Je publie ici un ouvrage, lui-même traduit du grec, que j'ai traduit sur commande. Bien sûr, il aurait mieux valu une traduction directe depuis sa langue d'origine, mais il est quand même très instructif, et, sur le plan historique, correspond à ce que j'avais toujours vu et appris, avant réécriture politique du passé, comme cela se fait couramment aujourd'hui.
L’AUTOCEPHALIE UKRAINIENNE
dissimulation et fausse
interprétation des documents
Protopresbytère Théodoros Zissis,
Professeur honoraire de la faculté de
théologie de
l’université Aristote à Salonique
Préface
Dans toute l’Orthodoxie, et le reste du monde chrétien, on observe,
certains avec inquiétude et angoisse, d'autres avec une joie secrète, le
conflit entre deux églises, celle de Constantinople et celle de Moscou, qui a
surgi à cause de la juridiction contestée sur l’Ukraine, ou plus exactement, à
cause de l’ingérence arbitraire du Patriarcat Œcuménique dans les limites
canoniques de l’Eglise Russe, à laquelle a toujours appartenu Kiev de façon
stable, à l’exception de quelques brèves périodes de conquêtes étrangères, qui
avaient provoqué sa séparation. Notre article « l’Ukraine est le
territoire canonique de la Russie. Il n’y a pas de documents qui témoignent en
faveur de Constantinople » a reçu le large soutien de centaines de
milliers d’utilisateurs d’Internet. En une semaine, le nombre des lecteurs a
dépassé trois cent milles (300 000) et continue à grandir. Dans l’article,
nous avions promis de préparer un article plus approfondi, où nous
présenterions de façon plus exhaustive la « vérité historique » qui
est cachée et déformée par le Patriarcat Œcuménique, dans le but du maintien du
schisme et d’une possible guerre civile en Ukraine.
Le Patriarcat Œcuménique, pour asseoir son ingérence anticanonique dans une
autre juridiction, a publié, en particulier, une enquête juridique sous le
titre « le trône Œcuménique et l’Eglise Ukrainienne – que disent
les textes », dans laquelle sont présentés et commentés les documents
patriarcaux d’après lesquels, soi-disant, il apparaît qu’en 1686, le Patriarcat
Œcuménique aurait provisoirement transmis Kiev à l’Eglise Russe et aurait
maintenant le droit de supprimer ce transfert et de restaurer sa juridiction
précédente, il aurait également celui de délivrer unilatéralement l’autocéphalie
à l’Ukraine, sans l’autorisation de l’Eglise Russe, à laquelle appartenait
l’Ukraine depuis des siècles. Constantinople s’est déjà élancée dans cette
direction à marche redoublée, en conséquence de quoi Moscou a déjà rompu la
communion eucharistique avec Constantinople et accuse le patriarche Bartholomée
de schisme, parce qu’il a restauré la communion avec deux groupes schismatiques
en Ukraine, que l’Eglise orthodoxe russe considère à juste titre comme se
trouvant toujours en situation de schisme.
Ainsi, dans l'article promis plus exhaustif, nous présentons nombre de
documents du Patriarcat Œcuménique dont il découle que Kiev appartient
historiquement, nationalement et religieusement à la Russie, et après en avoir
été séparée par quelques périodes historiques difficiles, elle fut réunie à
nouveau à l’église orthodoxe Russe en 1686, par une décision patriarcale et
synodale de Constantinople. Les deux documents auxquels se réfère le patriarcat
Œcuménique, témoignent en faveur de cette position, mais sont faussement
interprétés par ceux qui se sont mis à soutenir les prétentions anticanoniques
de Constantinople. Notre article se divise selon les points suivants :
1. Dans la question ukrainienne, c’est l’Eglise Russe qui a raison. Le
danger de l’ethnoracisme pour les églises hellénophones.
2. L’histoire de l’Eglise Russe est unique et indivisible. Kiev en fait
partie de la même manière.
3. Les tentatives infructueuses pour briser l’unité de la métropole de Kiev
et de la Russie :
a) La complaisance du patriarche barlaamite Jean Kalekas divise l’Eglise
Russe ;
b) L’unité est restaurée par le patriarche hésychaste Isidore I ;
c) L’empereur Jean IV Cantacuzène défend l’unité de l’Eglise Russe ;
e) Le patriarche Calliste I et Philothée Kokkinos défendent l’unité de
l’Eglise russe ;
4. la division de l’unique métropole de Kiev et de toutes les Russie est
l’œuvre des uniates et des catholiques.
5. la réunion de Kiev et Moscou en 1686 et l'interprétation tendancieuse
des documents correspondants :
a) les deux documents auxquels Constantinople fait référence sont
faussement interprété par ceux qui les ont étudiés ;
b) le deuxième document éclaire mieux la situation des choses.
Conclusions.
1. Dans la question ukrainienne, c’est l’Eglise Russe qui a
raison. Le danger du pouvoir des Eglises hellénophones est dans
l’ethnoracisme.
Partisan et soutien du Patriarcat Œcuménique en ce qui concerne les
tendances à l’hégémonisme de Moscou au sein de l’Eglise Orthodoxe, et en
particulier la théorie de la « Troisième Rome », qui, bien sûr, ne
fut pas publiquement présentée ou démontrée, et en raison de mes intérêts
scientifiques dans le domaine des relations inter orthodoxes et de leur
développement, je me suis occupé des relations diachroniques des deux églises
et j’ai participé à deux conférences internationales. Le thème de ces relations
a pris son actualité en 1988, à l’occasion du grandiose millénaire du baptême
de saint Vladimir et du peuple russe à Kiev (988-1988). Ma première enquête, «le
Patriarcat Œcuménique et l’Eglise Russe », fut présentée en qualité de conférence au
séminaire international qui eut lieu au Centre Orthodoxe de Genève du
Patriarcat Œcuménique (mai 1988) sur le thème : « La Russie. Mille ans de vie
chrétienne ». Ma deuxième enquête sur le thème : « l’Eglise
de Constantinople comme facteur de l’unité des Russes convertis par elle au
christianisme » fut prononcée au symposium historique international
organisé par l’Eglise Russe à Kiev (juillet 1988), également dans le cadre des
festivités du millénaire. Ces deux travaux ont été publiés dans mon livre
« Constantinople et Moscou»[1], où sont également publiés
en annexe des dizaines de documents concernant les relations des deux églises
au cours de ces mille ans, sur la base desquels on peut tirer des conclusions
certaines sur le problème débattu aujourd’hui de l’autocéphalie des orthodoxes
d’Ukraine. C’est pourquoi on peut s’étonner que Constantinople, en guise de
confirmation, se réfère seulement à deux documents, qui de plus, ne sont pas
correctement interprétés, pour établir que l’Ukraine est le territoire
canonique de l’Eglise de Constantinople, et, par conséquent, justifier son initiative et son action d’accorder
l’autocéphalie aux orthodoxes d’Ukraine, ignorant l’Eglise Russe et le
métropolite canonique de Kiev qui sont en justement indignés.
Il est utile de remarquer également que mon épouse Christina Boulaki-Zisi
(maintenant la moniale Nectaria), docteur de la chaire d’histoire des églises
slaves de la faculté de théologie de l’université Aristote de Salonique, a
écrit une monographie, à nouveau dans le cadre des festivités du millénaire,
sous le titre « la conversion des Russes au christianisme »[2] qui réfute les vues
scientifiques de ceux qui s’efforcèrent et s’efforcent de rejeter le fait bien
établi que Constantinople a converti les Russes au christianisme, et
d’attribuer la conversion de la Russie à d’autres centres religieux, en
particulier Rome. Ce livre fut utilisé de nombreuses années en qualité de
ressource d’étude pour les étudiants de la faculté de théologie, même après que
l’auteur en fut parti à la retraite.
En tant que prêtre et savant grec je serais infiniment heureux si dans la
question ukrainienne, l’histoire et les saintes règles étaient du côté du
patriarcat grec de Constantinople, et j’aurais le stimulus pour soutenir
historiquement et théologiquement ses exigences. Malheureusement, le droit est
du côté de Moscou, et pour cette raison, doit être soutenu le côté injustement
offensé et ouvertement proclamée la vérité historique, bien que,
incontestablement, beaucoup de ceux qui jugent depuis le point de vue
nationaliste, nous accuseront de positions antipatriotiques et anti hellènes.
Je ne pécherai ni contre l’antique expression grecque « Platon est mon
ami, mais la vérité m’est plus chère », ni contre les paroles de notre
poète national Dionysos Solomos « Nous devons considérer comme national
ce qui est vrai »[3] .
La position qui m’est la plus proche est celle selon laquelle les chrétiens
doivent placer, plus haut que les patries terrestres, notre patrie céleste et
sa présence sur terre, l’Eglise, dont nous sommes les membres et les citoyens,
indépendamment de notre origine raciale ou nationale : les Grecs comme les
Russes, les Serbes comme les Bulgares, les Géorgiens comme les Roumains et les
Arabes. Nous sommes tous les membres du seul corps du Christ, qui est l’Eglise;
en Christ, « il n’y a plus ni Juif ni païen, ni esclave ni homme
libre ; ni femme ni homme : car vous êtes tous unis en le Christ
Jésus »[4].
Celui qui met le patriotisme en premier, et l’estime plus que son identité
ecclésiale, introduit dans l’Eglise l’ethnoracisme qui, comme cela est indiqué
dans les décisions du concile local de Constantinople de 1872, viole la
communion de l’Eglise, sa dimension supra-raciale et supranationale.
Malheureusement, tombent dans l’erreur de l’ethnoracisme ceux qui critiquent ou
condamnent les décisions et les actes des leaders de l’Eglise selon leur
identité nationale, et non selon le point de vue de la vérité. Maintenant nous,
Grecs, églises locales hellénophones, en soutenant les actions erronées du
patriarcat Œcuménique, nous nous exposons au risque de tomber dans l’erreur de
l’ethnoracisme, défiant la communion et l’universalité de l’Eglise.
Nous allons présenter les relations entre Constantinople et Moscou en
accord avec les données historiques et les documents des conciles ecclésiaux.
2. L’histoire de
l’Eglise Russe est une et indivisible. Kiev (Ukraine) en fait partie de
la même manière.
Il ne faut pas avoir de connaissances historiques très profondes pour
savoir que Kiev fut la mère, le berceau d’où naquit l’Eglise Russe, après le
baptême du prince de Kiev Vladimir, et du peuple russe en 988. Les festivités
internationales du millénaire de ce baptême, qui eurent lieu en 1988,
témoignèrent de la reconnaissance générale et commune de l’origine kiévienne de
l’Eglise Russe. Et cela n’était pas une origine fortuite et éphémère, cela dura
près de trois siècles : jusqu’à l’invasion tataro-mongole de 1240, Kiev
était la capitale de la Russie, le centre politique, ecclésial et culturel des
Russes, la base de leur état. La division constante de l’histoire ecclésiale de
la Russie commence avec la période kiévienne, ce qui ne veut pas dire qu’à des
périodes plus tardives, Kiev se trouvait en dehors de la juridiction de
l’Eglise Russe, ni que l’Eglise Russe avait donné Kiev à une autre juridiction,
non russe. Les conquêtes étrangères des territoires kiéviens ont obligé les
dirigeants à transférer leur centre politique et ecclésial plus au nord,
d’abord à Vladimir, et plus tard à Moscou, sans renoncer à la juridiction de
l’Eglise sur Kiev et les territoires de l’Ukraine. Même quand les capitales
devinrent Vladimir et Moscou, il existait une seule et unique métropole de
l’Eglise Russe, qui alors, était soumise à Constantinople, comme l’une de ses
métropoles, et s’appelait « Métropole de Kiev et de toute la Russie ».
L’intérêt particulier de cette affaire réside en ceci que malgré les
efforts des états occidentaux et catholiques, qui s’efforçaient de détruire et
de diviser l’unique métropole « de Kiev et de toute la Russie » et de
créer une seconde métropole, comme ils le font aujourd’hui, par le moyen de la
création d’une église autocéphale ukrainienne, Constantinople, comprenant que
cela ferait tort à l’unité de l’Eglise Russe et du peuple russe, n’avait pas
permis de créer encore une métropole. Quand, sous une oppression étouffante qui
portait tort à Constantinople elle-même, certains patriarches permirent la
création d’une nouvelle métropole, leurs successeurs la supprimèrent très vite
et restaurèrent l’unité de l’Eglise Russe, condamnant sévèrement les actions
destructrices et, comme nous le verrons, schismatiques, de leurs prédécesseurs.
Ces tentatives de Constantinople pour garder les Russes en communion sous un
seul principe ecclésial, nous les avons décrites dans notre enquête évoquée
plus haut, « L’Eglise de Constantinople comme facteur de l’unité des
Russes ». Y a-t-il maintenant une raison pour laquelle le Patriarcat
de Constantinople s’est transformé en facteur de division et de schisme, s’attirant
des qualificatifs humiliants de la part de ses héritiers même ? Est-elle
dure et insurmontable à ce point, la pression de l’Occident, qui a cultivé la
russophobie au cours des siècles ?
Nous introduirons la périodisation historique de l’Eglise Russe, écrite par
les historiens de l’Eglise : a) depuis le baptême de la Russie jusqu’à
l’invasion tataro-mongole (988-1240), qui se classifie comme la « période
kiévienne » ; b) depuis l’invasion tataro-mongole de la Russie
jusqu’à la division de la métropole Russe (1240-1462) ; c) depuis la
division de la Métropole Russe jusqu’à la fondation du patriarcat
(1589-1700) ; d) l’organisation synodale de l’Eglise Russe
(1700-1917) ; la restauration du patriarcat et le régime soviétique
(1971-1990)[5][6]; e) on peut encore ajouter
une période : après la chute du régime soviétique jusqu’à la période
actuelle (1990-2018), période de l’arrêt des persécutions, de la renaissance et
de la prospérité.
