Pour la suite du feuilleton de l’immigration, un
gentil petit rebondissement : la bonne femme qui s’occupait de mon dossier, et devait revenir de vacances le 11, a pris sa retraite, et il me faudra aller
trouver le chef car elle n’est pas remplacée. Il me faudra faire le papier de
la banque lundi, il n’est valable que 7 jours, pas 7 jours ouvrables, 7 jours.
Et tout faire dans la journée, en espérant qu’à Yaroslavl quelque chose n’aura
pas encore changé.
Gilles m’a dit : « Le problème est qu’on
ne comprend rien à leurs lois, eux-mêmes n’y comprennent rien et t’envoient
promener jusqu’au moment où il faut bien faire quelque chose, et alors ça se
dénoue, mais en attendant tu as couru de tous les côtés pour faire et refaire
des papiers et les remettre ».
Mon problème supplémentaire, c’est que je suis de
plus en plus paralysée par ces démarches, et que je vais lentement…
La femme du pâtissier Didier, Martha, ouvre un
restaurant au même étage. J’ai l’impression que maintenant, ça va, ils s'installent, et que nous
ne perdrons pas notre artiste, ce qui me rappelle Anatole, le cuisinier
français de tante Dahlia que tout le monde craint de voir partir, dans les
livres de Wodehouse.
Je me replonge périodiquement dans l’univers de
Wodehouse, comme dans celui de Tintin ou de Gaston Lagaffe, mais la
science-fiction effarante dans laquelle nous sommes précipités de plus en plus
me rend ces mondes perdus presque surréalistes. Quand je lisais Wodehouse dans
les années 70, il me semblait que je n’avais qu’à passer la Manche pour
retrouver le petit monde de Bertie Wooster et de son maître d’hôtel
Jeeves. Mais si je passais la Manche aujourd’hui, je trouverais l’Afrique et le
Pakistan.
Katia s’implique beaucoup dans nos activités de
chant. Et je la crois vraiment envoyée par Dieu, et du coup cela me motive, en
me prouvant que c’est précisément ce qu’Il attend de nous : que nous
chantions, que nous témoignions du chant russe. Je l’ai branchée sur
Balalaiker, la boîte fondée par mon copain Sérioja, qui m’a laissée tomber
comme une vieille chaussette. Son propos était de fournir, comme au temps de
l’URSS, de bonnes balalaïkas à un prix abordable, et c’est ce qu’il fait à
Oulianovsk, ce qui lui a permis d’échapper à la banque où il bossait avec la
plus grande répugnance. Il est quasiment
né avec une balalaïka dans les mains, il a appris sur le tas avec son
grand-père et sa grand-mère. Son propos est même de sortir la balalaïka du
ghetto folklorique. De la rendre présente et vivante dans le monde d'aujourd'hui, d’offrir à n’importe qui la joie d’en jouer quelles que soient
les aliénations de la vie moderne, ce qui est d’ailleurs, en réalité, dans la
droit fil de l’esprit du folklore.
Katia joue de l'ukulélé, elle devrait passer
facilement à la balalaïka, et notre futur ensemble disposerait de deux vielles,
une balalaïka, de gousli, des sifflets globulaires de Zadonsk et même d’un
accordéon diatonique que le grand-père de ma sœur avait gagné dans une loterie
au Vietnam dans les années 50. Nous n’avons pas d’accordéoniste, mais ça peut
venir.
J’ai fait l’autre soir le tour du monastère
Goritski, avec mes jeunes amies, un endroit où j’ai beaucoup dessiné, et qui
est à présent complètement défiguré par un chaos de maisons mal foutues,
banales et lourdingues absolument affreuses. Mais le coucher du soleil mettait
le lac en valeur et les divers cottages et châteaux dans l’ombre.
Rita nous a fait un caprice. Elle est si mondaine
qu’elle ne voulait pas repartir de chez elles. Quand je lui ai dit de monter
dans la voiture, elle a filé vers leur porte et s’est assise devant en me
regardant d’un air significatif. Je suis restée une demi-heure de plus…
J’ai eu le lendemain la visite de Sacha Joukovski,
de sa femme Ira et de deux de leurs adorables enfants, Timocha et Tonia, en route
pour leur datcha, à 40 km d’ici. Ils sont folkloristes, Sacha fabrique des
instruments populaires, il a fait mes gousli et une de mes vielles. Je vais
leur présenter Katia et Liéna. Ira me recommande une couturière qui pourrait
nous confectionner des costumes stylisés pouvant servir pour les concerts mais
passer inaperçus dans le train ou le métro et même être portés pour aller à
l’église.
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