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samedi 25 novembre 2017

L'archange Michel

Fleurs de givre
Visite du médecin, je me sentais mal, avec des symptômes bizarres, et cela m'arrivait quand je travaillais à Moscou, mais comme je ne rajeunis pas, j'ai appelé Ilya qui m'a envoyé son père! Il s'appelle Vladimir Vladimirovitch comme Poutine, et m'a dit que j'avais la tension dans les chaussettes, que cela était fréquent chez les gens climato dépendants et qu'il fallait boire du thé noir sucré...
Le matin, j'avais fait une grande balade avec Rosie, le long de la berge escarpée que défigurent de plus en plus de nouvelles maisons. Il faisait dans les moins dix, une neige omniprésente sous un ciel gris sombre. Ce paysage monochrome revêt une sorte de terrible beauté figée, pareille au cadavre d'une mariée sous un voile de deuil.
Tout le long du chemin, et aussi plus loin, derrière les "baraques" abandonnées, des gens laissent des ordures qui forment des décharges sauvages. spectacle aussi affligeant que celui des maisons moches qui colonisent les parages du monastère saint Nicétas et la berge où seule une minuscule chapelle rappelle le monastère qui s'y dressait, avec le cimetière attenant. Les ancêtres antérieurs à l'année 17 n'ont pas eu droit au respect exigé maintenant pour ceux qui du passé faisaient table rase...
Mais dans les temps qui viennent, il faut apprendre à avoir la vision sélective et trouver la beauté là où elle subsiste. Je me suis enfoncée dans le bois, vers le lac, sous les arches des arbres. Puis, au retour, dans ce paysage désert et à moitié profané, j'ai chanté le dernier poème spirituel que j'ai appris: "Viennent les derniers temps, se dessècheront les sources des fleuves, s'assombriront le soleil et la lune, tomberont sur la terre les claires étoiles et surgira sur la montagne escarpée l'archange Michel..."
Chanter dehors n'a pas du tout le même effet que de chanter dans sa maison. La voix s'envole, même lorsqu'on ne chante pas fort. Chose étrange, dans ce paysage de cristal immobile, le vent s'est tout à coup mis à souffler doucement sa basse discrète au travers des herbes sèches et givrées. Cela m'a rappelé un cas semblable, quand je chantais les psaumes sur les chemins méridionaux et lumineux de Cavillargues, avec mon petit chien: le vent avait poussé à ma rencontre une sorte d'immense soupir.
"Il jouera de sa trompette d'or, ah levez-vous, les vivants et les morts..."
Je voyais soudain le paysage avec d'autres yeux: réuni, une immense symphonie de lignes, de taches complémentaires. Il se déployait comme une sévère étoffe brodée par des mains célestes et je le contemplais.
C'est que la nature écoute les chants qui s'élèvent, il y en a désormais si peu... Elle reconnaît la voix humaine priante, le son pur des chants d'autrefois qui naissaient en elle et par elle, elle reconnaît la présence de l'homme qui la sanctifie en s'unissant à travers elle à son Créateur.



