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vendredi 27 juillet 2018

Bénédiction de la maison

Le père Victor et sa matouchka Nadia sont venus bénir aujourd'hui ma maison. On a collé des croix au quatre côtés, encensé et béni toutes les pièces, et lu des prières, l'évangile de Zacchée, le petit bonhomme grimpé sur un arbre pour voir le Seigneur, lequel l'apostrophe en lui disant qu'il viendra déjeuner chez lui. C'est une histoire que j'aime beaucoup. C'était chez moi, aujourd'hui, que le Seigneur s'invitait.
Le père Victor était ébahi par ma destinée, et me suggérait de l'écrire. Mais pas si surpris que cela: "Il y a chez nous un esprit qu'on ne trouve plus ailleurs, et si la Russie ne tient pas et disparaît, alors ce sera la fin. Même certains catholiques le disent: le Christ se retire d'Europe..."
Ma destinée ne m'ébahit pas du tout, elle me fiche plutôt le cafard, mais on peut dire que dans sa trame sombre a toujours couru le fil d'or de la providence, malgré tout... Et celui de l'espoir, souvent contre toute raison.
"N'essayez pas de comprendre votre attirance pour la Russie, m'a dit le père Victor, ce sont là des choses qu'on ne peut pas expliquer. C'était sans doute la volonté de Dieu, vous vous êtes russifiée, et voilà..."
 L'été est de retour,hier j'ai décidé d'aller enfin me baigner au lac d'un coup de vélo. Rosie m'a accompagnée, c'est vrai qu'elle est attentive aux voitures, son accident l'a rendue prudente. Elle adore l'eau et m'a suivie dans le lac, mais ne m'a pas laissé nager tranquillement. Le lac est très peu profond, mais il y a des endroits où j'aurais pu nager un peu, seulement comme elle n'avait plus pied, elle estimait que c'était très dangereux et qu'il fallait me sortir de là. Elle restait collée à moi, avec un air concerné, et me donnait de grands coups de pattes. A part Rosie, l'autre problème, ce sont les taons qui s'en donnent à coeur joie.
Je me suis assise sur un rocher pour sécher et faire une petite carte postale, tandis qu'une grosse fille prenait des poses de sirène pour se faire photographier par son petit ami. Rosie aboyait férocement sur ceux qui approchaient de moi et s'ennuyait visiblement. Ce n'est pas le genre de chien que je conseillerais à ceux qui veulent draguer... De plus, son grand jeu est de faucher tout ce qu'elle voit: ma robe, les maillots des nageurs. Bref, la plage avec Rosie, ce n'est pas à refaire...





jeudi 26 juillet 2018

Les cabines Rouges

Je me fais périodiquement attaquer par des communistes purs et durs qui me reprochent d'être "victime de la propagande occidentale" (qui, dans ma jeunesse, en France, était pro communiste) et me soutiennent mordicus que tout ce qu'on a raconté sur les épurations diverses, c'était de gros mensonges. Ils accusent également Soljenitsyne d'être un menteur et un traître. Or mon opinion s'est forgée au cours de longues années, et Soljenitsyne n'a pas été le seul à m'influencer, loin de là. J'ai juste entendu énormément de témoignages, beaucoup de ces témoignages, d'ailleurs, m'arrivaient par l'émission "Jdi Menia", "Attends-moi", où la télévision aidait des gens à retrouver des parents disparus, des amis perdus de vue. J'ai entendu alors des histoires incroyables, et des gens séparés par les arrestations, il y en avait un paquet. Par ailleurs, des amis me racontaient leurs histoires de famille. Et voilà qu'aujourd'hui, je tombe sur un post de Dmitri Paramonov, le roi du gousli, qui est en vacances dans l'Oural où il a grandi, avec les commentaires de ses amis. C'est un témoignage direct sur ce qu'on a appelé la "dékoulakisation", l'épuration des paysans "riches":




Dmitri Paramonov : Près des cabines Rouges au croisement . C’est dans ces endroits magnifiques que fut déporté mon arrière-grand-père Sémione avec sa famille, après la « dékoulakisation », en automne. Ils vivaient dans des huttes, ils mangeaient de l’écorce. Ils avaient deux sacs de blé et de seigle, mais mon grand-père ne les donnait pas à manger, pour les semer au printemps. Ils tressaient des lapti et les vendaient à la foire de la ville. Grâce à Dieu, ils ont survécu !
Katerina Savelieva : Et d’où venaient-ils et où les a-t-on envoyés ? Mon arrière-grand père aussi a été dékoulakisé mais il s’est enfui. En hiver, sans vêtements d’extérieur, il a parcouru plusieurs kilomètres, s’est planqué chez un ami cheminot et profitant d’une occasion, il est parti à Moscou, s’est fait embaucher à l’usine et a fait venir petit à petit sa famille. Il avait alors 70 ans.
Alexandre Kapoustine. Je suis heureux que tout se soit bien terminé pour ton arrière- grand-père. Le mien a été dékoulakisé deux fois. La première fois parce qu’il avait deux chevaux pour une famille nombreuse. On a déporté toute la famille, sauf mon arrière-grand-mère qui travaillait. Au bout d’un moment, les dékoulakisés se sont faits à leur nouvel endroit, ils ont remonté l’affaire familiale et commencé à envoyer à l’arrière-grand-mère leurs produits : de la crème, du beurre, emballés dans des tonnelets.  Et on les a à nouveau dékoulakisés, on les a jetés au milieu de la steppe en hiver sans vêtements chauds ni instruments de travail, avec des enfants en bas âge, les vouant à une mort certaine.
Dmitri Paramonov : Et chez nous pareil, on a dékoulakisé deux fois.

