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lundi 25 septembre 2017

Rosie donne des inquiétudes

Rosie ne se lève pas, bien qu'elle semble aller mieux. La vétérinaire du monastère, qui m'avait annoncé qu'elle viendrait aujourd'hui, me fait faux bond ce soir, elle ne viendra que demain matin... Une autre vétérinaire me dit de retourner à la clinique faire une radio de la partie antérieure pour voir s'il n'y a pas de fracture de la région du cou et de la colonne vertébrale. Mais comment la transporter? J'appelle Olga, la dresseuse, et Gilles, car aucun taxi ne veut charger la chienne. Olga vient avec une muselière. Mais impossible de transporter Rosie, nous essayons de la mettre sur un drap et elle hurle. Du reste la clinique est fermée et n'ouvre que demain matin dix heures. Gilles et Olga viendront nous chercher, mais il faut que la clinique nous donne une civière et même que quelqu'un nous accompagne et lui fasse un calmant. Quand je pense que la bonne femme me la traitait d'hystérique et m'a même envoyée promener quand je l'ai rappelée...
A voir ce qui se passe avec Rosie, je me dis que si j'avais réagi plus tôt avec Doggie, cela n'aurait peut-être pas changé grand chose... en tous cas pas dans la clinique à laquelle j'ai eu affaire. J'espère que les médecins ne sont pas aussi je-m'en-foutistes et dénués d'empathie, sinon, j'ai intérêt à vieillir gaillarde...
En tous cas, si cela tourne vraiment mal, plus de chiens, j'ai le numéro des "bénévoles" et leur adresserai tout chien ou chiot en perdition, mais chez moi, non. Je ne peux plus faire face à ce genre de choses, ni financièrement, ni moralement.
Je suis partie ce matin en vélo à travers un épais brouillard, qui s'est levé ensuite, j'aurais supporté des gants. A la pâtisserie, on était en plein boum, plein de commandes. Mais elles arrivent au dernier moment, et souvent, on ne vient pas les chercher quand elles sont prêtes. Didier râlait façon Audiard, mais il a aussi de l'humour, Dieu merci. Rosa, la vieille tsigane, m'a dit tout à coup qu'après demain, c'était la fête du "mouvement", движение. Ce jour-là, il ne faut pas aller en forêt, car tous les serpents se promènent. Ils ont même un chef, le serpent suprême, que sa mère a vu une fois. Je me suis longuement demandé ce que cela pouvait être que cette fête du mouvement, et j'ai tout à coup compris: c'est celle de l'Exaltation de la Croix, воздвижение, "mouvement vers le haut", en russe... Intéressant univers que me dévoile Rosa la tsigane.

dimanche 24 septembre 2017

saint Silouane

C'était aujourd'hui la fête de l'un des plus grands saints russes, saint Silouane l'Athonite, que je prie pour ne pas détester mes ennemis. Il enseignait de les aimer, cela m'est trop difficile. Je ne parle pas de petits ennemis de tous les jours, que je fuis dans le pire des cas, mais des ennemis du genre humain, des corrupteurs et des assassins de haut vol qui sont au dessus des lois. En ce monde, du moins...


