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dimanche 7 février 2021

Transmission

 Nous avons quand même un bel hiver. Il fait à nouveau froid, - 18, avec de la lumière. Je pense qu'après cela, nous arriverons au mois de mars, et si ce ne sera pas encore le printemps, nous n'aurons plus de températures extrêmes, nous verrons fondre la neige, pousser les crocus et les jonquilles, et je pourrai entreprendre la réorganisation de mon jardin à la suite de la catastrophe que furent l'implantation proche de la cabane en plastique sur pilotis et surtout l'avalanche de terre destinée à servir de socle à la sacro-sainte bagnole que le voisin entend vénérer quotidiennement depuis sa terrasse. Il va me falloir déplacer et planter des tas de choses, trouver un moyen peut-être d'intégrer des espaces légumes au sein de mes fleurs, et surtout, orienter la maison différemment, de façon à entrer, sortir et m'asseoir loin du monument à l'Automobile et des parties de brochettes bains de vapeur.

Hier soir, Moustachon a ramené un adorable petit oiseau, de ceux que je nourris avec amour, et j'ai cru que j'allais assommer cet imbécile repu qui bouffe comme un canon et va encore chasser pour le plaisir. Ce matin, Blackos, qui est de loin le pire de tous les parasites qui me pompent la substance, après avoir vomi sur mon lit, est allé chier sur le divan, et se planquer je ne sais où, car il sait parfaitement que cela me met en fureur. Ce qui ne l'empêche pas de me regarder avec des yeux de merlan mort d'amour, mais je comprends de mieux en mieux ceux qui abandonnent de tels malfaiteurs, bien que je sois incapable de le faire. J'ai lavé deux fois en deux jours le tissu que je mets pour protéger le divan.

Par dessus le marché, ma locataire joue avec moi les gourous orthodoxes, et pourtant justement, je ne la trouve pas très orthodoxe. Elle ne désespère pas de m'amener à prier avec elle et à participer aux vidéoconférences quotidiennes avec sa communauté, et moi, je suis du genre à "fermer la porte de ma chambre" pour prier seule, quand je suis en train pour cela, et autant je pourrais le faire spontanément en certaines occasions, autant ce prosélytisme me casse les pieds, nous ne somme pas des témoins de Jéhovah. Quand j'ai envie de prière commune, je vais à l'église. En fait, en dehors du père Valentin, il y a trois personnes avec qui je parlerais de mes problèmes spirituels, c'est mon amie Liouba, qui est très sage et très profonde, Henri et Dany.

Je vois des gens m'écrire comme si j'étais une poutiniste enragée; mais en face de Navalny, je soutiendrais un chimpanzé ou un crocodile, tant ce type est une nullité manipulée que seuls de petits cons décervelés et des intellectuels à côté de la plaque peuvent considérer comme une alternative. Nous n'avons plus la possibilité d'une démocratie, si tant est qu'on l'ait jamais eue, et jusqu'à récemment, la popularité énorme de Poutine lui donnait une légitimité populaire absolue à mes yeux. Un pays où l'on peut respirer sans masque, où les cafés, les restaurants et les magasins sont ouverts, où l'on peut sans problème pratiquer sa religion, créer ce qu'on veut, dire ce qu'on veut, voir qui on veut, aller où l'on veut, où l'on ne fait la chasse ni aux croix, ni aux crèches, ni aux sapins de Noël, ni même aux voiles, où l'on n'est soumis à aucun diktat idéologique ne peut pas être considéré comme un tyrannie. Il y a des tas de choses qui ne vont pas ici, elles ont souvent tout à voir avec ce qui ne va pas chez nous: la toute puissance des structures supranationales, des banques, des oligarques psychopathes richissimes, les bouleversements sociaux et même anthropologiques qu'ils veulent nous imposer. Ce qui suppose l'abrutissement de la population et sa perversion, pour la préparer à sa disparition et sa dissolution dans un magma multicolore et arc-en-ciel complètement stupide. D'autre part, il est incontestable qu'on risque beaucoup plus à empiéter sur les intérêts de promoteurs mafieux qu'a soutenir des idées politiques dissidentes. Comme me le disait déjà le voisin, pourtant libéral, du père Valentin, à propos de sainte Politkovskaïa, "les crimes ne sont plus chez nous liés à une idéologie mais à des intérêts mafieux".

Je pense que Poutine déçoit son électorat, non parce qu'il est le croquemitaine présenté comme tel aux gogos français par des russophobes rabiques tels qu'Ackermann, Vitkine, Glucksmann et autres clones de Trotski, mais parce qu'il ménage trop la chèvre et le chou, il veut trop plaire à ses partenaires. Contrairement à ce qu'on raconte en France, il n'a aucune envie de faire la guerre, le pays est convalescent et n'en a pas les moyens. Il a récupéré la Crimée, mais il a laissé tomber le Donbass; il a laissé l'Ukraine devenir un trou noir mafieux. Peut-être d'ailleurs ne pouvait-il pas faire autrement. Cela dit, sans lui, la Russie n'existerait plus, ou serait réduite à l'espace de celle d'Ivan le Terrible, assiégée par les tatars et les Polonais. C'est sans doute parce qu'il a évité cela que les néocons le détestent tellement.

