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lundi 8 octobre 2018

Derniers travaux d'extérieur


J’ai dû encore beaucoup jardiner, aujourd’hui, et j’ai mal partout. Mon voisin, venu m’aider, m’a dit que très peu de choses poussaient normalement dans notre marécage. Il m’a conseillé de planter des framboisiers sur la butte qu’il m’a ménagée par-dessus les sacs de sciure que j’avais traînés l’année dernière pour protéger la canalisation : ils seront surélevés, et ce mélange de terre et de sable leur conviendra. En effet, là où ils étaient, mes framboisiers ne faisaient rien du tout, là où ils étaient, on peut faire pousser du houblon, des roseaux, des légumes surélevés également, dès qu’on creuse un trou on tombe sur de l’eau. Je dois tenir compte de l’épaisseur de terre disponible et d’autres paramètres, les fils électriques, l’ensoleillement… Ca en fait, des contraintes, mais ça prend tournure quand même. Dans la foulée, j’ai déplacé aussi mes buissons de chèvrefeuille comestible, le seringat qui stagnait… Tout cela me cachera la « zone technique », ma voiture et les disgrâces du voisinage immédiat.
Rita s’habitue très bien. Elle ne me lâche pas d’une semelle, de sorte qu’elle va aussi dans le jardin. Rosie la regarde comme une sorte de chat supplémentaire. Elle me rappelle plus Jules que Doggie, avec un côté chipie bien féminin. Elle est très câline, et à mon avis, elle se plaît beaucoup ici, avec moi. Je la trouve de plus en plus guillerette et impudente. Nous sommes allées ensemble au café français, mais je ne rencontre plus jamais les patrons. Ils emploient quelqu’un pour gérer.
J’ai acheté deux thuyas, un pour tenir compagnie au précédent, devant la grosse baraque du voisin côté nord, l’autre pour remplacer le seringat à l’ouest, et  cacher un peu la fenêtre de ma cuisine. Le thuya pousse bien et très vite, chez moi. J’aurais pu mettre des sapins, mais cela vient trop gros pour ma petite surface et pour mes fils électriques.  Cela me paraissait un peu déplacé, ici, un peu prétentieux, mais il faut bien s’adapter, et puis, dans mon jardin de grand-mère russe, ils vont me rappeler un peu la France… Dans le magasin « l’Empire des Fleurs », une dame m’a demandé d’où venait mon accent. «Je suis Française…
- Ah c’est ce que je pensais, vous êtes la Française que j’ai vue sur Internet, celle qui vit ici et trouve qu’on a beaucoup abîmé la ville… »
Bon, eh bien comme ça, c’est clair ! Tout le pays sait ce que j’en pense… C'est sans doute sur les fils de commentaires des collaborateurs du musée que tout cela est apparu.
Il me faut retourner à mes traductions, et surtout finir mon livre, mais il y a toujours quelque chose à vérifier, c’est sans fin. J’essaie de ne plus regarder non plus de documentation. Ou alors je finirais par tout réécrire. Il faut que j’assume mon conte russe tel qu’il est. D'autant plus que les sources sont souvent terriblement contradictoires.

coup de projecteur automnal


Les deux thuyas destinés à masquer la chose...

la butte aux framboisiers qui cacheront la voiture. J'ai mis devant les chèvrefeuilles comestibles et des hortensias