Ces récits familiaux répondent en tous points à ce qui est décrit pat Soljenitsyne dans "l'Archipel du Goulag": des familles jetées en plein hiver dans des endroits inhabitables qui, avec leur courage et leur résistance russes, réussissent à survivre et à qui on refait le même coup, lorsqu'on constate qu'ils ont recréé une petite exploitation paysanne et qu'ils arrivent à s'en sortir. Cela correspond également à ce que décrit Alexandre Panarine dans la "Civilisation orthodoxe": un acharnement sadique, méticuleux et haineux contre la population paysanne russe. Je ne vois pas pourquoi ces jeunes folkloristes qui échangent des considérations entre eux mentiraient sur ce point.
Maintenant, on me répète sans arrêt de tous les côtés que les Russes ne veulent pas travailler. Les descendants de ceux-là même qui les mettaient dans de telles situations vous diront que c'est un peuple de bons à rien, de feignants et d'alcooliques. Or, au vu de telles histoires, je pense que c'est un peuple extrêmement résistant, héroïque, j'espère que ces qualités n'ont pas été définitivement brisées par le dressage subit.

mercredi 25 juillet 2018

Objectif Solovki

J'observe ici un phénomène curieux, le vent change plusieurs fois par jour, et le temps de même. J'ai réussi à aller faire une balade en vélo, vers le lac, la rivière, par les petites rues. De moins en moins d'isbas pittoresques, de plus en plus d'horreurs, aucun contrôle de ce qui se construit: n'importe quel style, si l'on peut appeler ça un style, n'importe quelle hauteur, au besoin en enfermant le voisin derrière son château sans se demander si on le prive de soleil et de vue... J'essaie de me concentrer sur les fleurs et les églises, le ciel et les reflets dans l'eau.
Le vent s'est mis à souffler en tempête, mais doux et tiède. J'ai trouvé un lac sombre, très sombre, exaltant, prêt à se soulever, prêt à tout balayer, toute la modernité hideuse, et à lâcher sur la ville les cavaliers disparus et les guerriers du prince Alexandre, qui défendaient contre les mongols leur poignée d'églises et de maisons de bois, mais cela ne s'est pas produit. Les routes étaient  jonchées de branches brisées.
Au retour, le vent est devenu glacial, le ciel chargé. Le voisin me continuait le mur de Berlin, ce n'est vraiment pas comme cela que je voyais les choses. En chemin, j'ai vu de magnifiques clématites avec de grosses rosaces violettes, et ce sera ma parade, lâcher des clématites sur le grillage. Du chèvrefeuille, peut-être du houblon. Je vais même conserver un coin roseaux.
La pauvre Rosie court avec tant de bonheur, pendant que le voisin s'affaire à la cloîtrer chez moi, dans le grand espace de notre pré intermédiaire... Mais elle ne leur fait que des bêtises, elle leur a déterré leurs pommes de terre, elle pique les jouets de la gosse, et généralement tout ce qui traîne à sa portée.
J'ai dit au voisin que cela sentait l'automne, il m'a répondu que pas du tout, que nous étions au milieu de l'été. En France, on a ce temps fin septembre.
J'ai pris aujourd'hui, avec Anna Messerer, une artiste peintre qui a une datcha à Ferapontovo, la décision de partir la rejoindre là bas, près du monastère saint Cyrille du Lac Blanc, et de pousser avec elle jusqu'aux îles Solovki. D'ici à saint Cyrille 450 km, de saint Cyrille aux Solovki plus de 900... Je vais sur la mer Blanche!
Cela fait plus de 30 ans que je médite d'aller aux Solovki. Par vénération pour le métropolite Philippe de Moscou qui en fut l'higoumène, et pour tous les martyrs de l'époque soviétique qui y furent emprisonnés, puisque ce fut le premier camp d'une longue série, pour le père Pavel Florenski, esprit remarquable et parfaitement innocent de tout crime, sinon celui d'être croyant et prêtre, dont les déchirantes lettres de Solovki à sa famille m'avaient impressionnée. Profondément affecté d'être loin des siens, son esprit scientifique ne cessait de fonctionner, d'observer, d'inventer, et il se lamentait de ne pouvoir travailler normalement et être utile à son pays. Les nouveaux maîtres de ce pays ont fini par le fusiller.
C'est de plus un endroit magnifique, magique, d'après les photos que j'en ai vu.
Enfin, j'ai un chapitre qui se passe là bas, et toute une partie qui se déroule à saint Cyrille. Quand j'aurai fait ces deux coups avec une seule pierre, je pourrai peut-être mettre un point final à mon premier livre et tenter de le publier.




mardi 24 juillet 2018

Le mur de Berlin

Pas loin de chez moi, des voisins refont leur maison, c'est-à-dire qu'ils la surélèvent. Je craignais le pire. Ce ne sera pas affreux , à condition que le toit ne soit pas rouge pétard ou bleu électrique, je prie pour que cela me soit épargné...

Il est vraiment souhaitable que ce toit en construction reste discret...
Le fils de ma voisine Violetta, qui avait promis de faire la clôture qui va nous séparer, m'a monté un vrai mur de Berlin, c'est une manie, maintenant, chez les Russes, s'ils pouvaient les faire monter jusqu'au ciel... Ce matin, j'ai timidement suggéré de raccourcir les poteaux, j'ai vu que je lui faisais beaucoup de peine.