3. Les tentatives infructueuses de division de la Métropole de Kiev et de
toutes les Russie
La conquête de la Russie par les tataro-mongols (1240) eut des conséquences
regrettables et destructrices pour presque tous les dirigeants russes, et en
particulier pour le sud de la Russie, où la ville principale et la capitale des
Russes, Kiev, fut presque complètement détruite. La majeure partie de la
population émigra vers les régions du nord-est, c’est pourquoi le siège du
trône métropolitain fut d’abord transféré à Vladimir (1299), et plus tard à
Moscou (1328). Bien qu’après les conquêtes tataro-mongoles le métropolite ne
vécût plus à Kiev, il conserva son titre traditionnel de « Métropolite
de Kiev et de toute la Russie » et continua d’être évêque de Kiev.
Sous la domination mongole, Rome essaya d’utiliser une situation historique
difficile pour catholiciser les Russes et les soumettre au papisme par
l’intermédiaire de la Pologne et de la Lituanie, organisant contre eux des
croisades. On connaît les batailles du saint prince Alexandre Nevski contre les
chevaliers suédois et l’Ordre des chevaliers-porte-glaive, dont il triompha et
qu’il chassa (1240-1242) ; ayant fait, de la sorte, obstacle à
la pénétration et à la diffusion du papisme dans les régions nord-ouest.
Cependant, il n’en fut pas de même dans les régions sud-est qui appartiennent
maintenant à l’Ukraine. Là, la Pologne et la Lituanie, au moyen de la conquête
de quelques territoires, et aussi de leur influence sur des dirigeants russes
locaux qui avaient souffert du joug mongol, réussirent à pénétrer dans les
affaires de l’Eglise, en vue naturellement d’une catholicisation. Pour
atteindre ce but, ils devaient obtenir l’indépendance des régions sud-est de la
Russie par rapport au gouvernement ecclésial centralisé de l’unique «Métropole
de Kiev et de toute la Russie » par le biais de la création d’une
deuxième et d’une troisième métropoles.
C’est ce même but que l’on poursuit aujourd’hui, l’occidentalisation de
l’Ukraine avec la collaboration des citoyens du pays qui confessent le
catholicisme et l’uniatisme, et de deux groupuscules schismatiques
pro-occidentaux et enclins au catholicisme, agissant contre la métropole
canonique de Kiev, dirigée par le métropolite Onuphre, laquelle est soumise
sans conteste à l’unique Eglise Russe. Tout le monde sait que le président de
l’Ukraine, Porochenko, qui pousse à l’autocéphalie, est un uniate, et à travers
lui, tout l’occident, l’Europe et l’Amérique, visent l’indépendance ecclésiale
de l’Ukraine par rapport à Moscou.
Le Patriarcat Œcuménique, même affaibli après la conquête latine de
Constantinople en 1204 et le long exil des dirigeants politiques et ecclésiaux
à Nicée jusqu’en 1261, ne se prêta pas aux tentatives de division de l’unité de
la direction ecclésiale des Russes, et lorsque par manque de conscience et de
hauteur de vues, tel ou tel patriarche permit de créer une autre métropole
selon les standards des sujets du pape, le patriarcat restaura aussitôt l’unité
ecclésiale des Russes. En qualité d’exemple, nous rappellerons quelques cas et
les textes qui leur sont associés.
a) La complaisance du patriarche barlaamite Jean Kalekas divise l’Eglise
Russe.
Au milieu du XIV° siècle, l’Eglise fut secouée par des conflits hésychastes
provoqués par Barlaam de Calabre, venu d’occident, suspect de plans destinés à
diviser l’unité des orthodoxes, contre lequel saint Grégoire Palamas mena avec
succès une contre-attaque théologique. Malheureusement, le Patriarche de
Constantinople était alors Jean Kalekas (1334-1347) qui soutenait Barlaam de
Calabre, après avoir envoyé saint Grégoire Palamas en prison. Ces menées de
division dans le domaine des dogmes de la foi ne lui suffisant pas, il alla
encore provoquer une division dans l’Eglise Russe par le biais de la création
d’une deuxième métropole, indépendante de l’unique Métropole de Kiev et de
toutes les Russie, de la même manière que le fait aujourd’hui le patriarche
Bartholomée ; il ne lui suffisait pas d’être enclin au papisme et
d’amnistier les hérésies au pseudo-concile de Crète, il lui fallait aussi,
comme un « pape oriental », diviser et briser l’unité de l’Eglise
Russe par le moyen de l’attribution de l’autocéphalie indépendante à l’Ukraine,
et de plus, pas à l’Eglise canonique, sous la direction du métropolite Onuphre,
qui n’avait pas demandé d’autocéphalie, mais à deux groupes schismatiques sous
la direction des hiérarques déchus Philarète et Macaire, ignorant le châtiment
que leur avait infligé l’Eglise Russe, et méprisant les décisions des tribunaux
ecclésiaux canoniques de l’Eglise Russe. Pour cette raison, l’arbitraire du
patriarche Bartholomée est même pire que celui de Jean Kalekas, dans la mesure
où, par ses actions pour diviser l’Eglise, il se met en relations avec des
schismatiques, et en cela se prive de relations avec les autres, selon le
principe « celui qui entre en relations avec des excommuniés se prive
lui-même de relations avec les chrétiens », car l’Eglise Russe, qui a
anathématisé les schismatiques ukrainiens, continue à les considérer comme des
schismatiques, déchus et excommuniés.[7]
Quand en 1347, à Constantinople, se produisirent des changements politiques
et ecclésiaux, après la proclamation de l’empereur Jean IV Cantacuzène
(1347-1354), partisan des hésychastes, Jean Kalekas fut destitué et le trône
patriarcal passa à Isidore (1347-1349). En même temps que la paix de l’Eglise,
après la condamnation de Barlaam et de ses partisans, fut restaurée l’unité de
l’Eglise Russe et liquidée la métropole de Galicie, qu’avait fondée Jean
Kalekas, et tous les orthodoxes russes s’unirent sous le principe d’une seule
métropole de Kiev et de toutes les Russie. On a conservé un grand nombre de
documents, dont l'intérêt exclusif est la confirmation que le territoire de
l’actuelle Ukraine avait toujours été soumis à l’unique Eglise Russe, et n’en
fut séparée provisoirement que dans des périodes de troubles, ce qui fut
favorisé aussi par «la complaisance du patriarche cupide de Constantinople
qui n’a pensé à rien d’autre qu’à la satisfaction de ses appétits »,
comme l’écrit l’empereur Jean Cantacuzène, ayant en vue Jean
Kalekas, au grand-prince russe Syméon. Nous allons présenter quelques
documents sous forme d’extraits particulièrement importants, certains documents
seront, pour avoir un tableau complet, présentés en entier.
b) L’unité est restaurée par le Patriarche hésychaste Isidore I
Dans la décision synodale qui, sous le patriarche Isidore, restaura l’unité
de la Métropole de Kiev et de toutes les Russie (1347), sont évoqués les
troubles et le désordre provoqués par les persécutions et les conflits entre
princes russes, et aussi les quatre cents ans d’unité sans partage de la
Métropole de Kiev. Les petits désaccords sont vite dissipés par le métropolite.
« Le peuple russe pendant longtemps déjà, pendant presque quatre cents
ans, en reconnaissant un seul métropolite, le métropolite de Kiev toujours à
leur tête, a joui d’une paix profonde, et si par nécessité il l’a quelquefois
renié ou trahi, il l’a lui-même recréé et facilement corrigé ». Plus
loin, on produit un extrait du document associé à une bulle d’or (chrysobulle)
de l’empereur Jean Cantacuzène au grand-prince Syméon et autres princes, dans
lequel il est dit que tous les évêques de Petite-Russie, l’actuelle Ukraine,
qu’il appelle « sujets, parce que le peuple russe, par la grâce du
Christ, a reçu la grâce de Dieu dans la sainte Métropole de Kiev »
sont soumis aux évêchés de la grande Russie. Cependant, les troubles et les
émotions consécutifs aux conquêtes tataro-mongoles avaient ouvert une
possibilité qu’avaient utilisée des fonctionnaires politiques et ecclésiastiques
à Constantinople, parmi lesquels, malheureusement, « le chef apparent de l’église », c’est-à-dire le patriarche
Kalekas, qui ne se souciaient de rien d’autre que de la satisfaction de leurs
appétits, et provoquèrent un grand désordre dans les affaires politiques et
religieuses, imaginant de séparer de la métropole de Kiev, dont le centre est
maintenant Moscou, les évêchés de Petite-Russie et de les soumettre à
l’archevêque de Galicie, qu’on avait pris parmi les évêques pour en faire un
métropolite, ce que maintenant essaie de renouveler Bartholomée, faire du
schismatique Philarète le patriarche de Kiev. Cela viole pourtant les usages
légitimes dans toute la Russie, c’est pénible et désagréable pour tous
les chrétiens qui ne veulent pas se trouver sous la direction pastorale de deux
métropolites, mais désirent que reste ininterrompu et inchangé le vieil usage
d’un seul pouvoir ecclésial sans partage, et pour cette raison, ils font tout
ce qu’ils peuvent pour contrarier cette innovation, comme cela s’est produit à
chaque fois par le passé. Ce document semble une photographie de la situation
actuelle ; du côté de Constantinople ne manque que le catalyseur de
l’innovation. Le document impérial proclame ceci :
« Pendant ce temps, un peu avant
cette période de désordre, non seulement ceux qui dirigeaient les affaires de
l’état mais aussi le primat de l’Eglise, au mépris de son devoir, profitèrent
de cette époque, ne se soucièrent de rien d’autre que de l’accomplissement de
leurs propres désirs et, ayant plongé les affaires de la société et de l’Eglise
dans le désordre, mirent presque tout sens dessus dessous, et préparèrent aux
âmes chrétiennes toute sorte de maux et de fléaux, et aussi introduirent cette
innovation, dont nous avons parlé, de séparer de la sainte métropole de Kiev
les évêchés de Petite-Russie et les soumirent au pouvoir de l’archevêque de
Galicie, l’ordonnant métropolite d’évêque qu’il était. Cela favorisa la
violation des usages devenu loi pour toute la Russie depuis la nuit des temps
et eut une action pénible et triste pour tous les chrétiens qui s’y trouvaient
et n’avaient pas envie d’avoir deux métropolites, mais désiraient que fut
conservé, sans être enfreint, l’usage qui existe chez eux depuis très
longtemps, comme on l’a dit, et cherchaient toutes les mesures pour supprimer
une telle innovation, comme pour les tentatives analogues précédentes des temps
anciens, qui furent détruites et rejetées aussitôt qu’elles surgirent ».
Sur la base, entre autres, du document impérial, le synode patriarcal
liquida la métropole galicienne et rendit tous les évêques à la direction de la
métropole de Kiev et de toutes les Russie. Ce format, selon l’avis du synode de
Constantinople, devait rester inchangé dans l’avenir, ayant été confirmé depuis
des temps immémoriaux et étant juste du point de vue des intérêts d’un aussi
grand peuple et de la paix entre ses membres : « C’est pourquoi
ils doivent se soumettre à elle pour l’éternité… et cette décision, antique, juste et
tout à fait fondée, et conçue dans l’intérêt de ce peuple nombreux, véritablement indispensable
pour sa paix et son unité, sera prise sans changements par les saints patriarches qui nous
succéderont ». Nous produisons le texte entier de la décision synodale :
Décision synodale prise sous le patriarche Isidore (1347-1350) sur l’unité
de la Métropole de Kiev et de toutes les Russie de 1347.
« Comme pour les marins une mer calme et des vents favorables,
ainsi, pour les affaires politiques, sont les bonnes lois, la paix, et
l’unité. Сomme pour les marins les
endroits salutaires, sûrs, à l’abri des tempêtes et des remous, où le
vaisseau s’ancre facilement à la berge, ainsi, pour ceux qui vivent en société, apparaît l’existence
salutaire sous de bonnes lois, la plus éloignée possible des dangers du
désordre. Le désordre est le plus grand des dangers de la vie ; sa
propriété est de tout mettre sens dessus dessous et de mélanger les affaires de
Dieu et celles des hommes. Chacun peut s’en convaincre grâce à ce qui suit. Le peuple russe qui
vivait depuis déjà longtemps, déjà presque quatre cents ans, en ne reconnaissant
qu’un seul métropolite, lequel avait toujours gouverné la métropole de Kiev,
jouissait d’une paix profonde, et si par nécessité il l’avait quelquefois renié
ou trahi, il l’avait facilement rétabli lui-même. Mais avec la permission de
Dieu, à cause des nombreux péchés commis peu de temps avant ce temps de
troubles, cette situation du peuple russe a été renversée et il fut conduit à
une telle folie que cela a presque provoqué des querelles et une guerre intestine.
