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jeudi 29 juin 2017

Bonjour la France

C'est en français, c'est bouleversant, et ça s'adresse aux sourds et aux aveugles dans l'espoir d'un miracle.
Le peuple du Donbass est systématiquement exterminé, ce qu'on appelle les séparatistes sont des gens du pays qui résistent, l'armée russe n'est pas entrée en Ukraine, sinon, cela serait terminé depuis déjà trois ans. Les civils le crient depuis le même laps de temps sans  que personne ne leur donne la parole, au contraire, on fait tout pour l'étouffer. Comme en Syrie, comme au Yemen, et avant cela en Irak et en Yougoslavie. En ce moment, des résistants du Donbass, enlevés par les Ukrainiens sont torturés et leurs familles subissent des pressions, pour obtenir d'eux qu'ils prétendent être des soldats russes, afin de justifier les horreurs commises là bas.
Philippe Ekoziants est un écrivain ukrainien d'origine arménienne. En dehors du Donbass, c'est toute l'Ukraine qui s'écroule et qui est traitée comme une colonie. Il prend la peine de nous l'expliquer en français dans une vidéo personnelle et confidentielle qu'il nous demande de diffuser un maximum.
Je la diffuse en espérant que les gens préféreront l'écouter lui, plutôt que des journalistes vendus au Nouvel Ordre Mondial.
Il y a des moyens de savoir. Ne pas savoir est un choix qui nous rend complices de tout cela, un aveuglement délibéré. Ce qui se passe en Ukraine, c'est le sort qu'on cherche à imposer à la Russie, et c'est celui qui guette toute l'Europe.
Et qu'on ne vienne pas me parler de propagande de Poutine, quand ces vidéos, toutes les vidéos tournées sur place et traduites bénévolement dépassent rarement les mille vues, parce qu'elles ne sont pas homologuées par la bien-pensance.


En complément, déjà difficile à trouver sur youtube


Conversations avec monsieur Poutine (3/4) от Georges MALAKOFF на Rutube.

mercredi 28 juin 2017

Rosie ko mnié

Il fait enfin beau, un temps printanier, soleil, petite brise fraîche. Les nuages se lèvent plus tard que moi. Quand je pars promener le monstre, le ciel est tout bleu, puis le lac souffle petit à petit d'énormes créatures éblouissantes qui dérivent.
Il y a une chose que je n'arrive absolument pas à saisir sur la pellicule, c'est l'éclat des coupoles dorées du monastère saint Nicolas, qui font comme des étoiles diurnes au détour des chemins.
Rosie se fiche éperdument de mes "ici, Rosie, Rosie ko mnié" assortis de petites friandises, c'est une anarchiste totale. Ca l'a amusée cinq minutes, maintenant c'est râpé. La seule chose dont elle ne se fiche pas, c'est de mes crises de rage qui me mettent dans des états limite. Si nous rencontrons des gens, elle va obligatoirement leur sauter dessus avec ses pattes dégueulasses et beaucoup de persévérance. Ce matin, elle a couru allègrement dans les hautes herbes, joué avec deux chiots sauvages.
Elle mène une guerre sans merci pour gagner une place sur mon lit, or je m'y refuse, car j'ai déjà les chats, ça va bien, et puis il paraît que ce n'est pas pédagogique. En réalité, un chien de traîneau devrait rester dehors et vivre en meute, et si possible travailler. D'ailleurs, la meute lui manque, c'est clair.
Je donnerais n'importe quoi pour lui trouver une famille normale où elle serait beaucoup mieux à sa place.
Parfois, je sais qu'elle est sur mon plumard, mais je fais semblant de ne pas le voir pour avoir la paix cinq minutes.
Elle m'a cassé un delphinium qui préparait une fleur, et des fleurs cette année, il n'y en aura pas beaucoup. Elle s'attaque avec prédilection à ce que j'ai planté avec amour, rarement aux herbasses adventices.
J'ai essayé de faucher et découvert que si la débroussailleuse à essence est une merde qu'il faut changer, et qui ne marche pas, la débroussailleuse électrique en est une aussi: la roue pour couper les hautes herbes ou les plantes résistantes ne coupe rien, et le manche de l'instrument se défait constamment. De même mon aspirateur marche mal, l'allumage reste coincé. Encore heureux que l'électroménager semble opérationnel. J'ai l'impression qu'ici, on te vend les machins dont on ne veut pas ailleurs. Mais on les paie, ces machins, et pas si bon marché que ça!