Hier, j'ai regardé un film sur Ivan le Redoutable basé sur divers écrits de son temps, dont les siens. Et qui je vois soudain? Oh, Kolia Sakharov, de l'ensemble Kazatchi Kroug... et Nikiforitch! Et qui incarne le prince Kourbski? Micha, dont le physique médiéval le met dans tous les castings d'époque!
Ces écrits étaient très intéressants, bien que soigneusement sélectionnés pour faire d'Ivan une sorte d'ascète. Le texte d'un Anglais parlait de sa prestance, de ses traits harmonieux et de sa voix impérieuse. On citait le discours qu'il fit à ses sujets au moment de son couronnement, mettant en cause les exactions de la noblesse envers le petit peuple et concluant: "Je serai votre juge, et votre défenseur". Il est évident qu'il prenait sa fonction très au sérieux, et s'exprimait avec beaucoup de noblesse, c'était un orateur et un écrivain. Il affirme se sentir responsable devant Dieu de chacun de ses sujets, cela sonne parfaitement sincère, d'une gravité médiévale impressionnante. Il est évident qu'il était profondément croyant et l'on se demande comment ce que d'autres textes évoquent qui n'étaient pas mentionnés ici, et sont probablement en partie calomnieux, a pu être possible. Le tsar idéal a dérapé, si l'on s'en réfère à l'Opritchnina et à tout ce qui a conduit le métropolite Philippe a lui refuser sa bénédiction au prix de sa vie. 
On récitait son canon à l'archange saint Michel "chef des armées redoutable" (l'épithète est la même pour l'archange que pour le tsar, ce qui prouve qu'elle n'était, à l'époque, absolument pas péjorative). Il est magnifique, ce canon, j'en avais déjà entendu parler depuis longtemps, j'ai même donné comme titre à mon deuxième livre le pseudonyme que le tsar avait pris pour l'écrire: Parthène le Fou. Et cherchant les paroles écrites du canon, je suis tombée sur un article passionnant sur les raisons de ce pseudonyme: Parthène (de parthenos, "vierge") le Fou (de юродивый fou-en-Christ). Aucun fou-en-Christ n'écrivant jamais rien par définition, la preuve était faite que le tsar était bien l'auteur du canon, et comme je l'avais déjà senti il y a trente ans, la fascination de celui-ci pour les fous-en-Christ n'est sûrement pas étrangère à l'affaire. Certains pensaient que le tsar avait choisi ce nom par dérision, "vierge" pour lui qui se vantait, selon certains, d'avoir défloré mille vierges, justement, mais en réalité, il s'agit au contraire d'une profonde humiliation de lui-même, car il fait probablement allusion aux vierges folles de l'Evangile qui, ayant oublié leur huile et s'étant endormies à la porte de l'Epoux ne peuvent pénétrer dans sa chambre nuptiale... Cette version est naturellement beaucoup plus convaincante, d'après le contenu du canon qui ne donne pas du tout l'impression d'une plaisanterie, et beaucoup plus fascinante.
J'ai trouvé ce canon, ici, en russe, incomplet:

Piotr Mamonov le récite dans le film de Lounguine "le tsar", cet extrait m'a permis de me rendre compte que ce n'était pas en vain que je n'arrivais pas à regarder cette oeuvre, en dépit de mon admiration pour cet acteur et pour le film "l'île".
J'ai regardé, ou plutôt survolé car ce n'est pas regardable, un autre film complètement caricatural sur le tsar et Fédia Basmanov où figure le chanteur patriote assassiné IgorTalkov.
Je me rendais compte combien tout cela était à côté de la plaque, en dépit du fait que je ne crois pas que le tsar ait été un saint et que la fumée qui l'entoure n'ai pas de feu originel. Mais je suis de plus en plus persuadée que sa personnalité était beaucoup plus complexe et intéressante que ce que l'on montre d'ordinaire.

Voici un magnifique acathiste à l'archange Michel, pour lequel le tsar avait tant de vénération: 


Dans la tourmente qui vient, ma fin de vie rejoint le tsar qui en avait marqué le début, je m'en approche, je le cherche, et peut-être qu'il me cherche aussi.




