Translate

dimanche 21 octobre 2018

Un dimanche....

j'aime la maison d'en face, ses couleurs et son bouleau doré
Le bel été indien a pris fin, le temps était froid hier, humide aujourd'hui, j'ai planté en vitesse des asters donnés par Violetta. Je suis allée à l'église ce matin, dans un état de coma profond, comme d'habitude. C'était une liturgie épiscopale. Le chant des chérubins qu'affectionne l'évêque est très beau, on y a droit chaque fois qu'il vient. Je pensais au père Barsanuphe, pour qui j'ai remis une demande de prière.
Je me suis confessée et j'ai communié pour me soutenir le moral en ces temps difficiles. C'était un autre prêtre que le père Constantin, mais il m'a demandé avec un fin sourire: "Oh, vous ne seriez pas la Française?
- Si, si c'est moi.
- Il faut venir plus souvent chez nous!
- Mais je viens...
- Vous confesser et communier...
- C'est que je vais aussi chez mon père spirituel à Moscou, comme je vous l'ai dit, je suis très paresseuse, et là bas cela m'est plus facile, mais je viendrai ici aussi!
- Si vous accueillez d'autres étrangers, amenez-les nous!
- Eh bien j'aurais pu, car j'en ai accueilli il n'y a pas longtemps. La prochaine fois...  "
C'est le père Constantin qui a fait le sermon, il a expliqué l'histoire du schisme actuel à ses paroissiens, et la félonie que représente la pétition lancée par des intellectuels libéraux, que Dostoïevski déjà considérait comme des traîtres, qui trahissaient déjà pendant la guerre russo-japonaise, qui ont trahi le tsar et qui aujourd'hui servent les visées américaines contre leur propre pays et livrent aux persécutions le métropolite Onuphre et ses fidèles. Il a rappelé aussi pourquoi Philarète avait été anathémisé. Thème repris par l'évêque ensuite avec beaucoup d'émotion: "Sainte Russie, a-t-il conclu, garde la foi orthodoxe!" (Русь святая, храни веру православную).
C'était son anniversaire, et des paroissiens lui ont apporté un bouquet et des cadeaux. Il semblait touché comme un enfant. Les gens paraissent beaucoup l'aimer, et se précipitaient pour avoir sa bénédiction. Il a une présence particulière, il est jeune, grand, inspiré, expressif.
spitz retrouvant sa maîtresse après une heure et demie de liturgie
J'avais laissé Rita dans la voiture, elle m'a fait des fêtes délirantes, et je l'ai emmenée au café français dans son petit sac. Je l'avais laissée sur une chaise pendant que je commandais, et tout à coup, elle s'est mise à pousser des cris lugubres qui ont traumatisé les personnes présentes, je l'ai donc libérée. Elle a eu beaucoup de succès. Le personnel m'a déclaré que je devais venir plus souvent, car je plaisais à tous. Ca fait toujours plaisir. Les Russes disent ce qu'ils pensent, dans un sens comme dans l'autre!
Pendant tout ce cirque, l'un des patrons du café, Maxime, que je n'ai pas vu, me photographiait sournoisement, je ne sais par quel biais! Depuis quelques temps, je ne tombe jamais sur aucun des membres de l'équipe, et cela me manque.
Rita était très heureuse de retrouver sa maison. Elle est très casanière, prête à tout supporter pour rester avec moi, mais casanière. Elle aime faire un câlin dans le lit le matin, courir dans le jardin, mais pas dans la rue. Elle commence à comprendre qu'il faut faire pipi dehors et que cela vaut obligatoirement récompense!
Rosie détruit méthodiquement mes plantations...

C'était bon? me demande Maxime.
- Comme d'habitude, fabuleux!

J'ai eu la joie de discuter un peu avec Micha qui se rapproche beaucoup de son fils et de sa petite-fille, nous avons évoqué le membre de l'ensemble cosaque qui vient de mourir, Slava Kazakov. Skountsev m'avait envoyé la vidéo de ses funérailles. Les cosaques ont chanté sur sa tombe l'une de leurs plus belles chansons. C'était un homme adorable. J'avais su qu'il,était mort, mais je n'avais pas vu la vidéo, car je me perds dans tous ces réseaux électroniques, Whats'app, Messenger, Facebook, Vkontakte, cela me donne le tournis. J'avais manqué de même un message de Génia, un jeune musicien que j'aimais bien et qui était de passage à Pereslavl... la semaine dernière!!!
En revanche, je suis tombée facilement sur le fils de Xioucha, Noé, qui venait avec son école visiter Pereslavl et devait me remettre les planches à icônes que sa mère avait oublié de m'apporter à l'église. En sortant de l'office, déjà dans la voiture, j'ai vu un autobus, et me suis demandé si ce n'était pas le sien. J'ai vu de loin un groupe, près de l'église de la Transfiguration, et au sein du groupe, une grande asperge coiffée comme un saule pleureur: c'était bien lui!
Noé est joli garçon mais il se cache sous ses cheveux.
La vidéo des cosaques m'a beaucoup émue. C'est si beau, si viril, cet hommage, et si sincère...
D'ailleurs ici, tout m'émeut.

La liturgie épiscopale photographiée par un paroissien. Le père Constantin est au premier plan à gauche


samedi 20 octobre 2018

Mémoire éternelle, père Barsanuphe...