Dans le même temps, mon souverain suprême et saint, qui a reçu de Dieu le droit
sacré de régner en vertu de sa vérité, de son humilité et de sa justice, par lesquelles il a surpassé tous
les rois qui l’ont précédé, dès qu’il apprit l’état des choses, en partie de
nous-mêmes et de ceux qui se trouvaient à notre divin et saint concile, et en partie par
les lettres du très saint métropolite de Kiev, primat et exarque de toutes les Russie,
notre frère aimé dans le Saint Esprit et le serviteur de notre humilité, ainsi
que le prince le plus noble de toutes les Russie, et le frère le plus aimable
de mon très digne et saint autocrate, le seigneur Syméon et autres princes,
dont les lettres nous ont été produites en concile à l’attention de tous, il a
trouvé bon d’éditer une bulle d’or, qui se lit ainsi : « saints
évêques qui vous trouvez dans le pays de la Petite Russie, appelée Volhynie,
soit : la Galicie, le pays de Vladimir, Kholm, Peremychl, Loutsk et Tourov, qui
depuis cette même époque, en tant que peuple russe par la bénédiction du Christ,
avez reconnu Dieu, vous êtes entrés dans la composition de la métropole de
Kiev, que dirige maintenant légitimement le très saint métropolite, primat et
exarque de toute la Russie seigneur Théognoste, au même titre que tous les
saints évêques de l’évêché de la Grande Russie. Pendant ce temps, juste avant
cette période de désordre, non seulement ceux qui gouvernaient les affaires de
l’état mais le primat de l’Eglise, en dépit de son devoir, utilisèrent ce
moment, ne pensèrent à rien d’autre qu’à la réalisation de leurs désirs, et,
introduisant le désordre dans les affaires de la société et de l’Eglise, mirent
tout sens dessus dessous, et préparèrent aux âmes chrétiennes toute sortes de
maux et de fléaux, et aussi firent cette innovation qu’ils détachèrent de la
sainte métropole de Kiev les évêques déjà évoqués de la
Petite Russie et les soumirent au pouvoir de l’archevêque de Galicie, l’ayant
fait passer du statut d’évêque à celui de métropolite. Cela favorisa la
violation d’usages qui avaient pris depuis des temps très anciens force de loi
pour toute la Russie, et eut un effet pénible et triste pour tous les chrétiens
qui s’y trouvaient et qui ne désiraient pas avoir deux métropolites, mais que
restât conservé et intact l’usage qui existe chez eux depuis la nuit des temps,
comme on l’a dit, et cherchaient par tous les moyens à éviter cette innovation,
comme ce fut le cas quand auparavant on fit de telles tentatives, qui furent
anéanties et rejetées aussitôt qu’elles apparurent. Car les chrétiens locaux ne
supportèrent pas que leur ancien usage fut supprimé. Cela fut rapporté à mon
altesse impériale par le très noble prince de Russie et notre très aimable
frère le seigneur Syméon et on exprima le désir avec sa requête et celle des
autres princes locaux, que fut confirmé par une bulle d’or de mon altesse la
réintégration des evêques sous le pouvoir du très saint métropolite de Kiev,
comme c’était le cas auparavant. Reconnaissant cette exigence comme juste et
fondée, en vertu de l’usage ecclésial établi depuis longtemps jusqu’à nos
jours, et au nom de la vertu et du genre de vie agréable à Dieu du très saint
métropolite de Kiev actuel, primat et exarque de toute la Russie, mon altesse a
bien voulu, a établi et a décidé d’éditer une véritable bulle d’or, et que
soient à nouveau soumis au très saint métropolite de Kiev les saints évêques de
Galitch, de Volodimir, de Kholm, Peremychl, Loutsk et Tourov, qui, à l’encontre
de la justice, avaient été remis à l’évêque de Galicie, au temps de désordre
évoqué, et que le très saint méropolite de Kiev,archevêque primat, fasse dans
ces évêchés tout ce qu’il est prescrit aux métropolites de faire par les saints
et divins canons dans les évêchés soumis à leur pouvoir, et qu’accomplissent
les métropolites qui se trouvaient déjà là auparavant et le très saint
métropolite de Kiev lui-même, administrant des chirotonies, y établissant des
évêques et les soumettant à des tribunaux et à des enquêtes, et faisant tout ce
qui est indiqué par les divins et saints canons. Les évêques très aimables à
Dieu qui se trouvent dans ces évêchés doivent avoir pour le très saint
métropolite de Kiev, primat et exarque de toute la Russie le seigneur
Théognoste, et qui que ce soit qui servira comme archevêque auprès de lui, un
respect convenable et l’écouter en tout ce qu’il dira et proposera, en relation
avec l’établissement des chrétiens locaux et autres gouvernances et doyennés
ecclésiaux et canoniques. De plus, en vertu de la véritable bulle d’or de mon
altesse, les très saints évêques sus-mentionnés de Petite Russie devront à
l’avenir se soumettre à la très sainte métropole de Kiev et à
l’archevêque qui la gouverne maintenant, le très saint métropolite, primat et
exarque de toute la Russie, le seigneur Théognoste, et rendre sa justice selon
les règles de l’Eglise, ainsi que remplir tout ce qui est dû et légitime,
et après lui se soumettre à ses futurs successeurs, et ce décret doit être
observé à jamais, comme il était d’usage depuis la nuit des
temps, afin que les très saints évêques dépendent d’un
seul métropolite. C’est en confirmation de cela que prit place
la véritable bulle d’or de mon altesse et qu’elle fut destinée à la très sainte
métropole de Kiev susmentionnée. Cette indiction[8]
est donnée le quinze du mois d’août courant de l’année six mille huit cents
cinquante cinq, pendant laquelle commença par la grâce de Dieu notre pieux
règne.
En fonction de cela, comme il se doit, notre grandeur, de l’avis général
des très saints archevêques d’Héracle, de Thessalonique, de Kizikia, de
Philadelphie, de Sébaste, de Pontocrate, de Prusse, de Mytilène, de Ain, de
Sougdaï, de Gothie, de Visie, de Callioupolis et de Garellie, a établi que les
évêques nommés ici : de Galicie, de Volodimir, de Kholm, de Peremychl, de
Loutsk et de Tourov, doivent entrer à nouveau dans la composition de la très
sainte métropole de Kiev et lui être soumis, comme auparavant, et pour tout le
reste du temps à venir, et tous les évêques aimables à Dieu doivent considérer
comme leur métropolite et premier parmi eux celui de Kiev, et doivent lui être
soumis, comme c’était au début. La décision synodale prise au cours des récents
désordres par l’ancien patriarche au sujet de la Galicie, nous l’annulons, et
l’épithémye lancée par lui contre les évêques de Galicie insoumis et autres,
nous l’annulons comme illégale d’un commun accord. C’est pourquoi les très
saints évêques susnommés doivent à nouveau se soumettre à la très sainte
métropole de Kiev, et comme le plus ancien, cet édit est juste et tout à fait
fondé, et orienté vers le bien de ce peuple si nombreux, et vraiment
indispensable pour la paix et l’unité, sera adopté sans changements par les
très saints patriarches qui nous succéderont. Et ce n’est pas seulement l’actuel très
saint métropolite de Kiev, primat et exarque de toute la Russie, frère bien
aimé dans le Saint-Esprit de notre grandeur et concélébrant, mais après lui les
très saints archipasteurs de cette Eglise obéiront à ce décret dans
les évêchés susnommés sans contestation, comme il leur est prescrit par les
canons. En ce sens fut accomplie notre décision conciliaire actuelle et
transmise à la région susnommée de la très sainte métropole de Kiev pour être
conservée éternellement. Mois de septembre, de l'indiction.1[9]»
Le synode envoie aussi au métropolite de Galicie une lettre, dans laquelle
on déclare que les évêchés de Petite-Russie (Ukraine) reviennent à la Métropole
de Kiev et de toute la Russie, à laquelle ils étaient rattachés auparavant, et
qu’en conséquence, sa métropole est liquidée. De même, il l’invite à
Constantinople dans le but d’un examen synodal des accusations produites contre
lui. Nous présentons un texte laconique :
Invitation du métropolite de Galicie à Constantinople à se présenter devant
le patriarche Isidore. 1347.
« Votre très haute éminence de Galicie, honorable frère aimé dans
le Seigneur de notre humilité, ipertime et concélébrant. Votre sainteté par la
grâce et la paix de Dieu.
De la sainte chrysobulle dûment envoyée que vous avez reçue de notre saint
et puissant empereur, et de nos actes synodaux, votre sainteté a dû apprendre
tout ce qui s’est passé, et ce qui a été rétabli, et que tout est de nouveau
soumis à la très sainte métropole de Kiev, comme autrefois.
En ce qui concerne votre sainteté, vous devez savoir qu’ainsi qu’il est dit
plus haut, nous avons reçue de nombreuses plaintes à votre égard qui, naturellement,
exigent un examen synodal, nous promettons que, comme vous l’avez compris, ces
plaintes seront examinées collégialement à notre synode sacré et divin, après
quoi elles devront être satisfaites, reconnues comme justifiées. Venez
obligatoirement, sans fautes.
Que la grâce de Dieu demeure avec votre sainteté.
c) L’empereur Jean VI Cantacuzène soutient l’unité de l’Eglise Russe.
D’autres documents de la période du patriarcat d’Isidore I appartiennent à l’empereur
Jean VI Cantacuzène. L’un d’eux est adressé au métropolite de Kiev (1347) qui
avait protesté contre la division de sa métropole. Cette innovation s’était
produite, selon l’empereur, à la suite des temps troublés, auxquels il y avait
beaucoup de causes, mais la principale d’entre elles était la complaisance du
patriarche Jean Kalekas : « Parmi cette multitude d’événements
indignes et d’innovations pour différentes raisons, dont la principale est la
complaisance du patriarche de Constantinople, s’est produite chez vous une
telle nouveauté ». Il est incontestable que Cantacuzène met au rang des
nombreuses incohérences et innovations les persécutions contre les hésychastes,
de la même manière que Bartholomée maintenant, avec ceux qui combattent la pan-hérésie
de l’œcuménisme et le pseudo-concile de Crète. L’empereur signale au
métropolite que les évêchés confisqués de Petite-Russie retournent à la
métropole de Kiev et que le métropolite de Galicie est appelé à Constantinople
pour l’examen des accusations portées contre lui[11].
Par une seconde lettre, adressée au grand-prince russe Syméon, l’empereur
déclare la restauration de l’unicité de la Métropole de Kiev et de toute la
Russie (1347). Il dit à nouveau que parmi la multitude d’absurdités et d’innovations
du patriarche Jean Kalekas, figure la création de la métropole de Galicie, car
le patriarche ne s’intéressait à rien d’autre qu’à la satisfaction de ses
appétits. Maintenant l’ordre est rétabli, le patriarche indigne est renversé de
son trône, et à sa place a été choisi un nouveau digne patriarche parmi les
membres du synode qui a, de même, pris la décision que tous les évêchés de la
Grande et de la Petite Russie fussent soumis à la métropole de Kiev. Nous
produirons l’extrait correspondant :
« Dans la mesure où, avec la permission de Dieu, s’est produite
auparavant une confusion que vous devez connaître, et que furent introduites de
nombreuses autres innovations et, pour différentes raisons, dont la principale
était la complaisance du patriarche de Constantinople, qui ne pensait à rien
d’autre qu’à la satisfaction de ses appétits personnels, s’est produite alors
cette innovation qui vous concerne, et l’introduction d’une métropole
galicienne.
Mais cependant, Dieu a fait preuve de sa miséricorde, et en dépit des désordres de ce temps troublé,
tout fut rétabli dans son juste état précédent, le patriarche de
Constantinople, à cause de ses actions déraisonnables commises contre les
saints et divins canons, a été déposé, et je porte maintenant à ta connaissance
que fut élu par mon règne, vérifié par le saint et divin synode, et élevé sur
le trône (de mon royaume) en tant que patriarche œcuménique dans la ville
salutaire et glorifiée par Dieu de Constantinople, reconnu digne et convenable
pour ce trône patriarcal, en vue de créer un état pieux et utile à beaucoup
d’âmes, et dans la mesure où vous avez demandé la restauration immédiate des
saints évêchés de Petite-Russie, ce qui veut dire celles de Galicie et autres,
sous la métropole de Kiev, comme c’était autrefois, mon seigneur très saint, le
patriarche œcuménique, avec le saint et divin synode, s’est prononcé pour
l’intégration de ces saints évêchés dans la métropole de Kiev, pour que leur
pasteur devînt le seul métropolite de toute la Russie, la Grande et la Petite,
comme d’une façon ou d’une autre tu l’apprendras de notre bulle d’or
impériale et de l’honnête décision synodale et patriarcale »[12].
La troisième lettre de l’empereur était adressée au prince de Vladimir
Dmitri Lumbart, dans laquelle il déclarait également la restauration de l’unité
de la métropole de Kiev et de toute la Russie (1347). Il lui écrit que, depuis
le temps où les Russes ont choisi le christianisme, s’était conservée la
soumission de tous les sujets de la Grande comme de la Petite Russie à l’unique
métropole russe, il y avait toujours eu un seul métropolite, qui ordonnait les
évêques de toutes les régions. Ceux qui essayèrent de profiter de cette
situation n’y parvinrent pas. Il est dit plus loin que l’archevêque de Galicie,
bien qu’il eût du donner au métropolite de Kiev les titres de « ipertime et exarque de toute la
Russie, le seigneur Théognoste », avait poussé le patriarche Jean
Kalekas, qui par complaisance avait commis beaucoup d’autres absurdités contre
les divins et saints canons, et les dirigeants politiques de Constantinople,
qui ne prenaient pas en compte l’intérêt général, mais se laissaient gouverner
par leurs seuls appétits, à le promouvoir métropolite de Galicie. Maintenant
donc, après le rétablissement de l’ordre, il demande au prince de revenir, avec
la même obéissance et le même respect avec lesquels il avait reçu le
métropolite de Galicie, sous la juridiction du métropolite de Kiev et de toutes
les Russie. Nous produirons le document entier :
Lettre de l’empereur Jean Cantacuzène au prince de Vladimir Dmitri Lumbart
sur la réunification de la métropole de Kiev et de toutes les Russie. 1347.
