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samedi 15 février 2025

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Mon amie rapatriée se plaît beaucoup au café la Forêt, elle s'entend bien avec Gilles et Lika. Nous y avons passé pas mal de temps, entre les différentes démarches. Voici la photo de ce que nous avons vu dans la rue, au sortir de notre quartier général. Je me demande si le numéro a été délibérément choisi ou si c'est un hasard! Discutant aujourd'hui sur Skype avec mon cousin Jean-Marc de Marseille, je voyais les platanes chargés de ces perruches vertes qui ont envahi le midi et chassent tous les autres oiseaux; et je pensais aux romans de Voznessenskaïa sur l'apocalypse. A travers l'écran, outre les perruches et la bonne tête de Jean-Marc, m'arrivaient un ciel violemment bleu, une lumière impossible.

Nous avons ouvert un compte avec le tout nouveau passeport russe de ma visiteuse, afin de lui permettre de retirer l’argent liquide qu’elle avait commandé pour acheter sa maison, mais voilà que le document, retiré la veille, n’apparaît pas encore sur l’ordinateur de la banque, il faut donc aller demander un certificat de validité au bureau des passeports et revenir faire l’opération, en plus de tout le reste, l’acte de vente, l’enregistrement dudit etc... Nous avons couru des heures d'un bout de la ville à l'autre, et finalement, tout s'est conclu. Nous sommes allées fêter cela au café français, où Gilles nous a tracé un tableau effrayant des travaux qui attendaient la nouvelle propriétaire, aux prises bientôt avec tout un tas de filous à l'affût... 

Rita au café
Hier, nous sommes allées, avec Tania, le matin à la liturgie pour l’anniversaire du père Serge, recteur de l’église du Signe, proche de sa future maison. C'est une jolie petite église contemporaine, avec des fresques et de belles icônes. Il y avait l’évêque et presque tout le clergé du pays. Je suis tombée à nouveau sur le vieux prêtre que je comprends mal, le père Guennadi. Il est du genre à vous cuisiner. « Tu dis que tu es irritable, mais qu’est-ce qui t’irrite ?

- Les gens, mes chats, les événements... je suis fatiguée.

- Fatiguée de quoi ?

- D’être vieille !

- Quand on est vieux, on a déjà eu la chance de ne pas mourir jeune.

- C’est certain. »

Il me dit que l’irritation vient souvent de l’orgueil et que les nouvelles sur internet ont un défaut que Théophane le reclus dénonçait chez les lecteurs de journaux de son époque, elles nous poussent à juger les autres. C’est un fait.

Monseigneur Théoctyste a dit une pannychide pour l’âme d’Elena Chadounts. Il est très affecté par sa mort, comme toute la ville, on peut le dire.

Ensuite, repas en commun, avec le clergé, le choeur, dont Katia, et tout un tas de vieilles, dont moi ! J’ai félicité le père Serge, et j’ai présenté mon amie, en expliquant son origine russe, le pays d’où elle venait, ses projets. « Eh bien, père Serge, à dit l’évêque d’un air réjoui, j’ai l’impression qu’il va te falloir apprendre le français !"

Ensuite, nous avions rendez-vous chez Ania et ses parents, au village de Bolchié Sokolniki. Ils nous avaient fait, comme d’habitude, une bouffe grandiose, dans leur tiède maison de rondins, avec un poêle de briques et la grosse chienne Groucha. Grigori Borissovitch a sorti toutes ses boissons d’homme, car ma visiteuse ne crache pas dessus. Moi, j’étais au volant, et je ne digère pas forcément tout cela. Mais il y en avait de fort tentantes, la vodka au raifort, à la baie de viorne aubier... Grigori Borissovitch est un vieux mécréant communiste, mais il nous a confié que l’endroit le plus beau qu’il eût vu aux USA était un monastère orthodoxe russe au Texas, dans un lieu naturel sublime où il s’inscrivait parfaitement, et qu’hier, aux funérailles d’Elena Chadounts, il avait pensé devant le monastère saint Nicolas : « Quelle splendeur, et quelle chance qu’il nous reste encore des lieux de beauté comme celui-ci ! » Il nous a confié que la beauté de l’Europe, lorsqu’il y était en poste, l’avait subjugué, et qu’il nous trouvait du mérite de l’avoir quittée pour venir ici, même si, d’un certain point de vue, l’évolution des choses justifiait tout à fait que nous le fissions.

J'ai fait une promenade dans le marécage, à la lisière duquel, malheureusement, les constructions monstrueuses se reproduisent à grande vitesse. Mais sur le lac, on ne les voit presque plus. Il restait un peu de givre, le soleil balayait de ses grands rayons dorés le dessous violacé du brouillard qu'il repoussait comme une bête nonchalante au delà des berges d'argent dépoli. Les roseaux illuminés semblaient des buissons de cierges posés sur la glace d'un blanc chatoyant.


 

Ce qui se passe avec l'Europe me serre le coeur. J'ai vu des photos d'une villa ancienne abandonnée dont les murs sont couverts de tags, et c'est bien pire que la vétusté et la ruine, c'est la marque de la bête tracée sur notre passé de raffinement et de noblesse. Que dirait Chateaubriand devant des choses pareilles? Un pauvre type m'écrit des commentaires furibonds sur l'Ukraine "indépendante", sur les "esclaves nord-coréens de Poutine," sur "l'impérialisme russe", sur l'Europe livrée aux appétits de conquête des barbares eurasiatiques, on croit rêver... Mais les barbares sont là, et ce ne sont pas des eurasiens, l'impérialisme sévit, mais ce n'est vraiment pas celui des Russes, qui n'ont que faire de l'Europe, et voudraient simplement qu'on arrêtât de leur casser les pieds par Ukrainiens interposés. Quand aux nord-coréens, c'est de la pure fantaisie. Il y a eu en Russie une immigration nord-coréenne assez importante, mais c'était il y a bien longtemps, et ces gens-là sont désormais intégrés. Et puis il y a des bouriates et des yakoutes, eux aussi sont russes...

Trump trouve sans doute que l'Ukraine a été une mauvais affaire qu'il faut régler pour, cinq cents milles morts plus tard, passer à autre chose. Les laquais de l'Empire trépignent et pleurnichent. Leurs troupeaux de gogos continuent de délirer, sans voir que le paysage a dramatiquement changé ni qu'on les mène en bateau tout droit vers leur perte. J'essaie de ne pas réagir quand je lis des bêtises monumentales et scandaleuses. Cela fait perdre trop de temps, et le bobo-gogo est incorrigible.     

2 commentaires:

  1. Quelle chance elle a votre amie visiteuse de vous avoir auprès d elle! Merci pour elle! Prenez soin de vous!

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