mardi 27 juin 2017

Etat souverain

J'ai regardé hier soir le documentaire d'Oliver Stone sur Poutine mais pas le débat, ou plutôt je me suis endormie devant, c'était trop tard pour moi. J'ai vu ce matin que les chacals de la médiocratie glapissaient à qui mieux mieux et déjà, hier, j'avais sur mon fil de commentaires, sur facebook, une trollette qui hurlait au dictateur et à la propagande. Il faudrait parler à ce type d'un ton agressif, comme s'il était au tribunal, et encore pas n'importe quel tribunal, un tribunal révolutionnaire destiné à épurer et réprimer. C'est ce qu'on fait avec le Pen et généralement toutes les têtes de Turc de la bobocratie, et ceux qui, ouvrant les yeux, quittent ses rangs un jour, comme le journaliste qui avait fait un documentaire relativement honnête sur l'Ukraine. Pour ces gens, nous sommes incapables de nous faire une opinion par nous-mêmes. Nous ne pouvons qu'être endoctrinés, sinon par eux, alors par ceux qu'ils détestent sans aucun argument que des calomnies et des incantations assénées avec aplomb et destinées à intimider et museler d'éventuels contradicteurs. Le reproche fait à Oliver Stone doit être compris au rebours de ce qu'il est, puisque cette clique retourne tout: on lui reproche non de faire de la propagande mais justement de ne pas en faire, dans le sens unanime du fantasme occidental homologué. Il me semble que toute interview devrait partir du désir de donner à l'interviewé l'occasion d'exposer son point de vue, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, avec politesse et attention, sans complaisance servile ni agressivité systématique, et non d'organiser un interrogatoire. C'est ce que fait Oliver Stone, et il est évident qu'il trouve Poutine sympa, ce qui est son droit, je dois dire que moi aussi.
Je l'ai trouvé sympa dès le départ, par son discours direct, intelligible, ferme et mesuré. Après la marionnette ivrogne qui l'avait précédé et qui avait mis la Russie à genoux devant les oligarques et les Américains, son apparition me parut avoir quelque chose de miraculeux. J'avais dit à mon père spirituel, monarchiste et viscéralement anticommuniste: "Le KGB reprend les rênes? " Il m'avait répondu: "Le KGB a au moins le sens de l'état." En dépit de tout le mal que je pense de cette institution au départ, mon séjour en Russie m'a appris à nuancer ma position. Car le KGB, devenu FSB, n'en est pas resté au stade du NKVD et de la Guépéou, les choses ont évoluées, et aussi, les services secrets de défense nationale et de renseignement ne sont pas la même chose que la police de répression politique. J'avais eu l'occasion d'en parler avec un ancien colonel du renseignement, rencontré en croisière, homme intelligent, patriote et orthodoxe. Le FSB n'est actuellement rien d'autre qu'un service de renseignement, analogue au nôtre, je ne dirais pas à la CIA, car la CIA aujourd'hui me paraît aussi néfaste, dangereuse et tentaculaire que le KGB de la grande époque, sinon plus, car elle bénéficie de beaucoup plus de moyens. Du reste, on observe que les dissidents vont en sens inverse. Iouri Iourtchenko, indigné par les mensonges médiatiques français à propos de l'Ukraine et du Donbass, est parti faire de la réinformation que personne ne voulait écouter, et après avoir été torturé par les bataillons néonazis, est revenu définitivement à Moscou. Snowden n'a trouvé de refuge qu'en Russie. Moi-même, malgré mon âge et les difficultés d'un déménagement là bas et de l'obtention d'un permis de séjour, je suis partie. Je suis partie, en dehors d'autres raisons personnelles et spirituelles, pour être dans le bon camp, contre les fauteurs de troubles, de guerres civiles, contre la mafia bancaire internationale qui noyaute tout l'Occident et voudrait dominer le monde, contre les manipulateurs de société, les corrupteurs de moeurs, les organisateurs d'invasion, les destructeurs des pays qu'ils contrôlent en se conduisant comme des parasites. Loin d'eux, le plus loin possible. Même s'ils ont ici leurs suppôts et leurs dupes, la Russie, comme le rappelle Poutine, à la différence de la France vassalisée, est un état souverain.
. D'après le documentaire d'hier, je dirais que contrairement à ce qu'on nous assène, ce n'est pas lui qui ment, et cela se voit et s'entend. A certains moments, il refuse de répondre, il esquive la question. Nous entrons dans les secrets d'état, il ne nous en donne pas l'accès. Mais pour tout le reste, ses propos sont clairs, argumentés, étayés, il prend la peine de tout expliquer avec calme, il ne glapit pas des slogans, des incantations et des contre-vérités comme les dirigeants occidentaux, en essayant d'empêcher les autres de parler et d'écouter. Les gens devraient être considérés comme capables de juger par eux-mêmes sans ce concert d'imprécations, préalables et postérieures, destinées à les assourdir. Il nous fait l'honneur de nous supposer assez intelligents pour le faire.