vendredi 24 novembre 2017

Tohu-bohu


Ilya Glazounov: la Russie éternelle


Je suis effrayée par la confusion, le délire qui ressort de ce que je lis dans Facebook de tous côtés, la radicalisation des positions, il va devenir très difficile de garder sa raison et son humanité. Alors que les idéologies qui nous ont déchirés et qui sont issues toutes deux par réaction, d’une conception progressiste, technique, matérialiste et mercantile du monde, tombaient en désuétude, les oligarques mondialistes les ressortent du placard. A force de mensonges, d’hypocrisie, de propagande hystérique, ils réussissent le prodige de leur rendre une partie de leur virulence, l'une justifiant l'autre, l'une radicalisant l'autre. Et tout cela est attisé par le mensonge permanent, le double langage, l'hyprocrisie et la propagande, avec tous leurs effets pervers. Les vieux fachos et antifachos bloqués dans leurs rancoeurs qui trouvent encore et toujours du grain à moudre.
Je tombe, sur les fils de commentaires des prêtres ou patriotes russes divers, sur des contradicteurs aux propos effrayants. L’un dit que les traîtres fussent-ils des millions, Staline avait bien fait de les exterminer. L’autre déclare que l’URSS, qui a à son palmarès l’emprisonnement, l’exil ou l’élimination physique de la plupart des génies russes contemporains de la révolution et des décades suivantes, la destruction d’innombrables œuvres du patrimoine civil et religieux, était « l’apothéose de l’histoire russe ». Un troisième nie les exécutions sommaires et massives du polygone de Boutovo (on le comprend, ça la fout mal)... Un quatrième nie que les files d’attente devant les magasins aient existé sous Brejnev, et traite celui qui les évoquait d’ennemi du peuple. Bref, le paradis communiste qui n’est jamais advenu a trouvé son accomplissement dans les souvenirs transfigurés d’une partie de la population russe.Pour certains, la Russie commence en 17, et pour moi, c’est là qu’elle finit, pratiquement, même si elle se survit mieux que ne se survit la France après 200 ans de république. Dénoncer les crimes communistes, c’est insulter leurs ancêtres, ils se soucient peu de leurs ancêtres précédents, les « paysans obscurs » massacrés en masse par la bande d'idéologues qui a jeté une moitié du pays sur l’autre, éveillant les pires instincts et suscitant les cruautés les plus abjectes. Le slogan irréfutable, c’est que critiquer le communisme conduit à la russophobie, je crois au contraire que la russophobie naît de l’amalgame opéré entre russe et communiste, un amalgame que j'ai essayé patiemment de désamorcer chez les occidentaux, et que ce genre d'opinion justifie, faisant le jeu de ceux qui ont intérêt à ressusciter ces confrontations d'un autre âge. C'est sur cet amalgame que repose la propagande ukrainienne, c'est grâce à cet amalgame qu'on peut mentir sur le massacre des populations civiles du Donbass ou faire de Poutine tour à tour la réincarnation de Staline ou d'Hitler, ce qu'il n'a jamais été. Cet amalgame est exactement ce qu'il faut aux ennemis libéraux de la Russie pour tenter d'en faire un épouvantail international.
D'autres m’ont reproché de « ne pas aimer la Russie contemporaine ». Non, en effet, je ne l’aime pas, qu'a-t-elle de si séduisant? J'aime la Russie éternelle, j’aime la Russie, pas ses cicatrices ni ses disgrâces soviétiques, post-soviétiques ou néolibérales, et si j’aime parfois quelque chose de soviétique, c’est une survivance russe qui a perduré envers et contre tout. Je n’aime pas les affreux meubles polis qui ont remplacé l’art nouveau ou l'art paysan fantastique et coloré. Je n'aime pas les "cottages" Disneyland de très mauvais goût ni les centres commerciaux qu'on laisse construire dans des sites merveilleux. Je n’aime ni les barrières en béton, les effrayants clapiers des années 70, ni leurs successeurs de luxe, les fourmillières pour riches de la Roubliovskoïe Chossé. Je n’aimais pas l’hôtel Rossia qui violait le vieux quartier de la Varvarka, ses palais et ses églises féériques. Je n’aime pas l’avenue Kalinine devenue le « nouvel Arbat », qui écrase si affreusement l’ancien de ses gigantesques radiateurs en béton, copie sinistre de bâtiments américains, ni la version plus high tech de « Moskva-City ». Certes, j’en ai pris l’habitude, j’ai aimé Moscou, même avec ses monstres, j’ai fait avec. Un regard poétique est capable de tout transfigurer... Mais ce qui me plaît en Russie est antérieur à « l’apothéose » ou lui a survécu de façon clandestine pour resurgir à la faveur du dernier dégel: un petit troupeau, sans doute, mais reconnaissable, accroché, fervent, à ses icônes, à ses bannières, à son histoire et à ses traditions.
Je n’aime d’ailleurs pas davantage, à Paris, la tour Maine-Montparnasse ni Beaubourg, ni la snobinarde Pyramide du Louvre que les architectes du Louvre eux-mêmes n’avaient pas prévue et qui tranche toutes les façades d’époque… Ce n'est pas la France à mes yeux. La France, c'est tout, sauf ce que la République en a fait.
Je n’aime pas la modernité, elle est laide, la laideur et la contrefaçon sont les signatures infaillibles du diable. Elle est laide, et ne nous laisse plus aucune consolation, notre seul refuge est dans l’abrutissement, sous toutes les formes à notre disposition, des médias à la drogue en passant par la débauche, nos civilisations progressistes et consuméristes ressemblent à de gros crétins enrichis par des moyens répréhensibles qui retombent peu à peu dans une débine pire que l’honnête pauvreté précédente, et s’enivrent comme des porcs pour ne pas voir ce qui les attend à l’issue de tout cela.
Pour la même raison, je ne suis pas davantage pro-libérale que pro-communiste, je suis juste prorusse et aussi profrançaise. Même si actuellement, à choisir entre les deux, je préfèrerais le communisme, ou ce qui en tiendrait lieu, car ce qui se prépare à l'ouest sera plus ravageur physiquement, moralement et  spirituellement que tout ce que nous avons connu auparavant. Je préfère m’allier aux communistes qu’aux néo-trotskistes oligarchiques occidentaux, mais il m’est impossible d’oublier les victimes des répressions, les martyrs de l’Eglise, ni les ravages culturels, pardonner oui, oublier non, calomnier encore moins.
Certains, justement, accusent ceux qui ne veulent pas oublier de ne pas vouloir pardonner, et citent à ce propos impudemment l'Evangile pour lequel ils n'ont aucune considération. D'autres encore veulent recruter le Christ dans la révolution, car il stigmatisait les riches. Le Christ apportait un message spirituel, son Royaume n'est pas de ce monde, et ne s'impose pas par la force. Ceux qui le suivent sont miséricordieux et connaissent la valeur du partage. Les marchands russes chrétiens faisaient bon usage de leur argent à l'inverse des oligarques internationaux sans foi ni loi. Or c'est à ces derniers qu'appartient maintenant le monde, à l'issue de tout ce que nous avons tous traversé comme horreurs, sous diverses bannières illusoires, et nous ne savons pas comment nous en débarrasser. L'hydre a pris de la force dans notre sang, elle entretient la confusion, la calomnie et les faux-semblants qui perpétuent les dissensions et les massacres, et je vois avec effroi qu'aucune voix juste ne pourra bientôt plus se faire entendre. Le moment est sans doute venu du retrait et de la prière, dans l'attente des derniers temps.