« Très noble prince de Vladimir, Dmitri Lumbart. Etant donné que
depuis le moment où le peuple russe reçut la connaissance de Dieu et fut
illuminé par le saint baptême, un seul et même usage et une même tradition régnaient
en Grande et Petite Russie, le métropolite de Kiev fut ordonné a été ordonné
évêque de tous les saints évêchés et si quelqu’un, un jour, a essayé de changer
cette situation, il ne put mener son dessein à bien ». Du moment même où
ce changement eut lieu, tout fut aussitôt rétabli dans l’état et l’usage
précédents, comme vous le savez. L’archevêque de Galicie, arrivé ici récemment,
et contre lequel on avait exprimé des plaintes dont il devait répondre auprès
du très saint métropolite de Kiev, l’ipertime et exarque de toute la Russie, le
seigneur Théognoste, ayant de son côté subi les événements de ces temps
troublés et étant soumis au patriarche de Constantinople qui avait des
intérêts dans l’affaire et fut accusé de complaisance et d’avoir commis nombre
d’absurdités illégales, qui sortaient du cadre des canons divins et sacrés, et,
de surcroît, d’avoir géré des questions de règne et des problèmes généraux
d’une façon douteuse, problèmes qui sont devenus les causes de ces troubles,
quand on ne respectait pas l’intérêt général mais seulement ses appétits
personnels,avait été élevé du rang des évêques à celui de métropolite, s’étant
emparé aussi d’autres saints évêchés, situés en Petite Russie.
Du moins, après que Dieu nous ait entendus et ait tout restauré en un état
parfait, ce patriarche de Constantinople profiteur a été aussi chassé pour ses excès et pour ce
qu’il a fait contre les divins canons sacrés, il arriva que fut choisi par
élection synodale un patriarche jugé digne et compétent pour une gestion
vertueuse et divine. Beaucoup de choses furent supprimées parmi
celles qui furent créées par ce malheureux patriarche contre les saints
et divins canons, sur ordre de mon gouvernement et sur examen du synode il fut
établi que la soumission à la très sainte métropole de Kiev des
saintes éparchies, parmi lesquelles la Galicie et autres, qui se
trouvaient là est rétablie, comme c’était auparavant. En outre, il fut décidé
d’arrêter ici le métropolite de Galicie et de l’interroger, dans la mesure,
évidemment, où cela correspond à notre juridiction et notre logique. Voici
pourquoi mon gouvernement te met au courant des questions liées à cela, afin
que tu nous accordes ton aide et examines la question de la destitution de cet
archevêque de Galicie, pour que nous puissions l’arrêter ici. En outre, il a
été décidé que de votre côté vous recevrez le très saint métropolite de Kiev,
ipertime et exarque de toute la Russie en qualité de métropolite véritable et
légitime qui exercera le gouvernement métropolitain, comme autrefois, dans ces
saintes éparchies et sur les évêques aimés de Dieu, autant que cela est
possible et raisonnable. Ainsi, ayant le christianisme pour religion officielle
et faisant preuve de piété devant Dieu, vous vous trouvez dans son église, dans
l’obéissance et la soumission. Pour cette raison, vous avez désiré voir des
lettres ecclésiales antérieures qui témoignent de ce que l’évêque de Galicie
fut nommé par le métropolite. Et nous voyons maintenant que cette affaire a été
à nouveau résolue, comme auparavant, dans la mesure où la sainte Eglise divine
elle-même l’a annoncé, mais aussi selon l’indication de mon
gouvernement. Ainsi, adoptez avec reconnaissance l’issue de cette affaire, car
c’est ainsi que cela doit être et que c’est utile à vos âmes. Qu’il en soit
exactement comme vous le déclare mon pouvoir.
La lettre contient des caractères rouges de la main divine impériale, mois
de septembre de la première indiction »
d) Les patriarches Calliste I et Philothée Kokkinos défendent l’unité de
l’Eglise russe.
Le patriarche Isidore I fut remplacé sur le trône par le patriarche
Calliste I (1350-1353, 1355-1363), qui suivait la même ligne et les mêmes
traditions hésychastes. Comme il apparaît dans ces textes, le transfert
inévitable de la chaire métropolitaine de Kiev à Vladimir, puis à Moscou
suscita des querelles intestines et des plaintes parmi les dirigeants locaux,
qui exigeaient de Constantinople de créer d’autres métropoles, pour que les
autres Orthodoxes ne fussent pas privés de pasteur. Pour cette raison, le
patriarche Calliste fit une réprimande au métropolite de Kiev Théognoste, Grec
d’origine, au sujet du fait qu’il avait laissé sans pasteur quelques régions,
parmi lesquelles Kiev, bien qu’il eût toute la Russie sous sa juridiction. Il
lui écrit que deux dirigeants, le prince de Lituanie et le prince Michel de
Tver, se plaignent de lui, il ne témoigne pas, disent-ils, le même amour à tous
les dirigeants et ne les traite pas tous de la même manière, mais donne sa
préférence à certains. Cependant, il doit savoir qu’il fut ordonné métropolite
de Kiev et de toute la Russie, pas d’une seule partie, mais de toute la Russie,
et que malgré cela, arrivent des informations comme quoi il ne va ni à Kiev, ni
en Lituanie, mais vit en un seul endroit, laissant les autres sans tutelle,
sans visites ni conseils paternels et cela est une faute grave et une conduite
étrangère aux traditions des saints canons. Il serait juste d’être attentif à
toute la Russie et de témoigner son amour pastoral et sa bienveillance à tous
les princes. Nous présentons le texte intégral :
« Très saint Métropolite de Kiev et de toute la Russie, ipertime, cher
frère de notre humilité et concélébrant dans le Saint Esprit, que descendent
sur ta sainteté la grâce et la paix de Dieu. J’ai reçu tes lettres, envoyées
avec un homme à toi appelé Avvakoum et[13] conclu de ce que tu
écris et rappelles ce que tu désirais me faire savoir. Sache que c’est pour
cette raison que j’ai recruté un homme de confiance et l’ai envoyé à ta
Sainteté, puisque le grand-prince lituanien m’a envoyé une lettre, dans
laquelle il m’a écrit beaucoup de choses. C’est pourquoi j’ai jugé selon la
justice et envoyé mon homme, afin qu’il te remette les lettres de notre
humilité qui te transmettront ce qu’écrit le grand-prince de Lituanie. Et après que mon homme
fut parti, est arrivé de la part du grand prince de Tver un moine qui a
transmis sa lettre. Ayant reçu ces envois, j’ai compris de qu’il m’avait écrit,
il a écrit aussi beaucoup de choses, et parallèlement à cela, il a aussi
demandé ton jugement, que soit organisé un procès, en ta présence au synode, et
aussi avec la participation des princes envoyés par lui. Et m’était-il possible
de ne pas lui exprimer de même mon jugement ? Ainsi qu’il l’a écrit par
l’intermédiaire de l’homme susnommé à ta Sainteté, tu comprendras pourquoi tu
dois venir ici, bien sûr, si tu le peux, ou autrement envoyer tes émissaires,
de même lui (Michel, note du trad.) enverra ses gens et ainsi sera fait le
jugement de l’affaire. Et maintenant qu’est arrivé ton homme
Avvakum, j’ai compris de ta lettre et de ce qu’il m’a dit, tout ce que tu m’as
écrit et me demande. Or donc, à l’exemple du Christ pacificateur, je t’écris et
te demande de faire en sorte qu’il n’y ait pas de querelle ni de trouble entre
toi et le prince Michel de Tver, transmettez l’affaire au tribunal, car la
situation ne me paraît pas du tout juste. Cependant traite-le comme un père et
un directeur spirituel, pour te réconcilier avec lui, et s’il est coupable de
quelque chose devant toi, pardonne-lui comme un père et appelle-le de nouveau ton
fils, afin de rester en paix avec lui, comme avec tous les autres princes.
Lui, à son tour, se repentira et te demandera pardon, comme je le
lui écris et le conseille. Ce que je vous conseille de faire, je le suppose
juste et utile, et pour cela, que ce soit fait sans discussion. Si vous ne
l’acceptez pas, vous demanderez une décision du tribunal, ce qui ne m’offense
absolument pas, mais veillez à ce que cela ne vous apparaisse pas comme un
reproche. Notre humilité, comme je l’ai déjà rappelé, a écrit une lettre au
prince de Tver Michel, et l’a envoyée avec ton homme, Avvakoum. Quand cette
lettre sera remise entre tes mains, transmets-la à mon homme que je t’ai
envoyé, et ensuite, donne-lui un homme de confiance afin qu’il l’accompagne
chez le prince, qu’il lui montre ma première lettre et celle-ci, dans laquelle
je t’écris qu’il doit être en paix avec toi, et, enfin il lui donnera quelques
conseils afin de l’amener au repentir et à la réconciliation avec toi. Je crois
qu’ainsi, il n’agira pas autrement que je le lui écris précisément. Toi, de ton
côté, tu sais très bien que lorsque nous t’avons ordonné au rang que tu
occupes, nous avons ordonné un métropolite de toute la Russie, non de l’une de
ses parties, mais de toute la Russie. Maintenant j’entends dire que tu n’es ni
à Kiev, ni en Lituanie, mais seulement dans une partie, et tu laisses l’autre
partie sans pasteur, sans surveillance paternelle et sans direction
spirituelle, ce qui est un grave péché, et une conduite étrangère aux
traditions des saints canons. Sera-il juste, si tu as toute la Russie en garde,
et que tous les princes t’aiment et se conduisent avec toi comme avec un père,
que tu les aimes tous d’une façon inégale et leur témoignes à tous divers
degrés de sentiments, de bienveillance amicale et d’amour ? Bien sûr,
c’est raisonnable, si tu aimes et considères les uns comme tes fils, alors que
tu n’aimes pas du tout les autres. Cependant, tu dois aussi les aimer et les
tenir pour tes fils de façon équitable, de même qu’eux, à leur tour, seront
bien disposés envers toi, ils t’aimeront, ils te seront dévoués, et en même
temps, tu auras l’aide de Dieu. Sache que j’ai écrit au grand prince de
Lituanie, et aux autres princes, afin qu’ils t’aiment et te respectent selon
l’ancienne tradition. En outre, je lui ai aussi écrit que sa région se trouve
sous ta responsabilité, cependant toi, de ton côté, tu dois autant que possible
visiter sa province avec des dispositions amicales et te réjouir de
l’accomplissement fervent de ton devoir, afin qu’il t’aime et te considère avec
amitié. Enfin, tu dois le considérer comme un ami au même titre que les autres
princes, car le peuple orthodoxe qui vit dans sa région, a besoin de ta
vigilance et de ta direction spirituelle. Donner une direction spirituelle au
peuple de Dieu est la condition indispensable pour gagner son amour et tu
savoir discerner Dieu lui-même. Fais comme je te le dis, en toute joie et sans
aucune protestation. Pour le reste, ma sérénité t’a écrit en détail à travers
mon homme Ioann, et cela est précisément ce que tu devais savoir »[14].
Un peu plus tard (1354) fut confirmé officiellement, par une lettre
synodale, le transfert de chaire métropolitaine à Vladimir. Il est fondé comme
se produisant « dans des temps troublés et alarmants », ce
qui, cependant, ne signifiait pas la division de l’unique métropole ; Kiev
reste historiquement et pour toujours le premier trône de l’Eglise Russe, et
exprime le désir du retour à « l’ancienne situation prospère ».
