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mardi 16 février 2021

Skis

 


Hier matin, au sortir de l'église, pour la fête de la sainte Rencontre, azur profond du ciel, ombres bleues, neige éblouissante, et un froid très vif, j'avais même des glaçons dans le nez. Ces jours froids de février ou de mars, dans leur pureté, nous soulèvent dans un autre monde; les congères sont pareilles à des nuages, où tanguent des églises et des maisons. Tout cela est si beau que je me suis décidée à acquérir des skis de randonnée, qui s'accompagnent de botillons et de deux bâtons, j'espère que je vais arriver à m'adapter. J'aimerais pouvoir gagner ainsi le lac et m'éloigner des horreurs qui pullulent. Cela me ferait faire de l'exercice, si je ne tombe pas toutes les deux minutes, évidemment....

J'ai acquis les skis après avoir renouvelé mon permis de séjour, ce qui doit être fait tous les ans. Je me sentais légère. Rita est la vedette du service d'immigration, tout le monde vient s'extasier sur elle.

Dans la foulée, je suis allée chercher un cadre, chez l'encadreur Vladimir. Il est communiste, surtout par horreur du capitalisme, comme la matouchka du père Valentin; pour moi, c'est un serpent à plusieurs têtes et un seul corps, comme on le voit bien en ce moment, avec l'émergence du cocopitalisme de Klaus Schwabe. On nous a jetés les uns sur les autres pendant tout le XX° siècle, pour aboutir au coït final du trotskisme universel avec le fric obscène de quelques capitalistes complètement fadas. La spoliation générale de tout le monde au profit de quelques uns qui veulent notre bien et nous contrôlerons jour et nuit, et jusque dans les chiottes. C'est sûr que devant une telle perspective, je préfèrerais le bon vieux communisme de Brejnev...

Sachant cela, que j'ai bien compris, et dont j'avais l'intuition depuis un bon moment, je devrais m'éloigner dans quelque village perdu que les seigneurs crochus et griffus  de la finance oublieront de réquisitionner, et peut-être le ferais-je, si j'étais plus jeune, mais je me demande si cela vaut la peine de se compliquer ce qui me reste de vie, de me distraire de ce que je peux enfin faire, pour l'instant, sans entraves, écrire, dessiner, jouer de la musique. Evidemment, dans la mesure où des crétins ont la présomption de simplifier Molière pour le mettre à la portée du débile fabriqué par cinquante ans de déconstruction post-soixante-huitarde, on peut se demander si écrire a encore un sens.

Je me souviens du don Juan de Marcel Bluwal, avec Claude Brasseur et Jean-Claude Piccoli, il passait à à une heure de grande écoute, en 1965, et toute la France s'était passionnée pour cette oeuvre. On n'avait pas de problème pour comprendre Molière. Ce n'est pas Molière qui a vielli; ce sont les générations nouvelles que l'on a rendues complètement étrangères à leur héritage, et que l'on a privé des référents culturels minimaux indispensables pour aborder leurs classiques. Ce fut mené de main de maître, la différence du cocopitalisme avec le bolchevisme, c'est qu'il fait dans la patiente fourberie. Le dressage en douceur, moins de mitrailleuses et d'arrestations, plus de boniment et de séduction perverse et avilissante.

Pour ceux que cela intéresse, voici une vidéo sur la question, elle est loin d'être la seule. Vous serez moins surpris, le jour où l'on nous prendra tout. Pour notre bien, évidemment.




J'ai vu que la région de Yaroslavl avait lancé un programme de "rénovation", ou plutôt "d'amélioration"de plusieurs petites villes, parmi les plus jolies, dont la nôtre, qu'on pourrait croire  pourtant déjà suffisemment saccagée. Je mets là le projet pour la rive du lac, à Pereslavl, du côté de la charmante plage municipale où je vais parfois me promener et dessiner. 

c'est bien, ça ressemble à n'importe quel endroit merdique du monde globalisé

Après avoir détruit tout ce qui avait du charme et de la poésie, il faut maintenant transformer les espaces naturels en rue piétonne de supermarché banlieusard européen, banal et sinistre. Ces gens-là, ceux qui décident ce genre de projet, non seulement n'ont ni culture ni goût, mais ils détestent instinctivement tout ce qui est vivant et naturel, et tout ce qui est local. L'encadreur Vladimir m'a confirmé qu'une société de Moscou s'était emparée des abords de la plage municipale pour la transformer en Riviera bien bétonnée et bien asphaltée, avec les petits massifs, les thuyas et les réverbères de rigueur autour des hôtels et des parkings.

Dans le même ordre d'idée, ce qu'a fait mon voisin, déverser des quantités de terre hallucinantes pour écraser dessous le marécage et la nappe phréatique, semble hyper tendance dans la ville de Pereslavl. Tout le monde s'y met. Benjamin le Suisse a perdu sa récolte de pommes de terre, parce que son voisin a fait comme le mien. Tous ceux qui construisent en ce moment des boites d'allumettes sur pilotis, recouvertes de plastique, font précéder l'opération du déversement, sans aucun égard pour ceux qui habitaient déjà sur place, de tonnes et de tonnes de terre qui surélèvent leur fichu terrain d'un mètre par rapport à leurs voisins. 

Et bien entendu, la nappe phréatique ne disparaît pas pour autant. Elle remonte ailleurs, dans les patates de Benjamin, ou chez moi, et le printemps risque de m'offrir des phénomènes spectaculaires. 

Tant qu'on peut encore le voir, un des seuls points de vue pittoresques qu'il me reste, comme c'est le soir, on ne distingue pas trop la bagnole du voisin sur son piédéstal.


Et pour finir, cet extrait du Don Juan que j'avais vu à 13 ans, avec toute la France, à la télévision: 



4 commentaires:

  1. "C'est sûr que devant une telle perspective, je préfèrerais le bon vieux communisme de Brejnev..."

    Comme chrétienne vous seriez morte de froid depuis longtemps sous le "Ciel de la Kolyma"...

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    1. Pas sous Brejnev! On ne mettait plus les gens au goulag pour ça. Et qui sait ce que deviendront les chrétiens dans le joyeux monde qu'on nous prépare?

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  2. En France, nous résistons, combattons, aimons, sûr de la bénédiction de notre Géronda Placide. Rien n'est facile, mais c'est auprès des plus pauvres et démunis, que nous continuons d'œuvrer,seul, sauf quelque Prince de France bien accablé.Pardonnez-moi, Jean d'Athos.

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