III. LE XX° SIECLE: PERSECUTES
De l’histoire de l’église de l’Exaltation
de la Croix et de la Vivifiante Croix du Seigneur
Je termine le scénario et par la
même occasion, je poursuis mon thème principal, la propagande de la mémoire :
du passé vers le présent.
…
Dans les archives du musée du
Kremlin de Rostov est conservé un traité de 1919 entre les organes du pouvoir
soviétique du district et les prêtres du cimetière Nikolski, ainsi s’appelait l’endroit
au début du XX°siècle. Les biens de l’église avaient été déclarées propriété du
pouvoir soviétique et le bâtiment, les icônes et tout ce qui se trouvait à l’intérieur
était à la disposition des croyants pour une période limitée.
En 1925, fut constitué par les
collaborateurs du musée un acte selon lequel l’église, les icônes et les objets
religieux étaient nationalisés, sous le prétexte d’aide aux affamés de la
région de la Volga. Les icônes furent retirées, y compris l’icône miraculeuse
de saint Nicolas, celle-là même qui apparut aux bergers du XV° siècle. La
crucifixion resta dans l’église, mais ses riches ornements ( et c’étaient 200
kilos d’argent et 100 kilos d’or) furent grossièrement arrachés : la Croix
en garde des traces jusqu’à aujourd’hui. On lessiva la dorure des icônes, l’église
fut désertée et pillée.
En 1928, fut arrêté le prêtre Jean
Dobrotine, qui mourut au camp, et en 1937, le chef de chœur et le dernier
prêtre de l’église, Alexandre Sokolov. On ne peut que se perdre en suppositions
sur son destin, mais ces suppositions sont terribles. On a conservé l’enquête
du serviteur du culte et la liste du clergé de 1934. Sur cette enquête, il y a
une note en rouge : prêtre de la mouvance du patriarche Tikhon. A cette
époque, c’était la condamnation sans appel, on touchait moins aux rénovateurs…
Après l’arrestation du prêtre et
du chef de chœur, le pouvoir antichrétien envoya une commission et le processus
de fermeture de l’église commença sous prétexte de son état dangereux, alors qu’elle
était parfaitement entretenue. Les paroissiens se battirent désespérément pour
leur église, écrivirent un grand nombre de requêtes aux organes de direction, y
compris à M. Kalinine :
« Par la présente, nous
déclarons au Comité exécutif central de l’URSS de la région d’Ivanovo qu’en juillet
de l’année courante 1937, furent arrêtés le prêtre, le chef de chœur, escortés
selon la ligne du NKVD, l’église est restée fermée. A l’extérieur comme à l’intérieur,
l’église a un aspect convenable et un état parfaitement satisfaisant qui ne
menace les croyants d’aucun danger pendant l’accomplissement des rites
religieux. »
En guise de réponse fut porté le
verdict : « A la requête des réunions générales des membres des
kolkhoses « Loutch », Boudennov », « Iskra », « Kommounar »,
« 1° mai » du Comité exécutif du district d'Ilyinsky, l’église doit
être fermée. Considérant que l’église n’est pas du tout en état d’être
utilisée, le Comité exécutif du district d'Ilyinsky doit être autorisé à la
démolir ».
En 1937, on enleva les cloches,
et au bout de trois ans, le bâtiment fut transformé en orphelinat…
…
LE PERE ADRIEN
Beaucoup de choses qui ont eu
lieu ici après la révolution et jusqu’à nos jours sont couvertes de l’ombre du
secret. Quand nous avons commencé à restaurer l’église et à remonter le
portique du côté ouest, devant le clocher, nous avons dû creuser jusqu’aux
fondations. A 10 ou 15 centimètres de profondeur, nous avons trouvé des restes
de gens, avec des trous caractéristiques au niveau de la nuque. Les corps de
ces gens, près de dix ou douze personnes, étaient jetés en désordre les uns sur
les autres.
Quand on enterre quelqu’un, les
pieds sont orientés à l’est, la tête à l’ouest. Mais ici, ils sont jetés du
nord au sud, n’importe comment. La plupart ont un trou dans la nuque, comme je
l’ai déjà dit, le visage détruit. Certains n’ont pas de trou, mais le crâne
fracassé. Il est connu que les tchékistes tiraient de deux manières : une
balle dans la nuque, naturellement, quand elle ressortait, elle détruisait le
visage, une balle dans le cœur, alors la personne ne mourait pas tout de suite,
on l’achevait d’un coup de crosse. Selon toute probabilité, cela se passa ici
dans les années 20, quand on emportait les biens de l’église sous le prétexte d’aider
les affamés de la Volga. Je pense que quelqu’un a dû essayer de résister, comme
cela s’est produit à Chouïa : c’est la fusillade regrettablement connue alors
des ouvriers de Chouïa, aujourd’hui canonisés parmi les nouveaux martyrs de
Russie, qui essayaient de s’opposer au sacrilège, on n’avait pas réussi à le
cacher, cela se produisit dans une grande ville. Ici, c’est un village perdu.
Et selon toute apparence, le fait de cette exécution massive est resté
simplement caché.
La Vivifiante Croix a été sauvée
par les habitants du coin, qui l’ont transportée au village voisin de Godenovo,
dans l’église saint Jean Chrysostome…
Alexandrina Viguilianskaïa
traduction Laurence Guillon
Le père Adrien |
L'église du cimetière Nikolski avant la révolution |
traduction Laurence Guillon