Après mûre réflexion, je pense que je mettrai du grillage, pas en plastique vert, comme le propose le voisin, mais en métal, parce que le plastique vert, c'est trop moche, surtout que je n'arriverai pas à le cacher sur une clôture aussi haute. Le grillage est plus discret et je ferai grimper des lianes dessus. Le bois me reviendrait plus cher, et sur une pareille hauteur, couperait trop la lumière et me donnerait une impression d'enfermement.
Cette clôture sera un coup dur pour Rosie qui adorait cavaler à travers le grand terrain de Violetta, mais justement, ce qui a décidé son fils à agir, c'est qu'elle leur fauche des tas de choses.
Hier, j'ai vu Olga et Oleg, rencontrés cet hiver, deux intellectuels orthodoxes sympathiques. Ils m'avaient préparé de l'okrochka, soupe froide au kvas que j'avais toujours trouvée dégueulasse, la leur est très bonne, il faut dire que leur kvas aussi. Oleg m'a donné du ferment pour obtenir cette boisson au pain fermenté, très rafraîchissante. Ils m'ont aussi emmenée chez leur médecin (à la retraite) qui soigne à sa manière, avec des aiguilles d'acupuncture, mais ce n'est pas de l'acupuncture. Je voyais qu'Oleg avait l'air de souffrir, avec ses aiguilles enfoncées jusqu'à la garde, et je n'étais pas trop partante. Le médecin m'a dit que mon arthrose venait d'un déséquilibre traumatique de ma colonne vertébrale, qui faisait que mon côté gauche était déficient, et qu'il me fallait beaucoup marcher. "Je croyais que c'était déconseillé, qu'il fallait faire du vélo?
- Les hommes des cavernes ne faisaient pas de vélo, nous sommes faits pour marcher sur des kilomètres, quand vous marchez, vos articulations sont irriguées et lubrifiées, si vous ne marchez pas, tout se bloque..."
J'ai fait un peu de marche à pied avec eux le long de la rivière Troubej, jusqu'à l'embouchure, et nous avons regardé le lac de plus en plus envasé, parce que la municipalité a créé un problème écologique qui enlève du débit à la rivière, enfin comme d'habitude... Oleg et Olga sont aussi en deuil du joli Pereslavl dont il subsistait encore de beaux restes il y a vingt ans. La plus ancienne maison du quartier a été remplacée par un machin revêtu de plastique façon fausse pierre. La fausse pierre en plastoque fait fureur à Pereslavl. La seule consolation que nous ayons, c'est que la verdure l'été, et la neige l'hiver, cachent ces horreurs à la vue des gens encore normaux que ce spectacle déprime.
Cela sent déjà un peu l'automne.  Chez Oleg et Olga, quelques feuilles de vignes vierge rougissent et chez moi quelques unes deviennent violacées, sur le poirier. En Fance, je voyais venir l'automne fin août, à quelque chose de doré et d'épuisé dans la lumière, après un été surchauffé. .
Le lac déjà bien gris et son atmosphère de mer froide et lointaine

J'ai des coups de cafard en pensant à ma famille disparue et à mes petits chiens également disparus, surtout le pauvre Doggie, mort si jeune et se croyant trahi pat moi qui avais du le laisser dans la cage du vétérinaire... Parfois, lorsque je prie en français, j'ai comme un diaporama dans la tête, je revois les rues de Cavillargues, le chemin de saint Pons-la-Calm, celui de la Condamine, celui du docteur Henri qui montait à la chapelle, le côté de Mas Carrière, et mon petit Doggie qui me suivait, car c'était en me promenant que je disais ces mêmes prières. Je vois aussi des coins de Montélimar ou de Pierrelatte, et le monastère de Solan. Oleg et Olga connaissent un Français orthodoxe qui cherche à s'installer en Russie, il leur a dit que les points orthodoxes étaient en France isolés dans un ensemble incroyant, sinon hostile, et qu'ici, l'orthodoxie était partout dans l'atmosphère. Pour moi, après les années où je m'étais habituée à Solan, j'ai eu un peu de mal à revenir à l'orthodoxie russe, au slavon, et mon livre a aussi joué un rôle, dans la mesure où il m'a profondément perturbée. Je devais le faire, mais il m'a perturbée et comme ramenée en arrière, par rapport au moment où, pendant et après la maladie de ma mère, je m'étais comme dévitalisée et me raccrochais à la prière. Mais il s'est passé quelque chose au cours de l'office en la mémoire de la famille impériale et je suis sortie de cette torpeur spirituelle. Pourquoi? Mystère, ce genre de choses ne se commande pas, et c'est pourquoi je suis persuadée de leur profonde authenticité. Je pense que j'en discernerai plus tard tout le sens.
J'en discutai avec Oleg et Olga, être partie me conduit principalement à rassembler mes forces, à les concentrer, à ne pas me laisser aller et surtout à compter essentiellement sur Dieu et le soutien mystérieux de ces saints Russes que je côtoie ici, et auxquels je m'adresse, ceux de mon livre, ceux de Pereslavl, les nouveaux martyrs... J'aurais pu vieillir tranquillement à Cavillargues, et je vois bien que ce n'est pas au repos que Dieu m'a ici conviée. Parfois, j'en éprouve une grande crainte. Je suis amenée à parler, à m'engager, à triompher de ma négligence et de ma lâcheté. Je suis lâche par désir d'avoir la paix, mais je suis lâche surtout devant les gens que j'aime bien et que je redoute de blesser. Ceux qui m'enrôlent d'office, et à qui je voudrais faire plaisir en leur disant que je pense comme eux. Mais ce n'est pas le cas... Or il faut dire les choses telles qu'elles sont et ne pas suivre un mouvement dont on sait que la direction n'est pas la bonne, et la bonne direction est unique, il n'y en a pas trente-six quelque plus ou moins semblable ou parallèle à l'originale elles puissent nous apparaître.

PS: je réponds à tous ceux qui m'écrivent, n'ayant pas encore un courrier de vedette, et je signale à MARIAM que son mail ne m'est jamais parvenu!

dimanche 22 juillet 2018

La grande procession de l'histoire russe.