Je viens d'apprendre le décès du père Barsanuphe (Ferrier).
C'est lui qui, lorsque j'avais 18 ans, m'avait instruite dans l'orthodoxie. En arrivant aux Langues O, à 17 ans, en 69, je ne pensais qu'à une chose: trouver mon starets Zosime. (Et aussi le prince charmant, mais cela ne me paraissait pas incompatible). A la fin de ma première année d'étude, je fis connaissance du père Serge Chevitch, qui me semblait avoir tout à fait le profil, mais il m'envoya au père Barsanuphe, qui s'entretenait avec moi de tout et de rien, mais jamais d'orthodoxie. C'est lui qui m'initia à la portée symbolique et théologique des icônes, à travers celles du père Grégoire, qu'il me présenta à la lumière des cierges, dans l'église du skite du Saint-Esprit. Je voyais s'ouvrir devant moi le livre enluminé d'une tradition perdue qui me convenait parfaitement, où tout avait sa place et son sens dans une harmonie cosmique et sacrée générale.
Puis à une autre occasion, il critiqua mes dessins qui lui paraissaient terriblement passionnés et soumis à des influences nocturnes et ténébreuses. Selon lui, pour se garder du démon, il fallait faire des icônes ou de l'art abstrait. Sa mise en garde spirituelle me donna alors l'impression que j'étais une petite personne douée d'un fort potentiel médiumnique, ce qui m'effraya et me flatta presque autant.
Au même moment, je rencontrai ma première grande amie, Béatrix, qui était étudiante aux Langues O. Elle était normande, ne connaissait pas grand monde. Je ne connaissais personne, j'avais passé un an aux Langues O sans me faire d'amis, car dans les facs de l'après 68, c'était la politique à outrance, des discours trotskistes sinistres qui me révulsaient. A part les trotskistes, à Langues O, il y avait des étudiantes bourgeoises qui visaient sciences-po et qui n'étaient ni très marrantes ni très communicatives. Dans toute l'école, je ne vis que trois êtres du sexe masculin: un trotskiste boutonneux, un étudiant de l'école des chartes à lunettes et un officier de marine quadragénaire et marié. Et puis certains de nos professeurs.
Béatrix était très gaie, blonde, rose, jolie. Elle gardait un parfum de province et de paysannerie bien qu'elle fût de gauche, comme tout le monde sauf moi, et affligée d'une copine trotskiste qui ressemblait à Trotski et nous avait poursuivies un jour, jusqu'à l'arrêt du bus, en nous couvrant d'injures, parce que nous gardions l'une et l'autre les croix de nos grands-mères autour du cou.
Nous étions parties en vacance dans nos familles respectives, et à la rentrée, nous nous étions joyeusement retrouvées. Elle me demanda ce que je comptais faire pour le 11 novembre: "Aller voir mes moines russes, lui répondis-je.
- Quels moines russes?
- Des moines dans un ermitage de banlieue.
- Oh... et je peux venir aussi?
- Ca te plairait? lui demandai-je sincèrement étonnée.
- Eh bien oui, pourquoi pas?"
Le lendemain, nous arrivions ensemble au skite, avec sa coupole bleue dans son petit bois pas mal humide, et nous assistions à la liturgie, avec père Serge, suivie du repas en commun. Le père Serge était irrésistible de bonté, il avait un air malicieux et enfantin, des yeux bleus lumineux et un petit rire flûté. Il trônait devant un arbre au triple tronc qui symbolisait pour tout le monde la sainte Trinité. Quand il fut reparti, nous restâmes avec le père Barsanuphe, qui nous servit du lapsang-souchong dans sa tanière, pour nous réchauffer. Ce fut le début de nos pèlerinages réguliers, car Béatrix fut aussitôt subjuguée, et trois mois plus tard, nous entrions ensemble dans l'Orthodoxie, pour la Théophanie, juste avant mes dix-neuf ans.
Le père Barsanuphe devait avoir trente cinq ans, à l'époque, il était grand, impressionnant, plutôt sévère, mais il avait de l'humour, il expliquait très bien, avec des moments de silence où nous devinions qu'il priait. On pouvait tout aborder avec lui, on pouvait le déranger n'importe quand, à n'importe quelle heure. L'année suivante, nous rencontrâmes à la fac une troisième larronne qui devint également orthodoxe, et que j'aimais beaucoup, Sylvie. Nous passions des nuits entières toutes trois à rigoler à perdre haleine en rêvant du prince charmant orthodoxe (le mouj) et du danger où nous étions de finir moniales, ce qui arriva en effet à Sylvie assez vite et de façon très soudaine, elle l'est encore aujourd'hui, sous le nom de mère Geneviève. Nous téléphonions au pauvre père Barsanuphe en pleine nuit, et j'avais même fait une caricature de lui, en moine stylite, perché sur une colonne avec un téléphone.
Je me sentais si mal dans le Paris de l'époque, dans les facs gauchistes, et dans ma famille, nous allions de tragédie en tragédie, les seuls endroits où je me sentais bien, c'étaient l'église de Vanves, le skite. Je disais au père Barsanuphe: "Je ne sais pas ce que je fiche ici, à Paris, tout m'est étranger, à part l'église, je n'aime pas cette ville, je n'aime pas cette époque.
- Mais Larissa, qu'est-ce que cela peut vous faire, cette époque? Ignorez-la. Nous autres orthodoxes, nous sommes toujours au moyen âge."
Le problème que j'avais, c'était de ne pas trouver le moyenâgeux correspondant, soit le "mouj" russe, ou au moins orthodoxe. Je me suis éloignée de l'église de Vanves, dans une vaine tentative d'adaptation à ce monde qui m'était si antagoniste, et il m'avait dit: "Vous avez besoin de faire vos expériences, faites-les". Je suis revenue plus tard, et j'ai longtemps entretenu une correspondance avec le père Barsanuphe, c'est-à-dire que c'était surtout moi qui écrivais, mais il aimait à lire mes lettres et nous en parlions au téléphone. Il m'avait alors donné ce conseil que je n'avais pas oublié, à propos de collègues ignobles: "Pardonnez-leur, elles n'en deviendront pas meilleures, mais elles cesseront de vous nuire". Nous avons eu de gros conflits, dont je ne parlerai pas ici, suivis de réconciliations, mais quand je suis partie en Russie, nos liens se sont distendus, bien qu'il m'arrivât de le rencontrer de temps à autre, dans le monastère qu'il avait fondé à Marcenat, et puis au téléphone, bien sûr. Lors d'une de ces rencontres à Marcenat, il avait consacré tous ses convertis à la sainte grande-duchesse Elizabeth, qui avait elle aussi choisi l'orthodoxie, jusqu'à la mort.
Depuis quelques temps, je me disais: "Il faudrait appeler le père Barsanuphe..."
Trop tard.
Mémoire éternelle, père Barsanuphe. Et merci pour tout, merci pour la porte de l'orthodoxie, que vous m'avez ouverte.

