante. Or je suis persuadée que Kadyrov est une personnalité tout ce qu'il y a de plus brutale, comme Prigogine, et comme il y en eut dans toutes les guerres, et dans celle-ci, on a affaire aux sadiques des bataillons punitifs, qui sont l'équivalent banderiste de Daesh. A la différence qu'en Ukraine, d'après les témoignages que j'ai vus, les Tchétchènes et les Wagner ne touchent pas aux civils; ce dont ne se prive pas l'armée ukrainienne, puisqu'elle ne les considère pas comme de vrais Ukrainiens, et qu'il convient de les épurer. Cependant, au même moment que Slobodan Despot, je me suis rendu compte, moi qui dans ma jeunesse, considérait les Américains comme les chevaliers blancs de la démocratie dont Israël défendait le flambeau contre les terroristes à keffieh, que les Saddam Hussein, Khadafi, Hassad, Milosevic de l'époque m'étaient, en fin de compte, plus compréhensibles et moins répugnants que les sales tronches dont il parle. Et je peux le dire aujourd'hui de Kadyrov et de Prigogine, sans pour autant les approuver. Je peux même, à la limite, le dire de ceux qu'ils combattent avec leurs propres méthodes. Alors que la caste qui a ourdi tout cela, de l'Irak à la Yougoslavie, de la Lybie à l'Afghanistan, en passant par la Syrie pour arriver à l'Ukraine, me paraît d'une nature extraterrestre glaçante dont je ne vois pas d'équivalent dans l'histoire, dont même les bolcheviques ou les SS n'étaient que le balbutiement, le brouillon enfantin. Et le mal qu'elle nous cause et peut encore nous causer est lui aussi sans précédent, nous pourrions tout simplement ne jamais nous en remettre. Je ne dis pas que la Russie, ou l'armée russe, ou le personnel politique russe soient irréprochables, mais ils sont actuellement, avec l'intervention divine, la seule chance de l'humanité d'échapper à sa perte totale, à une fin atroce et ignominieuse. Se dire que si les Russes ne sont pas si bons que ça, par conséquent la caste occidentale n'est pas si mauvaise, me paraît de l'aveuglement qui relève de l'optimisme auquel fait allusion l'officier parachutiste de ma première vidéo et qui pourrait être simplement de la faiblesse. Car les Russes restent humains, la caste ne l'est plus et le revendique. Toute personne qui en écoute les représentants peut s'en convaincre, ils ne s'en cachent même pas. Ne pas s'arrêter au brushing, à la coupe du tailleur ou du costume, ni au sourire à quarante huit dents sous les yeux de serpent congelé.
J'ai aussi regardé une vidéo de la série Besogon de Nikita Mikhalkov, "la romantisation de la vilenie", qui part d'un constat que je partage, à savoir que depuis déjà longtemps, on fait du salaud et du criminel une victime ou un héros. Il part de Vera Zassoulitch, acquittée de sa tentative de meurtre sur un fonctionnaire tsariste, un manque de fermeté qui a sans doute été à l'origine de l'assassinat du tsar Alexandre II, et peu à peu de la révolution. Il fait référence aux Démons de Dostoievski, où tout cela est magistralement analysé et prédit. Il parle de la complicité des intellectuels de l'époque avec ce genre d'individus, de leur désavoeu de la Russie, et cite des intellectuels contemporains, leurs réactions à l'attentat contre Vladlen Tatarski, leurs collectes pour venir en aide à la stupide créature qui a causé, avec la mort d'un blogueur et correspondant de guerre qui ne partageait pas ses idées inculquées, des blessures de diverses gravité aux cinquante personnes présentes autour de lui. Un de ces types explique que la Russie doit devenir enfin une "société humaine", ce que pensaient les imbéciles du XIX° siècle, comme si par exemple, la société anglaise "démocratique" que décrit Jack London dans "les Bas-fonds de Londres" était plus humaine que la Russie tsariste. Pour ma part, ce témoignage m'a fait à peu près aussi froid dans le dos que l'Archipel du Goulag, alors que "l'Eté du Seigneur" de Chmeliov, m'a fait l'effet d'un paradis perdu. Actuellement, je trouve la société russe actuelle plus humaine, à tous les sens du terme, que la nôtre, et même dans la guerre, elle se montre plus humaine que l'OTAN dans tous les pays où cette association de malfaiteurs a cru bon d'intervenir. Ces gens qui font ces collectes pour une criminelle ne sont pas inquiétés, et même, observe-t-il, on a nettoyé brutalement les hommages déposés par les gens sous forme de drapeaux russes, photos, rubans de saint Georges, bougies, à l'endroit de l'attentat en les fourrant dans des sacs poubelles (en temps de guerre, dans des sacs poubelles, le drapeau russe, le ruban de saint Georges, chez le dictateur soi-disant revanchard, de façon officielle, sur l'ordre de quelque fonctionnaire municipal...), alors qu'à l'endroit de l'assassinat de Nemtsov, automatiquement imputé à ce même dictateur, qui n'avait aucun intérêt à se débarrasser ainsi d'un concurrent insignifiant, personne ne touche à ce qu'y déposent les libéraux enthousiasmés par les assassinats d'intellectuels patriotes.