Tableau d'Ilya Glazounov
Un correspondant russe, Iouri Tkatchev, qui a étudié à fond l’histoire de la chute et de l’assassinat du tsar et de la famille impériale, m’a interpellée à propos de l’homélie du patriarche Cyrille, qu’il trouve hypocrite et lâche.
Je suis donc amenée à me pencher sur cette homélie et en faire quelques commentaires.... Non que j'en ai très envie, ou que je sois très habilitée, mais je ne peux pas me dérober non plus...
Le Patriarche dit : des gens coupables en rien, qui ont dédié leur vie au service de la Patrie, ont été assassinés par une volonté humaine mauvaise. Ce crime ravive jusqu’à maintenant notre conscience, il nous force à faire revenir nos pensées sur ce qui s’est produit avec notre pays et notre peuple et, en même temps, à nous efforcer de le comprendre. D’où est provenu ce trouble de l’esprit, ce malheur ? En regardant avec un recul de cent ans, malgré tous nos désirs, nous ne pouvons voir toutes les nuances de la vie nationale de notre peuple, qui sont effacées de la mémoire et échappent même aux regards les plus pénétrants. Mais de tels crimes, comme ceux qui ont été commis ici, ne peuvent être fortuits. Derrière ce crime se trouvait quelque chose, derrière lui il y a une sorte de faute collective du peuple entier, une sorte de tournant dans la vie historique de la sainte Russie, qui a précipité le peuple dans une impasse grave, terrible. Que s’est-il donc passé avec notre peuple ? Tout le pays était couvert d’églises et de monastères, la majorité absolue des gens étaient baptisés, les églises étaient pleines. Pourquoi cela s’est-il produit ? Pourquoi les assasins ont-ils pressé sur la gachette, sans frémir pour ce qu’ils faisaient ? Cela veut dire que tout n’était pas en ordre. Cela veut dire que la lumière solaire qui se reflétait sur les coupoles dorées n’était pas toujours réfractée dans les cœurs des hommes, en renforçant en eux la foi dans le Seigneur.
Iouri Tkatchev est profondément choqué, car toute la responsabilité du crime est attribuée au seul peuple russe dans son entier. Y compris les bourreaux, ceux qui ont « pressé sur la gâchette sans frémir ». Or comme on le sait, bien qu’il soit mal perçu de le dire, les commanditaires du crime et les éxécutants n’étaient pas ethniquement russes, et ne se considéraient pas comme russes, ils avaient même la Russie en horreur, et entendaient, à partir du matériau russe, le seul à leur portée pour pratiquer l’expérience révolutionnaire qui devait s’exporter et supprimer toutes les particularités nationales, créer un homme nouveau pour un monde nouveau. Donc, dans l’assassinat du tsar, aucun Russe n’était directement impliqué (ou peut-être un seul, si je me souviens bien). Et les gens de Russie n’étaient même pas au courant de ce qui s’était passé, ils ne l’ont appris que l’automne suivant. Iouri reproche au patriarche de ne pas avoir eu le courage de le dire, comme l’auraient fait des personnages comme saint Philippe de Moscou ou saint Tikhon, fusillé par les bolcheviques.
La thèse selon laquelle la révolution est le résultat des péchés du peuple n’est pourtant pas l’apanage du patriarche. J’ai entendu de nombreux prêtres la soutenir : si les gens avaient eu plus de foi, s’ils ne s’étaient pas laissé séduire par des idées étrangères, ils auraient résisté au chant des sirènes. Un peu plus loin, c’est ce que développe le patriarche, d’ailleurs : Et nous savons qu’au cours d’au moins 200 ans précédant la tragédie de la maison Ipatiev, certains changements se produisirent dans la conscience des gens qui, lentement, mais sûrement, en amenèrent beaucoup à l’apostasie, l’oubli des commandements, la perte d’un lien spirituel réel avec l’Église et la tradition spirituelle séculaire. Pourquoi cela s’est-il produit avec notre peuple ? Pourquoi, à un certain moment, il a imité un train, dont le conducteur n’a pas tenu compte de la vitesse et s’est engagé dans un virage serré, se précipitant dans une catastrophe inévitable ? Quand sommes-nous, comme peuple, entrés dans ce virage ? Nous y sommes entrés lorsque des pensées autres, des idéaux autres, une perception du monde autre, formés sous l’influence de théories philosophiques et politiques n’ayant rien en commun avec le christianisme, pas plus qu’avec notre tradition et notre culture nationale, ont commencé a être adoptées par l’intelligentsia, l’aristocratie, et même une partie du clergé et ce comme une pensée avancée, laquelle, si on la suivait, pourrait changer, en l’améliorant, la vie du peuple. Effectivement, l’idée de changer en mieux la vie du peuple surgit chaque fois lorsqu’apparaît le plan de changer radicalement le cours de l’histoire. Nous savons que les renversements les plus terribles et les plus sanglants se sont toujours produits en vue de l’aspiration des gens à une vie meilleure.
Cela n’est pas faux. La noblesse et l’intelligentsia pétersbourgeoises, détachées du reste du pays, versaient dans toutes sortes de dérives, dénoncées par Dostoïevski qui avait annoncé, dans son roman « les Démons », les horreurs à venir. Tout cela est aussi la conséquence de la politique occidentaliste de Pierre le Grand, du schisme des vieux-croyants malheureusement provoqué sous le règne de son père Alexis, du servage qu’on a laissé s’installer et s’aggraver sous le règne des Romanov, on peut dire que les derniers tsars n’ont pas hérité des premiers de la dynastie une situation très facile à gérer. Le tsar Nicolas, avant de devenir la proie des bolcheviques, avait été trahi par tout son entourage. Donc, en une certaine façon, quand le patriarche dit que le peuple russe est responsable, il l’est, bien qu’à priori, ce soient surtout ses élites qui aient provoqué l’engrenage fatal.