En démocratie française exemplaire, je n'ai jamais pu voter pour quelqu'un qui me plaisait vraiment. Je votais contre ceux qui me déplaisaient le plus, jusqu'au jour où j'ai vu que c'était bonnet blanc et blanc bonnet, nous l'avons d'ailleurs tous vu, et nous avons vu, à gauche et à droite chez les gens conscients, comment le pouvoir était confisqué, l'opinion manipulée, la population bernée. Je n'ai jamais pu vraiment m'exprimer non plus, car je n'avais pas la forme d'esprit ni les opinions qu'il fallait, et me retrouvais ostracisée. Avec la plupart de mes amis, je me taisais sur tous les sujets politiques. A la fac, j'ai été l'objet d'une vraie persécution de la part d'un professeur qui m'avait acculée à dire le fond de ma pensée. J'assiste depuis longtemps à la destruction de mon pays par des élites écervelées et des malfaiteurs qui les utilisent. Ceux qui ne participaient pas à cela laissaient faire par négligence, inconscience, paresse, et puis, il faut bien le dire, on peut avoir de l'instinct et du bon sens, mais il n'est pas à la portée de tout un chacun de comprendre ce qui se passe au plan politique, national et international. Sans être forcément des imbéciles, les gens n'ont pas tous le temps ni la forme d'esprit pour se pencher là dessus et en tirer les bonnes conclusions. Néanmoins, il est à la portée d'une personne normalement élevée de faire la différence entre une expression franche et une gueule de faux témoin, un discours étayé et clair et un salmigondis idéologique pour victimes de la secte Moon.
Pendant le débat où j'ai dormi, j'ai capté qu'on affirmait que Poutine mentait en prétendant ne pas contrôler l'information. Sur quelle base l'affirme-t-on? La presse russe est en partie exactement dans la même mouvance que la nôtre et répète, par exemple, à ses sectateurs, (sectateurs est le mot) que les troupes russes sont entrées en Ukraine, ce qui ne résiste pas à l'examen du plus élémentaire bon sens et n'est prouvé absolument par rien. Nikita Mikhalkov a démontré dans ses émissions Besogon comment le journaliste Ganapolski trafiquait délibérément l'information, au sujet de l'Ukraine et de la Crimée, coupait la parole à ceux qui le contredisaient et les insultait, il a montré les "opposants" en congrès quand ils proclamaient la nécessité de démembrer la Russie, de la casser en plusieurs morceaux et de la mettre sous gouvernement international, je l'ai vu de mes yeux, entendu de mes oreilles, traduit, la vidéo est bloquée par youtube. Tous ces opposants, que je qualifierais plutôt de traîtres et de marionnettes oranges, tous ces journalistes malhonnêtes et haineux se portent fort bien et continuent à empoisonner tranquillement les esprits, la différence entre la Russie et nous, c'est qu'il y a aussi des médias qui leur apportent la contradiction, ce que nous n'avons pratiquement plus.
Je vois ici des gens mécontents, et souvent pour de bonnes raisons. Cependant, dans le moment difficile que nous traversons, et après les bouleversements qu'a subi la Russie, la période Eltsine faisant suite au communisme, je ne vois pas comment cela pourrait être ici le paradis du jour au lendemain. Qui plus est, les raisons de mécontentement sont souvent locales et nécessitent une résistance locale à l'impudence, la cupidité, la malhonnêteté de fonctionnaires qui se croient tout permis. Ces gens croient souvent que nous avons en Europe la démocratie idéale et un niveau de vie sensationnel. Ce sont des gens qui restent, comme les occidentaux, au niveau de leur quartier et de leur cour d'immeuble, et rêvent que l'herbe est plus verte ailleurs. Au moment même où notre niveau de vie s'effondre et où notre petit accident historique prospère et humain est battu en brèche par l'avènement d'une dictature libérale internationale et l'invasion qu'elle organise, l'intellectuel russe continue de rêver démocratie idéale, petits cafés, petits restaurants, petits commerces, gentils fermiers, aimables agents de police, Louis de Funès, Charles Trenet, Pierre Richard, en gros, les années 50 et 60. Quand ils viennent chez nous en touristes, c'est souvent ce qu'ils voient, ils ne sont pas au courant des suicides massifs de nos 6% d'agriculteurs, des centre-villes qui meurent, des SDF en quantité exponentielle, des manipulations d'opinion, des bourrages d'urnes, des intimidations diverses, de l'unanimité en béton de la presse, des délits d'opinion entraînant lourdes amendes et peines de prison, de la corruption et de l'arrogance de nos petits marquis, du double standard systématique dans le traitement des gens, selon qu'ils appartiennent à telle ou telle mouvance, ethnie ou religion. Je pense personnellement que c'est l'ensemble de la planète qui va mal et cela ne va pas s'arranger, pour toutes sortes de raisons, dont la première est la cupidité effrénée et l'absence totale de scrupules des puissances d'argent, des lobbys.
Cependant, dans ce monde qui va mal, la Russie qui souffre comme les autres et a souffert beaucoup plus, est un ETAT SOUVERAIN.
Actuellement, un état qui n'est pas souverain ne peut être dit démocratique, puisque on se fout éperdument dans les hautes sphères transversales de ce que le bon peuple préfère, nous l'avons déjà vu maintes fois. Un état vassal fait ce que lui dit son suzerain et il est dirigé par des compradores, autrement dit des traîtres, des hommes de main. C'est notre cas, avec nos élections trafiquées, notre presse entièrement noyautée par quatre ou cinq milliardaires. Nous n'avons donc aucun droit à critiquer le gouvernement russe. Occupons-nous plutôt du nôtre ou de ce qui en tient lieu...