samedi 6 octobre 2018

L'automne s'installe

Hier, j'ai fait une première ballade, avec Rita d'un côté et Rosie de l'autre. Rosie gambadant comme un cerf, et Rita trottinant avec désespoir, me démontrant de toutes les manières qu'elle voulait retourner dans son cher sac, que j'avais à l'épaule. Fleur de bitume n'aime pas la campagne.
Je suis montée jusqu'à la chapelle qui commémore le monastère détruit et son cimetière, sur lequel des inconscients, auxquels les conscients prédisent bien des malheurs, construisent des maisons moches. De là, je regardais le lac, sombre comme la mer Blanche, un lac devenu froid, automnal, au delà des saules jaunissants. Je voyais ma maison, très verte, quand même...
Je suis revenue par ce qu'on appelle le quartier de Boris et Gleb, du nom des princes martyrs assassinés par leur frère aîné, un quartier qui surplombe la ville: les jolies maisons traditionnelles sont de plus en plus rares. La mocheté, le bricolé, le tape-à-l'oeil et la banalité ont tout envahi. Une agglomération de cabanes hétéroclites avec des coupoles au milieu et un lac à l'horizon. Je pensais à cette phrase publiée par Renaud Camus sur sa page:
 Jadis le monde était beau et l’on déplorait les atteintes de laideur qui lui étaient portées. Aujourd’hui le monde est affreux et l’on se réjouit des quelques lambeaux de beauté qui subsistent.
Puis j'ai jardiné, c'est-à-dire déplacé des plantes, mais je sens qu'il faut se dépêcher, ce sont les derniers jours. J'ai démonté le hamac, qui prenait l'humidité. Tout jaunit très vite. J'ai mal partout, mais j'ai mis beaucoup de choses en place pour l'année suivante.
 Rita me suit comme mon ombre, cela ne plaît pas trop à Rosie, qui se résigne. Jouer avec elle, je crains que ce ne soit pas possible. Rita est très chochotte et puis surtout petite et fragile, alors que Rosie est grosse et brutale. Je ne pensais pas qu'elle m'était si attachée, la coureuse, mais si. Ils me sont tous attachés...
Rita est paniquée dès que je m'éloigne d'un mètre. Je vais à la cuisine, elle me suit, au jardin, elle me suit, aux toilettes, elle me suit. Et quand elle ne me voit pas, elle hurle. Au début, il lui arrivait de hurler la nuit, sous mon lit.
Elle n'est pas propre, son ex me disait qu'elle faisait sur un petit tapis qu'elle lavait tous les trois jours, eh bien pas avec moi. Mais heureusement, elle est très intelligente. Elle a compris que cela ne me plaisait pas, et si je la sors, elle délivre un petit pipi qui lui vaut des compliments et une friandise.
Le petit Bouton, que je n'avais pas pris et qui avait été vendu, a été restitué pour cause d'allergie de l'enfant de la famille... Mais à présent, j'ai Rita. Je pense que Rosie aurait préféré Bouton. Et j'ai de la peine pour lui, cela ne lui serait pas arrivé avec moi.
Etrange sensation que de manger à Pereslavl une tome de chèvre en salade ardéchoise. J'ai utilisé le fromage blanc de Nadia, qui est un tout petit peu sec par rapport à une tome en faisselle.

La chapelle et sa croix

Le truc vert en plein milieu, c'est ma maison...

Encore un bel étang, dans le quartier haut




jeudi 4 octobre 2018

Acclimatation de spitz réussie

J'ai passé une nuit difficile. Rosie montait la garde dans ma chambre, pour empêcher Rita d'accéder au lit, réservé aux chats, dans son esprit. Mais sa présence arrachait d'incessants grognements à Rom qui ne peut pas la voir. Ne pouvant pas dormir, je suis allée corriger mon livre, puis je suis revenue m'écrouler. Rosie avait quand même décidé de se coucher. Rita a réussi à gagner la place convoitée, mais elle a fait partir les chats. Tout cela me courait dessus dans tous les sens.
Au matin, Rosie a presque fait des fêtes à l'intruse. Je n'ose pas l'engueuler alors elle vide toutes les gamelles y compris celle de Rita qui fait la difficile.
Je suis allée jardiner, Rita me suit comme mon ombre. Je ne suis pas sûre qu'elle raffole du grand air, mais tout plutôt que de me lâcher. Tout ça, dehors, ne s'entendait pas mal, sauf que Rosie embête Georgette, et Rita aussi, mais Rosie estime qu'elle est la seule à pouvoir se le permettre.
Dans l'après-midi, j'ai décidé d'aller faire des courses pour la meute, panique de Rita, dès qu'elle m'a vue m'habiller. Elle s'est jetée sur son sac, en le grattant frénétiquement pour entrer dedans. Je l'ai prise avec moi, mais le temps de faire le tour de la voiture, pour rejoindre ma place après l'avoir installée, elle poussait déjà des cris angoissés debout contre la vitre. Son ex patronne me disait qu'elle restait souvent seule, parfois deux jours de suite. Eh bien je pense que cela ne devait pas lui plaire.
Rosie recommence à aller se promener, je pense qu'après avoir constaté qu'elle restait le chef de meute, ce qu'elle rappelle périodiquement, elle se rend compte que la demie portion ne change pas grand chose à sa vie. Rita passe tout le temps que je passe moi-même à mon bureau dans un panier sous ma table et sur mes pieds.
Le plus dur est fait.

mercredi 3 octobre 2018

Rita - doma....


