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jeudi 21 décembre 2023

Saint Nicolas et le miracle de la station de Zoïa

 


Je pense qu’après tout ce froid et ces tonnes de neige en décembre, nous allons avoir le mois de mars tout le reste de l’hiver, et la patinoire permanente. Cela me consterne. Vraiment, en venant m’installer au nord de Moscou, je n’ai pas choisi la facilité...

Pour l’instant, c’est joli, il tombe une neige collante qui nappe toutes choses, les moindres rameaux, les branches sombres des thuyas, mon genevrier est particulièrement joli quand il est enneigé, je regrette de ne pas avoir dès le départ planté des genevriers à la place des thuyas, c’est vraiment ravissant, souple, avec une couleur un peu bleutée, mais pas trop, cela ne vient pas trop gros. Mes thuyas ne sont pas affreux, du reste, ils me rappellent les cyprès, d’autant plus que je ne les ai pas mis en haie compacte, mais ponctuellement. Suzanne, la copine des Leroy, m’a dit que cela venait jusqu’à vingt mètres, mais j’ai regardé dans les descriptions botaniques, on parle de quatre à six mètres, et j’espère que c’est vrai. Cela dépend peut-être des variétés.

Depuis que les buissons ont poussé et que je ne coupe plus les fleurs en automne, pour me souvenir de leur emplacement, mon jardin est joli même en hiver, il offre au regard toutes sortes de structures aériennes que décorent la neige et le givre et qu’animent de nombreux oiseaux. La partie en voie de défiguration de l’isba d’en face devient invisible de ma fenêtre et de ma terrasse. Je crois que d’ici deux ou trois ans, je ne verrai plus trop les horreurs actuelles ou potentielles. J’aurai aussi beaucoup de taillis, de buissons fleuris qui prendront la place des massifs et de l’herbe. Je serais dans un autre environnement, que j’aurais laissé plus dégagé, bien sûr. Encore que finalement, je ne raffole pas de la pelouse, le tapis vert tondu à mort avec les massifs idiots. L’herbe va finir par se limiter à des chemins plus ou moins larges allant d’un groupe de plantes à l’autre. J’essaie de garder une ouverture qui me permette de regarder le ciel depuis ma terrasse, du côté de la maison d’Ania, qui n’est pas menacée pour l’instant, de toutes façons, là, je ne peux pas planter grand chose.

Ce que je redoute plus, maintenant, c’est la pollution sonore, les radios qui dégueulent de la merde et les motos des petits cons qui tournent en boucle.

J’ai vu plusieurs émissions sur un miracle qui a eu lieu à Samara dans les années cinquante, en pleine persécution religieuse Khroutchev. C’était instructif à plus d’un titre. D’abord, rappel de l’idéologie communiste, Khroutchev avait promis de présenter le dernier pope à la télévision, le communisme était à l’horizon proche, les gosses systématiquement transformés en petits komsomols ricanants et redresseurs de torts à qui on promettait l’immortalité, fruit des progrès de la science. Ce qui rejoint tout à fait le cocopitalisme transhumaniste qui sévit en occident et amorce d’ailleurs la spioliation des petites gens au profit d’une caste de surhommes, seuls dignes de posséder quelque chose.