En dehors des faits historiques, il intervient probablement dans cette assertion du patriarche et de nombreux prêtres depuis que l’événement a eu lieu, la conscience que nous sommes tous solidaires dans le péché, ce qu’on appelle, pour les romans de Dostoïevski, la responsabilité collective, car l’Homme est Un (comme l’écrivait le père Vsévolod Schpiller). Ainsi, dans les « Frères Karamazov », l’affreux père Karamazov est-il tué par son ignoble fils bâtard, mais de ses autres fils qui le détestaient cordialement, à l’exception du doux Aliocha, l’intellectuel Ivan se pend, et la tête brûlée Mitia, que l’on accuse et condamne à tort, prend volontairement sur lui la croix de ce crime, car s’il ne l’a pas commis, il a désiré le commettre, et il expie consciemment pour lui et pour les autres. 
On peut dire que de la même manière, si les Russes n’ont pas commandité ni exécuté le crime odieux, ils l’ont favorisé, par complaisance, lâcheté, trahison, passivité, et toutes sortes de mauvais sentiments. Une grande partie des gens, comme toujours dans ces cas-là, subissait sans trop comprendre, une partie restait loyale, et l’autre se donnait comme une fille folle aux mauvais sujets (au sens propre) patibulaires qui lui contaient des boniments sur la vie merveilleuse qu’ils allaient lui faire et n’entendait pas qu’on la privât de son rêve. Tout le monde était plus ou moins impliqué dans un sens ou dans l’autre, comme il arrive toujours dans un événement historique, et en tant que chrétiens orthodoxes, nous savons que nous sommes tous reliés, en communication profonde et mystérieuse, en communion. Auprès de certains il fait clair, auprès d’autres, il fait sombre, la prière d’un seul en sauve plusieurs, mais le mal aussi est contagieux. Dans cette perspective, le crime, en effet, implique l’ensemble du pays et s’en repentir au sens chrétien a un sens profond. Quand je prie : « Seigneur, prends pitié de moi pécheur », le moi n’implique pas seulement ma personne, mais tous mes proches, et par extension tous les hommes pécheurs. Peut-être aurait-il fallu préciser tout ceci.
Cependant personnellement, je ne partage pas l’opinion que la Russie a été « punie de ses péchés », comme il est sous entendu et comme je l’entends souvent dire. Car s’il fallait punir des péchés, à part les errements d’une élite, comme le dit patriarche lui-même, les églises étaient pleines, la Russie était certainement le pays le plus chrétien du monde, pourquoi ne pas punir prioritairement les pays d’où venaient les idées fâcheuses qui tournaient la tête de la noblesse et des intellectuels, donc l’Occident qui avait commencé à renier le christianisme originel pratiquement depuis le x° siècle et surtout depuis la renaissance ? De plus, les Russes avaient déjà pas mal souffert pour la foi au cours de leur histoire, pas mal souffert tout court, et les souffrances causées par la révolution ont largement dépassé les scores précédents. Non, moi je crois qu’il y a quelque chose, dans la tragédie de la révolution, et de l’assassinat du tsar, de plus mystérieux, peut-être quelque chose d’eschatologique, qui embrasse toute l’histoire russe précédente. Car au fond, que le tsar eut été comme ceci ou comme cela n’aurait pas changé grand-chose au problème à plus ou moins long terme, et même en fin de compte s’il n’avait pas commis l’erreur, pour respecter sa parole, d’entrer dans la guerre de 14. La modernité progressiste, technologique, capitaliste, corruptrice déclenchée par l’occident n’eût certainement pas laissé la Russie tranquille, elle devait l’assassiner avec son tsar, comme elle avait assassiné la France avec son roi. Un mouvement satanique était en route qui ne pouvait laisser aucun peuple intact.
Mais au plan mystérieux de Dieu, il a fallu que le dernier tsar de la dynastie des Romanov fut ce pur Nicolas, avec sa famille d’un autre monde, ces jeunes filles ravissantes, compatissantes et humaines, ce petit garçon sensible, de même qu'en contrepoint, la dynastie précédente, celle de Rurik, s’est achevée par le tsar Féodor Ivanovitch, doux mystique incapable de régner. Il a fallu que ce martyr fut suivi de tant d’autres, d’un si grand nombre de croyants morts pour la foi, et cela, dans une Russie isolée du reste de la planète, un espace retranché où se livrait un combat métaphysique redoutable. Dieu, me semble-t-il, ces derniers terribles siècles, plutôt que de punir me paraît d’une part faire ses dernières moissons de justes et d’autre part peut-être créer les conditions qui permettront de sauver l’essentiel jusqu’à la fin, quelques lumières dans la tourmente. La famille impériale, par sa mort, prend la tête de la grande procession de l'histoire russe qui en est la quintessence. Non la puissance terrestre au nom de laquelle des impérialistes athées ou peu orthodoxes justifient les crimes de Pierre I aussi bien que ceux de Staline, mais le chemin spirituel de la Russie qui a aussi fécondé de sa foi les pays où s'est dispersée son émigration.
Je ne me donnerai pas le ridicule d’essayer de percer les desseins divins, qui me dépassent. Mais à l’inverse de mes contemporains, je n’ai pas une lecture exclusivement politico économique de l’histoire, surtout de l’histoire russe, qui est pleine de signes, d’épisodes tragiques et de miracles incompréhensibles, de lumière perçant au travers des ombres, comme la littérature de Dostoïevski elle-même.
Le patriarche incite ensuite les Russes à ne plus recourir aux révolutions et à ne plus attendre de changements de société, ce qui n’est également pas bien perçu par un certain nombre de gens :
Oui, de quelle loi pouvait-il être question si, pour construire la vie heureuse, il fallait assassiner le tsar et toute sa famille ? Nous savons qu’il n’est rien sorti de tout cela, et, enseignés par cette amère expérience, nous devons former en nous une aversion ferme à toute idée, à tout dirigeant, qui proposerait, par la démolition de notre vie nationale, de nos traditions et de notre foi, à aspirer à quelque « avenir radieux » incertain. Aujourd’hui, rassemblés ici dans une telle multitude, nous avons commémoré la tragédie de la maison Ipatiev. Nous avons élevé des prières au Seigneur, nous avons prié l’empereur Nicolas martyr et ceux qui ont souffert avec lui, afin que dans les cieux, ils prient pour notre Patrie terrestre, pour notre peuple, afin que se renforce la foi orthodoxe dans chacune des générations futures des Russes, pour que la fidélité à Dieu, l’amour de la patrie accompagnent notre jeunesse et ceux qui viendront la remplacer, et pour que jamais de telles tragédies ne se reproduisent sur notre terre.