lundi 26 juin 2017

La maison de Boris

Le cosaque Boris Alexeïevitch n'a pas tardé à me contacter. Il est venu aujourd'hui boire un thé à la fin de son marché et un coup de pinard. Je n'avais pas de tire-bouchon, il l'a ouvert avec un crochet à vis. Rosie l'a tellement harcelé que je l'ai fichue dehors. Elle m'a harcelée moi-même toute la journée pluvieuse, hier, et alors que j'essayais de dormir, m'a mise dans un tel état de nerfs, que je l'ai poursuivie dans toute la maison en hurlant et en lui envoyant dessus tout ce qui me tombait sous la main. Je souhaitais passionnément sa mort prochaine. Elle a d'ailleurs failli mourir en s'entortillant dans la chaîne de la chienne du voisin, qui est partie après un chat en provoquant son étranglement. Une occasion manquée de pouvoir recommencer à vivre normalement, à dormir tranquille, à pouvoir me concentrer sur ce que je dois emporter quand je sors, à aller à Moscou voir mes amis, à ne plus trembler pour mes plantes, pour mes coussins, mes vêtements. Mais le voisin l'a secourue.
Le cosaque m'a dit: "Quand même, elle vous craint un peu..."
Oui, un peu. Quand je me transforme en incroyable Hulk et la balance contre les murs, pendant quelques temps, elle reste tranquille dans son panier. Il faudrait un mec à poigne et des enfants de dix onze ans particulièrement énergiques. Je suis une intellectuelle solitaire de 65 ans.
Le cosaque considère que je ne dois pas m'occuper des chevaux de son collègue: "Toujours trouver des sponsors, c'est bien notre mentalité. Attendre des miracles de l'Occident, de l'oncle d'Amérique. Plus personne ne veut bosser. Il y a eu la révolution, on ne s'en est pas remis."
Il m'a emmenée voir la maison que construit sa femme. Boris Alexeïevitch a 70 ans. Sa femme a 28 ans de moins que lui. Il est petit, elle est grande, forte, et bosse en treillis militaire avec un fichu camouflage sur la tête. Ses deux filles aînées bossent avec elle, mais en tirant une tête de cent pieds de long. Elles ont 16 ans, envie de se balader avec les jeunes du pays, et maman les colle au boulot, également en tenue de camouflage. La femme de Boris a une passion pour la construction et surtout pas de matériaux douteux et toxiques. Elle a monté un truc de 200m2 en briques, avec un toit de zinc. Elle m'a donné des tas d'explications techniques. C'est vraiment sa passion, avec la tisane d'épilobe: "La tisane d'épilobe, c'est un bon business, ça, ça rapporte. Nous la cueillons là où il faut quand il faut."
Elle semble déborder d'énergie, et fait l'essentiel elle-même, parce que son mari commence à vieillir.
C'est lui qui viendra faucher, en attendant qu'Igor soir disponible.

