Finalement,
j’aime bien l’hiver, parce que je n’ai pas de travail dehors, et la température
dans la maison est constante.
J’aime
beaucoup jardiner, mais la tâche devient au dessus de mes forces, d’autant plus
qu’il faut aussi bricoler dans la maison, ce que je remets à plus tard, et
peindre la nouvelle clôture, ce qu’il faut faire avant la fin de l’été.
Les
« adventices » sont exubérantes et coriaces, dans mon marécage, et je
laisserais certaines parties du jardin à l’état sauvage si je n’avais
l’invasion de la berce du Caucase, qu’il faut empêcher de se développer et de
grainer , qu’il faudrait exterminer, je ne sais comment, car elle a colonisé
toute la partie nord.
Je
n’arriverai pas à avoir de potager, même modeste, cette année, je me contente
de mettre en place ce qui me permettra peut-être de le commencer l’année
prochaine.
J’ai
lu un des journaux que Nina m’a donnés, c’est la permaculture à la russe, et
c’est bien, car cela tient compte de nos conditions locales, forcément. Un
article conseille ce que j’ai fait : planter des arbres, pas forcément
fruitiers. Pour l’équilibre naturel du lopin, pour les oiseaux, les insectes et
les champignons. J’en ai planté au premier chef pour des raisons
esthétiques : cacher la maison moche du voisin et le bordel dans sa cour,
avec tous ses engins. Et aussi pour les oiseaux, j’ai planté justement un
sorbier des oiseaux. Ici, d’ailleurs, on en consomme les baies, cela fleurit au
printemps et c’est ravissant à l’automne. J’ai planté un merisier, même chose.
rakita |
J’ai
un saule qui a poussé tout seul à la limite sud de mon lopin, à l’endroit le
plus marécageux, et j’ai envie de lui adjoindre un saule local du nord appelé
rakita qui a une forme ronde, très esthétique, et ne vient pas trop énorme,
mais il me faut en trouver un. Cela supprimera la possibilité de cultiver à cet
endroit là, mais d’un autre côté, si jamais les voisins construisaient, cela me
cacherait leur maison, et cela pompera une partie de l’eau excédentaire.
Pour
les arbres fruitiers, je m’oriente vers les nains en forme de colonne. Je vois
que pas mal de Russes adoptent cette solution, et dans mon marécage, cela vaut
le coup d’essayer. Ils ont moins de développement, un système racinaire plus
réduit, le conseil donné est, dans les marécages, de ne pas creuser de trou
pour planter, mais au contraire de ménager une « colline », d’importer
de la terre et de planter au dessus du niveau du sol.
Ces
arbres fuitiers ont une durée de vie réduite, mais je peux désormais dire que
moi aussi.
Pour
le reste, dans l’avenir, je pense que j’aurai
des légumes sans trop de problèmes, étant entendu que certains légumes ne
mûrissent qu’en serre.
Une
fois exterminée la berce, je pourrais laisser des zones sauvages, d’autant plus
que les plantes sauvages ont toutes sortes de vertus. Nina m’a montré qu’on
pouvait jeter une branche d’ortie dans une carafe d’eau pendant quelques
heures, cela donne une excellente boisson revigorante et fraîche, délicieuse
avec un peu de citron.
Toujours
est-il que je suis un peu dépassée par la situation, je suis crevée. Hier, je n’ai pas eu le courage d’aller à l’église.
Je pensais à la vidéo du père Costa de Beauregard. Je suis tout aussi convaincue
que lui que les temps sont courts, et qu’est-ce que je fais ? Je vis comme
si j’avais tout le temps. Il est vrai que j’ai vu une autre vidéo de lui sur l’ascèse,
que je ne pratique vraiment pas, ou par la force des choses (la santé qui m’impose
un certain régime alimentaire peu gras, mais j’abuse du sucre. L’abstinence qui
m’a pourri la vie, mais j’avais du mal à me livrer à des coucheries décevantes
ou à l’abus de confiance qui consiste à mettre dans son lit quelqu’un qu’on ne
supportera pas à long terme, le sexe, pour moi, ça va avec l’amour, c’est comme
ça…). L’ascèse m’emmerde au plus haut point, les textes ascétiques m’emmerdent.
Une assertion comme celle du père Serge, que pourtant je vénérais : « Si
tu as envie d’une femme, imagine-la dans son cercueil » me révolte
profondément. Car il me semble que c’est Dieu qui a fait cette femme belle et
désirable et qui l’a équipée pour faire l’amour et des enfants, et quand on
aime cette femme, on aime le tout que forment ce corps et cette âme
indissociables sur terre, ce qui pourrit dans le cercueil, ce n’est plus la
femme qu’on aime, c’est ce qui en reste, après que l’âme soit partie. Une telle
pensée me paraît atroce et étrangement impure.
Le
père Costa de Beauregard ne semble pas un fan de l’ascèse rigoureuse non plus,
ou plutôt il en a une autre idée qui rejoint un peu ce que disait le père
Elisée à Solan. Il recommande une ascèse qui ne soit pas unqiuement centrée sur
la nourriture et le sexe, une ascèse de l’amour. Prier pour les autres, prier
pour ceux qu’on déteste, par exemple, pour des gens qu’on pourrait juger
indignes de cela. Eh bien ça, c’est quelque chose que je fais, et par rapport à
ma jeunesse, je suis devenue beaucoup plus indulgente, et j’arrive à ne pas me
laisser aveugler par un seul aspect du comportement d’une personne pour la
juger en bloc, mais à considérer l’ensemble de sa vie, l’ensemble de ses
attitudes, et donc à relativiser et à pardonner.
La
mère Hypandia, qui a éclaté de rire à juste titre le jour où je lui ai dit que
mon filleul Antoine me considérait comme son lien avec Dieu, m’avait présentée
à une higoumène russe en lui disant : «C'est Laurence, elle a un cœur d’enfant ».
Eh
bien oui, c’est un peu tout ce que j’aurai à rendre au Seigneur, un cœur d’enfant,
et même d’enfant gâté, un peu capricieux, mais comme je le disais au père
Placide qui avait semblé surpris et songeur, le Christ nous dit de ressembler à
des enfants, est-ce que les enfants vont spontanément vers la souffrance ?
Ils vont vers la joie de vivre, l’extase de la vie, j’ai toujours cherché Dieu
dans l’extase de la vie qui ne me paraissait jamais suffisante, qui allait
croissante jusqu’à je nesais quel absolu, et non à travers une horreur de la
vie qui me semble assez malsaine.
C’est
pourquoi j’aime saint Porphyre, qui pourtant pratiquait l’ascèse, mais d’une
façon si lumineuse et si miséricordieuse, je me répète souvent sa phrase si
profonde : « Pour être chrétien, il faut être un peu poète… »
Je
suis une chrétienne enfantine et poète. Et quand je m’impose des choses à
contre-cœur, parce que « je le dois », je pense que je ne suis pas
dans le vrai, d’après le père Costa deBeauregard, et d’après le père Elisée et
même le père Krestiankine qui disait : « Ne vous laissez pas enfermer
dans les règles de prière, mais entretenez-vous avec Dieu aussi souvent que
vous le pouvez ». Je compte sur l'indulgence de Dieu, comme tous les enfants gâtés.
le père Costa de Beauregard: l'ascèse...