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dimanche 10 mars 2019

Pardon

Adam chassé du paradis Vologda XVI° siècle
Voici venu le dimanche du pardon, après lequel le carême commence. Nous nous demandons tous pardon, parce qu'on ne peut faire cette préparation spirituelle en ayant quelque chose contre quelqu'un, ou en ayant offensé quelqu'un sans avoir réglé cette affaire. A Pereslavl, personne ne m'a offensée et réciproquement. Sur Facebook, cela a pu arriver.
Vous n'êtes pas obligés de ricaner, mais je vais essayer de limiter mes séances facebook. De ne pas intervenir dans les débats politiques, de me cantonner à la promotion de mon livre ou au groupe de soutien au métropolite Onuphre, après tout, là, je sais où j'en suis, et puis le père Valentin m'a dit que j'étais "un combattant de l'orthodoxie", le patriarche Cyrille lui-même a demandé de ne pas toujours laisser noblement l'espace d'Internet au aboiements inlassables des ennemis de l'Eglise...
Mon autre intention était d'essayer de prier régulièrement, de lire les Ecritures et d'aller régulièrement aux offices. Ce serait déjà pas mal.
Dans l'un et l'autre cas, je suis assez convaincue de la nécessité de l'effort.
Pour le reste, j'écoutais ce matin l'évêque dire que si l'aspect alimentaire de la question faisait de ce carême un supplice dont on s'inflige les règles parce que cela se fait, ou une occasion de se prendre pour un grand ascète en jugeant la faiblesse des autres, mieux valait ne pas le respecter.
Je ne risque pas de me prendre pour un grand ascète ni de juger la faiblesse des autres, j'ai trop conscience de la mienne sur ce plan-là, mais oui, l'aspect alimentaire de la question me casse vraiment les pieds. Ce n'est pas d'un carême que j'aurais besoin, c'est d'un régime, et ce n'est pas de me passer de viande (ce que je fais la plupart du temps) d'oeufs et de laitages mais de sucre, et cela pour de réelles raisons de santé, et cela me demanderait d'ailleurs de plus grands efforts de volonté. En revanche, suivre le carême oblige à toujours chercher ce qu'on va bien pouvoir manger, et préparer, à moins d'avaler les légumes crus, et encore il faut aller les acheter, et en fin d'hiver, les trouver. Chaque année, j'approche de ce carême exténuée d'avance. Je n'en suis pas fière mais c'est ainsi.
Un homme m'a abordée dans cette même église, en me conviant aux festivités de la maslenitsa, dernier jour, qui avaient lieu sur la place de l'administration, et où je n'avais pas mis les pieds, redoutant le kitsch de l'événement: les cosaques locaux s'y rencontraient aujourd'hui, or je suis une afficionado des cosaques et du folklore. En attendant l'heure de la manifestation, je suis allée au café français me taper une quiche et un gâteau, avant le carême. J'y ai trouvé le père Constantin, avec un écrivain qu'il m'a présenté, et qui m'a tracé des éditeurs et de tout ce qui tourne autour un tableau correspondant à leurs équivalents français, les préjugés idéologiques en moins, et encore pas sûr, ou alors ils sont remplacés par autre chose, mais en gros, avoir écrit un bon livre ne débouche pas forcément sur une publication. Lui, en tous cas, s'intéressait visiblement au contenu du mien, qu'il a trouvé très actuel, d'après ce que je lui en disais, bien qu'il soit situé à une autre époque.
Je me suis rendue ensuite sur la place voisine où tout était, comme prévu, d'un kitsch abominable. Le grand mannequin de la maslenitsa, le toboggan pour les gosses en plastique gonflable, la scène où se trémoussaient de fausses paysannes, avec de faux costumes, en braillant du faux folklore, avec micro, batterie, tout un tohu-bohu. Elles rendaient méconnaissables des chansons traditionnelles que pourtant je connaissais, tout cela d'une laideur affligeante, sonore et visuelle, et devant, une foule ahurie qui ne participait pas à grand chose. J'ai fini par dénicher mes cosaques, dans un coin, ils se rencontraient tous en tombant dans les bras les uns des autres. Il y avait parmi eux le Suisse Benjamin qu'ils ont entièrement adopté. Ils se sont livrés à des jeux divers, au son de l'accordéon, qui se terminaient tous par une sorte de mêlée de rugby, laquelle déclenchait invariablement les aboiements furieux de Rita, dans son sac suspendu à mon épaule: ces bagarres lui semblaient tout à fait répréhensibles. La sono des "paysannes" était si forte qu'on entendait à peine l'accordéon, la glace fondait, mais il ne faisait pas vraiment chaud et très humide. Rita commençait à grelotter, et moi aussi. J'ai fini par rentrer. Pour faire le plus important, avant de rater, comme chaque année, mon carême dans les grandes largeurs: demander pardon à ceux que j'ai pu offenser par des remarques maladroites ou acerbes, ou des bavardages intempestifs, ou un manque d'attention...

Lamentation d'Adam, chassé du paradis.

Et pour se donner un peu d'élan, merci Claude, une bonne lecture: https://orthodoxologie.blogspot.com/2019/03/sa-beatitude-onuphre-comment-se.html


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