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lundi 9 novembre 2020

Vernissage


Je devais aller à l'atelier d'iconographie du monastère Nikitski vernir deux icônes avec l'aide de la jeune Tatiana, mais comme elle me savait malade, elle ne m'attendait pas. Je pensais que si, et me suis lancée, après les derniers préparatifs de l'expo. J'ai trouvé porte close et j'ai dû aller taper au carreau. Elle m'a ouvert. Elle était seule avec une jeune femme de Moscou qui va faire des fresques pour le monastère et des stages de dorure. Je suis tombée d'accord avec Tania que je viendrais après mon expo commencer avec elle une grande icône d'apprentissage que j'offrirai ensuite à une église en restauration.
Sa jeune collègue s'appelle Katia, et elle m'a beaucoup plu; elle est vivante et drôle, sans le côté 
 grenouille de bénitier. Et puis nous avons quelque chose en commun, notre tendresse pour Ivan le Terrible: "Je l'ai toujours plaint, me dit-elle; je pense qu'il était un peu malade, que par moments, il perdait le contrôle." Mais nous étions d'accord pour penser qu'un homme capable de construire de telles églises et de composer une telle musique ne pouvait être privé d'âme, au contraire des mafieux transhumanistes qui dirigent le monde et ne produisent que laideur, destruction et vulgarité. C'était un grand pécheur, mais pas un cas désespéré.

Le médicament de Skountsev est à base d'hydrochloroquine et me fait beaucoup de bien. Il est sans danger, en vente libre et coûte un euro. Je ne pense pas être covidée, car je n'ai pas perdu le goût, ni l'odorat, ni l'appétit. J'ai appelé Liéna, sa petite a infecté toute la famille, y compris le père Valentin, il s'agit d'une simple bronchite. Mais justement, ce médicament est prévu au départ pour les bronchites et aussi pour l'asthme. Merci docteur Skountsev. Les vieux-croyants ont souvent un côté un peu rebouteux, madame Skountsev a ses techniques et sa pharmacopée... J'étais néanmoins gênée pour chanter et fatiguée; mais le vernissage a été très chaleureux, certains m'ont remerciée d'avoir donné une telle fête. Mon encadreur Vladimir, qui aime bien ce que je fais, m'avait apporté un bouquet de roses rouges. J'ai été rejointe ensuite par Slobodan Despot, accompagné de sa belle amie russe, Ioulia. Je l'avais vu une fois lors d'une conférence à Lyon, je crois que je n'étais même pas encore en Russie. Il est venu y faire des repérages et, je crois, y resterait bien. Nous avons fini la soirée à la pizzeria. Ioulia ne semblait pas très bien comprendre comment on pouvait quitter l'Europe pour la Russie, ce que j'ai fait, et qu'il voudrait faire. Elle ne voit pas ce qui se passe en ce moment en Europe. Il est vrai qu'elle est en Suisse, où cela ne va pas aussi mal qu'ailleurs, mais Slobodan le voit. Il a développé l'idée que la réalité avait perdu toute importance, ce qui compte maintenant, c'est la légende médiatique que l'on crée autour d'un personnage ou d'une situation, sa correspondance avec des schémas idéologiques en béton armé. De sorte que nous vivons avec nos contemporains dans des sortes de mondes parallèles qui ne se comprennent pas. Enfin dans une certaine mesure, nous, nous les comprenons, puisque nous en réalisons l'existence... mais les habitants de ces planètes qui ne sont déjà plus de la nôtre, la Terre, n'ont plus les mêmes codes, ils ne saisissent pas ce que nous leur disons, ils n'ont pas les récepteurs pour. J'avais déjà cette impression avec la gauche de ma jeunesse.J'en profite pour conseiller l'abonnement à Antipresse, site d'information et de réinformation créé par Slobodan. Il est payant, car il considère que cela évite d'avoir recours à de riches sponsors qui dictent l'orientation des articles et l'analyse des faits. L'avantage est qu'on peut y lire de très bons articles qui font réfléchir au lieu d'une bouillie de mensonges incantatoires. 

Le lendemain, Slobodan et Ioulia sont venus chez moi, il faisait un temps pluvieux et froid qui n'encourageait pas aux périples touristiques. Je leur ai servi du thé avec des crêpes et nous avons bien rigolé, entre deux considérations sur l'état du monde où nous nous trouvons.