dimanche 25 juin 2017

Visite guidée

Le guide Edouard venait aujourd'hui d'Alexandrov à Pereslavl promener deux touristes et m'avait donné rendez-vous au monastère saint Nicétas le stylite, ce qui m'empêchait d'aller à celui de saint Théodore. J'ai appelé un taxi, il n'y en avait pas de disponibles. Je me suis résignée à y aller à pied, malgré le mauvais temps et Rosie qui voulait me suivre. J'ai d'ailleurs vu en chemin un chiot, dans une cour, en tous points semblable à Rosie, je pense que c'est un de ses frères ou soeurs.
J'ai attendu l'autobus très longtemps, sous le crachin, il est arrivé bourré, et il ne montait pas jusqu'au monastère, il a tourné, et je me suis retrouvée obligée de faire à pied le trajet supplémentaire, plus le reste du trajet, qui est long. Il pleuvait sérieusement quand je me suis approchée de mon but. Edouard m'a abritée dans sa voiture. Puis le couple de touristes arrivé nous avons commencé la visite, j'avais raté l'office dominical.
Edouard nous a raconté l'histoire de saint Nicétas, trésorier impitoyable du prince, qui soudain, voit dans les quartiers de viande en train de bouillir dans une grande marmite, les visages des victimes de ses exactions.Bouleversé, il vient au monastère et demande à y faire son salut. Les moines ne croient pas à la conversion d'un tel homme et pour l'éprouver, lui ordonnent de rester à la porte du monastère quelques jours et de faire aux passants le récit de ses péchés. Il obtempère, et entrant dans une mare jusqu'à la ceinture, se livre torse nu aux piqûres des moustiques locaux. Devenu moine, il se taille dans la terre une cellule verticale, pareille à un puits, Les stylites vivaient au commet d'une colonne, lui au fond d'un trou, mais le principe est le même. Il guérissait les malades et portait de lourdes chaînes de métal, que l'usure rendait brillantes. Des bandits le tuèrent en pensant que puisque il était autrefois trésorier, elles étaient sûrement en argent. J'ai vu les chaînes et me suis penchée su la châsse où sont conservées ses reliques. L'église a été construite par Ivan le Terrible. Presque ruinée dans les années 90, elle a été restaurée par les moines qui ont récupéré le monastère.
Ensuite, nous sommes allés en direction de la "pierre bleue", un gros rocher d'un gris bleuâtre qui était vénéré par les païens et au sujet duquel courent toutes sortes de légendes. Mais nous ne l'avons pas vu, car il est entouré de pavillons touristiques qui cassent complètement l'ambiance. Le monastère et ses environs était pour moi l'endroit le plus extraordinaire de Pereslavl, ces églises, leurs bulbes et leur enceinte, entre le lac à perte de vue et une sorte de plateau désert, couvert de lupins au mois de juin, et balayé par le vent, sous les nuages. Le tourisme et l'appât du gain sont en train de tout massacrer. Une énorme partie de ce plateau a été annexée par des promoteurs en vue d'y construire frénétiquement des maisons moches et des centres commerciaux.  Après une pétition adressée à Poutine, j'avais entendu dire que le président avait interdit le projet. Les palissades sont cependant toujours là. Et il y en a d'autres, qui délimitent des périmètres de "zones de loisirs". Ce vaste et magnifique espace est morcelé par tous ces racleurs de fric.
Après, nous sommes allés dans le centre, voir la "belle Place", avec l'église de la Transfiguration, où fut baptisé Alexandre Nevski, une église du XII° siècle. Il y a également une église pyramidale édifiée encore une fois par Ivan le Terrible. Elle a beaucoup souffert de la période communiste. Mais ce ne sont pas les communistes qui ont éventré la muraille de ce qui était un monastère attenant, il n'a pas été achevé, car au XVIII° siècle, les autorités ont jugé qu'il y avait trop de monastères à Pereslavl.
 Ce ne sont pas non plus les communistes qui ont détruit les fresques de l'église de la Transfiguration. Au XIX° siècle, quelque fonctionnaire moscovite lumineux a décidé de les faire transporter à Moscou. On les a détachées de leur support (des fresques du XII°!), empilées dans des charrettes, puis l'autorisation de transport tardant à venir, elles ont pourri sur place, et on les a jetées dans la rivière.
La ville de Pereslavl a été fondée par des Russes venant de Pereiaslavl, actuellement en Ukraine. Près de Pereiaslavl, coule la rivière Troubej, et les fondateurs donnèrent à la rivière de leur colonie le nom de celle qui coulait dans leur ville d'origine. Ils fondèrent aussi un Pereslavl près de Riazan, et renommèrent aussitôt le cours d'eau local. De sorte qu'il y a trois Pereslavl en Russie, et trois rivières Troubej.
Edouard m'a dit que le"val", le talus défensif qui borde le centre, faisait alors vingt mètres de haut, avec une muraille et des tours au sommet.
A cette étape, j'ai lâché Edouard, car je me gelais dans le froid humide. Il devait me rejoindre ensuite pour prendre une interview, à l'usage du journal dont il s'occupe, à Alexandrov. Il voulait venir à la fin de sa visite, mais sa voiture avait des problèmes, et il est rentré.
Rosie était en pleine forme, la pluie dehors, personne avec qui jouer, elle a donc commencé à me harceler, tantôt Georgette, tantôt moi. Et je suis épuisée, incapable de rien faire, je pressens que j'ai pris froid, car j'ai dormi et somnolé près de mon ordinateur une bonne partie de l'après midi.
Il pleuvait tellement que je n'ai pratiquement pas fait de photos