La première phrase de cet extrait m’a encore rappelé Dostoievski : «Le bonheur de l’humanité ne vaut pas une larme d’enfant » faisait-il dire, je crois, à Ivan Karamazov. Le type qui a achevé le tsarévitch à coups de baïonnette, lorsque celui-ci rampait vers son père, prétendait qu’il l’avait fait pour l’avenir de son propre fils, ce qui est complètement spécieux, mais qui répond à cette problématique. Les lendemains qui chantent, lorsqu’ils coûtent si chers, et les jeunes cadavres profanés du tsarévitch et de ses sœurs sont loin d’avoir été les seuls sur la route censée y mener, n’annoncent rien de bon à un chrétien lucide. Le bonheur à venir fondé sur les massacres du présent ressemble trop à une supercherie, du genre pacte avec le diable : tu ne reçois rien, et tu perds tout.
Ce qui ne veut pas dire qu’il faut tout accepter et ne pas tenter d’améliorer, réparer  ou défendre ce qui peut l'être, comme on l’a d’ailleurs toujours fait d’une manière ou d’une autre, sans recourir aux bouleversements radicaux menés par des aventuriers, la plupart du temps soutenus et financés par des ennemis extérieurs.
Le chrétien auquel le patriarche s’adresse sait que nous sommes sur terre avec un destin spirituel, une âme qui quittera ce monde plus ou moins préparée à ce qu’elle ira rejoindre, et que cela compte plus que tout le reste.
Le problème de cette homélie est peut-être de n’avoir pas nuancé certains points pour prévenir les interprétations qui pourraient en être données.
Reste qu’effectivement, pourquoi mettre sur le dos des seuls Russes, comme il convient au discours officiel exigé de manière quasiment internationale, les péchés de la révolution et l’horrible exécution à laquelle un seul Russe a pris part effectivement ?
Pourquoi ne pas dire qui étaient les commanditaires et les bourreaux, pourquoi ne pas les nommer ?
Poser la question est sans doute déjà y répondre. Encore qu'il ne m'appartient pas de juger, en l'occurrence. Mais la pratique qui consiste à faire des Russes les boucs émissaires de l'URSS n'a que trop duré.
Où s'arrêtent la prudence et la diplomatie, où commencent la compromission et la lâcheté? Encore une fois, cela n'est pas à moi d'en juger. On a accusé les patriarches de l'époque soviétique de compromission, l'Eglise a été sur le point de disparaître, car contrairement à tous les gouvernements précédents, ce pouvoir ne reculait devant rien, il n'avait rien de sacré. Je considérais le patriarche grec Bartholomée comme un oecuméniste à tendance carrément uniate susceptible de toutes les trahisons, et mon père spirituel le tient pour un fin diplomate dans une situation très compliquée.
Un ami m'a dit que le patriarche, comme tout un chacun, était faillible, ce sont les catholiques qui ont un pape infaillible. En dehors de Iouri Tkatchev, à propos de la tragédie d'Ekaterinbourg, je vois toutes sortes de gens l'accuser de tous les péchés et de tous les maux, cracher sur l'Eglise et sur ses prêtres, même parmi les orthodoxes, du moins par le baptême... J'ai récemment demandé à l'un de ces contempteurs du clergé s'il connaissait beaucoup d'exemples concrets de ce qu'il avançait, et j'ai vu qu'il avait finalement du mal à en produire. Il fut un temps où me choquaient non les "popes en Mercedes" (j'en ai connu un dans ma vie, sa Mercedes était vieille comme le monde, pourrie, branlante et il se démenait pour ses paroissiens), mais les Savonarole qui décourageaient les gens par une attitude intransigeante. Etant donné l'incroyable méchanceté de tous ces commentaires, j'en conclus que selon l'aphorisme de je ne sais plus quel starets, les mouches vont spontanément vers la merde et les abeilles spontanément vers les fleurs.
Je me suis rendu compte, le jour où un prêtre à qui je ne pouvais rien reprocher m'a demandé pardon des péchés de ses confrères, quand je lui confessai mes doutes et mes indignations, que l'Eglise est Une, l'humain est Un, l'Eglise est le Corps du Christ qui est venu appeler non les justes, mais les pécheurs à la pénitence. De sorte qu'on ne peut dire: "ah j'aime Dieu mais pas l'Eglise, ah je crois en Dieu mais je méprise les popes". Car l'Eglise est une communauté, une sorte de ruche dont le Christ est la reine.A certains endroits de cette communauté, on est presque au ciel, à d'autres on touche à l'enfer, mais notre affaire, c'est notre coeur. C'est ce qu'explique le starets Zosime dans les Frères Karamazov avec sa métaphore de la goutte dans l'océan, si chaque goutte se purifie, c'est l'ensemble qui est purifié.
Pour ce qui est du soutien de l'Eglise au gouvernement, dans lequel siègent pas mal de coquins, d'anciens apparatchiks qui se lèvent pour applaudir des Américains mais pas pour la mémoire de la famille impériale, là aussi, pressentant toute la complexité de la situation, je vais me montrer réservée. Je suppose que l'Eglise ne va pas soutenir les communistes qui l'ont persécutée, ni des ultralibéraux tendance néotrotskiste qui lui veulent la peau, et qu'elle n'a pas envie de voir s'installer des situations du type de l'Ukraine. Le père spirituel du patriarche est le très vénéré starets Elie. Quand à Poutine, dont je devine qu'il se bat, comme dit le Saker, une main attachée dans le dos, je lui accorde le crédit d'être reçu à Valaam, et le mont Athos l'avait pratiquement intronisé. Mon parti est pour l'instant de faire confiance au starets Elie, à Valaam et au mont Athos.
Comme le dit le proverbe russe "Celui qui ne reconnaît pas l'Eglise pour sa mère, Dieu n'est pas son Père". C'est à cela que je m'en tiens.