L'éditorial de Slobodan Despot: 


Nous chantons un vers spirituel avec Katia. Je n'avais pas de voix et pas beaucoup d'énergie, à cause de la bronchite:https://www.facebook.com/100002399412419/videos/3456057601150853/
et là j'essaie de chanter les marins de Groix:






5 commentaires:

  1. Bonjour Laurence,
    Je me demande si le monde "réactionnaire" est petit ou vaste. Je voyage en France, les gens que je rencontre ont presque tous les mêmes références ; je vais en Belgique, idem. J'écoute M. Despot depuis quelques mois mais je connais ses photos depuis longtemps. J'apprécie son camarade d'Antipresse Eric Werner depuis 10 ans. Et je les retrouve en lisant votre billet. Sans oublier que je vous ai découvert par Nicolas Bonnal que j'ai entendu la première fois il y a 15 ans. Mon interrogation, plutôt rhétorique, est : est-ce un groupe d'individus épars si peu nombreux qu'on les connaît tous en en connaissant un ? Ou bien, y a-t-il un monde parallèle dont vous êtes (les écrivains, bloggeurs, ...) les portes d'accès ou les repères de sa géographie ? Quand on n'a pas une foi débordante, hélas, la façon d'aborder cette question peut fortifier votre espérance, ou inversement.
    Sinon, j'ai l'impression que les Russes ont moins de prénoms que nous, je croyais que c'était un préjugé mais est-ce vraiment le cas ? Beaucoup de femmes que vous rencontrez s'appellent Katia, par exemple. Est-ce pour ça que l'usage du patronyme est si répandu ? Afin de distinguer les personnes ?
    Dites bien aux Russes qu'ils ne doivent plus nous envier. Ici, le covid a terminé de rendre les gens fous, à différents degrés. Tous ne succombaient pas mais tous étaient touchés, etc. Sans compter les vocations de flics qui ont éclos. Au moins, si les choses s'aggravent, on sait qu'on ne pourra pas compter sur ses voisins, sauf pour nous dénoncer.
    Pour vos chants, je trouvais que vous aviez beaucoup adapté les marins de Groix à la Russie mais vous avez mis deux fois le même lien :)
    Je vous souhaite un prompt rétablissement. Au plaisir de vous lire,
    Philip

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    1. J'ai essayé de changer le lien, j'espère que ça marchera. Eh bien d'après Slobodan Despot, on dirait bien qu'existent des mondes parallèles. La Russie en soi est d'ailleurs un monde parallèle. Ce que les journaux bien pensants appellent la fachosphère, peut-être? Tous ceux qui pensent mal ou pensent par eux-mêmes, en fait. J'ai débouché sur Nicolas Bonnal je ne sais plus comment, en écrivant un commentaire sur son blog. Je ne sais pas si nous sommes bien nombreux, je connais des dissidents très solitaires! Il est certain qu'on a tendance à se regrouper en communautés d'idées, et là nous sommes même dans la subdivision orthodoxe, puisque Slobodan l'est comme moi, ce qui est aussi le cas de Maxime le Minime et de Claude Genesty Lopez…
      C'est vrai que les Russes ont presque toujours les mêmes prénoms, il me semble que cela vient de la période soviétique, parce qu'autrefois, on donnait aux enfants le nom d'un des saints fêtés le jour de sa naissance. Et il y a énormément de saints dans le calendrier orthodoxe, un choix colossal. Bien sûr on pouvait se retrouver avec un prénom grec un peu étrange, Mitrophane, Polycarpe, Euphrosyne; ce qui d'ailleurs revient à la mode. Le patronyme permet en effet de différencier les gens.

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  2. La conclusion de Slobodan Despot aurait pu être accompagnée de cette fameuse phrase de Boukovski : "J'ai vécu dans votre futur et ça n'a pas marché"

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    1. Oui! Notre futur est la version capitaliste de leur passé.

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  3. C’est surprenant une Russe qui considère son pays d’origine avec les yeux d’une étrangère, comme le ferait une Française par exemple. Sans doute l’a-t-elle quitté jeune et garde-t-elle un mauvais souvenir du soviétisme finissant, ou post-communisme.

    Ah là là, c’est bien la peine d’être en Russie pour aller dîner dans une pizzeria, tss… Pas encore de crêperie bretonne (groisillonne) sur le sol russe ?

    « Restez allègres et sereins » nous encourage souvent Slobodan Despot à la fin de chaque édito-vidéo, mais il ne faut quand même pas qu’il soit très optimiste sur la suite des évènements pour envisager de se retirer en Russie… Étant russophile c’est peut-être un souhait qu’il contemplait vaguement à l’horizon - « pour ses vieux jours » disons -, indépendamment du contexte, et que la situation mondiale de plus en plus pressante et folle vient précipiter. En prévision du pire.

    Je ne vous demande pas de trahir des secrets ; je formule seulement quelques interrogations que le compte-rendu de votre rencontre m’inspire, et qui me troublent quelque peu, c’est vrai. Il commence le récit de sa visite en Russie dans l’Antipresse d’hier, et j’y repensais.

    Bien sympathique cette expo-réunion avec musique et chants, accompagnée de votre petite lionne, la vie et la sociabilité normales (quelques masques en trop)… On vous envie, tiens, de là où l’on est.

    Tiphaine, depuis la Bretagne.

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