La soeur Larissa m'a accueillie à bras ouverts, et m'a dit que sa fête et la mienne coïncideraient l'année prochaine avec la Pâques: le 28 mars. C'est une veuve qui a pris le voile à la mort de son mari. Je lui ai parlé de la fête avec l'évêque Théodore, pour lequel elle a beaucoup de respect. Il paraît qu'il porte des chaînes sous sa soutane. "Qu'il ne les enlève surtout pas, me dit l'archimandrite Basile, cat rien n'est pire qu'un évêque déchaîné!"
La soeur Larissa me donne l'adresse d'une vétérinaire orthodoxe qui est aussi médecin, c'est pratique... Rosie continue à se plaindre, elle a la patte enflée et ne se lève pas. Je veux bien croire qu'elle est hystérique, mais quand même... La vétérinaire de l'autre jour m'affirme qu'elle n'a pas de fracture et que c'est une emmerdeuse. Cependant, quand tout va bien, si emmerdante qu'elle soit, elle est debout, joviale et ne gémit pas.
Le ciel est bleu en permanence, je ne savais pas qu'ici, c'était possible. Mais il commence à faire vraiment froid la nuit et j'envisage de recommencer à chauffer... A la suite de mes séances de jardinage, j'ai mal au dos, et aux genoux...
Dima Paramonov rêve d'organiser des stages d'apprentissage des gousli à Pereslavl, car il en fait déjà à Yaroslavl. Je vais essayer de l'aider à concrétiser cette bonne idée. Ce serait bien de faire de Pereslavl un pôle attractif pour tout ce qui est folklore authentique, pas seulement pour des concerts, mais aussi des apprentissages... Je me rends compte que le patrimoine oral est le plus facile à transmettre et à conserver. Chaque chanson apprise est une chanson sauvée et cette chanson sauvée, transmise à d'autres, sauve ceux qui la chantent. La musique et les chants sont l'âme même du peuple, son ciment, avec la foi. Il faut conserver ce patrimoine, mais aussi les savoir-faire artisanaux, agricoles, les savoir-faire en premier lieu, avant les bâtiments, costumes et autres traces d'un temps plus fécond, car ils seront détruits, je le vois bien... Une jeune femme qui s'opposait à des promoteurs a été tuée, dans je ne sais plus quelle région de la Russie. L'argent rend les gens féroces et infâmes sous tous les cieux, et la religion ne tempère plus assez la cupidité. avant la révolution, les gens riches, en Russie, devaient se conformer à l'idéal orthodoxe, mais maintenant, plus rien ne vient retenir le requin post-soviétique...
L'important n'est pas de conserver de vieilles maisons ou de vieilles églises mais d'être capables d'en faire de nouvelles et d'aussi belles, car dans le même esprit: organique, spontané, vital. La tradition n'est pas la conservation du passé mais la fécondation permanente du présent par le passé, en lien avec ce qui nous a précédés et qui nous porte.

samedi 23 septembre 2017

Toujours Rosie!

Rosie s'est fait hier accrocher par une voiture qui roulait à tombeau ouvert. Elle n'a rien de grave, même pas une fracture, une plaie à la patte recousue par le vétérinaire. A la clinique, on m'a dit que je ne devais pas la garder, que les "bénévoles" locaux étaient prêts à m'aider à lui trouver une famille convenable, que c'était au dessus des forces d'une vieille bonne femme paisible... Et c'est vrai que je ne m'en sors pas. J'ai le choix entre la laisser vaguer ou la mettre à la chaîne ou en cage.
Comme elle a mal, je suis allée lui acheter un analgésique. Le véto me dit qu'elle est hystérique, que des chiens bien plus abîmés qu'elle ne font pas ce foin. Elle ne se lève pas, fait ses besoins sous elle et hurle. Elle n'a rien de cassé, j'ai vu les radios...
Au retour je suis tombée sur un comité de voisins compatissants, Violetta, et puis la maman d'Aliocha et Aliocha lui-même: "Mais nous aimons Rosie, elle nous apporte tant de joie, elle va chez les uns et les autres, elle nous accompagne à l'école, elle est si sociable, si vous voulez partir, nous vous la garderons!
- Ah bon? Moi je pensais qu'en plus de me pourrir la vie, elle pourrissait aussi la vôtre..."
Aliocha a vu mes photos de la fête foklorique sur vkontakte, il m'invite à m'inscrire dans son groupe d'activités chez les cosaques. Le Suisse Benjamin est une célébrité locale, mais j'ai des chances de devenir aussi illustre que lui... Mes voisins sont de fervents partisans des traditions populaires et de la cosaquerie!
Il fait un temps magnifique, frais et ensoleillé, et j'ai beaucoup jardiné, ce qui ne se voit pas tellement, mais je mets en place ce qui se verra l'année prochaine... Je me sens à présent vraiment chez moi, partie intégrante de Pereslavl Zalesski. Lorsque je revenais à bicyclette de la pharmacie, sous un ciel mauve rayé de rose, les cloches de l'église de la Protection m'accompagnaient de leurs carillons sautillants et de festives montgolfières s'élevaient à l'horizon. J'avais conscience d'avoir été adoptée par les vivants et les morts de Pereslavl..
J'ai vu que Dima Paramonov ferait volontiers des stages pour apprendre aux gens à jouer des gousli, et je vais m'employer à mettre cela en place. Je serais ravie de voir des arrivées régulières d'ethnomusiciens.
Dans l'après-midi, le père Basile Pasquiet m'a appelée sur Skype et m'a conseillé de prendre mes distances avec la politique, ce qui est justement mon intention. "Tout va bien, vous êtes dans l'arche..." m'a-t-il dit. Oui, c'est mon sentiment, j'ai rejoint l'arche de la sainte Russie, vogue la galère...J'ai quelque chose à faire ici, avec mes folkloristes, mes voisins, le café français, les soeurs de saint Théodore, toute cette pittoresque et chaleureuse population de Pereslavl Zalesski et ses glorieux ancêtres pour moi si présents.