Edouard nous montre le "val".






samedi 24 juin 2017

Mes premiers cosaques

Au marché couvert, je vois un bonhomme qui vend de la tisane d'épilobe, cheveux et moustache blanches, yeux bleus, casquette cosaque. Il a dû être drôlement beau, il est encore pas mal, et très sympathique. Oui, c'est un cosaque, un vrai, précise-t-il. Il y a beaucoup de cosaques à Pereslavl, mais ils ne sont pas tous nés dans des familles et des régions cosaques, ce sont de nouveaux cosaques. Il faut tout leur apprendre, me dit mon moustachu. Tout en parlant de cosaqueries, nous en venons à découvrir que nous avons des connaissances communes: "Oh mais je vois qui vous êtes, vous êtes la Française qui avait une isba à Krasnoïé! Vous l'avez vendue à Dima, Igor m'a parlé de vous!
- Eh bien justement, je le cherche, Igor, j'ai besoin de lui pour m'aider au jardin!
- Il est très occupé avec Benjamin, l'apiculteur suisse... Mais donnez-moi votre numéro de téléphone que nous nous rencontrions tous!
- Benjamin n'aime pas les Français...
- Les Russes non plus! Ne faites pas attention!"
Je lui raconte comment Dima, la première fois que je l'avais vu, m'avait dit que ce n'était pas la peine de chanter des chansons cosaques puisqu'il avait la radio. Puis, après que je lui ai abandonné mon accordéon avec mon isba, il s'est mis à en jouer, et il écoute maintenant Skountsev et "Kazatchi Kroug" avec dévotion.
Le cosaque s'appelle Boris. Il ramasse l'épilobe en famille: garantie sans pesticides, ce qui n'est pas le cas du thé, et il a même jeté le hachoir familial en aluminium, pour ne pas contaminer l'herbe précieuse.
A mon retour, le fils de la voisine Violetta vient me voir pour essayer de faire démarrer la débroussailleuse à essence. Impossible. "C'est fabriqué chez nous, et ça ne marche pas, me dit-il. Si vous voulez, je vous emmène demain au magasin avec la garantie."
Il me montre comment revisser la bobine de la débroussailleuse électrique. Il est très gentil. Sa mère est très gentille aussi mais casse-pieds. Elle se jette sur moi avec des tas de conseils, et comme la dernière fois, commence à jardiner chez moi, à arracher des mauvaises herbes dans mes plates-bandes, et comme la dernière fois, manque de m'arracher quelque chose que j'avais planté. "Maman, lui dit son fils, mais arrête, enfin!"
Merci Oleg. Ici, vraiment, c'est avec les hommes que je m'entends le mieux, encore que Yana m'ai beaucoup plu.
Violetta ne supporte pas que mes fleurs ne soient pas toutes au garde-à-vous dans des plates-bandes toilettées et que je n'utilise pas pour faire un potager l'emplacement utilisé par les propriétaires précédents.
Elle m'a donné des plants, c'est toujours ça.