  

En communion?

Faut-il se sentir en communion avec ceux qui soutiennent celui-ci?

Le "patriarche" Philarète reconnu par le patriarche Bartholomée:
  "Le Donbass doit racheter dans le sang et la souffrance le péché d'avoir voté pour la fédéralisation de l'Ukraine"

Ou bien celui-là? 


"Je voudrais m'adresser à tous les croyants orthodoxes d'Ukraine. 
Ne craignez rien, soyez fermes dans votre amour pour Dieu, gardez la pureté de la foi orthodoxe qui nous est chère et mène à Dieu. 
Aimez-vous les uns les autres, supportez-vous les uns les autres, aidez-vous les uns les autres.
Le mal passera, et le bien vivra éternellement. Si nous supportons tout, vivons de notre amour pour tout, et les uns pour les autres, alors aucun mal n'aura raison de nous. Dieu est le Dieu de la force. Et le mal n'a pas de force.
Vivez avec Dieu! Et nous serons joyeux, heureux et bénis!"
Sa béatitude Onuphre, métropolite de Kiev et de toute l'Ukraine.

Qui de ces deux hommes obéit à des motifs politiques, et qui est avec le Christ, qui tient des propos de vrai chrétien?
La chose est pour moi complètement claire, ce n'est pas Philarète, et c'est à Philarète et à tous ceux qui manoeuvrent derrière que le patriarche Bartholomée livre le métropolite Onuphre.

Ces gens-là, sur la vidéo, qui ont participé massivement aux processions du métropolite Onuphre, sont-ils des agents de Poutine? Des Russes infiltrés?



On a lancé une pétition contre la décision du patriarcat de Moscou de ne plus être en communion avec celui de Constantinople. Je ne la signerai pas, d'abord parce qu'elle est initialisée par un journaliste russe qui trahit son pays et sa foi, et ensuite parce que je ne veux pas m'associer à ce qui se commet là bas, en un mot, je ne veux pas être au côté de Philarète contre Onuphre, car je sais de quel côté est le Christ, si le patriarche Bartholomée n'est plus capable de le voir.

En reconnaissant Philarète, en obéissant aux instructions d'un gouvernement fantoche au service des pires ennemis de la chrétienté en général et de l'orthodoxie en particulier, le patriarche Bartholomée s'est associé à ceux-ci, il s'y est assimilé. Comment pourrait-on encore être en communion avec lui? Le patriarche de Moscou doit-il faire de même, se prosterner devant l'aventurier Philarète et ses protecteurs? Choisir Judas contre le Christ?

Tout cela au bénéfice de qui? 