Sur ce fond, une jeune fille élevée par le régime, au cours d’une soirée d’anniversaire, comme son copain n’avait pas pu venir et qu’on dansait en couple, a pour faire la maline pris sur le mur une icône  oubliée de saint Nicolas et s’est mise à danser avec elle. Là dessus, on a vu comme un éclair, et la fille est restée figée avec l’icône, incapable de bouger, collée au plancher, pendant plusieurs jours. L’événement a eu un grand retentissement. Beaucoup de gens se sont alors convertis, dans l’atmosphère de persécution religieuse, les églises disponibles et les croix de baptême n’y suffisaient pas. Le pouvoir a aussitôt pris des mesures, la maison est devenue inaccessible, et les choses ont été si embrouillées que cela complique les enquêtes contemporaines. On dit qu’au bout d’un certain temps, un starets est venu lui enlever l’icône, ce que personne n’avait pu faire, la délivrant de sa stupeur, en lui disant : « Eh bien, tu es fatiguée ? » Ce starets, pour certains, serait saint Nicolas lui-même. Ou un starets local. Ou un jeune moine. La jeune fille délivrée dit à tout le monde en pleurant : « Repentez-vous, repentez-vous ». Elle raconta que pendant sa longue station, elle était entourée de flammes et nourrie par des oiseaux célestes. On l’enferma dans un hôpital psychiatrique. L’enquête de la chaîne orthodoxe SPAS dit que cette station n’a pas duré trois mois mais une semaine. Je ne doute pas que cet événement ait eu lieu, ne serait-ce que parce que les journaux ont été obligés d’en parler. Qu’on ait enjolivé, c’est possible. C’est toujours comme cela.

Comme d’habitude, il y a des commentaires d'anciens komsomols purs et durs, ou de leurs descendants. L’un d’eux explique que la schizophrénie peut provoquer ce genre de catalepsie, oui, d’accord, mais en l’occurrence, il ne s’agissait pas d’une schizophrène, ni même d’une jeune bigote exaltée, c’était une komsomole ricanante et un esprit fort, de l’espèce du commentateur, elle faisait une joyeuse bringue avec des copains. Et elle est restée clouée au sol je ne sais combien de jours, collée à l’icône et muette. Ces gens me rappellent les gauchistes des années soixante-dix. Les woke d’aujourd’hui, comme cette fille déchaînée qui se jette sur Vincent Lapierre pour l’empêcher de faire son reportage, sous prétexte qu’elle le considère comme un facho, alors qu’il est respectueux envers tout le monde. Ou les Ukrainiens militants.L’important pour eux est de s’insinuer partout, pour redresser les torts, dénoncer, injurier, assourdir et surtout empêcher de parler. Curieusement nous, les fachos, les réacs, les obscurantistes et les contras, nous n’allons pas sur leurs sites favoris faire du scandale, nous savons trop bien qu’à part les clouer au sol huit jours au milieu d’un cercle de flammes avec l’icône de saint Nicolas, il n’y a rien à tirer d’eux. Mais eux, ne peuvent rester tranquilles, notre existence même ne leur laisse pas de repos.

Saint Nicolas est quasiment le protecteur de la Russie, dans la Russie ancienne, les étrangers s’étonnaient de l’extraordinaire ferveur du peuple pour saint Nicolas, qu’ils appelaient le "dieu russe". Ce qui donne à l’événement un sens particulier, et me fait réfléchir à l’irruption de cette icône, que j’ai recueillie, abandonnée sur l’étagère des objets à donner, dans notre cathédrale, comme si elle n'attendait que moi. Je lui trouve une grande présence, et du coup, je prie aussi saint Nicolas. C'est comme s'il m'avait adoptée.





Dans le même ordre d'idées, j'ai vu un documentaire sur le Donbass intitulé "la guerre sainte" qui met l'accent sur le caractère avant tout spirituel du conflit et remet bien, c'est le cas de le dire, les églises au milieu des villages, dommage qu'il ne soit pas sous-titré et que je n'ai plus les moyens techniques de le faire. Je vois beaucoup de correspondances entre l'attitude du gouvernement ukrainien, dans les procédés, la nature et l'origine des protagonistes, et celui de l'URSS, surtout des débuts de l'expérience, mais le gros barbare Khroutchev, en poste au moment de la "station de Zoïa", en était un pur produit, et en plus, il était ukrainien lui-même. Dans ce documentaire, on rappelle ce que je savais déjà, que le faux patriarche Philarète avait lancé cette affaire de patriarcat de Kiev parce que, contrairement à ses attentes, il n'avait pas été élu patriarche de Moscou, ce qui se serait produit, s'il n'y avait pas eu la perestroïka à ce moment-là. C'est-à-dire qu'en gros, déçu par le KGB, il s'est tourné vers la CIA, mais c'est toujours le même diable, seules les casquettes changent.. 