vendredi 20 juillet 2018

Un temps pour les taons

Il fait orageux et comme je l'avais déjà remarqué à la datcha, la deuxième moitié de juillet est l'apanage des taons. Un vrai cauchemar, je préfère les moustiques. Les moustiques n'aiment ni le vent, ni le soleil, les taons s'en foutent. Il est vrai qu'en revanche, ils ne s'attaquent qu'au individus debout, en train de s'agiter et qui transpirent, c'est comme cela qu'ils les repèrent. donc couchée dans le hamac, j'ai la paix, seulement le temps orageux fait que le hamac est détrempé. Et puis j'aurais beaucoup de travail à faire dehors, que je ne fais pas, parce qu'à la différence de la piqûre de moustique, dont l'irritation passe assez vite, celle de la piqûre de taon dure des jours et des jours (chez moi), et souvent elle s'infecte. Une fois, j'ai eu des résurgences de démangeaisons pendant plusieurs mois!
Je me suis quand même décidée à aller faire une récolte de cassis. Il me faudra les tailler, car ils ne donnent pas beaucoup, on les taille, dans ces cas-là? Mais ils ont donné plus que je ne le pensais, pas assez pour des confitures, mais assez pour manger ce soir et congeler l'autre partie, les confitures c'est plein de sucre.
Pendant que je ramassais mes cassis, il tombait des gouttes à travers le vent tiède, et cela me rappelait l'église, quand le prêtre nous arrose copieusement d'eau bénite dans une atmosphère surchauffée. 
Puis j'ai voulu désherber et là quelque chose m'a piquée, si c'est un taon, alors là, c'est une espèce nouvelle, encore plus toxique que la précédente. Douleur aiguë, brûlures, démangeaisons. Je me suis hâtée de mettre de l'essence de lavandin, et j'ai pris un antihistaminique, mais on dirait que mes parades françaises sont sans effet sous ces latitudes...
Les Russes mettent des feuilles de cassis dans leur thé, moi aussi, c'est délicieux.
J'ai dû refaire partiellement ma façade, car on m'avait fixé les planches avec de petits clous, comme à l'intérieur, et elles se décollaient déjà. Il a donc fallu les visser puis repeindre et la peinture s'en allait déjà, j'ai mis de la peinture de bonne qualité. C'est presque le même ton, mais en plus joli.
Je me heurte sans arrêt à ma malédiction: des types qui me font le coup de la sympathie, et qui travaillent mal pour un prix gonflé. Le patron du café m'a dit qu'on en était tous là, mais je crois qu'il est un peu comme moi, trop gentil. Cependant, la mentalité de ceux qui me grugent m'est si étrangère que j'ai du mal à me défendre, car il me faudrait aller sur un terrain qui ne m'est vraiment pas familier. Je pense sans arrêt à un arrière-arrière-grand-père Chanterperdrix, le mari de l'arrière-arrière-grand-mère Caroline, qui répétait à ceux qui l'en blâmaient: "J'aime mieux qu'on dise j'ai roulé Chanteperdrix que Chanteperdrix m'a roulé"
J'ajouterais aussi à la russe: "Que Dieu leur soit juge".
J'en ai profité pour refaire l'escalier, qui était très casse-gueule.

Le nouvel escalier


J'aime beaucoup cette hémérocalle, quand la plante va grossir,
l'effet sera joli sur le fond de la palissade

