Je suis partie pour
Moscou, afin de récupérer une lettre recommandée arrivée chez mon père
spirituel, et de prendre mon premier cours auprès de Dmitri Paramonov, le roi
des gousli.
Les cours de gousli
ont lieu dans un palais du XVII° siècle, au cœur du vieux Moscou. On y parvient
par le pont du Patriarche, une passerelle qui part de l’église du Christ
Sauveur, avec vue d’un côté sur le Kremlin et de l’autre sur la fabrique de
confiseries «Octobre Rouge » et le monument vraiment monumental dressé à
Pierre le Grand par le sculpteur Tsereteli.
Beaucoup
d’intellectuels moscovites pensent que ce monument est une horreur. Mais malgré
mon peu d’affection pour Pierre le Grand, et mon peu d’enthousiasme pour
Tsereteli, ce machin me semble conférer au quartier une dimension fantastique,
et le peintre Alexandre Chevtchenko l’a si souvent représenté sur ses toiles
que je ne peux plus imaginer ce coin sans lui.
C’est un peu comme la
Tour Eiffel, elle est moche mais on s’y attache. Il y a pire.
Le monument à Pierre le Grand |
En arrivant dans le
palais, j’apprends que Paramonov est malade et a reporté la séance. C’est une
situation que j’ai déjà connue par le passé, mais je ne venais pas de Pereslavl
Zalesski.
D’autre part, Xioucha
a paumé la lettre recommandée, ce qui aurait très bien pu m’arriver, mais du
coup, je suis venue pour rien.
Enfin si. J’ai vu
Xioucha et fait du tourisme dans le centre de Moscou. Et puis je suis allée
acheter de quoi peindre et dessiner dans un grand magasin de fournitures pour
artistes.
J’ai rejoint le
lendemain Zoïa, qui vient chercher toutes les semaines son fils handicapé, et
elle m’a ramenée. Elle est d’une extrême gentillesse.
Cela m’a permis de
rapporter un carton à dessins dans lequel j’ai retrouvé un tableau presque fini
que je pourrai offrir à Olga. Il était resté en rade chez mon père Valentin. Que
n’ai-je pas semé derrière moi au cours de ma vie vagabonde… J’aimerais bien ne
plus bouger jusqu’au grand départ, où je n’aurai plus à me préoccuper de mes
diverses épaves.
Il fait très froid,
aux alentour de 0°, avec un vent agressif qui sent la neige. Rom a répondu à
mes appels par des miaulements désespérés. A mon avis, il est resté dehors
pendant toute mon absence, car il a peur des ouvriers, il a peur de tout le monde.
C’est mon pauvre Français dans la tourmente. J’ai cru qu’il n’allait pas
rentrer, mais il a dû se faufiler dans la cave pendant que je l’appelais, il
est ressorti quand les ouvriers sont partis.
Il fait 11° dans la
cuisine, j’ai sorti les bottes de feutre et le poncho péruvien.
Les nouvelles de France
m’affligent profondément. Et la propagande russophobe hystérique et
parfaitement mensongère que vomit notre classe politico-médiatique infâme.
Le Kremlin depuis la passerelle |
Le monument à Pierre le Grand et la fabrique Octobre Rouge par Alexandre Chevtchenko |