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dimanche 31 juillet 2022

Art-Bar

 




chez Art-Bar

Toute la semaine je me suis tâtée, à propos de Nounours. Françoise m’a écrit que j’étais complètement folle de prendre un chiot de race énorme à 70 ans, et elle a parfaitement raison, je ne voulais surtout pas de chiot, à la rigueur un vieux chien, pour tenir les chats à l’écart et aussi les voleurs éventuels, bien qu’ici je n’ai jamais peur. Mon amie Anne m’a écrit la même chose, et Nounours continuait néanmoins à venir, dès que je me mettais à jouer des gousli dans le jardin. Je commençais à faiblir. C’est un chien calme, doux, tendre, qui pose sa tête sur mes pieds. Vendredi, j’ai prié Dieu de me donner un signe clair, dans un sens comme dans l’autre. Hier, la voisine Olga me téléphone que des gens veulent acheter Nounours, des gens encore jeunes, avec un jardin, il ne sera pas à la chaîne, il sera très bien traité. J’ai pensé que c’était là la réponse divine, et aussi que je ne vivrai sans doute pas assez pour l'enterrer, et j’ai dit à Olga : « en effet, c’est sans doute mieux, je suis une vieille, si ces gens peuvent le rendre heureux, donnez-le leur, il faut savoir de temps en temps être courageux et passer par dessus ses émotions, mais donnez-le vite, que je ne le revoie pas ». Puis je suis partie en vélo au café français, ou plutôt au bar du café, Art-Bar, dans l’intention de me boire une bière avant le concert, pour me remonter le moral. Quand je bois une bière, je prends le vélo plutôt que la voiture.

Le concert était très bien, ce sont nos joueurs de luth habituels qui chantaient un répertoire celtique à la guitare, avec beaucoup de talent, c’était envoûtant et me rappelait ma jeunesse, les chansons anglaises ou américaines sous influence irlandaise qu’on entendait alors. Le nouveau Français est reparu, avec sa femme russe et ses deux ados très mignons, il s’appelle Quentin Lecornu, on ne fait pas plus typique ! Le pâtissier Godfroy m’a dit qu’un cuisinier français allait arriver, un de ses amis, cela tourne à la colonie.

Un peintre a fait mon portrait, une vieille Française avec seulement des yeux et presque pas de bouche. Natacha m’a photographiée. L’atmosphère est très agréable chez Art-Bar, décontractée, créative, le lieu qui manquait à Pereslavl, et puis on peut boire en terrasse, sous un immense mélèze et le ballet céleste des martinets. Kostia m’a dit que les Grecs et les Latins avaient lancé la philosophie, parce qu’avec leur climat, ils n’avaient rien d’autre à foutre, alors que les Russes, avec leurs dures conditions d’existence, avaient autre chose à penser. Mais je ne suis pas d’accord, parce que les Russes philosophent autant que les Latins et les Grecs, il faut bien occuper les longues soirées d’hiver, et ils chantent, enfin ils chantaient.

Ce matin, je suis partie à l’aube à l’église et dès que j’eus ouvert le portail, j’ai vu accourir Nounours à toutes pattes énormes, pour me faire des fêtes et se frotter contre moi. A l’église, je n’arrêtais pas de pleurer. «Tu as été ferme et  raisonnable, me disais-je, tu as obéi à la volonté de Dieu. C’est mieux ainsi. » Je priais pour que le petit Nounours fût heureux, et tout d’un coup une idée m’a effleurée : et si ces gens changeaient d’avis ?

Je suis allée prendre un capuccino et deux délicieux croissants dans mon repaire, et j’ai commencé à consulter mon téléphone. Message d’Olga : « Ils ont pris Charlie, et ils ont laissé Nounours ».

Et bien que ce soit de la folie et tout ce que vous voudrez, j’ai compris que c’était là la volonté de Dieu, car j’ai tout fait pour que cela n’arrivât pas, et à mon retour, Nounours est accouru à toutes pattes et je lui ai ouvert une boîte de poisson. Il cherche désespérément à apprivoiser les chats, et se met à plat ventre pour leur montrer ses bonnes intentions. Il est triste et s’ennuie parce qu’il a perdu son petit frère, et c’est moi qu’il vient trouver. 

 

samedi 30 juillet 2022

sainte Bathilde

 




Ania et son mari m'ont emmenée, le jour le plus torride de la semaine, en canot sur le lac au petit matin. C'était absolument magique. Il y a peu d'eau, malheureusement, le lac Plechtcheïevo est victime de la connerie humaine, comme celui de Nero, à Rostov, avec lequel il est d'ailleurs relié par des réseaux souterrains mystérieux, et qui se noie dans l'un peut reparaître dans l'autre. Le lac est abyssal en son centre, et il a un double fond. C'est comme une sorte de système circulatoire de la terre, auquel des activités humaines brouillonnes et brutales infligent des pathologies.

