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dimanche 4 novembre 2018

Notre Dame de Kazan

C’est la fête de l’unité russe, c’est-à-dire celle de Notre Dame de Kazan, et du triomphe des Russes
Le premier et le dernier Romanov en un seul
monument
réunis dans un soulèvement général contre les Polonais qui occupaient Moscou et avaient emprisonné le patriarche Hermogène. A l'issue de tout cela, Michel Romanov, jeune homme de 16 ans que l'on était allé chercher en procession à Kostroma pour le faire tsar, monta sur le trône. Le prêtre a rappelé tout ça dans son sermon, et il y avait du monde, à l’office. Je sens que l’Eglise se mobilise. Le prêtre, le père Jean, je crois, a évoqué le fait que chacune de nos âmes est pareille à l’univers entier, ce qui permet à la plus humble prière d’arriver à destination.
J’avais eu du mal à venir, comme d’habitude, et j’ai du mal à prier, parce que sans doute je travaille trop. Je traîne trop sur internet également, mais cela rejoint mon travail. J’ai ouvert un groupe de soutien au métropolite Onuphre qui, dit-on, savait qu’il prenait le risque du martyr quand il a accepté la métropole de Kiev. Comme dit l’un de ses fidèles dans un post, je suis fière d’appartenir à la même Eglise que lui. Un tel métropolite, à Kiev, en un tel moment, est pour moi un signe, comme une bannière plantée dans la confusion et les ténèbres : être de son côté, c’est être du bon côté, celui des persécutés, et non des persécuteurs. Cela m’apporte une certaine sérénité, dans cette affaire. Oui, tout est infâme et terrible, oui, le diable se déchaîne contre la Russie en particulier et la chrétienté en général, mais il y a le métropolite Onuphre, que rien n’ébranle dans la tempête.
Le métropolite Onuphre: "Mieux vaut être serviteur chez le Christ
que tsar chez le diable.
Comme pour la grande procession panukrainienne, je suis amenée à collecter des témoignages sur lui à travers les divers posts sur les pages et les groupes des réseaux sociaux.
Parallèlement, je termine une traduction ingrate et ennuyeuse.
Donc après l’office, j’ai vu que le vent emportait de formidables nuages russes et qu’à travers leurs énormes ténèbres, apparaissait le soleil qui frappait de ses flèches, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, et j’ai décidé d’aller à pied jusqu’au lac, le beau temps, au mois de novembre, il ne faut pas le laisser filer, ici. Ce fut difficile, marcher me fait mal, décidément, la petite sirène d’Andersen m’aura poursuivie toute ma vie. Rita m’a suivie volontiers, allègrement. Rosie était avec des copains en ville, je l’ai vue de loin, mais me suis bien gardée de me manifester, parce qu’elle m’aurait suivie dans le magasin où j’allais entrer, et après j’ai perdu sa trace.
Le lac était agité par un vent violent mais pas très froid, presque un vent de printemps, enfin de printemps russe, naturellement. Il était d’un vert sourd, un vert de reptile ou de poisson, et traversé de frissons blancs et de reflets bleus, ses berges violacées s’illuminaient et s’assombrissaient tour à tour, étendant, parmi ces sombres couleurs, de soudaines et éphémères bannières de brocart, dorées et brillantes : la berge du côté du monastère saint Nicétas, ou bien un banc de roseaux, tout à coup illuminé, un bouquet d’arbres. Cela valait le coup de souffrir, et de supporter le spectacle des maisons moches, pour voir toute cette beauté. Et comme bien souvent, j’aurais éperdument souhaité revenir mille ans en arrière, quand cette beauté était si intacte et si puissante que toute l’existence des gens en était imprégnée et transfigurée, leurs vêtements, leurs maisons, leurs chants, leurs danses, la beauté les habitait et rayonnait d’eux, alors que de nous n’émane plus que la laideur et la banalité, en un mot, la mort. D'ailleurs, cela sentait l’égout, près du lac, et j'ai vu sur la berge des ordures échouées, du plastique, comme d'habitude, ce poison secrété par une humanité complètement déchue.
Au retour, une vieille s’est extasiée sur Rita et nous avons un peu discuté. J’étais près de cet hôtel qu’avait construit à prix d’or la femme de Loujkov, dans ce style caractéristique, résultat des amours incongrues de Staline avec Walt Disney. Le machin n’a jamais été exploité, il a été pillé, et maintenant tombe en ruines.
Rita me vaut de grands sourires, alors que Rosie m’attire des cris et des reproches la plupart du temps.
La vieille habitait à côté, mais elle a absolument tenu à m’accompagner un bout de chemin, car elle ne comprenait pas comment je pouvais me promener seule avec un chien : il me fallait de la compagnie.  Sur le trajet, nous avons longé de grosses maisons particulièrement épouvantables, elle les trouvait très belles. « Ah bon ? me suis-je insurgée. Moi je les trouve affreuses. Elles sont riches, oui, elles ont dû coûter cher, mais elles sont affreuses. » Le problème, c’est que riche égale beau. Après 70 ans de communisme, quelle ironie, mais le style communiste ne se caractérisait ni par son harmonie, ni par sa fantaisie, c’est le moins qu’on puisse dire. Passer du moche pauvre au moche riche n’est pas un grand pas à faire.
Après la vieille, j'ai rencontré deux ivrognes, assis sur un tronc d'arbre, avec un pique-nique et une bouteille, et une chanson de Vissotski en fond sonore, bien éraillée. "Bonne fête! m'ont-ils lancé.
- Bonne fête!
- Portez-vous bien!
- Et vous aussi!"
Ils semblaient un peu surpris, je me demande pourquoi.



 
le kiosque bleu

Presque comme si j'étais retournée aux Solovki, sur la mer Blanche...

L'église des 40 martyrs de Sébaste


Le côté de saint Nicétas

Tiens?

Que me veut cette grosse chose?

Le mieux est de l'ignorer...


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