On y loue le successeur de Théognoste, le métropolite Alexis, et on critique un
certain Théodorite, qui n’avait pas réussi à se faire ordonner métropolite de
Kiev à Constantinople, qui avait été à Tyrnovo, en Bulgarie, et avait été
ordonné patriarche de Tyrnovo et métropolite de Kiev. Cette action est classée
comme « prédatrice et tyrannique »,
ce qu’on pourrait exactement appliquer à l’ingérence actuelle du patriarche
Bartholomée dans une juridiction étrangère, quand il fournit l’autocéphalie à
l’Ukraine, en utilisant et en honorant des archevêques hérétiques. On dit dans
le texte :
« La très sainte métropole
Russe, au nombre des diverses villes et régions qui appartenaient à son
domaine, avait aussi la ville de Kiev, située en Petite Russie, qui était
depuis très longtemps le siège de la métropole. Il est bien connu que les
archevêques russes y avaient aussi leur lieu de résidence. Mais, de par les
troubles et les angoisses du temps présent et les terribles attaques des
alamans voisins, elle a été dévastée et se retrouve dans une situation
misérable. C’est pourquoi les primats de Russie à la tête du clergé, ne
trouvant plus sur place d’entretien digne et convenable, en comparaison du
précédent, comme ils ne purent bientôt recevoir les revenus indispensables,
déménagèrent dans le très saint évêché de Vladimir qui a la capacité de leur
fournir un lieu de résidence et la satisfaction de tous leurs besoins. De la
sorte, y déménagea sa sainteté le métropolite russe, le seigneur Théognoste et
avant lui encore deux, qui se considéraient comme évêques, comme il était
convenu, de Kiev, et en cela ils marquaient à Kiev leur préférence, car là bas,
comme il est dit plus haut, avait toujours été le siège de la métropole, tout
en ayant leur lieu de résidence à Vladimir,
de même qu’en y dirigeant toutes les
affaires et y en recevant de quoi vivre. Ici, pendant de nombreuses années il
n’y eut pas d’évêque, mais le métropolite considérait cette ville comme sienne
et la dirigeait. Quand donc le très saint métropolite de toute la
Russie, promu actuellement par le jugement et l’élection de notre humilité et
du saint Concile Divin qui se trouve auprès d’elle, frère aimé en le Seigneur de notre grandeur et
notre concélébrant, homme bon et connaissant les lois de l’obéissance, alors
qu’il vivait avec l’archevêque défunt Théognoste, l’aida à dans
l’administration et le soutint dans sa vieillesse, malade et soumis à une
grande faiblesse, et fit bon usage des canons de l’Eglise sur l’ordre et la
volonté de celui-ci, alors le défunt métropolite, reconnaissant ses capacités à
recevoir la direction des âmes, l’ordonna à la fin de sa vie evêque de Vladimir
et dans une charte adressée à notre humilité et au saint Concile témoigna de sa
dignité à être élevé sur le trône de Kiev et de toute la Russie. Celui-ci,
après sa mort, en tant que prédestiné par lui, de même que par le très noble
grand prince, fils bien aimé de notre humilité dans le Saint-Esprit, le
seigneur Jean, et autres princes, clercs, et tout le peuple chrétien local, à
la primauté du saint pouvoir sur eux, et il vint à notre humilité et au saint
Concile, et fut reconnu digne et élu et présenté comme métropolite de Kiev et
de toute la Russie avec le consentement de mon saint autocrate très puissant,
il a pris la parole à ce sujet en concile devant notre grandeur, disant
précisément que Kiev était ravagé et tombé dans un état misérable et ne pouvait
déjà plus servir de résidence convenable pour l’archevêque et que Théodorite,
qui était entré illégalement à Tornov, et en dépit des saints canons, avait
reçu là-bas une ordination illégale, bien qu’il fut déposé et exclus de la
sainte Eglise catholique et apostolique, s’approprie Kiev, à la façon d’un
brigand et aussi d’un tyran, et s’y trouve à présent. Notre humilitté,
discutant avec les saints archevêques qui sont auprès d’elle, frères bien-aimés
de notre humilité et concélébrants dans le Seigneur, s’est absolument
convaincue qu’il n’y avait pas d’autre lieu (à part Vladimir) de résidence et
d’apaisement, et de havre de paix pour la très sainte métropole Russe et que
l’archevêque n’avait absolument pas là-bas (à Kiev) de moyens de satisfaire ses
plus élémentaires besoins ni pour l’accomplissement fidèle de ses obligations,
alors qu’ici (à Vladimir) il pouvait trouver un approvisionnement suffisant et
la liberté de gouverner. C’est pourquoi nous enjoignons par un acte conciliaire
véritable dans le Saint- Esprit, par le biais de notre charte conciliaire, à ce
saint métropolite de Russie aussi bien qu’à tous ses successeurs, de résider à
Vladimir et d’avoir leur chaire à Vladimir, de façon incontestable et inchangée
pour toujours. Mais que Kiev soit aussi considérée comme leur trône personnel
et la première chaire de l’archevêque, si elle reste entière. Et après
Kiev que le saint évêché de Vladimir soit une seconde chaire et un
lieu de résidence de repos pour le métropolite Russe, dans lequel il devra sans
obtsacles, tant qu’il en sera besoin, établir des lecteurs et des hypodiacres,
des prêtres et ainsi de suite, ce qui convient selon les canons de l’Eglise à
un archevêque local. Si donc avec l’aide de Dieu, Kiev revient dans son
ancienne situation prospère et qu’en soit chassé Théodorite le déposé, de sorte
qu’apparaisse la possibilité d’avoir à Kiev quelque refuge pour l’archevêque,
alors que Vladimir demeure pour les métropolites russes leur chaire
personnelle, et que Kiev soit seulement, comme on l’a dit plus haut, leur
premier trône et leur première chaire… »[15] [16] [17]
En ce qui concerne Théodorite, qui de façon prédatrice et tyrannique
s’était introduit dans une autre juridiction, après avoir été ordonné dans la
bulgare Tyrnovo, on a une lettre du patriarche Philothée Kokkinos, écrite
pendant sa première patriarchie (1353-1354) et adressée à l’évêque de Novgorod,
dans laquelle il recommande de ne pas avoir de relations avec Théodorite,
déposé par le saint synode en concordance avec les saints canons. Celui qui en
aura sera soumis au même châtiment, car le canon déclare que celui qui a des
relations avec celui qui est privé de communion, sera privé lui-même de
communion. Malheureusement, ce canon existe aussi pour les
archevêques de Constantinople qui se mettent en communion avec les schismatiques
défroqués d’Ukraine, Philarète et Macaire. Dans le document du patriarche
Philothée Kokkinos, il est dit : « sois prudent et ne défend
ce Théodorite en aucune façon afin que tu ne sois pas condamné, toi aussi,
comme on a condamné Théodorite ; il est dit dans le canon que celui qui as
des relations avec celui qui en a été exclus se retrouve lui aussi exclus ».
Il y a encore une série de documents dans la multitude des synodaux et des
patriarcaux, datés de la fin du XIV°s., par lesquels Constantinople définissait
le contraire de ce qu’elle fait aujourd’hui, en essayant de diviser l’Eglise
Russe. Presque tous ces documents nous les avons publiés en 1989
dans notre livre « Constantinople et Moscou ». Comme aujourd’hui, se
mêlaient alors des affaires de l’Eglise des dirigeants politiques, motivés par
des métropolites anticanoniques et provoquaient des guerres civiles et des
effusions de sang. Sur un document synodal de la seconde période du ministère
de Calliste I de 1361, il est visible que par indulgence et économie, Romain,
ordonné métropolite de Lituanie, s’était mêlé, avec au moins deux évêques, par
des actions anticanoniques, des affaires de la métropole de Kiev et de toutes
les Russie et avait provoqué la discorde. Parallèlement à cela, il avait aussi
poussé le prince lituanien à s’opposer aux chrétiens, provoquant des meurtres
et des effusions de sang, quelque chose de comparable à ce qu’on prédit
aujourd’hui et qui peut, d’après ce que nous redoutons, se produire en Ukraine,
si l’on tient compte de l’audace et de l’agressivité des politiques qui
soutiennent les schismatiques. Romain, qui soutenait le prince de Lituanie,
prétendait aussi s’approprier le trône de Kiev et de toutes les Russie. Il est
dit dans le document : « Et se
trouvant là-bas, il nous reçut, humbles personnes, et s’attela à beaucoup de
questions non résolues. Et, séjournant à Kiev (il disait l’office, sans
participer à cela ??? ιερούρσε αμέτοχως σε αυτό) et il s’ordonna lui-même et eut l’audace de s’appeler sans vergogne
métropolite conciliaire de Kiev et de toute la Russie, ce qui, bien sûr,
provoqua stupéfaction et trouble dans l’éparchie du très saint métropolite de
Kiev et de toute la Russie, et devint aussi la raison pour laquelle le prince de
Lituanie s’éleva contre les chrétiens, les soumis à de terribles fléaux et fit
couler le sang. Ces événements furent plus précisément découverts par les
envoyés du saint métropolite de Kiev et de toute la Russie le seigneur Alexis,
qui recueillirent des informations auprès de beaucoup de gens et, en
particulier, auprès de ceux à qui ils avaient remis les lettres du très saint
métropolite le seigneur Romain, et aussi en témoignèrent les gens du très saint
métropolite de Lituanie.
D’abord, ils
recueillirent des informations ici, et on leur dit que le métropolite, le
seigneur Romain, était si puissant qu’il pouvait avoir toutes les éparchies de
la métropole en son pouvoir et qu’il avait soulevé le chef de la Lituanie
contre le seigneur Alexis, et qu’il pouvait commettre beaucoup de choses sans
honte, car sa force est grande, elle a en effet inspiré le prince de Lituanie.
A cause d’une telle situation, partout vulnérable et de tous les côtés et
débordant les limites des saints et divins canons, et parce qu’elle apporte au
peuple chrétien de la Russie les meurtres et les remous, la discorde et les
émeutes, comme on dit, des événements qui arrivent avec des infidèles et ceux
qui n’ont pas en eux de crainte de Dieu et des hiérarques »[18].
4. La division de l’unique Métropole de Kiev et de
toute la Russie est l’œuvre des uniates et des catholiques.
Ainsi, pendant cinq siècles, depuis la christianisation des Russes (988)
jusqu’au XV° siècle, le peuple russe en son entier, comprenant l’actuelle
Ukraine, avait une seule origine ecclésiale, la métropole de Kiev et de toute
la Russie. En dépit du transfert de la capitale de Kiev à Vladimir, et ensuite
à Moscou, à cause de l’invasion tataro-mongole, cette unité se conserva. Les
tentatives pour créer une deuxième et une troisième métropole dans le but de
recevoir l’indépendance des régions du sud-ouest et de les intégrer aux
catholiques au moyen, essentiellement, de la Pologne qui s’était emparée de
quelques régions et s’empressait de les catholiciser, échouèrent, en fin de compte,
après un succès de courte durée, grâce à l’intervention de Constantinople, qui
était fermement acquise au principe séculaire de l’existence d’une seule
métropole pour le nombreux peuple russe.
Comme il ressort des documents, Constantinople comprenait bien le danger de
la catholicisation, c’est-à-dire de la soumission complète des orthodoxes à des
évêques catholiques, c’est pourquoi parfois, pour éviter ce danger, elle
ordonna un second métropolite dans les régions qui se trouvaient au pouvoir des
catholiques. Dans son pittacion au patriarche œcuménique Philothée Kokkinos
(1370), le roi de Pologne Casimir fait la requête d’ordonner métropolite
Antoine de Galicie, pour que l’ordre et la loi règnent parmi les Russes, dont
de nombreuses régions d’habitations avaient été conquises par Casimir, et comme
il le reconnaît lui-même : « Et la terre est devenue orpheline. Et
après cela, moi, Roi de Liakhie (Pologne) j’ai conquis la terre de Russie ».
A la fin il exprime la menace que si on n’ordonne pas de second métropolite,
tous les Russes seront convertis à la foi catholique : « Et si cet
homme n’a ni la grâce de Dieu ni votre bénédiction, ne vous plaignez pas si
ensuite nous serons dans la nécessité regrettable de baptiser les Russes dans la foi des latins, puisque
il n’y aura pas de métropolite en (Petite) Russie, et la terre ne
peut rester sans loi »[19].
Le patriarche Philothée transmit cette menace au métropolite de Kiev et de
toute la Russie Alexis en guise d’excuse pour avoir été obligé d’ordonner
Antoine métropolite de Galicie ; cependant, en même temps, il lui reproche
d’avoir laissé sans pasteur, à la merci des conquérants polonais, les régions
de la Petite-Russie, occupées par les Polonais. « J’ai entendu dire que tu avais laissé partout les chrétiens qui se
trouvent là bas, dans chaque région de la Russie, tu restes en un seul endroit,
les laissant sans pasteur et sans direction ni visites spirituelles… Et il
avait l’intention de créer sans délai une métropole catholique, et il a dit
également qu’il convertirait les Russes à la foi des latins, et alors, ce
serait bien, d’après toi, si cela se faisait ? Je suis très reconnaissant
à Dieu qu’il n’ait pas fait cela, mais ait écrit et exigé de moi une
métropole ; m’obligeant par là à l’ordonner, je l’ai envoyé là bas, parce
que je ne pouvais pas faire autrement »[20].
Néanmoins, la séparation de Kiev et de l’Eglise Russe fut tout aussi
éphémère et provisoire. La situation changea quelque part au milieu du
XV°siècle dans le contexte historique du pseudo-concile uniate de
Ferrare-Florence (1438-1439) qui fuit suivi, selon la Providence Divine, par la
prise de Constantinople par les Turcs. Pour éviter l’islamisation, ils
acceptèrent la catholicisation, signant l’union du pseudo-concile. Au niveau du
gouvernement et de la reconnaissance officielle, nous devînmes des uniates,
mais saint Marc d’Ephèse Eugénikos et son successeur dans la résistance
orthodoxe, plus tard patriarche, saint Gennade Scholarios sauvèrent la conscience
de soi orthodoxe. 14 ans après le pseudo-concile (1439-1453), alors que, selon
la dispensation divine, Gennade Scholarios recevait le patriarcat,
Constantinople fut soumise aux latins. Le métropolite grec de la Russie Isidore
s’avéra le héros principal de la pseudo union, qu’il essaya sans succès, dès
qu’il revint, d’imposer à la Russie. Suivons le déroulement des événements,
comme le décrit le professeur V. Phidas :
« La participation d’Isidore aux débats ne fut pas grande, bien que
son rôle dans cette affaire fut important. En gros, il suivait les avis de
Bessarion de Nicée. Selon les paroles de l’évêque de Méphon Joseph, Isidore
était le premier de ceux qui démontraient la nécessité d’accepter les
conditions proposées par le pape pour une union réussie et agit à cet égard
avec décision, appuyé par l’empereur jusqu’à ce moment. Le pape, dans sa lettre
au métropolite Isidore, écrit avec beaucoup de chaleur, tandis qu’au même
moment le hiéromoine de Souzdal Syméon, qui accompagnait Isidore, dit que
« le pape n’aimait personne, parmi les métropolites, comme Isidore ».