L’adaptation semble bien se passer, grâce à Dieu. La princesse s’est montrée tout à fait hargneuse et mal gracieuse avec Rosie, qui lui a montré les dents, j’ai engueulé les deux, Rosie a compris que c’était moi qui importait ce machin, et le machin que Rosie faisait partie du décor. Une fois sur le sol, Rita n’a plus grogné. Les relations sont pacifiques. Peut-être vont-elles bien s’entendre. Pour l’instant, Rita s’intéresse beaucoup à Georgette, ce n’est hélas pas du tout réciproque. Le père Constantin m’avait dit que les laïka étaient des chiens nobles, magnanimes, pas le genre à déchirer un nabot hargneux. En effet, c’est le cas, Rosie se montre très magnanime. Un peu jalouse, mais pas trop. Elle vient juste fourrer sa tête sur mes genoux quand je m’occupe de la copine….
Rita regarde la maison avec perplexité, elle n’a pas l’air triste, un peu déphasée.  Après sa première crise de désespoir, il me semble qu’elle m’a complètement adoptée. Hier soir, je l’ai emmenée au vernissage des merveilleux tableaux de Yelena Afanassieva, puis au restaurant avec le père Constantin, et Iouri  Choubine, un correspondant facebook venu faire connaissance.  Rita a eu beaucoup de succès partout, et cela ne lui déplaît pas. Je me retrouve pourvue de l’appendice qui a été le mien pendant des années : un spitz dans un sac. Avec les sourires attendris des passagers du métro, des passants, de tous ceux que je rencontre.
La photo est floue, mais elle fait foi! 




mardi 2 octobre 2018

Princesse abandonnée


Nonna m’a amené sa petite chienne Rita. C’est une ravissante petite princesse au pelage roux comme du pain ou des feuilles d’automne. Elle démontrait de toutes les façons possibles que sa maîtresse était Nonna, et que j’étais bien gentille, mais que je ne devais pas me faire d’illusions sur ce point, et elle non plus. Nonna elle-même semblait indifférente. Je lui ai demandé si cela ne l’ennuyait pas de se séparer de cette petite merveille. Non, visiblement, non. Je suis partie chez Dany et Iouri avant le départ de Nonna, pensant n’être d’aucun secours à l'orpheline. Quand je suis rentrée, Rita était enfermée dans ma chambre. Elle m’a fait des fêtes. Pendant la nuit, elle est venue se glisser entre mes bras et fourrer son museau dans la paume de ma main.
Je suis allée à l’église tôt le matin, je me suis confessée et j’ai communié. Il m’est tout à coup venu à l’esprit, dans mon état de grâce, que Dieu avait prévu tout cela et que je ne devais pas trop me faire de souci pour l’acclimatation avec Rosie, car l’adoption de Rita était providentielle, et si elle est providentielle, tout se passera bien. Si j’ai reculé devant le chiot, que je ne pouvais me décider à prendre, c’est sans doute que Dieu avait déjà prévu de me refiler Rita. 
Mais Rita ne voyait pas les choses comme cela. D’après Liéna, elle a poussé de telles plaintes que ses trois filles pleuraient aussi, puis elle est allée chercher son sac, et courait en le traînant dans l’appartement, pour faire comprendre qu’elle voulait partir rejoindre sa maîtresse.
Dany trouve que Rosie et Rita, ça fait un peu pensionnaires d'un bordel des années 30. en tous cas, cela fera une drôle d'équipe.... Double-Pattes et Patachon.