Voici un article de l'ancien primat de l'Eglise Orthodoxe en Amérique, le métropolite Jonas, Américain de souche, je le cite en entier:
« Une fois encore, les États-Unis et leur politique créent le chaos, préparent le meurtre de gens innocents et perturbent une ancienne institution. Mais cette fois, c’est une ingérence directe dans les affaires non pas simplement d’un État-nation, l’Ukraine, mais d’une institution religieuse, l’Église orthodoxe. Et cela se répercute non pas seulement au niveau local, mais international. L’octroi de l’autocéphalie à une institution schismatique ukrainienne, le soi-disant Patriarcat de Kiev, n’est pas en premier lieu une affaire ecclésiastique, mais politique. Au niveau ecclésiastique, la politique états-unienne s’ingère à différents niveaux. Ce n’est pas, bien entendu, une ingérence pour les droits de l’homme, la liberté religieuse, celle des institutions religieuses - qui dirigent leurs propres vies sans intervention gouvernementale - ou pour le principe américain fondamental de la séparation de l’Église et de l’État. C’est plutôt une opération contraire à ces principes américains fondamentaux, et une tentative de contraindre le peuple fidèle d’Ukraine à se joindre à une Église d’État unifiée, à soutenir un gouvernement impopulaire mis en place, appuyé et maintenu par les États-Unis, ainsi que de nommer avant tout le clergé et la hiérarchie, en particulier le patriarche, de cette institution [i.e. la nouvelle Église autocéphale, ndt]. Indubitablement, celle-ci soutiendra le gouvernement dans ses efforts de nationaliser les 12.000 Églises appartenant à l’Église ukrainienne canonique et son peuple fidèle, de confisquer les bâtiments et les biens, dont les anciens saints monastères et les monuments nationaux. Le peuple ukrainien - de pieux chrétiens orthodoxes - luttera contre la confiscation de ses églises, tout comme il a lutté contre la confiscation soviétique de ses églises par les communistes dans les années 1920. Et maintenant comme alors, ces gens donneront leurs vies pour la protection de leurs lieux saints contre la profanation de ceux-ci par de faux frères. Tout comme ils ont combattu héroïquement les Nazis pendant la seconde guerre mondiale, puis les communistes après que les Nazis en furent expulsés, ils rejetteront le faux patriarche Denisenko et lutteront contre un gouvernement qu’ils savent ne se soucier en rien d’eux et de leurs intérêts, pas plus que de leur liberté et de leur liberté religieuse. Ils rejetteront cela tout comme ils ont rejeté « l’Église vivante » moderniste dans les années 1920. Des milliers de personnes mourront en protestant contre la politique américaine, transformée en une action violente par le gouvernement ukrainien. C’est un terrible péché pour la direction ukrainienne et leurs maîtres américains. En outre, non contents de manipuler les mafieux ecclésiastiques et politiques d’Ukraine ainsi qu’un État défaillant à la recherche du pouvoir et manquant de la légitimité de son peuple, le Département d’État et d’autres agences se sont infiltrés dans le Patriarcat de Constantinople. Directement ou par leurs mandataires, ils ont manipulé le vénérable patriarche œcuménique, au moyen de sa plus grande faiblesse : la position précaire du Patriarcat en Turquie, sur le plan politique et financier. Ils pourraient élargir sa juridiction et lui assurer sa stabilité financière en injectant des millions de dollars. Ils usent et abusent d’un vieil homme qui essaye de toutes ses forces de préserver une ancienne institution. Ils l’ont compromis, lui-même et l’institution du Patriarcat œcuménique, et ce faisant, ils troublent non seulement l’Ukraine et sa paix précaire, mais encouragent un schisme qui déchirera le monde orthodoxe, une communauté plus grande que celle des États-Unis. C’est un geste amer et cynique, profondément pervers. Leur justification est qu’ils veulent limiter l’influence de la Russie. Les néo-conservateurs et autres qui contrôlent la politique états-unienne sont possédés par une Russophobie paranoïaque, héritée de la première guerre froide, et une nouvelle haine des valeurs chrétiennes adoptées par la Russie renaissante. Malgré les ouvertures de la Russie pour une plus grande coopération et une détente, et l’apparente volonté du président Trump de se faire des amis avec la Russie, nous restons les otages des phobies des bureaucrates du Département d’État et du Pentagone. Ne faut-il pas mentionner que la Russie a un PIB inférieur à celui du Texas et un budget miliaire inférieur à un dixième de celui des États-Unis ? Mais les États-Unis s’efforcent de frapper les Russes là où se trouve ce qui est le plus cher pour eux : leur foi, leur Église, leur christianisme. L’Église orthodoxe ukrainienne canonique, sous le métropolite Onuphre, est une Église jouissant de la plus grande autonomie, rattachée à l’Église orthodoxe russe. C’est le diocèse qui a enfanté l’Église russe, et il y a un lien millénaire entre la métropole de Kiev et le reste de l’Église russe. Pendant des années, la métropole de Kiev a été autonome, ce qui signifie que leur lien principal avec Moscou consiste en la commémoration du patriarche de Moscou pendant les offices. Pour le reste, ils dirigent eux-mêmes leur propre vie. Le patriarche de Moscou a bien moins d’autorité sur l’Église en Ukraine que n’en a le pape sur les catholiques-romains en Amérique (il y a un parallèle étroit entre les attitudes anticatholiques américaines profondément enracinées et les craintes à l’égard du Patriarcat de Moscou). Il y a en outre des liens personnels étroits, et un nombre considérable d’Ukrainiens célèbrent dans les paroisses et les diocèses de toute la Russie. Les liens sont organiques, et l’Église canonique d’Ukraine ne souhaite pas, ni n’a demandé, l’autocéphalie. Ainsi, le Département d’État et les agences états-uniennes soutiennent un charlatan en disgrâce et légitimement défroqué, « bien habillé », et qui lui-même, pour ses propres ambitions, manipule le pathétique Porochenko. Ils ont même tenté d’exercer un chantage sur le vénérable patriarche en raison de malversations financières ayant eu lieu dans l’archevêché grec d’Amérique. De son côté, pour se justifier [quant à l’octroi de l’autocéphalie à l’Ukraine], le patriarche [de Constantinople] invoque une interprétation de sa propre juridiction qui est rejetée par le reste des Églises orthodoxes. Les autres treize Églises orthodoxes, à l’exception d’une ou deux qui sont restées silencieuses, condamnent ce geste du Patriarcat œcuménique. Ils n’acceptent ni son affirmation selon laquelle il dispose pratiquement d’une juridiction universelle, ni l’autorité qu’il aurait d’agir unilatéralement, particulièrement sur des questions qui exigent le consensus de toutes les Églises, telles que l’octroi de l’autocéphalie. Tandis que les patriarches ne peuvent contrôler ce qui se passe au niveau politique en Ukraine, il se pourrait qu’ils se réunissent et tentent de destituer le patriarche Bartholomée pour avoir enfreint les canons universels. Le plus grand espoir que l’on peut avoir est que le Patriarcat œcuménique se repentira et mettra fin à cette folie. Mais il est peut être trop tard. En même temps, si le Patriarcat va jusqu’à accorder l’autocéphalie, les « babouchki », les grand-mères, mourront en Ukraine en essayant de défendre leurs églises bien-aimées contre les néo-nazis ukrainiens. Quant au Patriarcat (…), il perdra toute prétention à la primauté, à la sauvegarde de sa mémoire historique et, ce faisant, toute influence. Tôt ou tard, Porochenko sera chassé et Denisenko, qui a plus de 90 ans, mourra. Le schisme s’effondrera, indépendamment de son statut. L’Ukraine continuera à sombrer dans le chaos politique, social et ecclésial, avec ou sans une Église autocéphale. Personne, ni les États-Unis ni la Russie, souhaitera ou sera capable d’intervenir pour sauver ce pays. Il devra finalement sortir de ses cendres. Il rejoindra ainsi l’Irak, la Libye, la Syrie et les autres pays détruits par les interventions états-uniennes. Quoi qu’il en soit, l’Orthodoxie survivra, de préférence avec un Patriarcat œcuménique intact, mais même sans lui. D’autres Églises se sont déjà ralliées autour du Patriarche de Moscou pour défendre et maintenir l’ordre canonique ; et autour du métropolite Onuphre de Kiev, victime d’une profonde injustice, laissant entrevoir le Christ souffrant au milieu de la persécution. Ainsi, grâce à la politique états-unienne, Moscou émergera fortement comme le leader moral du monde orthodoxe. Mais vous, le Département d’État, vous aurez sur vos mains et vos têtes le sang des petites grand-mères et des vieillards ukrainiens. Et vous aurez à répondre de vos décisions et actions devant Dieu. Mais vous en souciez-vous ? »
En accord avec chaque mot du métropolite Jonas, je ne signerai pas cette pétition, je la désapprouve, et même je la condamne. Je ne retrouverai la communion avec le patriarcat de Constantinople que le jour où son patriarche, et ceux qui l'approuvent, se conduiront à nouveau de façon orthodoxe et chrétienne.

