Mon locataire devrait s'en aller bientôt, mais je n'arrive pas à savoir quand, et j'en ai deux potentiels qui piaffent d'impatience, après le confinement à Moscou. Cet être discret et étrange a voulu prendre le thé avec moi. Je crois qu'il a le trac devant la concrétisation de son projet survivaliste, pour lequel il me semble peu armé. Sa famille espérait qu'il resterait chez moi, mais je n'ai pas envie d'avoir un locataire ici en permanence, si je prends quelqu'un en permanence, ce sera quelqu'un de proche, et puis rester chez moi n'était pas son projet. Je sens que certaines personnes trouvent qu'une vieille comme moi a besoin de quelqu'un chez elle, et oui, en principe; toute ma vie, j'ai eu besoin de quelqu'un chez moi, et maintenant, je ne suis pas sûre que je le supporterais à long terme, je supporterais un mari ou un fils, que je n'ai pas, ou à la limite une très bonne copine. En tous cas, le calcul de la vieille qui a besoin de compagnie, ce n'est vraiment pas adapté à mon cas. Comme disait Flaubert à propos de sa solitude: "Au moins, personne ne m'emmerde". En fait, on m'emmerde quand même, avoir la paix est la chose la plus difficile à obtenir. Mais disons que j'ai du répit.
N'empêche que je me fais du souci pour le Pierrot lunaire. Je comprends sa famille de s'en faire également. Je crois qu'il aurait des problèmes à régler avant de fuir l'antéchrist au fin fond du grand nord.
J'ai reçu les filles, hier, pour leur leçon, et quand je les ai raccompagnées au portillon, j'ai entendu le père d'Aliocha jouer sur son accordéon, en dépit des imperfections qu'il semble avoir. Dans cette rue où l'on n'entendait plus que les débroussailleuses et l'affreuse musique en conserve du décérébré universel, voici que résonnait à nouveau un air russe à l'accordéon. Tout à coup, j'ai eu l'impression de ne pas être venue pour rien.
De plus, Skountsev m'a annoncé qu'il allait tourner dans un film à Pereslavl Zalesski, et viendrait y passer une semaine. Il regardera l'accordéon des voisins pour éventuellement le réparer. Je projette de faire une réunion dans mon jardin avec chachlik et pizzas, les voisins, l'accordéon, les gousli, la vielle, Katia et sa balalaïka, la famille Rimm, et deux ou trois personnes intéressées par tout cela.
Il faut que je me mette au niveau, avec la vielle et les gousli, pour pouvoir jouer et chanter avec plaisir.
Skountsev est content de moi, il me dit que je progresse vite. Certains jours, cela va tout seul, et d'autres, c'est laborieux. Mais jouer dans le fil du vent en regardant le ciel, les arbres et les fleurs est extrêmement apaisant, et me met dans un état étrange, profondément contemplatif, où toutes choses prennent un éclat particulier. Il a fait beau, aujourd'hui, je suis allée me baigner en vitesse avant de faire les courses, pour le bonheur de me sentir vivre. Au retour, je suis restée sur le perron, au soleil, bercée par la brise. Les delphiniums vont fleurir, leur fête se prépare, celle des iris se termine, bien que les iris des marais bleus soient en pleine exultation. Mais ce sont de petits sauvages...
Je suis tombée sur une brève vidéo montrant un pèlerin russe. Un errant. J'en avais vu un au café français, Gilles lui avait offert croissants et boisson. Celui de la vidéo est parti de Krasnodar il y a deux ans pour gagner Arkhangelsk à pied avec une icône du tsar Nicolas II et une épée. Il a eu la révélation que le tsar Nicolas allait apparaître à Arkhangelsk et sauver la Russie. Je regardais son visage lumineux en me disant: et s'il avait raison? Pour moi, la Russie est sauvée, elle existe toujours, tant qu'un homme est capable de partir à pied, avec une icône et une épée, à la rencontre de l'apparition d'un tsar martyr.
N'empêche que je me fais du souci pour le Pierrot lunaire. Je comprends sa famille de s'en faire également. Je crois qu'il aurait des problèmes à régler avant de fuir l'antéchrist au fin fond du grand nord.
J'ai reçu les filles, hier, pour leur leçon, et quand je les ai raccompagnées au portillon, j'ai entendu le père d'Aliocha jouer sur son accordéon, en dépit des imperfections qu'il semble avoir. Dans cette rue où l'on n'entendait plus que les débroussailleuses et l'affreuse musique en conserve du décérébré universel, voici que résonnait à nouveau un air russe à l'accordéon. Tout à coup, j'ai eu l'impression de ne pas être venue pour rien.
De plus, Skountsev m'a annoncé qu'il allait tourner dans un film à Pereslavl Zalesski, et viendrait y passer une semaine. Il regardera l'accordéon des voisins pour éventuellement le réparer. Je projette de faire une réunion dans mon jardin avec chachlik et pizzas, les voisins, l'accordéon, les gousli, la vielle, Katia et sa balalaïka, la famille Rimm, et deux ou trois personnes intéressées par tout cela.
Il faut que je me mette au niveau, avec la vielle et les gousli, pour pouvoir jouer et chanter avec plaisir.
Skountsev est content de moi, il me dit que je progresse vite. Certains jours, cela va tout seul, et d'autres, c'est laborieux. Mais jouer dans le fil du vent en regardant le ciel, les arbres et les fleurs est extrêmement apaisant, et me met dans un état étrange, profondément contemplatif, où toutes choses prennent un éclat particulier. Il a fait beau, aujourd'hui, je suis allée me baigner en vitesse avant de faire les courses, pour le bonheur de me sentir vivre. Au retour, je suis restée sur le perron, au soleil, bercée par la brise. Les delphiniums vont fleurir, leur fête se prépare, celle des iris se termine, bien que les iris des marais bleus soient en pleine exultation. Mais ce sont de petits sauvages...
Je suis tombée sur une brève vidéo montrant un pèlerin russe. Un errant. J'en avais vu un au café français, Gilles lui avait offert croissants et boisson. Celui de la vidéo est parti de Krasnodar il y a deux ans pour gagner Arkhangelsk à pied avec une icône du tsar Nicolas II et une épée. Il a eu la révélation que le tsar Nicolas allait apparaître à Arkhangelsk et sauver la Russie. Je regardais son visage lumineux en me disant: et s'il avait raison? Pour moi, la Russie est sauvée, elle existe toujours, tant qu'un homme est capable de partir à pied, avec une icône et une épée, à la rencontre de l'apparition d'un tsar martyr.
la pivoine |
la clématite jette ses derniers feux |
L'endroit où je me suis baignée |
La retraite, quand on est bien seul, peut etre avec quelqu'un d'a cote mais pas trop proche, me semble une chose beaucoup plus belle que la solitude parmis d'autres gens. Et puis, on n'est jamais seul chez soi.
RépondreSupprimerEt ce pellerin russe de Krasnodar, c'est un peu de nous, dans nos reves et nos prieres.
Je n'ai pas d'accents dans ma mobile, c'est domage))
Il vaut mieux être seul que mal accompagné!
SupprimerMarina Dolgina
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