A la faveur du beau temps, je me suis rendu compte que l'étoile brillante en plein jour que je distinguais au delà des toits de la voisine Violetta était la croix de l'église de la Protection. Ce que le zoom m'a confirmé...

mercredi 20 septembre 2017

Lendemains de fête

D'après Ilya, les dames du service d'immigration, même si elles ont décidé de m'accorder le permis de séjour, feront traîner la remise des documents jusqu'à la mi-octobre, comme elles l'avaient annoncé... Mais je suis soulagée de toute manière. Je recommence à m'intéresser au bricolage dans la maison et au jardinage. J'ai planté des framboisiers, un hortensia, déplacé des astilbes. Il y a beaucoup de travail, des années...
On a enlevé à Rosie ses points, elle a mordu le vétérinaire qui la trouve complètement tarée. Complètement, peut-être pas, et j'ai pitié de ce machin encombrant qui enquiquine tout le monde et qu'on doit toujours rembarrer. Mais quand même... c'est Rantanplan.
J'ai commencé à donner des cours de russe à Didier, mais le génie de la pâtisserie traîne ses ailes tel l'albatros captif lorsqu'il s'agit d'apprendre une langue. Et d'abord l'alphabet! Didier ne sait pas recourir à la "prise d'indice", comme on disait à l'école, c'est-à-dire procéder par comparaison et association. Il faut dire que ses lunettes laissent à désirer et que sa concentration est mise à rude épreuve.
Il a heureusement un certain humour, car il lui en faudra beaucoup dans son environnement russe. C'est ce que lui a dit le cosaque Iouri: "Mais mon cher, tu es en Russie!" Ici, on s'arrange, on tourne les règles, on fait à sa manière...
La vieille tsigane qui fait la vaisselle le trouve méchant. J'ai pris sa défense: "C'est un grand professionnel, il est responsable de ce qui se passe ici, pour lui le travail, c'est tout, et les apprentis doivent apprendre et la fermer, car ils ne savent rien. Alors il s'énerve et il râle, mais ça c'est très français, cela ne veut pas dire qu'il est méchant!
- Toi, me dit la tsigane avec un sourire édenté, malin et tendre, ça se voit: tu es orthodoxe! Tu es simple..."
Ma journée sur la "belle Place" avec les ensembles folkloriques m'a beaucoup remonté le moral: je suis à ma place, entre l'évêque Théodore, les moniales du monastère homonyme, les cosaques, Kolia Sakharov, Dmitri Paramonov, Volodia Skountsev et quoiqu'il arrive désormais, je suis avec ce qu'il reste de la sainte Russie, son dernier petit troupeau, car à mes yeux naturellement, ni le néostalinien ni le libéral ne font pas partie de cette entité sacrée, du moins tant que le repentir ne leur aura pas rendu la conscience de leur filiation culturelle et spirituelle...
Est-ce moi qui ai choisi la sainte Russie ou elle qui s'est emparée de moi et ne m'a plus lâchée? voici que tout à coup, le mauvais temps ne me gêne plus. D'ailleurs il n'est mauvais que par comparaison... L'autre jour, pendant la fête, sous d'épais nuages parcimonieusement et fugitivement éclairés par de timides rayons de soleil sporadiques, Kolia Sakharov me disait, ravi: "Et nous avons tellement de chance qu'il fasse si beau!"
Et en effet, il ne pleuvait pas, donc il faisait beau. Et même très beau.
Pour faire rêver les gourmands, ces quelques gâteaux:


Les dernières créations du chef!

dimanche 17 septembre 2017

Semko Ninoslavitch


Saint Gilles et son cerf sont partout à Solan, au monastère de la Protection de la Mère de Dieu que je fréquentais quand j’habitais dans le Gard. Et voilà que je tombe sur vkontakte, le Facebook russe, sur ce lien :
Un visiteur du sud de la Russie, Semko Ninoslavitch, a laissé probablement au XII° siècle, cette inscription sur une colonne de l’abbatiale de saint Gilles :
Seigneur, vient en aide à ton serviteur Semko Ninoslavitch.

Comment s’est-il trouvé là à cette époque, ce Semko ?



Fête populaire






Dany est venue ce week-end avec son mari, Iouri Iourtchenko. J’ai emmené Dany voir une exposition des tableaux d’Olga Motovilova-Komova, femme du peintre Ilya Komov, sa peinture nous a beaucoup plu, elle est très lumineuse, très colorée, très joyeuse, des paysages de Yaroslavl, Romanov-Borisoglebsk, Peresavl. Les gens de la rue qui la regardent peindre s'étonnent de ses couleurs vives là où ils ne voient que du gris, et lui reprochent parfois de représenter leur petite maison pittoresque "qu'ils n'ont pas réparée et dont le toit fuit"!

