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mercredi 17 juin 2020

Au fil de l'eau

Il fait chaud et lourd, et après avoir constaté la floraison de ma clématite (au bout de trois ans), je suis allée remettre mon vélo en service, afin d'aller me baigner. J'avais mis Rita dans mon sac à dos, mais la voisine Ania a proposé de la garder, pour me délivrer du souci de l'avoir à l'oeil pendant que je nage.
Elle m'a dit que la bonne femme si aimable qui nous a vendu l'accordéon nous a refilé une ruine. J'en étais très contrariée, car je ne pense pas qu'elle nous rendra l'argent, à moins de lui dépêcher un gorille convainquant, ce que nous n'avons pas dans nos relations!  J'aurais dû passer par Skountsev, mais à cause du confinement, je n'avais pas la possibilité d'aller à Moscou, et le voisin avait en revanche du temps libre pour jouer et enseigner son fils.
Sans Rita, j'ai décidé d'aller à l'embouchure de la rivière Troubej, et j'en ai suivi la berge ombragée de saules, où fleurissent et embaument églantiers et seringats. J'aime particulièrement l'odeur citronnée du seringat. J'en ai planté un chez moi, mais il a du mal, je l'ai déplacé, d'ailleurs. J'ai vu au passage de grosses pivoines épanouies, alors que les miennes sont toujours en boutons. Arrivée en face de l'église des Quarante Martyrs, je me suis glissée dans l'eau, que les Russes trouvent encore un peu fraîche, et qui m'a paru délicieuse. Je me suis dirigée vers le large du lac, l'eau y est plus propre et plus profonde, et quelle merveille de nager au pied d'une église! Je ne m'en approchais pas trop, pour ne pas déranger les pêcheurs. Je regardais évoluer les mouettes, dans le ciel lisse et bleu, et glisser les canards, j'écoutais les cris des uns et des autres, le moteur d'un canot, des voix qui s'interpellaient. Nager fait du bien à mon corps rouillé et contempler apaise mon âme inquiète. Tout est calme à Pereslavl. Pour ce qui est de la France, c'est une autre histoire, il semble que les cocopitalistes, comme les appelle mon amie Isabelle, les milliardaires trotskystes délirants, aient substitué la lutte des races à la lutte des classes dans la réalisation de leur rêve internationaliste génocidaire. J'ai vu une vidéo d'un dissident juif russe depuis longtemps passé à l'ouest qui analyse très bien le phénomène, comme le fit Boukovsky, et quand j'y pense, cela me rend malade, mais justement, aller se baigner au lac permet d'y penser un peu moins, faire de la musique aussi, bien que Skountsev me crève! Quelle énergie a ce sacré Skountsev au sortir de trois semaines de Covid!
L'évêque, notre cher monseigneur Théoctyste, a annoncé l'attribution par le gouvernement, sur intervention du patriarche, de sommes d'argent, qui sont d'ailleurs loin d'être colossales, pour la restauration de trois chefs d'oeuvre locaux, l'église du métropolite Pierre, construite par Ivan le Terrible au XVI° siècle, le monastère de saint Boris et saint Gleb près de Rostov, construit essentiellement par le même et ses parents, et un monastère à Ouglitch. C'est toujours ça... il y a des dégénérés que ça choque, qui préfèreraient la réféction des routes ou autres travaux utilitaires, mais sur les cartes touristiques de Pereslavl, ce ne sont pas les routes que l'on dessine pour attirer les visteurs, ni les cottages en plastique, ni les hôtels arméniens, ce sont les églises et les monastères au bord de l'écroulement, uniques beautés encore debout d'une ville qui fut féerique.
Au retour, alors que je dépassais la ravissante église de la Protection, rouge et blanche, avec son dôme bleu, elle m'a jeté, comme un prêtre en chasuble de Pâques des giclées d'eau bénite scintillante, les notes cristallines de son carillon. Rita n'avait pas mal vécu cette heure de séparation, un peu pleuré au début, mais ensuite, Ania l'avait emmenée prendre le café chez la voisine Violetta, et comme j'ai un chienne très mondaine, et qu'on l'a naturellement beaucoup fêtée... Cela me fait bien plaisir, car me baigner avec elle qui a peur de l'eau n'est pas simple.






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