Il revient à son obsession, le centre Eltsine de Ekaterinbourg, qui est en effet un scandale. Construit par les Américains, il fonctionne toujours, enseignant aux Russes que ce qui s'est passé chez eux n'est pas le résultat d'une idéologie occidentale importée par des russophobes, l'idéologie en soi et les russophobes ne sont pas en cause, mais la barbarie foncière de ce peuple inepte. D'une façon assez primitive, toute l'histoire russe est caricaturée pour en arriver à l'exaltation d'un compradore ivrogne au service des anglosaxons salvateurs à qui il convient de confier la direction de ce malheureux pays d'incapables, de poivrots et de sadiques et de ses richesses. Cette propagande occidentale infâme consiste à dédouaner certaines personnes des crimes commis en Russie, et à diaboliser le pays aux yeux de sa propre jeunesse. Et depuis le début du conflit, en 2014, j'ai senti toute la perversité de la démarche qui permet évidemment, par réaction, aux révisionnistes communistes de justifier à posteriori les épurations du guide.
C'est exactement ce que fait Mikhalkov, en convoquant un contre-historien, qui nie le holodomor, Katyn, l'esclavage d'état etc... Pour Katyn, je ne me prononce pas, car c'est une histoire embrouillée et d'après ce qu'il dit, l'URSS aurait été disculpée dans un premier temps. Pour ce qui est du holodomor, ce que je conteste, c'est qu'il s'agissait d'un génocide d'Ukrainiens commis par des Russes, comme le disent maintenant ceux qui voudraient bien faire oublier ce qu'il y avait là derrière, alors qu'il s'agissait de l'extermination de la paysannerie, un peu comme en Vendée, et qu'elle n'a pas seulement frappé l'Ukraine mais la région de la Volga et tous les coins de Russie où les paysans s'en sortaient bien et avaient un peu d'indépendance. Trotski a fait un véritable génocide de cosaques, par exemple, en est-il question au centre Eltsine? Quand à l'esclavage d'état, je ne citerai pas Soljénitsyne mais l'émission populaire жди меня, équivalent de "perdu de vue", que je regardais dans les années 2000, où des gens recherchaient des disparus et pour cause de guerre et de répressions, il y en avait un paquet. Je me souviens d'une fratrie de cinq vieillards qui recherchaient le sixième, disparu pendant la guerre. Le père étant au front, la mère, une paysanne biélorusse, avait été raflée avec son nourrisson, le sixième enfant, pour remplir, je l'ai entendu de mes oreilles, les quotas d'arrestations et fournir en main d'oeuvre les grands chantiers de l'URSS. J'ai aussi effectué une croisière avec la faculté d'hydrotechnologie de Moscou, pour compenser une croisière que j'avais achetée et qui avait été annulée, au cours de laquelle on m'a parlé en long, en large et en travers de la construction du Biélomor Kanal. Un des professeurs, fille d'un directeur de camp qui, m'a-t-elle dit, n'avait jamais regretté ce qu'il avait fait, m'a déclaré: "Nous voguons sur des ossements". A cela, certains me répondent que Pierre le Grand n'avait pas fait mieux. Et alors? Il faut l'en féliciter? La fin justifie les moyens?
Mikhalkov fait comme Prilepine, c'est-à-dire qu'en face de la propagande et des mensonges occidentaux, il s'efforce de gommer ce qu'ils dénoncent d'une façon biaisée et perfide, mais qui a pourtant eu lieu, et il vaudrait mieux le reconnaître, s'il s'agit d'opérer une réconciliation nationale, autant qu'elle se fasse sur des bases saines et non pas sur des mensonges historiques complaisants répondant aux mensonges d'en face. Ce n'est peut-être pas agréable à réaliser pour beaucoup d'anciens joyeux komsomols, mais on a toujours tort de vivre dans l'illusion. Sinon on en arrive à un jeu pervers de propagande et de contrepropagande qui se nourrissent l'une de l'autre. Cela n'enlève rien à l'héroïsme des combattants russes, et à leur rôle décisif dans l'issue de la guerre, bien que finalement, à ce qu'on voit aujourd'hui, elle ne se soit pas encore terminée, mais le véritable ennemi de tous n'est peut-etre pas là où le croient chacun des protagonistes.