Après de longs débats, et sous la menace du danger turc, l’oros de l’union
fut accepté le 5 juin 1439, or Isidore fut l’un des premiers qui entra dans
l’union. Dans l’acte synodal, tous suivaient la formule : « A
signé l’Oros ou « a signé l’Oros à son tour », alors qu’Isidore de
Russie a apposé sa signature sous la phrase : « Je suis d’accord et
ne fais pas d’objection ». Après l’adoption de l’union, Isidore reçut du
pape le titre de cardinal et fut nommé légat de latere pour les provinces de
Lituanie, Livonie, toute la Russie et la Pologne (la Galicie), c’est-à-dire
administrateur apostolique de l’église du Nord grâce à son action en faveur de
l’union…
Après la confirmation de l’union, Isidore, vers la fin de 1439, quitta
Venise et voyagea par la Croatie, Zagreb, Budapest, Cracovie, Peremyshl, Lvov,
Galitch, Kholm, Vilna et Kiev, prêchant l’union par la parole et les actes. Il
arriva à Moscou le 19 mars 1441, mais vit que la situation avait changée. Bien
avant lui étaient arrivés les boyards Foma, Syméon et Avraam de Souzdal, avec
le reste de la suite d’Isisore, et ils avaient fait leur rapport au prince
Vassili et au peuple au sujet de l’union.
Dès qu’Isidore parvint à Moscou, il entra selon l’usage des représentants
du pape, derrière une croix latine. A l’office divin suivant, il rappela en
premier le nom du pape Eugène IV, après quoi le diacre lut l’acte d’union du 5
juillet 1439. Après cela, le métropolite de Russie transmit au prince Vassili
le message du pape, qui contenait la requête d’aider le métropolite à
réaliserl’union des Eglises.
Le prince, en fureur, convoqua un synode épiscopal qui condamna le
métropolite Isidore et l’enferma au monastère des Miracles. Le 15 septembre,
Isidore s’enfuit et, par la route de Tver, parvint à Novgorod. De là, il se
rendit chez le dirigeant de la Lituanie Casimir, et ensuite, bientôt, à Rome.
Pendant le siège de Constantinople, il fut envoyé par le pape Grégoire V,
principalement pour réaliser la réunification avec succès. Parvenu à
Constantinople à la tête d’un détachement de 200 soldats, après des pourparlers
avec l’empereur, il obtint la tenue le 12 décembre, à la cathédrale sainte
Sophie, d’un office avec des prêtres de l’Eglise catholique romaine et de
l’Eglise orthodoxe, où furent rappelés les noms du pape Nicolas et de l’ancien
patriarche Grégoire. Pendant le siège de la ville, on lui confia le quartier
des Blachernes, après la prise de la ville par les Turcs, il fut fait
prisonnier et vendu comme esclave à Galate. Il réussit à s’enfuir et à travers
l’Asie Mineure, Chios, le Péloponnèse et la Crète, il parvint à Rome, où il
reçut du pape le titre de patriarche de Constantinople.
De Rome, il envoya une lettre avec un ardent appel à tous les dirigeants
pour qu’ils participent à une croisade contre « le prêcheur de
l’Antéchrist et le fils de Satan » Mehmet II le Conquérant… Dès lors,
l’accès à la métropole Russe fut fermé aux hiérarques grecs, et l’Eglise Russe
poursuivit l’acquisition d’une autonomie complète. En peu de mots, les actions
d’Isidore de Russie ont dans l’ensemble compliqué les relations de l’église Russe non
seulement avec Rome, mais avec le patriarcat de Constantinople.
Jonas fut envoyé à Constantinople, mais après que le prince eut appris que
le patriarche de Constantinople avait adopté l’union, il ordonna à la
délégation de revenir. En Russie, cependant, se déroulait une lutte intestine, au cours de laquelle
le grand prince Vassili fut aveuglé par Dimitri Chemiaka, et les princes Chemiaka
eux-mêmes furent tués. Jonas fut élu métropolite en 1448 en Concile, et une
lettre fut envoyée au patriarche pour recevoir sa bénédiction. Néanmoins, les
querelles intestines retentirent sur la métropole russe et en 1458, le
patriarche Grégoire, monté sur le trône de Constantinople, ordonna métropolite
de Lituanie un élève d’Isidore, Grégoire. Mais Moscou refusa cette ordination.
Le prince et le métropolite écrivirent une lettre au prince de Lituanie et au
peuple, afin qu’ils ne menassent pas d’actions visant à diviser la métropole
russe.
En 1459, fut convoqué à Moscou un concile dans le but de prévenir la
division de la métropole russe, au cours duquel fut renforcée par une décision
l’ordre de l’élection des métropolites par les évêques moscovites,
indépendamment du patriarche de Constantinople. A ce concile fut adopté pour la
première fois le titre de Métropolite de Moscou au lieu du titre établi de
Métropolite de Kiev. En 1461, le métropolite Jonas décéda et en 1462, le grand
prince. A cette époque, la Russie s’était presque complètement libérée du joug
tatar »[21].
L’élection et l’ordination de Jonas par les évêques russes, en 1448, sans
aucune participation de Constantinople signifiaient la libération et
l’indépendance de l'Eglise Russe qui, en guise de fondement théologique et
canonique, produisit le fait qu’à Constantinople ne siégeait pas un patriarche
orthodoxe mais un uniate. Il est vrai qu’elle n’avait pu éviter la division de
l’unique métropole, en dépit du fait que le concile épiscopal de 1459 s’était
élevé contre la division. Une année plus tôt, en 1448, le patriarche de
Constantinople Grégoire Mamas, tristement connu pour ses convictions uniates et
son attachement aux dispositions de Ferrare-Florence, ordonna métropolite de
Kiev l’élève d’Isidore Grégoire, originaire de Bulgarie. Et à nouveau la
complaisance d’un patriarche uniate attiré par le catholicisme, comme avec Jean
Kalekas, eut de fâcheuses conséquences. Et en dépit du fait que l’orthodoxie
eut été restaurée à Constantinople après l’ascension sur le trône patriarcal
d’une grande figure comme Gennade Scholarios, tout de suite après la chute de
l’empire byzantin, la division en deux métropoles, de Moscou et de Kiev, se
conserva plus de deux siècles (1458-1686).
La métropole de Kiev, qui avait la juridiction sur les régions conquises
par les Polonais et placées sous leur influence, fut soumise à une forte
pression dans le but de la détacher définitivement de l’Eglise Russe. Kiev
devint le centre d’activité des jésuites et des uniates, où parallèlement à la
catholicisation des orthodoxes et à la séparation de la Russie, on menait un
travail systématique sur leur division nationale en cultivant la conscience de
soi ukrainienne, l’ukrainisme et le développement systématique de la
russophobie. On ne rencontre nulle part, dans les sources grecques historiques,
le mot « Ukraine », et le peuple russe s’y présente unique, dans les
classifications géographique et démographique, comme la Grande Russie, la
Petite Russie, et la Russie Blanche. L’Ukrainien d’aujourd’hui, c’est un
petit-russien, le moscovite, un grand-russien, et le biélorusse, un
blanc-russien. Tout ce qui se passe aujourdhui en Ukraine avec la russophobie
cultivée et la tendance à l’occidentalisation prend racines loin dans
l’histoire, dans les tentatives de polonisation et de catholicisation des
habitants.
Ce sont de sombres pages de l’histoire, qui correspondent à des années d’oppression
et de persécutions, particulièrement après la division de l’Eglise Russe unique
en deux métropoles : celle de Moscou et celle de Kiev en 1458. [22]
5. La réunification de Kiev et Moscou en 1686 et la fausse interprétation
des documents correspondants.
Les chauvins ukrainiens et leurs amis, polonais et uniates, représentent la
restauration des métropoles de Moscou et de Kiev comme le résultat d’une
violence exercée par les Russes et l’asservissement des Ukrainiens en Russie,
pour justifier les tendances politiques et religieuses actuelles de Kiev à la
séparation d’avec Moscou. C’est comme de parler de l’asservissement de la Crète
ou de la Macédoine à la Grèce, au lieu de leur union avec la Grèce en un seul
bloc national. L’asservissement avait eu lieu auparavant, du côté de la Pologne
et de la Lituanie, et s’était produit par le biais de la catholicisation et de
la polonisation et de la conversion à l’uniatisme, comme l’asservissement à
l’Occident, au Vatican, à l’Amérique, à l’Europe et à l’OTAN, et aujourd’hui,
comme autrefois, on recourt à des tentatives pour éloigner et arracher de la
Russie l’Ukraine, après la proclamation de son indépendance, consécutive à
l’effondrement de l’Union Soviétique en 1990.
Le patriarche œcuménique reçoit déjà, depuis trois décennies, des requêtes
d’intervention dans la question de l’attribution de l’autocéphalie à l’Ukraine,
parce que Moscou, qui en a le droit, n’est pas disposée à le faire, ayant de ce
coté les conclusions des réunions inter orthodoxes sur le thème de
l’autocéphalie, préparées au cours des commissions préconciliaires et des
conférences du « Saint et Grand Concile » qui a eu lieu en Crète en
2016. La question de l’autocéphalie a été effacée de la liste et ne fut pas
débattue, bien que fut atteint un accord sur l’essentiel et fussent restés en
suspens des détails insignifiants. Sur la façon dont on a discuté
l’autocéphalie aux manifestations préconciliaires et comment cette question fut
exclue de la liste de celles qui concernaient l’autocéphalie en Ukraine, nous
écrirons bientôt un autre article. On aurait pu éviter tout le remue-ménage et
les querelles suscités aujourd’hui par l’autocéphalie ukrainienne, si le
concile avait eu l’audace de s’occuper des questions brûlantes et urgentes, au
lieu de simplement affirmer son importance primordiale et son rôle
coordinateur. L’objectif du renforcement de l’unité a subi un échec total, dans
la mesure où, en plus de l’absence de quatre églises autocéphales (Antioche,
Russie, Bulgarie et Géorgie), qui représentent plus de la moitié des
orthodoxes, on n’a résolu aucune des questions qui pouvaient provoquer des
divisions et des schismes, comme celles de l’autocéphalie, de la diaspora, du
calendrier, de la pan-hérésie de œcuménisme etc. Et il est particulièrement
remarquable que le patriarche Bartholomée, en soutenant le rôle coordinateur du
Trône Œcuménique dans l’affaire de la consolidation de l’unité des orthodoxes,
a mis ce rôle en doute, en détruisant personnellement cette unité par son
ingérence schismatique dans une autre juridiction, à l’intérieur des limites
canoniques de l’Eglise Russe. Je sais que le Phanar fut particulièrement
prudent et délicat sur le sujet de l’ingérence dans la question croissante de
l’attribution de l’autocéphalie à l’Ukraine sans l’accord de l’Eglise Russe,
parce que même si les commissions synodales spéciales du Patriarcat, aussi bien
que les spécialistes savants, dont l’avis avait été sollicité, étaient arrivés
à la conclusion de la nécessité de l’attribution de autocéphalie à l’Ukraine,
ce qui serait justifié pour un état indépendant, cela aurait dû se produire
d’une façon convenable, qui fut déterminée par des accords pré conciliaires,
c’est-à-dire, sur la demande de la communauté ecclésiale concernée auprès de
l’Eglise-Mère dont elle se séparait, avec l’admission de cette requête par
l’Eglise-Mère, et sa transmission par ses soins au Patriarche Œcuménique dans
le but de favoriser un accord panorthodoxe. Et c’est seulement après
l’accomplissement de tous ces pas qu’on édite un tomos d’autocéphalie.
Ainsi, en 1686, s’est produite la réunion de Kiev et de Moscou et fut
rétablie l’unité des premiers cinq siècles ; en substance, la question de
l’occupation polonaise de ces régions fut réglée après la victoire de la Russie
sur la Pologne en 1654 et la libération de ce territoire. Après la libération
de Kiev, il était logique et prévisible que ces régions seraient intégrées dans
l’Eglise Russe, ce qui se produisit. Ils sont historiquement injustes ceux qui
affirment que la Russie a conquis ces territoires et entraînée de force
l’Ukraine sous la juridiction de l’Eglise Russe et que c’est pour cela qu’elle
est soi-disant fondée aujourd’hui à exiger l’indépendance et l’attribution de
l’autocéphalie. Peut-être que la Grèce aussi a réuni de force l’Eptanis (les
îles Ioniennes) en 1864 à l’église de l’Hellade, après leur libération ?
Ou peut-être qu’ont été également prises de forces par l’église Hellène les
dénommées « Nouvelles Terres », après leur libération pendant la guerre
des Balkans de 1912 ? Peut-être qu’envers ces « Nouvelles
Terres » se trame aussi quelque libération et séparation de l’Eglise
d’Hellade ?
Sans conteste, après deux siècles de soumission de l’Ukraine aux Polonais,
sous l’influence catholique et uniate, sont apparus, au sein des orthodoxes
ukrainiens, des sentiments russophobes, des forces papistes et pro occidentales
qui désiraient leur indépendance de l’Eglise Russe. Cependant, cela ne veut pas
dire que nous allons changer l’histoire, en faisant fi des sources historiques,
ou en déformant certains textes historiques, ce que malheureusement
Constantinople fait aujourd’hui, se contredisant elle-même, en même temps que la
vérité historique. Ainsi, dans notre court article précédent, nous présentions
comme exemple les opinions des historiens sur la réintégration de l’Ukraine
dans la juridiction russe, selon la décision de Constantinople, en 1686, et sur le fait que depuis déjà trois
cents ans, toutes les églises locales et le Patriarcat Œcuménique
lui-même considèrent l’Ukraine comme le territoire canonique de
l’Eglise Russe. Il vient, en outre, d’être publiée, vraisemblablement par
l’Eglise Russe, une lettre du patriarche Bartholomée, adressée au patriarche de
Moscou Alexis, datée d’août 1992, dans laquelle on parle de la déposition de
l’ex métropolite de Kiev d’alors, Philarète par le Saint Synode de l’Eglise
Russe, qui reconnaît pleinement la compétence de celle-ci et, de surcroît, fait
la promesse que Constantinople ne compromettra en aucune façon ses relations
avec Moscou, promesse qu’il viole maintenant (Le Patriarche Œcuménique,
note du trad.), en accomplissant cette subversion des canons, car non seulement
il restaure la prêtrise d’un hiérarque schismatique déposé par Moscou, que
l’Eglise Russe continue à considérer comme tel, schismatique, déchu et
anathème, mais encore pire, il réfute dans son ensemble la juridiction de
l’Eglise Russe sur l’Ukraine, qu’il s’attribue. En 1992, le patriarche
Bartholomée écrit au patriarche Alexis de Moscou :
« En réponse au télégramme correspondant et à votre lettre très
chère et bénie sur le problème suscité dans votre Très sainte Eglise sœur de
Russie, qui a obligé le Saint Concile des Hiérarques à déposer, pour des
raisons qui lui sont connues, le Métropolite de Kiev Philarète qui, jusque là,
en faisait partie. Notre sainte et grande Eglise du Christ, reconnaissant la
plénitude de la compétence exclusive, sur cette question, de votre très sainte
Eglise Russe, entérine la décision synodale sur le susdit, ne désirant causer
aucune gêne que ce soit dans votre Eglise sœur ».