Dany devant nos tableaux préférés d'Olga Motovilova

Le lendemain, il y avait un festival de folklore sur la « belle Place » de Pereslavl, devant la cathédrale de la Transfiguration. Cela commençait par un office d’intercession à l’église saint Alexandre Nevski, dont c'était la fête cette semaine. La manifestation était sous l’égide de l’évêque Théodore, pour lequel les sœurs du monastère du même nom ont beaucoup de vénération. Tout le monde, c’est-à-dire les collectifs de folklore en costumes et les fidèles présents, était invité à chanter. Quand j’ai vu l’évêque, sa noblesse, sa jeunesse, sa calme, douce et lumineuse sévérité, et que nous avons entonné « Roi Céleste, Consolateur, Esprit de vérité, partout présent et remplissant tout », j’ai ressenti un grand afflux de grâce et d’allégresse, tant la ferveur de cet homme et de l’assemblée autour de nous était palpable. Iouri s’est mis lui-même à chanter, bien qu’il ne fréquente pas l’église.
Au dehors, j’ai retrouvé Kolia Sakharov, de l’ensemble Kazatchi Kroug, et nous sommes tombés dans les bras l’un de l’autre. Puis j’ai revu Dmitri Paramonov, le roi des gousli, qui ne m’a tout d’abord pas reconnue, sans doute parce que j’ai vieilli et changé de coiffure, puis m’a joyeusement enlacée de la même manière. Depuis la dernière fois que je l’ai vu, il s’est marié, avec une jolie jeune femme, également folkloriste, comment épouser quelqu’un avec qui on ne peut pas chanter, quand on a retrouvé toute sa dimension poétique et épique, et sa place dans l'espace et le temps du cosmos ? e pas chanter, c'est une infirmité… Ils m’ont présenté une autre jeune femme qui ressuscite le folklore dans un village, entre Rostov et Ouglitch, et dont les petits élèves se produisaient devant nous. Comme d’habitude, dans ce genre de manifestation, les gens étaient beaux, ils étaient radieux, fervents, transportés, épanouis. Ils s’asseyaient comme ils pouvaient, où ils pouvaient, mangeaient n’importe quoi, mais ce n’était pas grave : ils communiaient dans leurs chants et leur musique, et regardant ces enfants, ces jeunes gens, je me disais qu’ils avaient trouvé là de puissants anticorps et contrepoisons contre la pourriture des médias et de la sous-culture : eux ne s’ennuieraient jamais, ne se sentiraient jamais seuls, trouveraient l’époux ou l’épouse qui leur conviendraient et feraient des enfants heureux. Il ne leur en faudrait pas beaucoup pour l’être : chanter et danser ensemble, lutter ensemble pour sauver l’âme russe et sa belle expression. Tous avaient des visages ouverts, gentils, purs et joyeux. C’était une immense consolation de les voir tous évoluer, jouer, chanter de tout leur cœur, sans contrainte académique : ce qu’ils avaient acquis leur était devenu intrinsèque, organique. Leur maintien était naturel, digne et généreux, comme celui de mes amis les chanteurs cosaques ou de Dima Paramanov.
Dima m’a dit que nous devions nous revoir, pour développer ensemble des choses sur Pereslavl, en accord aussi avec le petit musée d’art populaire local « le cheval avec un manteau » . Le propos est de restituer la tradition populaire au maximum de gens. L’évêque Théodore  a fait sur ce sujet une belle homélie : retrouver ses racines et sa tradition, c’est retrouver son âme et le chemin de Dieu. Comme cet évêque semble aimé, et que j’ai de la chance, me disais-je, d’être tombée dans une éparchie dirigée par un tel homme. C'est lui qui a initié ce festival. Le mouvement est soutenu aussi par le kazatchestvo local. On comprend que l’Eglise et le kazatchestvo soient les bêtes noires des libéraux : ils sont les anticorps de l’organisme russe contre les infections globalistes. C’est la même démarche que dans la paroisse où enseigne Skountsev à Moscou : le folklore envisagé comme une thérapie spirituelle.
Et ça marche : il n’est que de voir mon petit voisin Aliocha venu gracieusement et fièrement me saluer dans son uniforme. Ou ces deux fillettes qui voulaient me vendre un petit cheval de tissu, et me faisaient confiance le temps que j’aille chercher de la monnaie. « Il vous portera chance », me dirent-elles lorsque je leur rapportai leur dû. Ou bien encore ces adolescents qui dansaient avec assurance, et des visages clairs, des yeux pétillants.
Le Suisse orthodoxe de Pereslavl, Benjamin, semble avoir été recruté par le kazatchestvo : normal, c’est une vieille tradition cosaque que de s’amalgamer des étrangers, pourvu qu’ils adoptent les usages cosaques et deviennent orthodoxes. Au début du jeu du « mur », quand deux rangs de bonshommes se jettent en hurlant les uns sur les autres, le musicien pour les inviter à se mettre en ligne crie : «Y a-t-il encore des vrais mecs à Pereslavl ? » Le premier à se précipiter est le Suisse Benjamin, ou plutôt Veniamin, à la grande joie de Iouri Iourtchenko. Il faut dire que le Suisse fait deux mètres de haut !