On redéfinit bien aussi les notions d'Ukraine et d'Ukrainiens, et tout cela est fait par des prêtres et des fidèles locaux, l'un d'eux rappelle le rôle de l'uniatisme, ce cheval de Troie des Polonais contre les orthodoxes, destinés à détacher de la Russie les parties de la Biélorussie et de l'Ukraine actuelles qui étaient sous leur contrôle. Et comment Jean-Paul II a soutenu cette caricature d'orthodoxie papo-compatible, et le nationalisme ukrainien, lequel est avant tout un nationalisme galicien, concernant l'ouest du pays, tout ce qui était sous le contrôle des austro-hongrois et des Polonais. La persécution des orthodoxes sévissait déjà alors à plein régime. Le rôle également des sectes, que les Américains favorisent, et qu'ils avaient lâchées sur la Russie des années quatre-vingt-dix, mais auxquelles la législation avait mis un coup d'arrêt en n'autorisant sur le territoire russe que les religions traditionnelles, soit le christianisme, le bouddhisme, l'islam et le judaïsme. Le prêtre explique que l'Ukraine, la sienne, est comparable à ce qu'est la Bavière pour l'Allemagne: une région russe qui a sa culture, son coloris particulier. Il souligne qu'elle est très différente, par la mentalité, de l'Ukraine uniate, beaucoup plus agressive et vindicative. Du reste, explique-t-il, personne ne profane au Donbass les tombes des soldats ukrainiens qui se trouvent maintenant sous contrôle russe. Alors qu'en Ukraine de l'ouest, les monuments et les tombes sont profanés, et l'on s'attend à les voir s'attaquer aux fosses communes de la dernière guerre. 

Une vieille dame qui fait preuve d'une grande culture religieuse, observe à propos des persécutions endurées maintenant par l'Eglise ukrainienne du métropolite Onuphre et ses hiérarques: "Il faut quand même dire qu'ils n'ont jamais condamné la guerre au Donbass, et maintenant, ils le paient". Or en effet, si, comme me l'a rappelé Ivan Illitch Takhtiour, ils ont condamné la Russie, l'Eglise russe et son patriarche au moment de l'intervention, ils n'ont jamais expréssément condamné les bombardements et les atrocités pratiquées au Donbass depuis dix ans. Cette Eglise du métropolite Onuphre que les joyeux orthodoxes français, souvent d'origine russe,  présentent comme "soviétique" pour justifier le traitement qu'on lui fait et le tour de cochon que lui a joué le patriarche de Constantinople. Pourtant, le patriarche Cyrille a  défendu de critiquer le métropolite Onuphre, et tout le monde en Russie compatit et soutient, moi la première. Tout le monde comprend la difficulté de sa position, et aussi sa grande qualité spirituelle et humaine, tout le monde admire la ferveur et le courage de l'Eglise ukrainienne persécutée. Tout le monde se souvient précisément de ce qui se passa en Union Soviétique, et sait ce que ce genre de persécution signifie. Le métropolite Onuphre ne voulait pas entrer dans le jeu politique, et disait ne pas faire de différence entre ses fidèles. A mon avis, ce n'étaient pas tellement ses fidèles qui allaient bombarder les quartiers d'habitations du Donbass, les hôpitaux et les jardins d'enfants, et faire des cartons sur les grands-mères qui sortaient dans leur potager. Les bataillons punitifs étant plus souvent néopaïens ou uniates, ou pseudo-uniates de la mouvance Philarète ou Epiphane...

Enfin toujours est-il que ne pas avoir condamné les exactions au Donbass, mais avoir condamné l'intervention destinée à y mettre fin, n'a pas empêché les diables à l'oeuvre de se déchaîner plus que jamais, dans la violence, la fourberie et la calomnie. Le starets Zossime de Donetsk avait recommandé, dans ses prédictions, de se cramponner à l'Eglise russe.



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