Ilya Glazounov: le mystère du XX° siècle

mercredi 22 novembre 2017

C'est parti pour cinq mois


C'est l'hiver, c'est l'hiver pour longtemps. Tempête de neige qui tient, avec des paillettes scintillantes. Je n'ai pas eu le courage d'aller travailler, tant le voyage et toutes ses péripéties m'ont fatiguée. J'ai décidé d'aller promener Rosie: que ce paysage est donc boréal, à la fois triste et exaltant: grand, sombre, avec du blanc et différents tons de gris, du bleu au violet, traversé de reflets jaunâtres. Comme nous ne sommes pas si loin que ça du cercle polaire, la nuit tombe à quatre heures, et à huit heures du matin, elle est encore là...
Il faut bien que j'accorde un peu de temps à cette fichue Rosie, qui m'a empêchée de dormir, cette nuit, car si elle est dedans, elle rôde et s'agite, et si je la mets dehors, dans l'entrée de la maison, elle pleure et elle gratte à la porte... Mon lit grouille de chats, avec Blackos qui cherche à me fourrer son museau sous le nez et pour ce faire, me file des coups de patte griffue.
La dresseuse Olga me conseille de mettre Rosie dans sa cage quand je m'en vais, mais je soupçonne que cela ne va pas se passer avec moi comme avec elle. Elle allait volontiers dans cette cage, la considérant comme sa maison... De l'aveu d'Olga, c'est une véritable emmerdeuse, elle pense que cela se calmera dans six mois.
J'ai pris ce soir la direction du café français. J'ai été accueillie à bras ouverts, très joyeusement et très chaleureusement. Maxime se débat avec les services d'immigration de Moscou, ce qui est bien pire qu'à Yaroslavl, pour avoir un permis de séjour, la Sibérie ou le Khamtchatka sont sûrement des endroits très rapides.
Il m'a parlé du marché de Noël de l'Institut Français de Moscou: les délicieuses pâtisseries et confiseries de Didier y figureront en bonne place, pour ceux qui auraient envie d'y goûter!:
Les 24,25 et 26 novembre de 13 h à 20 h 
rue Vorontsovo polie 16, bat. 1 métro Kourskaïa ou Tchalovskaïa
Мы ждем вас 24, 25, 26 ноября
с 13:00 до 20:00 во Французском Институте 
Выставочный зал, 1 этаж
Адрес: ул. Воронцово поле, 16, стр.1 (м. Курская, Чкаловская)'est 