dimanche 30 septembre 2018

Rita


Nadia m’a donné des plants, quand je suis allée lui acheter du fromage blanc de chèvre. Beaucoup de plants. Des hémérocalles, des grandes comme j’aime, qui font de gros coussins, cette sorte de muguet géant que je n’ai jamais vu qu’ici, du pyrèthre pour soigner le jardin, des physalis, des lis bouclés, il m’a fallu planter tout cela, toute affaire cessante. En me quittant, elle m’a dit sur le seuil : « Ah, hier, on n’a pas eu le temps de se dire au revoir. Tu as vu ? L’ange que nous regardions a fermé ses ailes, et  hop, la pluie est tombée. Quand je te dis que Dieu m’envoie toujours la merveille qu’il faut ! »
Mes voisins Anna et Kolia, parents du petit Aliocha, sont venus faucher mon terrain, et Kolia va me faire un peu de terrassement. Une autre voisine plus lointaine, qui dégageait une forte odeur d'alcool, est venue m'extorquer100  roubles pour une bâche que Rosie aurait déchirée, en me disant que les gens d'à côté jetaient des pierres à l'emmerdeuse. "Très bien, ai-je dit, faites pareil. Chassez-la, qu'elle vous craigne"; mais Anna m'a dit: "Elle était déjà déchirée, sa bâche, et les gens d'à côté, c'est nous et nous ne jetons pas de pierres à Rosie. Ce sont des personnes infréquentables, je suis contente que vous soyez là, car nous avons un bon petit coin de gens normaux, ici, et c'est bien agréable, mais ceux-là, gardez-les à distance, et même, menacez-les de leur envoyer les flics!"  
Cela fait plus ou moins deux ans que je suis arrivée ici, deux ans d’allées et venues et de péripéties. Celles du déménagement semblent vouloir aller à leur conclusion. Il y a environ deux mois, on m’avait signifié que je devais photographier sous tous les angles et décrire en détail les objets de plus de cent ans. J’avais répondu à AGS :
Je crois que je n'aurai jamais ce déménagement. Il m'est complètement impossible de faire cette description. Je suis en Russie, il faudrait tout sortir, tout rephotographier et mesurer, et quand j'ai voulu récupérer des affaires et éventuellement refaire les listes, on me demandait 400 euros pour ouvrir le conteneur. Ce sont des objets dont je ne connais pas la plupart du temps la provenance, ils avaient été offerts, acquis par ma mère. Je sais qu'ils ne valent pas grand chose, car on ne me donnait presque rien de tout ce que j'ai fini par refiler à des amis Je me fiche de ne pas les remporter en France, car je n'y reviendrai probablement jamais et si cela arrivait, je les distribuerais à des amis russes, car je n'ai pas d'enfants. Mais payer encore en sus des taxes exorbitantes, je trouve que je me suis fait assez racketter. Je pourrais soustraire les "antiquités" du déménagement, mais pour cela, il faudra que je vienne en France, et je n'ai nulle envie de cracher encore 400 euros pour ouvrir la boîte. Alors je ne sais pas. C'est juste de la persécution, et je ne sais pas quoi faire.
Et puis silence radio. Et ô surprise, on m’a annoncé que les Russes renonçaient à me demander tout cela, mais il faut quand même payer 370 € de taxes.
J'ai rencontré hier Irina, l'arrière-petite-nièce du prêtre de l'église du métropolite Pierre, saint Constantin de Pereslavl, martyrisé par les bolcheviks. Elle vit à Moscou mais s'occupe activement d'engager la restauration de l'église. Bien que personne ne s'en occupe, qu'elle pourrisse sur place depuis la mort de son dernier prêtre, et que jusqu'à une date récente, elle ai figuré au cadastre sur le territoire de la chaussée, ce qui permettait de la détruire à tout moment pour l'élargir, elle figure au catalogue des monuments historiques, et on ne peut y toucher sans convoquer une commission spéciale qui va coûter cher et faire faire les travaux par une firme ruineuse, et nous ne savons pas encore comment tout cela serait réalisé!
Elle était avec une amie journaliste, Olga, qui considérait avec pitié mes projets de concerts de musique traditionnelle et de stages. Elle considère que les jeunes deviennent irrémédiablement incultes, stupides, perdent tout lien avec leur histoire et tirez l'échelle. Je considère quand à moi qu'il en reste encore assez, et que chaque personne qui redevient Russe assainit la situation générale et retrouve un sens à sa vie.
Je vais à Moscou récupérer Rita. Après Bouton, que j'avais regretté de ne pas avoir adopté et qui avait trouvé preneur, Liéna, la fille du père Valentin, m'a annoncé qu'une de ses amies donnait sa chienne spitz de cinq ans, car la propriétaire de son futur appartement ne voulait pas l'accepter. A vrai dire, je ne sais pas comment Rosie va réagir, elle n'a jamais agressé aucun chien. Autrement, j'ai pitié de cette petite chienne, que personne ne prendrait à cet âge, et moi-même, je me prépare psychologiquement à ce qu'elle ne partage pas longtemps ma vie, cinq ans, c'est l'âge auquel les spitz miniatures commencent à décliner. Sa patronne dit qu'elle est en excellente santé. Sur la photo, elle semble comprendre qu'on va la donner à quelqu'un d'autre...