Ainsi, en dépit de la reconnaissance scientifique générale que l’Ukraine,
pendant les cinq siècles qui ont suivi la conversion des Russes au
christianisme, formait un ensemble unique avec les autres Russes dans la métropole
commune de Kiev et de toutes les Russie, fut divisée et devint une métropole
séparée en résultat de conquêtes étrangères et de l’influence catholique et
uniate du milieu du XV° siècle, mais fut réunie en 1686 avec l’Eglise Russe, au
moment présent, Constantinople, soutenant des forces schismatiques pro
occidentales, en dépit de ce qu’elle fit dans le passé, affirme que la
juridiction sur l’Ukraine ne fut jamais donnée à l’Eglise Russe et que les
documents existants montrent que ce transfert n’était pas définitif, mais
seulement temporaire, et voilà pourquoi elle le supprime et met l’Ukraine sous
sa juridiction. L’affirmation du caractère temporaire est bien sûr
automatiquement contredite par la réalité, car pendant tout le temps écoulé
depuis 1686, c’est-à-dire 332 ans, trois siècles et demi, il ne fut jamais
question d’une juridiction temporaire, car on n’en parle pas dans les
documents.
a) Les deux documents auxquels se réfère Constantinople, sont faussement
interprétés par ses chercheurs.
Regardons cependant les documents eux-mêmes. Il s’agit de deux documents,
inclus dans le codex manuscrit N° 22, possédé, entre autres manuscrits, par les
archives historiques et paléographiques (IPA) du Fonds culturel de la Banque
Nationale de Grèce (MIET). Ce codex authentique et fiable, daté par les
spécialistes de la moitié du XVIII° siècle, fut probablement écrit en 1750,
comme on le voit d’après le signe du verseau sur le papier. Le codex fut décrit
paléographiquement, son contenu réécrit par les collaborateurs du IPA/MIET,
l’introduction correspondante de la description signée pat Agamemnon Tselikas,
directeur de l’archive Historique et Paléographique de la Fondation Nationale
de la banque de Grèce. C’est en cela que consiste et c’est à cela
que se limite la contribution scientifique des spécialistes chercheurs. Dans la
brochure correspondante, publiée par le Patriarcat Œcuménique, qui fut lancée
sur la toile sous le nom de « le Trône Œcuménique et l’Eglise
Ukrainienne : les textes parlent » (The Ecumenical Throne and the
Church of Ukraine. The Dokuments speak), on exprime sa reconnaissance aux
chercheurs grecs et russes « qui, grâce à leur contribution
scientifique honnête, ont permis la restauration de la vérité historique sur
les relations entre l’Eglise Russe et l’Eglise-Mère ». Plus loin se
déroule le commentaire du contenu de ces deux documents, assez développé, qui
visiblement fut composé par les collaborateurs du Patriarcat Œcuménique, afin
de justifier la ligne de l’église de Constantinople, et pour cette raison, il
n’est pas objectif. Certains passages sont interprétés de travers et d’autres
omis. Les commentaires sont anonymes, nous ne savons pas les noms de leurs
auteurs, et dans tous les cas, comme on nous permet de le deviner vaguement, ce
ne sont pas des chercheurs ni des savants dans le domaine de la paléographie de
la Fondation culturelle de la banque Nationale de Grèce, dont la contribution
consiste seulement en cela qu’ils ont indiqué deux documents et envoyé des
copies au patriarcat Œcuménique.
b) Le premier document et son interprétation correcte.
Le premier document comprend en soi l’acte patriarcal et synodal de
1686, qui fut publié sous le patriarche Dionysos IV, en conformité avec lequel
(acte) la métropole de Kiev est transférée à l’Eglise Russe. Kiev, comme on l’a
déjà dit plus tôt, sous la pression de circonstances historiques néfastes, fut
arrachée à l’Eglise Russe et fut temporairement soumise à la juridiction de
Constantinople. Quand ces circonstances néfastes, plus précisément, la
soumission à la Pologne, disparurent, elle passa de nouveau à l’Eglise Russe.
On en parle dès le début, dans l’épigraphe du document, qui est une énumération
du contenu qui (l’énumération) est en soi suffisante pour la compréhension de
tout le contenu du document. Ainsi, dans l’épigraphe, il est dit qu’a été
envoyé une épître patriarcale et synodale au patriarche de Moscou, déterminant
la subordination de la métropole de Kiev à son trône patriarcal et le règlement
de l’ordination par lui des métropolites de Kiev, ainsi que son élection par
les évêques locaux : « Un message patriarcal et synodal identique a
été donné à sa béatitude le patriarche de Moscou, έκδόσεως φημί
γράμματος (lettre de l’édition), où le métropolite de Kiev est
subordonné à son trône patriarcal et lui impose les mains, puisque il a été élu
par Kiev ». Y a-t-il des témoignages plus précis de la subordination
du métropolite de Kiev au Patriarcat de Moscou ? Ainsi, la métropole de
Kiev est subordonnée au trône patriarcal de Moscou et le métropolite de Kiev
est ordonné par le patriarche de Moscou : « En foi de quoi le
métropolite de Kiev se soumet à son trône patriarcal et, élu à Kiev, reçoit de
lui sa chirotonie ».
Les commentateurs et les interprètes du Phanar cachent cette subordination
évidente de Kiev au patriarcat de Moscou et argumentent arbitrairement,
modifiant avec malveillance le texte, du point de vue de la grammaire et du
sens : par exemple, soi-disant « le mot
« subordination » de la métropole de Kiev au patriarcat de Moscou
veut dire, en substance, seulement l’autorisation d’ordonner le métropolite de
Kiev ». En ce qui concerne la subordination plus qu’évidente de Kiev à
l’Eglise Russe, qui s’était déjà produite après la signature du texte, ils se
mirent, dissimulant l’essentiel, à commenter la phrase accessoire έκδόσεως
φημ’ιγράμματος, lettre d’édition », qu’ils n’ont grammaticalement pas
comprise et, faisant appel à leur fantaisie, ils affirment que soi-disant
« le terme έκδόσεως (édition) » est technique et signifiait en ces
temps-là au sens le plus large «άδειαν/ permission », et dans ce cas
précis «permission » d’ordonner et d’établir », sans avoir aucune
confirmation bibliographique ni textuelle de cette version.
Pourtant, même ces « tireurs de textes par les cheveux »
connaissent notre tradition canonique, selon laquelle la chirotonie d’un évêque
s’accomplit toujours (par un archevêque, note du trad.), qui possède la
juridiction de la région dans laquelle l’évêque est ordonné, et qu’il y a de
nombreuses règles qui interdisent une chirotonie extérieure qui brouille les
frontières de la juridiction. De la sorte, en tenant compte de ce principe
canonique fondamental, l’autorisation donnée au patriarche de Moscou d’ordonner
le métropolite de Kiev confirme et renforce la subordination de la métropole de
Kiev à l’Eglise Russe, et ne la supprime pas et ne la limite absolument pas à
une autorisation de chirotonie. « Dans la mesure où Kiev doit être
subordonnée à Moscou, elle doit aussi recevoir l’ordination du patriarche de
Moscou ». Où ont-ils trouvé que fut donnée seulement l’autorisation,
et que Kiev avait continué à être soumise à Constantinople ? C’est dit
quelque part dans le texte, ou c’est le fruit de leur imagination ? Le
rappel du nom du patriarche Œcuménique en même temps que celui du patriarche de
Moscou souverain du moment, qui s’avère le primat canonique, ne s’effectue
qu’en signe de respect, en souvenir des liens historiques de Constantinople et
de Moscou. Quand le principal archevêque et pasteur transmet son droit
d’ordonner à l’archevêque d’une autre juridiction, cela se fait dans ce cas
concret nominalement et ne dure pas trois siècles, en rapport avec toutes les
chirotonies, en outre, dans cette permission, on ne parle pas de la
subordination de la juridiction qui effectue l’ordination, comme cela se fait
dans le document analysé : «En foi de quoi le métropolite de Kiev doit se
soumettre à son trône patriarcal et, élu à Kiev, recevoir de lui sa chirotonie ».
De surcroît, la suite du document éclaircit encore plus l’état des choses.
Ainsi, on y dit que tous les princes et empereurs « de la Grande, Petite
et Blanche Russie »- on n’entend nulle part parler d’Ukraine – en même
temps que le patriarche « de Moscou et de toutes les Russie » Joachim,
ont envoyé un message à Constantinople, où ils disaient que l’éparchie de Kiev,
dans la mesure où elle est subordonnée au Trône Œcuménique de Constantinople,
avait toujours reçu l’ordination de Constantinople, comme établi par les saints
canons. Cette formulation déclare exactement que tous sont ordonnés par les
archevêques de la juridiction à laquelle ils sont subordonnés : « les
archevêques de l’éparchie de Kiev, subordonnées au très haut et saint trône œcuménique de Constantinople,
ont toujours été ordonnés selon les saints canons ». Mais pour selon
que la métropole de Kiev était restée veuve pendant assez longtemps et que dans
l’intervalle, on n’avait pas ordonné de véritable archevêque en raison de la
guerre entre les deux royaumes, la Russie et la Pologne, l’ennemi de la foi
orthodoxe trouva la possibilité de semer la discorde et créer le danger d’une
soumission des orthodoxes à des convictions étrangères et contraires. C’est
pourquoi on demande dans ces messages de donner la permission au patriarche de
Moscou d’ordonner le métropolite de Kiev, quand le trône est vacant, après son
élection (du métropolite, n. du trad.) par les évêques, archimandrites,
higoumènes et autres de l’éparchie, afin que le troupeau ne restât pas sans
défense devant les hérésies et les schismes que sème le diable. Pratiquement,
il s’y ajoute une intéressante information sur ce que le sultan ottoman est d’accord également
avec le tsar de Russie :
« Il s’est aussi exactement défini un énorme et grand royaume,
gouverné par nous, pour autant que la principauté orthodoxe très sereine lui a
demandé de ne faire obstacle en aucune façon à l’issue de cette affaire ». Ainsi
les dirigeants russes, ecclésiaux et politiques, demandent la permission pour
Moscou d’ordonner le métropolite de Kiev, sachant que cela implique sa
soumission à Moscou ; mais ils évitent de le dire ouvertement. Et voilà
que se rassemble le synode de Constantinople qui sait ce que signifie la
chirotonie et la subordination à la juridiction de celui qui ordonne, et il donne
l’une et l’autre, la soumission et l’ordination, qui sont liées : « il
prend la décision que la sainte éparchie de Kiev sera sujette du saint trône
patriarcal de la grande et salutaire ville de Moscou, dont recevra la
chirotonie le métropolite de Kiev, s’il en est besoin, des mains du bienheureux
patriarche de Moscou, il sera élu dans cette éparchie par les évêques aimés de
Dieu compétents, les très honorables archimandrites, les higoumènes accomplis
des saints et très dignes monastères, les hiéromoines accomplis, les pieux
prêtres, les moines semblables à Dieu, et les boyards et autres, par
l’assurance et la permission du grand et glorieux hetman, comme il est d’usage
à cet endroit, et il devra recevoir de lui l’acte inscrit sur les rouleaux, et
le reconnaître comme son aîné et son primat, car c’est de lui qu’il recevra la
chirotonie et non de l’œcuménique, comme il a été décidé plus haut, pour
favoriser une situation plus paisible dans ces lieux et pour mettre fin aux guerres
fréquentes entre ces deux royaumes. »
La décision synodale soumet d’abord l’éparchie de Kiev au patriarcat de
Moscou : « que la sainte éparchie de Kiev soit sujette du saint
trône patriarcal de la grande et salutaire ville de Moscou ». C’est la
décision fondamentale ; les explications qui suivent, commençant par
« c’est-à-dire » ne
changent pas la décision fondamentale. Mais comme la requête satisfaite
concernait l’ordination de Kiev par Moscou, le synode explicite que parmi les
conséquences de la subordination figurera le plus important, ce qu'ils ont
demandé, à savoir que le métropolite de Kiev sera ordonné par Moscou, et non
que la subordination signifie seulement l’autorisation de la chirotonie, comme
cela est abusivement interprété par le Phanar. Si Constantinople avait voulu
donner seulement cela, on n’aurait pas placé en premier la subordination, mais
on aurait dit que le synode « a décidé que le Métropolite de Kiev serait
ordonné par le bienheureux patriarche de Moscou ». La subordination est
confirmée plus loin par le fait que dans la décision, on dit que Kiev aura
dorénavant pour « aîné et directeur
spirituel » non plus le patriarche de Constantinople, mais celui de
Moscou. S’il avait été question d’une simple autorisation de chirotonie, les
relations entre celui qui est ordonné et celui qui ordonne auraient été des
relations de respect et d’honneur envers celui qui ordonne, et non celles d’un disciple soumis à un ancien
ou d’un subordonné envers un directeur spirituel. « Je te remercie,
très bienheureux, de m’avoir ordonné, dirait l’ordonné à Moscou, mais mon aîné
et mon directeur spirituel est Constantinople, dont je suis le sujet ».