Fresques d'une église appartenant à Philarète. Est-ce que cela relève de l'orthodoxie? ou de l'imagerie bolchevique remise au goût du nationalisme banderiste?





jeudi 18 octobre 2018

Démolisseurs





Je viens de voir une série de posts sur la ville de Borovsk, près de Kalouga, une vieille ville ravissante que les autorités locales ont décidé de raser. Oui, raser purement et simplement toutes les belles maisons anciennes du centre, sans doute pour construire des cliches immondes et rentables. D’ailleurs, pour détruire, il paraît que la mairie touche des subventions. Le ministre de la culture s’arrange complaisamment pour que la ville ne soit pas classée avant fin 2019, c’est-à-dire avant le moment où il n’y aura plus rien à classer. Voici le post original :
"Dans les prochains jours, l'ancienne ville russe de Borovsk sera effacée de la surface de la terre. On a choisi de détruire les plus belles maisons, presque tout le centre historique, deux maisons ont déjà été détruites, les autres sont préparées pour la destruction. Hitler n'avait pas eu le temps de le faire, mais Medinski, Artamonov et Klimov vont y arriver. Les habitants montent la garde. Dans le même temps, le ministère de la culture déclare qu'il pourra donner le statut d'agglomération historique à Borotsk seulement à la fin de 2019, quand il ne restera plus rien de la ville.
https://tass.ru/obschestvo/5683582
Rien n'empêche le ministère de la culture de rendre ce statut à Borovsk et à des centaines d'autres vieilles villes dès demain, sans attendre la préparation d'aucun document, mais on attendra leur destruction complète, et pendant ce temps, on s'appropriera l'argent pour le développement d'objets classés déjà détruits." 
Je suis tombée ensuite sur ce post à propos de Pereslavl Zalesski :
Alexandra Andreïeva : Un peu d’automne d’or et quelques objets du XVI° siècle sur le territoire de Pereslavl Zalesski, lieu de peuplement qui attend qu’on lui fasse justice en le remettant sur la liste des lieux historiques d’importance fédérale. Un pareil complexe d’objets du XII° et XVI° siècle si bien conservés dans une agglomération, il n’y en a plus dans toute la région de Yaroslavl. J’ai eu personnellement l’occasion d’entendre l’opinion d’un expert agréé du ministère de la culture comme quoi « à Pereslavl, rien ne s’est conservé ». Cela m’intéresse de le savoir, chez ces experts, la raison et la conscience se sont conservées ? »
 Le tour de passe-passe, à Pereslavl, fut de déclasser la ville pour permettre de la saccager et de venir ensuite constater « qu’il ne restait plus rien », donc on peut continuer le massacre. C’est sans doute pour cela aussi que l’église du métropolite Pierre, objet « d’importance fédérale » qu’il est interdit de restaurer sans passer par une commission agréée et un entrepreneur de même, également ruineux, pourrit sur place depuis le martyr de son dernier prêtre.
Quel genre de gens sont les vautours qui organisent tout cela, quel mental est le leur ? Ont-ils une patrie, ont-ils des ancêtres, une foi, une culture, une âme, un cœur ou sont-ils simplement des mutants, des représentants de cette monstrueuse espèce post-moderne qui détruit absolument tout ce que ses prédécesseurs encore humains avaient construit de beau, avec la nature environnante, la faune, la flore, tout ce qui vit et vaut la peine d’être vécu, écouté, regardé et sauvegardé avec amour pour satisfaire leur cupidité et leurs appétits grossiers ?
Le ministre de la culture en question est aussi celui qui a fermé le centre de folklore.
Cela me fait penser à nos ministres français qui sont tous des démolisseurs au service des lobbys industriels.
C’est une lèpre. Une lèpre affreuse. Dostoïevski avait raison de le dire : « Sans Dieu, tout est permis ». Le monde issu des révolutions, du capitalisme et de l’industrialisation est un monstrueux golem démoniaque qui ne laissera rien de vivant ni de beau derrière lui.

Photos des auteurs des posts

BOROVSK





 PERESLAVL





mardi 16 octobre 2018

Bouquet d'asters




les asters que j'ai plantés...