cosaques de Pereslavl

L'enfant semble déjà un farouche guerrier


Il  y a deux jours j’ai vu un autre représentant de cette communauté, au café français, entre deux portes. Il m’a dit qu’il cherchait un ou des investisseurs pour leur cirque d’équitation acrobatique (cosaque), faute de quoi ils seraient obligés de vendre les chevaux à l’abattoir… Sachant l’amour des cosaques pour les chevaux, c’est vraiment le drame. Peut-être des amoureux des chevaux et des cosaques pourraient-ils s'y intéresser, il se peut que la somme nécessaire au sauvetage des chevaux ne soit pas énorme.

vendredi 23 juin 2017

Un peu de soleil.

J'ai cru aujourd'hui qu'il allait faire chaud. Mais l'averse passée, le temps s'est rafraîchi, heureusement, il y a du soleil. Je refais les promenades que je faisais dans la neige, au travers des hautes herbes.
J'ai d'abord rencontré un charmant petit oiseau:




Puis je suis montée à l'assaut de l'ancienne berge, pour avoir une belle vue, et je suis arrivée devant le monastère saint Nicétas le Sylite:


Je voyais aussi le lac, tout cet espace magique:


J'ai suivi la crête, la prairie est couverte de futures fraises des bois, et aussi de décharges sauvages, une abomination. Comment peut-on, devant tant de beauté, balancer des bouteilles, des bidons de plastique, de  vieux vêtements, les éternels sacs en plastique? Parce que cette beauté, on ne la voit même pas, on n'est plus relié à elle, ni d'ailleurs à rien, et l'histoire devenant pour les gens très récente, ils n'éprouvent pas de piété envers le monde ni envers leurs ancêtres. Pour beaucoup de Français, l'histoire commence en 1789. Pour hélas trop de Russes, en 1917. La disparition du folklore, ce puissant facteur d'unité, et de la foi, mais celle-ci Dieu merci reste vivace chez une bonne partie de la population, on n'arrive plus à communiquer avec tout cela, et l'on se retrouve avec la vision morcelée, et la sensiblité réduite, de l'individu dans sa petite cellule, isolé de tout ce qui pourrait l'irriguer, transfigurer sa vie et lui donner toute la profondeur des siècles passés et toute la perspective du Royaume à venir.



Voici la chapelle qui marque l'emplacement du monastère disparu, et du cimetière attenant. Anéantis après la révolution. Au monastère saint Nicolas, où Yana et Dounia résidaient, il n'est pas resté grand chose, et une nouvelle église a été construite, mais on a détruit une des rares et anciennes églises pyramidales que l'Eglise nikonienne ne permit plus de construire après le schisme des vieux-croyants et qui se répandaient sous Ivan le Terrible. Le monastère saint Daniel était dans un état pitoyable, le monastère saint Nicétas également. En dehors de l'aspect spirituel, ce sont des lieux chargés d'histoire. Mais l'histoire commence en 17, l'aube de "l'apothéose de l'histoire russe", comme a osé me l'écrire un nostalgique de Staline. Donc, on laisse un monastère classé comme musée, à titre documentaire, et on se fiche éperdument des autres, détruits ou laissés à l'abandon, après avoir souvent servi de prisons ou d'hôpitaux psychiatriques, et de ce qu'ils représentent. Saint Théodore, saint Daniel, saint Nicolas, saint Nicétas ont été restaurés par l'Eglise, lorsqu'on les lui a restitués.
Du haut de l'escarpement, on voit tout Pereslavl, les coupoles dorées de saint Nicolas, et le monastère-musée, Goritski.


Je redescends avec Rosie, qui bondit dans les hautes herbes. Et nous rencontrons deux animaux fascinants dont elle ne s'approche pas trop près. Le chevrier rigole. Il l'appelle, mais elle reste à distance.