Un chasseur français pourrait la prendre pour un loup!



mardi 21 novembre 2017

Permis de séjour

Donc, aujourd'hui, je suis allée porter mon dossier au service d'immigration à Yaroslavl. L'employée qui nous a reçus, Ilya et moi, semblait prête à mordre. Il est vrai, nous l'avons appris plus tard en le voyant revenir, que le "client" précédent était parti en emportant son dossier administratif complet sous le bras:"C'était sur la table, dit-il, j'ai pensé que c'était pour moi.
- Sur la table, il y a aussi une imprimante, un ordinateur et un téléphone, vous allez les prendre aussi?"
La dame s'étant radoucie, nous a expliqué qu'il manquait, comme on pouvait s'y attendre, des pièces au dossier. Malgré son premier abord, elle s'est montrée extrêmement gentille. Je n'avais pas l'enregistrement de mon visa, mais je n'avais pas eu non plus le temps matériel de le faire avant l'entrevue. Je n'avais pas les photocopies du nouveau visa et du tampon de la douane. Il fallait remplir autrement le formulaire, certaines mentions n'y figuraient pas. Bref on nous a rendu notre copie, mais en s'efforçant de nous donner un rendez-vous rapide, et si j'ai bien compris, une fois mon dossier constitué, je ne serais pas obligée de repartir encore une fois, ou bien je n'aurais plus besoin d'une invitation, je ne suis pas très sûre, Ilya non plus.
Nous avons vu plusieurs photos de moi passer sur l'ordinateur. Ilya m'a dit ensuite: "A mon avis, ils savent tout de vous, et pourraient même vous apprendre des choses sur votre père..."
Au retour, il m'a parlé de son grand-père qui faisait à cheval et au sabre la chasse aux banderistes dans les forêts ukrainiennes après la guerre, un cosaque. Les forêts étaient saupoudrées de neige, parfois couvertes de givre, sous un ciel bas. La température tourne autour de zéro. Le soir tombe à quatre heures, à cinq heures il fait nuit noire.
J'ai noté cette fois que tout en restant jolie, Yaroslavl aussi a son content de cicatrices et de destructions regrettables. Pourvu que le processus s'arrête...

lundi 20 novembre 2017

Ces quelques cartes postales

Ce matin, à Pereslavl. Heureusement, la maison se réchauffe....



Souvenirs de mon automne d'or du midi, qui cette année n'était pas pluvieux, hélas pour les paysans et les jardiniers, mais tant mieux pour moi, que la sécheresse et le mistral guérissent de tous les miasmes. Voyez, c'est ici que j'ai grandi.