Il faisait si bon que je suis restée dehors bras nus, avec un ciel d’azur er des feuillages d’or qui déjà se défont. Les fleurs s’obstinent. J’ai vu que près du conteneur des poubelles poussaient des asters comme je voulais, des bleus, de grande taille, peut-être quelqu’un qui les a jetés, et ils ont pris. J’en ai déplanté quelques uns et je les ai replantés chez moi. Le but est qu’ils se répandent et se mélangent aux « boules d’or », aux roses-trémières et à ces fleurs d’automne jaune orangé qu’on m’a offertes et dont je ne connais pas le nom.  Ce qui manque à mon fouillis, ce sont les topinambours, que me donnera Nadia la chevrière au printemps,  et des cosmos, j’ai acheté des graines, j’espère qu’ils pousseront, ici, ils poussent partout. L’avantage des topinambours, c’est qu’ils sont aussi comestibles.J’ai cueilli des fruits de sorbier à baies noires, en confiture, ce n’est pas génial, mais le vin qu’on en tire est très bon, je le fais façon locale, un tiers fruit, un tiers sucre, un tiers eau et un gant de chirurgien pour fermer le bocal.
Rita est de plus en plus euphorique. Elle est très câline et me suit comme mon ombre, mais elle a tendance à poursuivre les chats. Elle m’a fait la course folle du spitz ravi à travers le jardin, une petite boule poilue et véloce lancée à toute vitesse. Nous sommes allées nous promener toutes les trois hier au coucher du soleil, Rosie, Rita et moi. Rita aime bien le jardin quand je m’y trouve, mais c’est la vraie poule de luxe, trotter à travers la campagne n’est pas son truc. En revanche, Rosie était très contente.

La lumière était magnifique sur les feuillages dorés à perte de vue et le lac embrasé et si calme, mais les prés sont de plus en plus jonchés de saloperies, de bouteilles de plastique, je me demande pourquoi les cochons responsables veulent aller dans la nature, s’ils l’aimaient et la trouvaient belle, ils ne la traiteraient pas ainsi, ou bien ont-ils le réflexe, devant cette beauté sacrée de la création, des violeurs devant une belle jeune fille intacte : saccager et ne rien laisser derrière soi ?
Je suis restée un moment à contempler ces couleurs sur le grand lac, en pensant au moment proche où il serait gelé, où tout serait à nouveau blanc et gris...Le beau temps est un miracle, une grâce, un passage d'anges bienheureux. On entend même chanter les oiseaux. Mais à vrai dire, les mésanges viennent déjà voleter devant la fenêtre pour m'indiquer qu'il faudrait penser à ouvrir le restau du coeur.
Quand j’ai déjeuné avec mes amies de la paroisse, j’ai appris que contrairement à Pereslavl, la vieille ville de Kolomna, que je connais aussi, au sud de Moscou, était très bien mise en valeur, et respectée. Les vieilles maisons intactes, de jolies boutiques et cafés. Un monastère arrangé avec un goût exquis et effectivement, j’ai vu des photos, les moniales ont dû faire une école de déco, c’est remarquable…  Comme quoi, le mauvais goût n’est pas une fatalité en Russie. Et Kolomna attirera des touristes quand Pereslavl les aura découragés...
Nous n’avons de ce côté-là, ici, pas de chance.
Mon filleul me demandait au téléphone si je ne me sentais pas trop seule... Peut-être grâce à Internet, pas trop, non, ou peut-être que j'en ai l'habitude. Je vis avec tout ce que je vois et tout ce que j'ai à l'intérieur de moi. Et avec la ville invisible de Kitej. Et la France disparue.

le lac
Pereslavl sous le croissant

lundi 15 octobre 2018

Les yeux d'un croyant

J'ai trouvé sur le fil d'actualités d'un prêtre russe cette photo saisissante, avec sa légende, que j'ai traduite:
Sur la photo, le prêtre Vassili Nadejdine. Après la prise du pouvoir par les bolcheviques, il n'a pas cessé de prêcher. A partir de 1921, et jusqu'à son arrestation, il fut recteur de l'église saint Nicolas, près de Solomenaïa Storojka. Au camp, il contracta le typhus. Pressentant sa mort, il laissa à sa femme une lettre-testament. Elle se terminait ainsi:
«Si tu savais, si les gens savaient comme il me fut facile d'aimer et combien j'étais heureux de me sentir le centre de l'amour qui rayonnait de moi et me revenait. Combien il m'était doux d'être prêtre! Que Dieu me pardonne mes faiblesses et mes péchés, par la vertu de vos saintes prières! Je te remercie pour ta musique, pour la musique de ton âme que j'ai entendue. Pardonne-moi, chérie! Paix à toi. Je t'aime. Je t'aime pour toujours, éternellement..."
En 2000, le père Vassili Nadejdine fut mis au rang des saints sous le nom de Basile de Moscou.
Photo des années 20, colorisée par Olga Chirina
Le père Constantin pense que la Russie est morte en 1917, elle n'est peut être pas encore morte, mais elle a contracté une maladie mortelle, la révolution, ou plutôt la modernité. Il en fut de même pour la France, qui s'est débattue encore un siècle, jusqu'à la saignée de la guerre de 14, puis elle a jeté encore quelques derniers feux, puis ses propres gouvernements successifs ont organisé sa disparition. Je ne sais pas si la Russie survivra. On peut se poser la même question, du reste, pour l'ensemble de l'humanité. Personnellement, en tant que chrétienne qui sent venir les derniers temps, je souhaite qu'elle dure jusque là, bon an mal an, qu'elle joue le rôle d'arche que lui donne le père Basile Pasquiet. J'ai vu qu'un prêtre américain était venu avec sa femme et ses huit enfants s'installer à Rostov; il se sentait en porte à faux dans un occident qui vend ses propres populations et se met à persécuter les chrétiens. Il ne veut pas que ses enfants servent dans une armée qui combattra les chrétiens orthodoxes. https://russian-faith.com/family-values/us-orthodox-priest-wife-and-8-children-move-russia-rostov-great-interview-n1336. Une famille de catholiques s'est installée à Samara, où elle a fini par devenir orthodoxe. On peut penser qu'une partie des chrétiens occidentaux suivront petit à petit le même chemin que lui, que moi...