Il y a 20 ans, il avait tout le pays derrière lui, et il nous parlait des ciments spirituels et culturels de la Russie, mais il a laissé construire le centre Eltsine de Ekaterinbourg, cette antenne maléfique de la propagande américaine où l'on amène les gosses par classes entières entendre et voir tout ce qui peut salir et rabaisser leur pays, et le leur faire détester, en leur proposant le radieux modèle occidental dont nous voyons aujourd'hui la brillante réussite au pays des racailles souveraines et des concombres masqués. La télé est un instrument à décerveler et à avilir, exactement comme partout ailleurs. Les ministres de la culture successifs n'ont qu'une idée, c'est déconstruire la Russie en marginalisant et démodant sa culture au profit de merdes occidentales répugnantes. L'éducation est également détricotée sur le modèle américain, la famille exposée aux injustices et à l'arbitraire de la justice juvénale. Que fait Poutine? Les navalnichons sont le produit de tout ce qui s'est fait ou ne s'est pas fait, pendant les vingt dernières années.

Un ami qui émigre en Russie en passant par la Biélorussie s'effraie de voir des enfants de familles orthodoxes s'enavalnichoner. Oui, moi aussi, mais si je milite pour la restauration du folklore partout où c'est possible, c'est parce que malheureusement, une éducation orthodoxe ne suffit pas. A la limite, quand sous l'URSS, antirusse et anticléricale dans sa conception, les gens bénéficiaient encore de leur folklore localement, écoutaient de bonnes chansons et de la musique classique, lisaient les auteurs russes du XIX° siècle, même censurés et triés, regardaient des films soviétiques appelant à l'héroisme et au sacrifice, pouvaient encore contempler des sites historiques ou naturels qui n'étaient pas ravagés par une lèpre immobilière incontrôlable, ils restaient plus imprégnés d'esprit russe et d'orthodoxie qu'actuellement, où la religion est librement pratiquée, et toutes les publications permises mais confidentielles. La censure se fait maintenant par l'omission, la marginalisation, le dénigrement, la paupérisation, la substitution dans l'espace médiatique, de la soupe mondialiste vulgaire partout imposée au terreau culturel, mémoriel et spirituel indigène. Les familles orthodoxes trainent leurs enfants à l'église, mais le terrain est mal préparé. En dehors des séances d'église, il n'y a souvent rien, ni musique en commun, ni lectures de classiques, ni visites de musée, ni conversations. Un enfant a besoin de contes, d'épopées, de modèles héroïques, il a besoin d'admirer pour imiter. L'église lui demande un trop gros saut pour se mettre au niveau, il manque toutes sortes de paliers intermédiaires. J'ai connu un prêtre en Biélorussie qui organisait une bibliothèque que je supposais religieuse, et il m'avait répondu: "Mais nous n'en sommes pas là, si déjà ils lisaient les classiques..."

Les familles réussies que je vois autour de moi ne sont pas seulement orthodoxes, ce sont des folkoristes, des cosaques, des artistes aussi. Avec des enfants à la fois épanouis et adorables, équilibrés. La famille Rimm par exemple, où ils sont si frais et purs, et ont toujours le réflexe de partager, de demander qu'on n'oublie pas de servir leurs frères et leurs soeurs. Ou le plus petit prend déjà des airs virils et suit, éperdu d'admiration, l'ataman à la trace. Les enfants de Kolia Sakharov, éblouis par leur père sur scène. Ceux de Skountsev; ceux de Sacha Joukovski. 

Les cosaques de Pereslavl qui font beaucoup d'enfants et forment une communauté unie dont ils représentent l'espoir et la projection dans l'avenir, les ont mis au monde pour leur pays, et tout ce qu'il représente, ils cherchent à élever des héros et d'éventuels martyrs. Et ces enfants en sont heureux, car ils s'inscrivent dans quelque chose de grand, avec des adultes qu'ils respectent, qui leur offrent un modèle à suivre.

J'ai vu un film qui présentait des couples de jeunes folkloristes et expliquait très bien en quoi la musique traditionnelle avait cimenté leurs relations et donné à tous les jeunes qui le pratiquent une échappée dans un autre monde, profondément satisfaisant, profondément en accord avec la nature humaine et son besoin d'échanges, d'appartenance à une communauté. Une communauté qui va plus loin que les engouements de la mode, car elle a des ramifications dans le passé et une projection dans l'avenir, par l'effet de la transmission. C'est-à-dire tout le contraire de la navalnomanie, qui méprise généralement ce qui est russe, comme le bobo chez nous méprise le franchouillard.

 


Je suis parfois assez critique avec l'administration russe pour pouvoir affirmer que dans le monde où nous vivons, quand cela ne va pas trop mal, qu'on vit en paix et qu'on conserve des libertés fondamentales, celle de culte, de pensée, et d'entreprise, il vaut mieux lutter localement avec ce qui ne va pas que tout foutre en l'air car nous n'aurons pas mieux, nous aurons pire. Et même bien pire. Nous aurons l'Ukraine, ses bandits de grands chemins à folklore néonazi, ses oligarques à triple passeport, ses mercenaires otanesques, ses règlements de compte et ses persécutions.

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