Ceci est cependant réfuté par l’acte synodal et patriarcal : « qu’il
tienne pour ancien et directeur spirituel son ordinateur, et non le patriarche
œcuménique ».
A ce propos, il convient aussi de souligner, en relation avec ceci, que
c’est de cette façon que les archevêques des soi-disant « Nouvelles
Terres » de l’Eglise d’Hellade, élus et ordonnés par la hiérarchie de
l’Eglise d’Hellade, appartiennent exclusivement à l’église d’Hellade, car la
chirotonie et la juridiction sont liées ; on ne permet pas de chirotonies
extérieures ni d’ingérence. Quand on est archevêque de l’église d’Hellade, on
ne peut, en même temps, être archevêque du patriarcat Œcuménique, comme cela
l’était il n’y a pas si longtemps. Etre membres de deux corps (c.a.d de deux
églises, n. du trad.) n’est pas naturel et monstrueux. Bien sûr,
Constantinople a le droit d’exiger l’abolition de l’acte patriarcal et synodal
de 1928, mais pas de façon unilatérale, en accord avec l’Eglise d’Hellade, ce
qui est impossible et ne se produira sûrement pas. Exactement de la même
manière, il est peu probable que l’Eglise Russe accepte l’abolition unilatérale
et arbitraire de l’acte synodal et patriarcal de 1686, ce que malheureusement,
de façon autocratique et anti synodale fait Constantinople.
b) Le deuxième document explique mieux la situation des choses.
La même chose découle du deuxième texte, envoyé par le patriarche Dionysos
IV en 1686 « aux Souverains de Russie » avec des différences
intéressantes. Il écrit que, comme autrefois Dieu était intervenu d’une manière
miraculeuse et avait aidé son peuple, il l’a envoyé aujourd’hui, alors
l’éparchie de Kiev se trouve sous la pression de diverses circonstances, au
secours des dirigeants politiques de la Russie, afin qu’ils résolvent leurs
problèmes. Il reconnaît qu’à cause de la discorde et des guerres entre deux
grands royaumes, probablement la Russie et la Pologne, Constantinople avait
longtemps ordonné les métropolites de Kiev, ce dont il avait le droit
canonique, et de la sorte la région était restée sans pasteur et sans défense,
en conséquence de quoi poussa l’ivraie qui étouffe le grain de la piété. Cependant,
cela n’arriva pas, parce que les souverains orthodoxes de la Russie défendirent
l’éparchie de Kiev et demandèrent de la soumettre au saint trône patriarcal de
Moscou, de façon à ce que, lorsque serait vacant le trône de Kiev, fût ordonné
par le patriarche de Moscou une digne personne, qui serait élue par
les membres du clergé sujets de la métropole, les moines et les laïques.
Ce message patriarcal diffère du précédent message patriarcal et synodal par ce
qui suit : dans le précédent, il était dit qu’était demandée
l’autorisation pour Moscou d’ordonner le métropolite de Kiev et ici, on
demandait la soumission de l’éparchie de Kiev au trône patriarcal de Moscou et,
comme conséquence de cette soumission, le droit pour Moscou d’effectuer
l’ordination du métropolite de Kiev, qui serait élu par le clergé et le
peuple : « Comme le blé a
failli être étouffé, c’est-à-dire la piété, votre royaume très orthodoxe n’a
pas appelé à la vengeance et a demandé que cette éparchie de Kiev
soit au départ soumise au saint trône patriarcal de Moscou, lorsqu’apparaîtra
le besoin d’une chirotonie pour l’élection d’une digne personne, que le
bienheureux patriarche de Moscou et de toute les Russie alors en fonction ait
licence de l’ordonner selon la règle de l’Eglise ».
Le synode satisfait ces deux requêtes, c.à.d. procure et la subordination
de la métropole de Kiev au trône patriarcal de Moscou et la chirotonie
subséquente du métropolite de Moscou par le patriarche de Moscou. En font foi
les documents, mais certains ne voient ni n’entendent :
« Par là même et notre modération, qui a proposé cette affaire
collégialement, et l’a examinée avec les saints et vénérables métropolites qui
sont avec nous nos frères aimés et nos concélébrants dans le Saint Esprit, l’a
trouvée non seulement pleine de grâce et jugée légitime, mais le dessein qui
est le vôtre est très louable et extrêmement digne d’émerveillement. Là-dessus
furent établies collégialement des chartes patriarcales, et dans la grande
Eglise du Christ rédigées des règles qui déclarent : comme le bienheureux
patriarche de Moscou et de toutes les Russie le seigneur Joachim, qui est dans
le Saint Esprit le frère bien aimé et très désiré de notre modération, qu’il ait
licence de donner la chirotonie au métropolite de Kiev selon le rite de
l’Eglise, lequel sera élu dans l’éparchie qui lui correspond, selon la charte
publiée qui convient à l’éparchie de Kiev, afin qu’il ait la liberté, si le
besoin se présente d’une personne pour être métropolite de Kiev, de le choisir,
comme il le veut et de même pour les futurs patriarches. De cette manière que
la métropole de Kiev soit subordonnée au trône patriarcal de Moscou. Et que
ceux qui y sont hiérarques sachent dorénavant qu’ils reconnaîtront comme leur
aîné et primat celui qui sera patriarche de Moscou à ce moment, car ils seront
ordonnés par lui, la seule chose qui soit conservée, c’est que lorsque le
métropolite de Kiev accomplira la liturgie divine et non sanglante dans cette
éparchie, qu’il rappelle en priorité le nom vénérable du saint patriarche
œcuménique, dans la mesure où dans tout l’univers tout le bien lui est donné,
et étant pour tous la source et l’exemple indulgent utilise au nom des fautes
susdites et rendant au trône du patriarche de Moscou cette soumission, ensuite
le patriarche de Moscou ». L’intérêt particulier de ce document apparaît
en ceci qu’il explique pourquoi le métropolite de Kiev doit rappeler d’abord le
patriarche œcuménique et ensuite le patriarche de Moscou. Non parce qu’il reste
sous sa juridiction, mais, premièrement, pour le grand apport, dans l’ensemble
de Constantinople à l’orthodoxie, et ensuite par ce qu’elle a transmis la
juridiction au patriarche de Moscou. Il est indispensable d’avoir plus
d’attention et de sens des responsabilités quand nous étudions des textes dans
un souci de vérité historique. La falsification et la déformation des textes
sont devenues un phénomène permanent dans la science : « Quand
donc le métropolite de Kiev accomplira dans cette éparchie le service divin
sacré, il rappellera en premier le nom très vénérable du Très Saint Patriarche
Œcuménique, car il est la source et l’origine et surpasse toutes les autres
communautés et éparchies, celui qui, par indulgence, et sur la proposition des
souverains,l’a transmise au trône Patriarcal de Moscou, en la subordonnant au
Patriarcat de Moscou ».
Conclusions
De ce qui a été dit plus haut on peut tirer les conclusions
suivantes :
1. Le Patriarcat Œcuménique, selon un accord pan orthodoxe, joue un rôle
coordinateur dans les relations des églises autocéphales orthodoxes. Dans la
sphère de son activité entre, en particulier, de veiller à ce qu’elles fonctionnent
de manière synodale, et au renforcement de leur unité. Son comportement anti
synodal dans la question ukrainienne et sa collaboration avec des partis
schismatiques, au lieu de l’église canonique d’Ukraine et de l’Eglise russe, à
laquelle elle appartient, influe de manière négative sur ce rôle coordinateur.
L’église Russe a déjà mis en doute, pour la première fois, ce rôle
coordinateur.
2. Les églises hellénophones, s’appuyant sur la vérité historique et la
tradition canonique pour éviter un schisme définitif, doivent défendre les lois
historiques et canoniques de l’église Russe et ne soutenir ni par leurs actes
ni par leur silence, l’intrusion anticanonique de Constantinople dans une autre
juridiction. Si elles font le contraire, pour des raisons de proximité
nationale et, à cause du patriotisme du patriarche grec, elles tomberont dans
l’hérésie de l’ethnoracisme, qui fut condamnée par Constantinople elle-même en
1872.
3. Kiev est une partie naturelle et impossible à retrancher de l’Eglise
russe depuis l’époque de la conversion des Russes au christianisme (988).
Constantinople a veillé à cette unité des Russes et de leur Eglise. Seuls des
patriarches malveillants et enclins à l’hérésie, lors des périodes d’occupation
étrangère, ont divisé les Russes ecclésialement, favorisant l’oppression
catholique et uniate. Maintenant, le patriarche Bartholomée répète la même
erreur, prenant une décision malveillante sous la pression géopolitique et
culturelle de l’Occident, qui cultive et répand, selon un programme établi, la
russophobie, obéissant au principe « diviser pour régner ».
4. La décision conciliaire de 1686 a rétabli l’unité entre Kiev et Moscou
sur la base de la politique constante de Constantinople en vue de conserver
l’unité du grand et nombreux peuple russe. Maintenant, cette Politique
ecclésiale est abandonnée, et Constantinople, prenant pour alliés des latins et
des francs de l’Occident, cause du tort non seulement à la Russie mais à toute
l’Orthodoxie.
5. Les deux documents du Patriarcat Œcuménique ne sont pas
interprétés correctement et déformés. La subordination de Kiev à l’Eglise Russe
y est tout à fait évidente. Ils ne témoignent pas du tout du fait que c’était
temporaire et que Kiev restait sous la juridiction de Constantinople ; et
pour cette raison, pendant trois siècles et demi (1686-2018), Constantinople
n’a jamais eu l’intention de le contester. Elle le fait seulement maintenant,
déformant et interprétant les documents de façon tendancieuse, au profit des
uniates, des schismatiques et des hommes politiques pro occidentaux d’Ukraine,
et divise les orthodoxes.
[1] Cf.
THEODORE ZISIS « Constantinople et Moscou » Salonique, 1989, p.
21-38-39-62
[3] Iakovos
Polylas a conservé ces paroles dans la préface de l’édition : DIONYSIOS
SOLOMOS « Ta evriskomena », Corfou, 1859, et plus précisément :
« A un de ses amis qui observait que le peuple recevrait mieux un poème
national, il répondit franchement : « le peuple doit considérer comme national ce qui est
vrai ».
[4] Gal.
3 :28
[5] Ibid.,
Alinéa 1. confusion dans la hiérarchie de l'église "
[7]Règles du
second concile local d’Antioche : « qu’il ne soit pas permis d’entrer
en relation avec un excommunié ; ceux qui sont exclus des assemblées d’une
église, on ne doit pas les recevoir dans une autre église. Si l’un des évêques,
des prêtres, des diacres ou autre personne du clergé se trouve en communion
avec ceux qui en sont exclus, qu’il soit lui-même exclus de l’église, comme
responsable.
[8] Période
de quinze années, correspondant à une période budgétaire au Bas-Empire romain,
utilisée ensuite dans le comput ecclésiastique. (note du trad.)
[9] Dans le
livre que nous avons évoqué, « Constantinople et Moscou » p.104-109.
Tous les textes publiés sont tirés de l’édition fameuse de F. Miklosich-I.
Müller, Acta et diplomata graeca medii
aevi, τόμοι
1‑6, том 1,
Vindobonae 1860
[10] Ibid.
p. 109
[11] Ibid.
p. 99-100
[12] Idem
p.101-102
[13] Ibid.
p. 102-104
[15] Ibid.
351-353 et dans notre livre « Constaantinople et Moscou », p.
117-119.
[16] Ibid.
« Constantinople et Moscou », p.116-117
[17] Bien
sûr, des tentatives pour diviser la métropole de Kiev et de toutes les Russie
furent effectuées aussi auparavant. La dessus, cf. Antoniou-Emiliou Takhiaou,
les tentatives de division de la structure administrative de l’Eglise Russe au
XIV° siècle, Salonique 1960. Le père Jean Meyendorff donne une bon aperçu des
relations de Constantinople et de Moscou au XIV° siècle, dans son livre :
« Byzance et la Russie. Etude des relations russo-byzantines au XIV°
siècle. Editions « Domos », Athènes, 1988.
[18] Dans
notre livre «Constantinople et Moscou », p. 122-123
[19] Ibid.
p.137-138
[20] Ibid.
p.140-141
[21]
Vlassios Io. Philas « Histoire ecclésiale de la Russie » (988-1988)
Service apostolique de l’Eglise d’Hellade, Athènes, 1988, p. 156-160. Sur la
façon dont les Russes se sotn opposés à Constantinople, après le concile de
Ferrare-Florence et l’expulsion du métropolite grec de Moscou Isidore, cf.
également Dmitri Obolenski « La collaboration byzantine des nations.
L’Europe orientale de 500 à 1453 », tome 2, éditions Vanias, Salonique
1991, 463 έ.
[22] Cf. pour
plus de détails : Nikolaï Selichtchev « les Racines historiques de la
« révolution orange » à Kiev », Théodromia 8, 2000, 279-298.
Publié une première fois dans le journal « Rousski Viestnik », numéro
4, 2005.
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