La ligne rouge

"le mal détruit en premier lieu ceux qui lui ont donné naissance"
Le schisme qui se précise est un événement grave. Le fait que Bartholomée, par exemple, ait congratulé le chef de l'église uniate, Sviatoslav Chevchouk, dont j'avais démonté, dans un article sur Novorossia today, les mensonges grossiers, éhontés, sur le Donbass et la Crimée, le fait que ses exarques, soigneusement choisis, aient serré la main de Porochenko, ce mafieux sanglant, me convainc de sa profonde compromission avec des forces tout ce qu'il y a de plus ténébreuses. Bartholomée, contrairement aux gogos français qui ne veulent pas savoir, qui s'en foutent, ou qui adhèrent à la propagande et au mensonge unanimes de leurs journaux, par conformisme foncier et programmation ineffaçable, ou par rancune irationnelle, sait très bien ce qui se passe là bas, et quelles conséquences auront ses actions, et s'il le sait, on ne peut s'attendre à aucun repentir, à aucune prise de conscience: il ira jusqu'au bout, et ce qui se passe au Donbass, se généralisera à toute l'Ukraine. Quand aux orthodoxes du reste du monde, ils se partageront selon les tendances idéologiques, entre les tenants de Bartholomée et d'une "orthodoxie intelligente, libérale et ouverte" et les orthodoxes classiques, qui rejetteront le patriarche du Phanar, sa poignée de fidèles sur place et sa clientèle "éclairée", ceux qui croient dur comme fer que la Russie est encore une dictature stalinienne, sans comprendre qu'eux-mêmes sont en plein dedans, hypnotisés jusqu'au trognon par la ploutocratie et ses médias serviles. Leur aveuglement n'a d'égal que leur béate autosatisfaction qui s'exprime par des déclarations péremptoires. Et ils tiennent autant à l'un qu'à l'autre, car ouvrir les yeux poserait trop de problèmes, et si on les envoyait sur place, sous les bombes ukrainiennes, ils ne verraient encore rien, car ils ne veulent pas voir. Couverts de sang de la tête aux pieds, ils ne verraient encore rien. Mais des massacres actuels, et de ceux qui se profilent, ils sont néanmoins complices.
https://russiepolitics.blogspot.com/2018/10/billet-dhumeur-combien-de-sang-le.html
Cette frange "éclairée" de l'orthodoxie, à voir l'attitude de son patriarche, se retrouvera vite dans l'union avec le pape François, qui ne bénit plus ses fidèles pour ne pas indisposer les autres religions, c'est-à-dire surtout l'islam. Et tous ces gens très ouverts,  en arriveront à la "religion du futur" prédite par le père Séraphim Rose, dans son livre prémonitoire "l'Orthodoxie et la religion du futur". C'est en train de se dessiner, là, sous nos yeux. Et cela sera peut-être accompagné d'un chassé-croisé: les vilains réacs en Russie et les libéraux fréquentables là où est leur place.
Dans un sens, la trahison est si évidente, les forces politiques à l'oeuvre et Bartholomée lui-même,  ne prennent même pas la peine de sauver les apparences. Claude Ginesty a raison de commenter ainsi les deux porte-paroles de service, Colosimo et l'archevêque Job: "Le patriarcat oecuménique vient de révéler la présence en son sein de deux humoristes de haut vol. Les amateurs de théologie punk et de science-fiction canonique peuvent se régaler en lisant les déclarations suivantes":   
 https://orthodoxologie.blogspot.com/2018/09/humour-stambouliote.html?spref=fb

Cet article de Claude m'a fait comprendre que démonter le pitoyable article de Colosimo ne servait pas à grand-chose: le méchant vieillard du Phanar a rendu sa copie, et ceux qui la prennent pour parole d'évangile sont de toute façon indécrottables. Le mépris et la dérision sont les seules réponses adéquates. J'ai eu dernièrement un échange avec un interlocuteur "objectif" qui voulait toutes sortes de liens "sérieux" à l'appui de mes dires, c'est-à-dire sans doute des liens homologués par la grande presse. Ce que peuvent traduire des bénévoles pour donner la parole à ceux qui ne l'ont jamais est tout à fait suspect à ses yeux. Le fait que j'ai pris parti était d'emblée suspect à cet individu. Non que de son côté on ne  prenne pas parti, on ne se gêne absolument pas pour le faire, disons qu'il y a des partis qu'il est suspect de prendre. Mais je suis tombée cinq minutes dans l'illusion de la bonne volonté. Jusqu'à ce que, pour finir, il me prévînt que si j’appartenais au clan de ceux qui considèrent  l'Ukraine actuelle comme une fiction américaine, et les Russes qui subsistent là-bas dans toute une partie du pays comme autre chose que des colons sournoisement installés par la Russie tsariste, toute discussion était impossible. Je venais de lui adresser la vidéo d'une députée ukrainienne qui insistait sur le fait qu'au départ, les Russes et ce qu'on appelle aujourd'hui les Ukrainiens, avaient exactement la même histoire et la même foi.