vendredi 28 septembre 2018

Coucher de soleil


Rosie me fait de nouveau la vie infernale, depuis que Violetta a bloqué les accès. Elle ronge tout ce qu’elle trouve dans le jardin, y compris la rampe d’escalier. Si par hasard elle sort, elle revient par le jardin de Violetta et aboie devant le grillage, m’obligeant à l’appeler dans la rue jusqu’à ce que ça lui effleure la cervelle de faire le tour. Avec les intempéries, c’est merveilleux. Le matin, elle me harcèle pour finir la bouffe des chats et ne regarde pas la sienne, il faut que la bouffe, quelle qu’elle soit, passe par la gamelle des chats pour l’intéresser.  Les imbéciles de chats mangeant à longueur de temps, et jamais tous ensemble, sauf le matin où ils me prennent d’assaut au réveil, elle s’attaque sans arrêt à leurs assiettes et après, je n’ai plus rien pour les nourrir.Je n’ai aucun contrôle sur cet être aberrant, qui ne pense qu’à me truander, ni aucun langage commun. Elle ne m’apporte pas la compagnie d’un chien qui comprend vraiment son maître autrement que pour tirer parti de ses faiblesses afin de satisfaire ses caprices. Elle me garde et elle empêche les chats étrangers de venir. C’est tout ce que je peux en dire de vraiment positif. Naturellement, je culpabilise, car elle vient me trouver avec sa baballe et me la fourre avec insistance dans les jambes, et je n’ai aucune envie de jouer avec elle, elle est trop grosse, trop brutale. Étonnant d’ailleurs qu’elle ne soit absolument jamais fatiguée.
Comme en fin d’après midi, le vent dispersait les nuages, j’ai décidé hier d’aller la promener. Je suis tombée sur la gardienne de chèvres, Nadia, qui a maintenant aussi des vaches, et j’ai passé un moment avec elle. Rosie aime jouer avec le bouc, Lavroucha. Nadia est un être surprenant. Elle connaît très bien les plantes et leurs propriétés médicinales, comme beaucoup de Russes. Et elle m’a longuement parlé de sa passion pour les couchers de soleil de sa ville natale : «Tu me dis que tu trouves notre ciel unique, pourquoi, à ton avis ?
- Je ne sais pas, les nuages sont colossaux, avec des architectures extraordinaires, et de magnifiques jeux de lumière et d’ombre.
- Le truc, c’est que s’interpénètrent plusieurs niveaux de nuages, plusieurs corps de bâtiments. Certains restent immobiles comme des rochers, là où ils sont, il n’y a pas de vent. Et d’autres sont déplacés à toute vitesse et attrapent la lumière, et ils changent de couleur et prennent toutes sortes de formes. Voir le soleil se coucher sur le lac, il y a des gens qui viennent tous les jours exprès pour cela. Moi, je me demande chaque jour ce que le Seigneur me prépare comme merveille. Et quand je la vois, je lui rends grâce, car il sait exactement ce qu’il faut m’envoyer.
- Tiens, en face de nous, cela devient vraiment beau, comme deux grandes ailes d’or qui s’ouvrent…
- Oui, les ailes d’un ange fort et puissant. »
Nous nous trouvions dans la cour de la « baraque » écroulée, qui a été en partie nettoyée des ordures que des cochons y jettent périodiquement. Elle y avait passé son enfance : «C’était une maison des années 50, elle avait été très bien construite, elle était agréable, et la cour était très bien entretenue, avec des fleurs, et des vieilles sur les bancs. Il y a quelques années, des gens avaient des projets immobiliers, ils ont fait partir les habitants, et puis cela ne s’est pas fait sans doute, et très rapidement, la maison a été pillée, et des cochons sont venus balancer des ordures en douce, le toit est tombé, et ainsi de suite. »
Des fleurs subsistent, des cosmos, des soucis, j’ai  pris des graines. « D’ici, ai-je dit à Nadia, le point de vue est jolisur la cour et la maison en briques, là bas, je pourrais faire une aquarelle…
- Et l’escalier en bois écroulé, devant, tu le garderais ?
- Sans doute, il est intéressant.
- Si tu enlèves l’escalier, tu auras une maison dans le lointain, avec les arbres de la cour, et si tu laisses l’escalier, tout le monde comprendra que voilà, c’est fini, la maison est morte. »
Nadia aime ses chèvres et ses vaches, elle aime sortir avec elles les promener. Je lui ai parlé d’Henri, qui regrettait de ne pas l’avoir vue et photographiée, sauf une fois, à la fin de son séjour, et si vite qu’il n’en avait pas eu le temps. « Oh, il fallait m’appeler, je serais revenue pour la photo ! Quelle gloire pour moi que les photos de mes chèvres partent en France ! »