De même, il s'étend longuement sur les nazis recasés dans les structures de l'Union européenne et de l'OTAN, c'est instructif, je ne savais pas qu'il y en eût autant, et cela me démontre qu'en effet, comme je le pense depuis longtemps, nous avons affaire à un serpent à plusieurs têtes, dont le corps s'appelle progressisme matérialiste luciférien. Mais il conviendrait aussi de se pencher sur le trotskysme de la gauche occidentale et des néocons américains qui utilisent avec fourberie le néonazisme ou le paranazisme des banderistes ou des pays Baltes tout en traitant de nazis les patriotes des pays qu'ils veulent perdre, soit les Français, les Allemands, les Russes, les Autrichiens, les Hongrois, enfin tous ceux qui sont la cible et non pas l'instrument.
Cela étant établi, souvenons-nous aussi de Vladimir Boukovski, dont la vidéo nous avertissait, il y a 15 ans, que notre UE pouvait se parer de trois lettres de plus. UERSS, les deux dernières, à la lueur de ce qui se déroule depuis un certain temps, prenant tout leur sens complémentaire dans cette dénomination. J'ai aussi une pensée pour Zinoviev, maintes fois évoqué par Slobodan Despot. D'abord dissident, il en était venu à penser que la démocratie occidentale deviendrait plus dictatoriale que l'URSS, et que l'antisoviétisme servirait de prétexte à la russophobie. Or cela aussi, je l'ai vérifié. Il m'est arrivé de voyager avec la veuve d'un dissident soviétique qui m'avait exprimé une haine de la Russie absolument rabique quand elle avait découvert que j'avais choisi d'aller travailler au Pays Maudit. Beaucoup de gens m'ont parlé avec inquiétude de la dissolution de l'association Mémorial consacrée aux victimes du Goulag. Cependant, membre d'un groupe, sur facebook, consacré à la même chose, je m'en suis exclue après avoir constaté que les autres membres utilisaient tout cela comme prétexte pour vilipender la Russie depuis l'aube de son histoire. De sorte qu'entre les uns et les autres, on ne peut plus évoquer le sujet. C'est finalement bien pratique pour tout le monde.
Je suis obligée de constater également, à la fin de ma vie, que les ravages opérés par le communisme sur le tissu social et la mentalité des gens ne sont pas aussi radicaux que ceux du capitalisme consumériste de l'empire anglo-saxon, au bout du compte. Certes, cet esprit corrupteur, pervers, cupide, vulgaire, impudent et profanateur s'est infiltré dans la société russe, surtout la haute société, et les milieux "créatifs", mais quand même, il n'a pas eu le temps de tout dissoudre. On peut espérer que le processus s'arrête, bien qu'il sévisse encore, au mépris de l'état de guerre et des discours patriotiques, car il a aussi ses relais inlassables et sournois chez les hauts fonctionnaires. Néanmoins, quand j'écoutais ce que disait de notre avenir l'officier para, aucune protection sociale, un état sur lequel on ne peut plus compter, la nécessité de survivre parallèlement à son appareil ou même contre lui, je me disais que si la Russie, par certains côtés, était en retard sur nous, de ce côté-là, elle était plutôt en avance. D'ailleurs, dès les années 90, j'avais senti que le désastre organisé chez elle, on nous le préparait par la suite, et c'est ce qui se produit, le tour de l'Europe est venu. Les gens, ici, après le naufrage et les pillages des années 90, ont développé toutes sortes de contre-stratégies, grâce à leur esprit solidaire, ils ont l'habitude de compter sur leurs diverses communautés plutôt que sur les fonctionnaires qui ne fonctionnent pas. Je pense que chacun peut trouver sa niche écologique, ce qui n'est vraiment plus le cas des pays occidentaux. On peut même quasiment y choisir son époque. Faire ici le communiste, environné de communistes, dans l'environnement correspondant, ou vivre là comme les cosaques, à la façon de Veniamine le Suisse, créer un groupe de country, comme Jason l'Américain, fonder une communauté agricole, ethno-folklorique, artisanale, artistique, orthodoxe, ou souvent tout cela à la fois, ou bien encore vivre dans le high tech ou la beaufitude post-moderne, et personne ne semble s'en formaliser ni même y prêter attention.