Le mûrier

La Garde Adhémar

Le petit chien de ma soeur sous un grand chêne

Un plan d'eau

Hé les Russes, faut vous aimer, quand même, pour échanger ça contre la caillance et les cottages Disneyland, les barrières de béton et le mépris du patrimoine, il faut l'aimer, la Russie, ce qu'il en reste et ses enfants, tous ceux qui m’accueillent à bras ouverts, se mettent en quatre pour moi, il faut l'aimer ce pays féerique vitriolé qui a gardé son âme, alors que nous perdons la nôtre, dans notre paradis que nous ne savons plus chérir ni défendre... Russes, aimez-vous donc vous-mêmes, autant que je vous aime, tous les Russes de tous les siècles qui montent en procession vers moi, comme sur un tableau de Glazounov, derrière les icônes et les bannières, à la rencontre des derniers temps... Il faut tenir jusque là, dans votre nef trouée. Nous n'en avons pas d'autre, ni vous, ni moi. Aimez les souvenirs dont on a tenté de vous priver: c'est là notre source vive, notre racine irriguée. La vôtre, mais aussi, plus profondément, la nôtre, et c'est peut-être essentiellement cela qui m'a amenée ici.

Fêtes délirantes

Retour dans une maison glaciale. Le chauffage est défaillant. Il fallait faire remonter la pression, mais je trouve que la maison ne se réchauffe pas vite. Le plombier Rouslane m'a dit qu'il fallait remettre la pompe, mais il prévoit cela début décembre...
Olga m'a ramené Rosie. Fêtes délirantes. Il paraît qu'elle déprimait sans moi, qu'elle était en état de choc. Comme il fait un temps affreux entre la neige et la pluie, ses fêtes m'ont complètement salopé la maison, que je venais d'essayer de nettoyer, les chats font d'ailleurs pareil. Je lui ai donné un nonos et deux bouts de fromage qui traînaient au frigo, depuis, elle vomit dans tous les coins. Elle aboie à tous propos, veut sans cesse entrer et sortir. Mais elle m'aime, cette gourde...Elle a grossi, c'est une énorme bestiole, de plus en plus fourrée. Elle est con mais elle est belle.
A l'aéroport de Lyon Saint Exupéry, j'ai constaté qu'on avait tout refait, c'est-à-dire que maintenant, au lieu d'arriver deux heures à l'avance, il vaut mieux en prévoir trois. Ils ont centralisé tous les contrôles en une seule usine où les gens arrivent ahuris au terme d'un serpentin interminable. Chacun doit prendre soin de faire circuler les bacs où l'on met ses affaires, et de les ranger à la fin du ruban roulant, sinon ça bloque tout. J'avais récupéré mes affaires mais pas mon ordinateur, je ne voyais même pas où il était: sur un autre ruban, où il attendait d'être examiné. La bonne femme chargée de la chose n'arrêtait pas d'aller ailleurs faire Dieu sait quoi. Bref avant ça restait un peu humain, maintenant, c'est rationalisé! Ensuite au contrôle des passeports à nouveau le serpentin, et maintenant, ils vérifient souvent les empreintes digitales. Autrefois, à l'issue de tout cela, je prenais un café et un croissant ou un sandwich près de la porte d'embarquement, car ce qu'on nous sert dans les avions est dégueu et je n'arrive souvent pas à avaler grand chose les matins de départ. Eh bien c'est fini, tous les commerces qui délivraient bouffe et boissons ont disparu. On se retrouve dans un espace sinistre, avec juste des sièges, et puis des distributeurs de café, de boissons ou de barres chocolatées. Quand aux boutiques détaxe etc, si on veut avoir le temps d'y faire un tour, avant tout ce cirque , parce qu'après plus question, eh bien ce n'est pas trois heures qu'il faut prévoir d'avance, mais quatre!

en attente du nonos

Trop petite, la chatière...

alors il faut lui ouvrir,dans l'autre sens, pareil.