Les collectifs étaient excellents, Dima Paramonov a chanté, accompagné par nous tous le poème spirituel : «l’homme pécheur », puis un chant sur le prince Dmitri Donskoï, et je l’écoutais, les yeux fixés sur la cathédrale du XII° siècle et les nuages sombres, traversés de grandes lueurs, avec soudain la certitude mystique que c’était là, malgré la nostalgie que j’emporte de ma France trahie et blessée à mort, ma profonde patrie orthodoxe, ce que je ne devais lâcher à aucun prix, ce que j’étais venue retrouver ici, mon dernier moyen âge : l’évêque Théodore et tous les gens d’Eglise qui lui ressemblent, Kolia Salharov, Dima Paramonov, Volodia Skountsev, les enfants et les ados danseurs, les dames enthousiastes qui recueillent les vêtements traditionnels du nord russe et en cousent de nouveaux, parce que là est l’esprit russe, et dans l’esprit russe, l’esprit européen perdu, l’Esprit tout court, la beauté, la noblesse, la simplicité, la générosité, la grâce… Ce n'était pas un hasard à mes yeux si cette fête faisait suite à celle d'Alexandre Nevski et à mon entrevue avec le service d'immigration, c'était là le signe que j'étais ici de par la volonté de Dieu et que j'y avais des choses à faire...
Et cela indépendamment des médias, des intellos, des oligarques, de tout ce qui pue et corrompt,  sans plus prêter attention aux glapissements insensés des démons, peut-être jusqu'au combat final...

Ils approchent, ils approchent les derniers jours
Et sècheront les sources des rivières
Le soleil et la lune perdront leur éclat, 
Les claires étoiles tomberont du ciel
L'archange Michel montera sur la colline escarpée
Il jouera de sa trompette d'or
"Levez-vous, vivants et morts!"

(poème spirituel russe)

Des enfants qui chantent hardiment et de tout leur coeur


Iouri et Dany


Kolia Sakharov, au centre.
Défilé en chantant:Sakharov à gauche avec Dmitri Paramonov
Filage à la quenouille
L'évêque de Pereslavl, monseigneur Théodore
Photo Dany Kogan
la "belle Place"

mercredi 13 septembre 2017

Le permis à l'horizon

Ce matin, j'ai prié saint Alexandre Nevsky, dont c'était la fête hier, et aussi le métropolite Philippe, naturellement, avant de partir avec Ilya à Yaroslavl. Dans la douceur de l'été indien, les arbres des grands espaces russes commencaient à prendre leurs habits de fête. Ilya m'expliquait en chemin qu'il ne savait plus où il en était à mon sujet, parce que les fonctionnaires de l'émigration invoquaient la restriction des quotas, des gens du Donbass prioritaires, mais les gens du Donbass ne passent pas au régime des quotas et n'entrent pas en concurrence avec moi. On lui avait demandé: "Mais où est-elle, votre Française?" En fin de compte, il avait demandé rendez-vous au grand chef, c'était elle que nous allions voir. Je me faisais un souci terrible.
Et là miracle, la gardienne de l'entrée me reçoit comme la reine d'Angleterre, avec de grands sourires, pas de queue, je monte directement au bureau où, sous la photo de Poutine, une dame en uniforme me déclare après avoir écouté mon histoire, que l'on me donnera le permis de séjour sans problèmes, qu'il me fallait revenir montrer mon titre de propriété, et qu'on me contacterait pour me dire quand rassembler et apporter tous les documents nécessaires, la procédure devant prendre encore six mois, pendant lesquels je devrai encore une ou deux fois aller en France. Une fois le permis accordé, en revanche, je ne devrai pas rester plus de six mois d'affilée à l'étranger, mais ce n'est pas dans mon intention. Et vivre dans la région de Iaroslavl, c'est déjà le cas.
J'étais tellement soulagée que je retenais mes larmes. Bien sûr, il y a encore des allées et venues et des démarches en perspective. Mais ce sont déjà des formalités.
A mon avis, il me fallait me montrer là bas, c'était ce qu'elles attendaient. Faire la visite et donner mes raisons. Montrer patte blanche.
Pour fêter ça, sieste dans le hamac au fil de la brise et promenade avec Rosie que j'emmènerai voir sa soeur.