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lundi 26 novembre 2018

Equipée tadjike

Ilya n'ayant pas répondu avec enthousiasme à mon appel du pied récent, j'ai écouté les conseils de Bekhrouz, le Tadjik qui cuisine (très bien) japonais, et me suis adressée à Saïd (autre Tadjik) qui emmenait Alek (autre Tadjik) à Yaroslavl faire la tournée des certificats médicaux pour transformer le permis de résidence temporaire en permis de résidence permanente. J'avais rendez-vous à cinq heures du matin, près du magasin "Votre maison", peint en jaune et bleu façon Ukraine, je ne sais pas si c'est un hasard. Les Tadjiks sont arrivés une demie heure en retard, parce qu'ils avaient pété une roue sur la route. L'idée m'a effleurée de leur proposer de partir avec ma voiture, mais j'ai pensé que le prix de l'expédition comprenait le trajet et que cela risquait de tout compliquer.
Je ne m'étais pas habillée trop chaudement, car en général, dans les voitures, le chauffage est poussé à fond. Eh bien pas de chance, dans celle-ci, il ne marchait pas des masses. De plus, Saïd fume, et se croit obligé d'ouvrir la fenêtre en permanence; par ailleurs, qu'elle soit ouverte ou fermée n'empêchait  pas les vapeurs d'essence de stagner dans le salon. De plus, le moteur semblait à l'agonie.
Dans chacun des dispensaires visités (narcologie, radio des poumons, prise de sang Sida, maladies vénériennes), le personnel présent m'a gracieusement accueillie de: "Mon Dieu, mais quel vent vous amène de France jusqu'ici?" Ce fut très long, très fastidieux, et à l'issue de tout cela, vers une heure de l'après-midi alors que je crevais la dalle, les Tadjiks ont passé trois quarts d'heure chez une juriste en me laissant geler dans la voiture.
Après quoi, ils ont insisté pour me faire rencontrer la juriste. On m'avait dit que je n'aurais plus besoin que de produire, à Pereslavl même, les certificats médicaux que je venais de récolter, d'après elle, ce n'est pas aussi simple, sans être insurmontable, mais bon... ras le bol.
Sentant qu'il fallait faire quelque chose et eux-même affamés, les Tadjiks m'ont emmenée dans un restaurant tadjik, d'ailleurs très bon, et très bon marché. Alek m'a expliqué qu'il était très content de sa femme, qu'elle était un peu masculine et jurait comme un charretier, mais tenait bien la maison, et qu'il n'en trouverait pas de meilleure. Il m'a dit qu'il n'avait pas fait d'étude, mais payé celles de tous ses frères et soeurs, parmi lesquels il y avait à présent plusieurs médecins, et qu'il ferait la même chose pour ses enfants. Il m'a vivement engagée à faire une cure en Ouzbekistan pour mes rhumatismes...
La fichue voiture a fini par caler sur l'autoroute, dans une zone de travaux. Un bonhomme en camionnette nous a remorqués un certain temps avec une corde et je n'en menais pas large. Je ne suis pas pressée de mourir et  je souhaiterais avoir le temps auparavant d'enterrer mes divers chiens et chats. Enfin, le moteur est reparti façon tacot de Gaston Lagaffe. Du coup, même pour prendre de l'essence, on le laissait tourner!
J'ai retrouvé Pereslavl avec une joie immense. Et Rita, que j'avais laissée seule toute la journée pour la première fois, m'a témoigné l'équivalent, avec un enthousiasme débordant.
Dans les moments où je ne me faisais pas de souci pour la voiture, je songeais à la dernière provocation de Porochenko contre les Russes, à cet abominable chaudron de sorcière où restent coincés le métropolite Onuphre et ses fidèles, face à des gnomes qui m'évoquent encore beaucoup plus, malgré leur folklore banderiste conservé dans les diasporas des USA et du Canada, les bolcheviques des premières décennies que le nazisme proprement dit. Je pensais aussi à nos gilets jaunes, dont la révolte, contrairement au Maïdan des gnomes précédemment cités, n'a pas été bricolée par les USA et les mafias transnationales, mais s'est déclenchée contre eux, et contre les satrapes de l'Europe à leur service. C'est pourquoi ils deviennent, exactement comme le Donbass, victimes d'une désinformation active, ignoble, de calomnies éhontées, et découvrent toute l'étendue des compromissions de la presse avec le pouvoir. Ces gilets jaunes sont tout ce que j'aime bien en France, des gens simples, honnêtes, qui manifestent du courage, de la mesure, de la gouaille, et sentiment bien français, de la pudeur. 

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