Rom





samedi 18 novembre 2017

Gros stress du retour

Pierrelatte, au loin...
Avant-hier, je suis allée voir la mère Hypandia qui considère que j’ai mon rôle à jouer là bas, en Russie, et que je dois me remettre à prier plus assidument : «Dieu vous aidera, mais il faut lui accorder du temps pour cela… »
J'ai assisté ensuite aux vêpres, maintenant tous les offices ont lieu dans la belle église. Quelle douce lumière émane des vitraux et des lampes à huile de verre, et les arceaux aux différents tons de roche montent avec douceur et légèreté jusqu’à la coupole qu’ils supportent, comme de sourds arc-en-ciels entrecroisés. Les voix des moniales montent en planant et résonnent, elles font partie de cet espace, on dirait qu’elles vont s’envoler, elles aussi, avec leurs blancs visages et leurs draperies noires, de sombres et doux séraphins. Au dehors un Roumain monté sur un échafaudage décorait avec patience de fleurs stylisées les poutres du passage extérieur.
Puis le lendemain, je suis allée déjeuner avec la famille de mon beau-père paysan, on fêtait l'anniversaire de son beau-frère, dernier survivant de sa génération. Il n'y a plus de paysans chez les Fargier, mais les descendants ont conservé le sens de la communauté familiale, de la convivialité, et l'humour ancestral. Ils reconnaissent leurs anciens dans certains de leurs enfants, poursuivent les traditions et les transmettent autant que possible.
En sortant du restaurant, j'ai vu la cathédrale de Saint-Paul-Trois-Châteaux, qui est si belle, si équilibrée, avec ses détails antiques, ses décorations médiévales fantastiques et très simples, ses fresques intérieures: où est passé l'esprit qui faisait réaliser aux Français de pareils chefs d'oeuvre, non seulement beaux, mais pleins de sens? Qu'avons-nous gardé de commun avec ceux qui ont construit ce sanctuaire?
Mes derniers jours m'ont été gâchés par Chronopost, je n'ai pas pu revoir tranquillement certains amis, ni préparer mon départ. Je devais recevoir mon passeport et son visa dès jeudi. On m'informa alors qu'à cause d'un "événement" non précisé, il n'arriverait que le lendemain. Le lendemain, un courriel m'annonce que le truc arrivera de 8 à 13h, je commence à monter la garde. Puis, par curiosité, je clique pour aller suivre l'avancement de la livraison, et là, je vois que le passeport n'a pas quitté l'agence et qu'on est "en attente de précisions concernant l'adresse de livraison". Très contrariée, je demande un dépôt à la poste de Pierrelatte. Mais déjà, la livraison n'est plus possible le jour-même. Après le restaurant, sur les conseils de ma soeur, je passe à la poste pour voir si par hasard on n'aurait pas déjà déposé le paquet. Non, mais on me donne le numéro de Chronopost. Rentrée chez moi, je contacte l'agence qui m'a fait le visa, et celle-ci, après enquête, me confirme que l'objet serait bien le lendemain à la poste. Très bien.
Aujourd'hui, veille de mon départ, je guette de même, je devais recevoir un courriel ou un SMS confirmant le dépôt. Ne voyant rien venir, j'appelle le numéro laissé par la poste et apprends que le passeport est à l'agence de Valence à 60 km au nord, et que si je veux le récupérer, il me faut cavaler là bas avant midi trente, heure de la fermeture. On me donne l'adresse, je demande si l'on pourrait attendre un peu pour fermer, non, pas question. 60 km, un plein d'essence et une crise de nerfs plus tard, à Valence, on ne trouve pas mon colis, et on m'informe que le machin est à l'agence d'Avignon, à 130 km au sud, alors que j'avais encore téléphoné en chemin pour être bien sûre qu'il me fallait aller à Valence et pour demander des indications sur l'itinéraire.
Le chef de service m'engueule parce que je lui parais trop énervée, mais téléphone à Avignon et demande que le passeport me soit apporté à domicile. Retour à la Garde Adhémar. 120 km en tout. J'attends une heure en me demandant si j'arriverai à récupérer le truc, et finalement, entre en sa possession, épuisée et les nerfs en pelote.
Pour ça, j'ai payé 25 € plus 16 € d'autoroute, plus l'essence, pas toute dépensée, mais quand même. Et je n'ai pas pu dormir chez Claire hier, aller à Solan pour une dernière liturgie ce matin, ni déjeuner avec Annamaria, Giovanni et Samuel, il est vrai que j'ai quand même foncé ensuite pour aller boire le café et passer l'après-midi avec eux.
Si je n'avais pas eu mon passeport, je ratais l'avion, et donc le rendez-vous avec le service d'immigration le 21 à Yaroslavl. J'espère bientôt sortir de ces allées et venues et de ces courses aux invitations, visas, documents qui me minent.