La version  bolchevique, trotskiste, post-bolchevique, néoconne, anglosioniste  de tout cela est devenue la doxa de l'intellectuel occidental, fût-il orthodoxe, et j'ai parfois l'impression de me trouver en face d'aliens qui n'ont pas le même pays que moi, ni la même histoire, ni la même planète et n'accordent pas aux mots la même signification. Il est vrai que l'histoire est de plus en plus falsifiée selon l'idéologie et les intérêts du moment, et il faudra désormais garder tous les livres, avant qu'on ne les ai trafiqués, je regrette d'avoir perdu les trois quarts des miens. Défendre le point de vue russe, et aussi Petit-Russien, dans la mesure où des gens, en Ukraine, sont violemment persécutés par un pouvoir dont les chefs ne sont génétiquement et culturellement pas plus ukrainiens que moi et servent des intérêts étrangers, est de parti-pris. Haïr d'emblée la Russie d'une manière complètement irrationnelle, lui attribuer de toute éternité un rôle épouvantable dans l'histoire européenne, des intentions conquérantes fantasmatiques, et mettre au crédit de sa nocivité foncière les crimes d'une idéologie étrangère inoculée que tout l'occident avait soutenue et approuvée, est en revanche parfaitement convenable; même chez des orthodoxes qui pourraient avoir plus de discernement et aussi de reconnaissance, pour ce qu'elle a fait au long de l'histoire, le sang qu'elle a versé, pas toujours dans son intérêt politique ou matériel, loin de là.

Quand je discute avec des Français, mon "parti-pris" les révulse, lorsque ce n'est pas le leur, évidemment. Et la violence médiévale de mes expressions: créatures du diable ou des ténèbres etc. Mais messeigneurs, c'est pourtant bien exprimé dans les Ecritures, que notre parole doit être oui ou non et que ceux qui sont tièdes, Dieu les vomira de sa bouche. Comment appeler autrement que créatures des ténèbres les gens qui ont martyrisé tant de croyants, mitraillé des processions, réduit à la misère et affamé les paysans? Dois-je entrer "objectivement" dans les considérations de leurs bourreaux? Comment entrer dans les considérations de Maliouta Skouratov quand il étouffa saint Philippe de Moscou? Et maintenant, de quel nom qualifierais-je le pseudo patriarche Philarète qui appela à "laver dans le sang du Donbass le péché de séparatisme" ou allait quémander des armes aux Américains? Comment entrer dans les considérations des snipers qui font des cartons sur les enfants des villages bombardés par l'armée ukrainienne, et invitent même de riches étrangers à la chasse aux séparatistes? Comment trouverais-je artificiellement des défauts au métropolite Onuphre, homme de Dieu plein d'amour qui aide toute personne dans le besoin, ami ou ennemi, et des qualités à l'imposteur délirant de haine qui se prétend patriarche? Pour moi, la différence est aussi évidente, même sur le plan de la simple physionomie, qu'entre le starets Thaddée de Serbie et Adolphe Hitler.

Ces absurdités et cette langue de bois, qui reprennent la propagande en usage dans la presse et déforment l'histoire, serviront de justifications à cette frange "éclairée et intelligente" déjà plus que prête à s'en aller en dansant vers les lendemains radieux du syncrétisme ouvert et moderne, et l'adoration de l'antéchrist. On voit où l'en est, quand on a des yeux pour voir. Et dans la "religion du futur", l'Orthodoxie n'a pas de place, la vraie, pas sa parodie uniate. On pourrait donc attendre paisiblement le jugement dernier, si tout cela ne promettait pas tant de martyrs, encore, sur la terre ukrainienne concernée. Et le sang de ces martyrs, associé à la dérive amorcée par Bartholomée, rendra probablement les choses irréversibles.
Aussi, je me félicite encore une fois, d'avoir obéi au père Placide: je me sentais déjà en porte-à-faux quand j'ai décidé de partir, la France me serait, à présent, irrespirable. Ici, sur la terre russe, et malgré ses cicatrices terribles, malgré les démons qui continuent à y grouiller, je me sens à ma place. Les martyrs sont partout, dans chaque église, ils nous accompagnent. L'interminable et ferme procession des croyants russes, et brusquement, tout cela n'a pas la même importance, ou plutôt une importance autre: tenir comme eux, et ne pas haïr, mais accomplir et sauver.
A présent que Bartholomée a franchi la ligne rouge, la levée de l'anathème sur Philarète, livrant le métropolite Onuphre et ses fidèles aux chacals du libéralisme transnational, je ne pourrais plus aller dans une paroisse de sa juridiction. Il s'est pour moi identifié au clown sanglant Philarète. Nous ne jouons pas dans la même cour. D'un côté la procession de ceux qui viennent défendre nos lieux saints par la prière:http://foma.in.ua/news/tysyachi-veruyushchikh-molilis-v-prazdnik-pokrova-v-kievo-pecherskoj-lavre

De l'autre le troupeau néonazi de l'Ukraine américano-synthétique: http://infopolk.ru/1/Y/exclusive/20181014/1021410093.html#6c945777-f0d6-4201-b042-84104abba344


D'un côté Philarète, moine défroqué père de trois enfants qui prêche la violence, ce "prédicateur de mort", comme dit le métropolite de Zaporojie, de l'autre le métropolite Onuphre, qui se tient au dessus de la mêlée, fidèle à sa foi, à l'amour du Christ, à sa fonction, à son histoire et au troupeau qui lui est confié. Bartholomée et ceux qui le justifient, souvent pour de minables querelles de clochers entre paroisses, ont fait leur choix. Je fais le mien: je sais que le Christ est avec les persécutés, avec la ferveur, l'amour et la fermeté, pas avec les calculs, la vengeance, la rancoeur, le cynisme, le mensonge des puissances supranationales déchaînées qui sont en train de tous nous détruire.