mercredi 18 juillet 2018

Natalia Poklonskaïa, l'étendard de la sainte Russie


Natalia Poklonskaïa, qui fut la Jeannne d’Arc de la cause de la Crimée et du Donbass, éveille les sarcasmes depuis qu’elle s’obstine à célébrer le souvenir du tsar Nicolas. Hier, elle a demandé aux députés de se lever pour observer une minute de silence en mémoire de la famille impériale, on lui a répondu que c’était interdit par le règlement.
Ces mêmes députés, en dépit du règlement, s’étaient spontanément levés comme un seul homme (à l’exception de Poklonskaïa) pour applaudir une délégation américaine venue discrètement et de façon impromptue, alors que la Russie est en butte aux persécutions économiques et aux calomnies de cette même Amérique qui finance et arme l’extermination de la population russophone du Donbass.
Je vois dans cet événement la confirmation de mon opinion sur le capitalisme et le communisme, et le libéralisme, et le nazisme, et tous les « ismes » de nos deux derniers siècles : plusieurs têtes sur un seul serpent. Car tous ces députés sont en majorité d’anciens apparatchiks du pouvoir précédent, tout comme leurs fonctionnaires, et ils fondent d’enthousiasme devant l’Amérique et l’Occident, tout en méprisant le tsar et sa famille assassinés qui incarnent la sainte Russie, c’est-à-dire CQFD, qu’à l’instar des bolcheviques, ils méprisent et même détestent, la sainte Russie. On en arrive donc à la constatation que libéraux et néostaliniens, communistes et trotskistes ont tous un dénominateur commun : ils détestent la sainte Russie.
Or la sainte Russie, c’est la Russie, c'est plusieurs siècles de Russie, sa formation, sa culture, son mode de vie, son originalité, un pouvoir fondé sur la détestation de la Russie ne peut être appelé russe, et d’ailleurs, il ne le voulait surtout pas, il se disait soviétique, le patriotisme russe était devenu un péché mortel, on faisait à l’échelle de l’ancien empire des tsars ce qu’on se propose de faire maintenant à l’échelle mondiale : priver les gens de leur mémoire, de leur culture locale, de leur identité pour créer un « homme nouveau » qui convienne à une poignée d’intellectuels sadiques, ou à présent, en Europe, en important le maximum d’allogènes hostiles,  une « nouvelle race métissée », administrée comme du bétail par une caste supranationale  immaculée qui, elle, ne se mélange pas. Les députés de la Douma ont montré de quel côté ils se situaient, car bien entendu, eux n’ont plus aucun lien charnel, culturel et spirituel avec cette entité qu’on appelle la Russie, ils la détestent instinctivement, raison pour laquelle sans doute, dès qu’un retour aux traditions se manifeste, le « ministre de la Culture » ferme le centre de folklore, qui marchait très bien, trop bien.
L’URSS fut donc porteuse de cette idéologie, mais depuis qu’elle s’était russifiée, congelée et que le golem manifestait, dans l’accumulation de ses tissus morts, des repousses incongrues de sentiment national réel, des survivances de valeurs humaines et spirituelles archaïques, on s’est mis à la haïr, à l’intérieur comme à l’extérieur, avec la même fureur qu’autrefois le tsar, les cosaques, les paysans et leur folklore, l’Eglise orthodoxe, les coupoles dorées et tout ce fatras poétique qui n’avait rien à faire dans un monde progressiste, productif et efficace. On s’est mis chez les libéraux à en exhiber les crimes, si longtemps cachés et minimisés, ou justifiés, tandis que chez les malheureux communistes laissés sur le bord du chemin, on accusait l’Eglise de tous les péchés de la terre, parce qu’elle alignait ses innombrables martyrs, et ne voulait pas en démordre, et l’on criait au mensonge, en proclamant, devant la traîtrise des libéraux( généralement d’anciens apparatchiks ou leurs descendants) que les milliers de gens sacrifiés sur l’autel du progrès et de l’avenir radieux avaient mérité leur sort.
Quand on aime la Russie, je dis bien la RUSSIE, il est évident qu’on ne peut être ni d’un côté ni de l’autre.  De même que lorsqu’on aime la France, on ne peut pas être républicain. Surout de nos jours, au vu des résultats. J’aime la Russie, je n’ai jamais aimé l’URSS, ce pays synthétique qui offre à mes yeux assez peu de charme, qui  a détruit un patrimoine unique par sa beauté et son originalité au nom des cages en béton et des meubles en contreplaqué poli,  et qui a causé le malheur de milliers de ces  Russes qui s’obstinaient à rester russes plutôt que de devenir « soviétiques ».
Les soviétiques, qui peuvent être, par les vertus de la génétique et de l'imprégnation culturelle, un peu ou beaucoup russes quand même, et parfois sympas, et puis ceux qui sont restés sur le carreau, avec leur drapeau rouge, étaient naturellement les plus naïfs et les moins pourris, ont effectivement perdu leur pays dans l’affaire. Ceux dont l’histoire commence en 1917, comme chez nous les instits de gauche, dont l’histoire commence en 1789. L’histoire de leur patrie a commencé en 1917 et elle s’est achevée en 1985. Les déprédations culturelles et la guerre sans merci, sous dénomination de lutte des classes, qui fut faite aux anciens occupants de l’espace russe par l’URSS sont, à la lueur de cette découverte, tout à fait compréhensibles : appartenant à un nouveau pays et une nouvelle espèce, tout ce qui rappelait l’ancien était insupportable et devait être détruit. Le phénomène se poursuit avec les libéraux qui applaudissent les Américains et qui détestent « ce pays » : bouleverser les ossements antérieurs à l’illumination du progrès, construire sur les cimetières, raser les vieux quartiers, promouvoir la « culture » internationale (européenne classique ou massivement américanoïde) au détriment de la sienne, tout cela prend son sens.
La Russie, elle, a commencé on ne sait quand, sans doute avec les Scythes, et se poursuit encore aujourd’hui, comme elle peut, je l’ai retrouvée, et j’y tiens. Je pense que nous sommes désormais tous condamnés, mais c’est avec la Russie que je me tiendrai dans le naufrage, pas avec l’URSS. De même que mon cœur reste avec la France, pas avec la République française maçonnique, ni avec l’UE.
Car la France elle-même, sur un temps plus long, a connu le même processus. Ceux qui ont été élevés dans la détestation de leurs racines, de leurs ancêtres, du "moyen âge", des "religions", des "moeurs patriarcales" se foutent éperdument qu'on détruise une cathédrale ou que leur gouvernement livre leur pays à n'importe qui. Leur France est née en 1789. Et dans les musées, ils traversent en courant toutes les salles où les collections sont antérieures à cette date: leur culture commence avec Zola et l'impressionnisme, tout ce qu'il y avait auparavant est ténèbres (j'ai vu cela de mes yeux!). 
Les ténèbres qui les attendent dans le monde qu'ils ont enfanté seront autrement plus épaisses que celles du "moyen âge obscurantiste"...