A certains endroits, il y avait assez d'eau pour nager, et même, nous perdions pied. Il n'y avait absolument personne, l'eau était lisse comme un miroir, bleu pâle sous un ciel un peu brumeux. Les églises prennent un caractère étrange, quand on les voit depuis le lac, je ne sais même pas comment exprimer ce qu'elles m'inspirent. Inscrites parfaitement dans le paysage, elles semblent pourtant venir d'un autre monde et s'apprêter à y retourner. Les saules de la rive cachent complètement les maisons moches et toutes les autres disgrâces de notre pauvre ville. On voit d'un côté les coupoles d'argent du monastère Nikitski, qui semblent, casquées et armées, monter la garde, de l'autre l'église des Quarante Martyrs, vaisseau précieux prêt à appareiller non sur le lac, mais dans le ciel qui le surplombe.  


Kolia et Ania sont pleins d'attentions l'un pour l'autre. Kolia avait un tee-shirt " le KGB vous regarde", avec une faucille et un marteau. Je voulais les photographier, mais Ania est très intimidée et n'y tient pas. 

Tout était si beau, et d'une paix surnaturelle, enfin non, d'ailleurs, une paix naturelle, forcément, celle de ce ciel et de ce lac. Si elle me paraissait surnaturelle, c'est que nous y avons de moins en moins accès.

La chaleur a débouché sur une série d'orages. Je suis allée chez Larissa Likman, avec qui je vais exposer à l'automne. Elle et son mari font des panneaux en mosaïque de débris de céramiques. Ils ont une jolie maison contemporaine, si elles étaient toutes comme la leur, le paysage en serait bien amélioré. Malheureusement, dans leur village de Veskovo, où d'ailleurs j'avais failli acheter, on saccage tout, comme partout ailleurs. Larissa est très gentille, elle m'a donné des tas de fleurs de son jardin et les a rassemblées sous une pluie intermittente et un somptueux arc-en-ciel. 

Au matin, il a fallu planter tout ça: beaucoup d'iris, des hémérocalles, de l'hysope, des coquelourdes, que maman adorait et qui poussaient si mal chez nous.


La floraison de mes astilbes commence à passer, ce qui m'annonce la descente progressive vers l'automne. Cette floraison m'a donné de grandes joies, je ne me lasse pas de regarder jouer la lumière au travers de ces aigrettes duveteuses. Je me souviens que c'était aussi une cause de ravissement quotidien pour maman, qui calculait l'emplacement de ses plantations en fonction de ces illuminations matinales et vésperales, et pour ma tante Mano, au travers des corolles de ses canas, dans son jardin de Marseille.

Nounours et son petit frère sont accourus ventre à terre dès que j'ai commencé à jouer des gousli devant la chatoyante magie de ces lueurs du soir. Je voyais deux oursons blancs passer et repasser en bondissant. Les gousli plaisent à tout ce qui vit, les fleurs, les arbres, le ciel, les oiseaux, les chats et les patous des Pyrénées.

Au café, j'ai vu un Français de plus, mais là, son prénom m'échappe, je vieillis. Il voudrait venir s'installer à Pereslavl, lui aussi, pour l'instant, il est à Moscou. Un normand. Il a conseillé à Gilles d'envoyer plus souvent son nouveau pâtissier fumer dans la rue, car il faisait un malheur auprès des jeunes femmes qui passaient et allait lui attirer beaucoup de clientes! Le pâtissier se marrait, d'ailleurs, on rigole beaucoup, dans notre petite communauté française. J'ai eu de nouveau des mots avec ma lectrice pro Kiev, qui continue sa croisade contre mon entêtement dans la mauvaise voie, la bonne étant la sienne, naturellement. Mon amie Yelena, qui a passé des nuits entières à traduire toutes sortes de témoignages vidéos depuis des années, m'a dit de ménager mes nerfs. Elle ne répond même plus et en effet, à quoi ça sert?

A noter que tous les Français installés en Russie de ma connaissance pensent exactement comme moi, mais ceux qui ne vivent pas ici sont meilleurs juges, avec leurs médias de grand chemin. C'est comme ça, d'un côté ceux qui, consciemment ou non, servent le monde de la famille Biden, de Rothschild, et comme dit Slobodan, de Frankenschwab et de l'autre, ceux qui le rejettent, c'est là que se situe la profonde fracture. Ci-dessous, la lettre d'un monsieur qui est en train d'émigrer en Biélorussie et qui ne pèche pas, il est vrai, par excès d'optimisme. 

 "C'est dur moralement de voir les choses qu on avait anticipées se produire sans pouvoir rien y faire. La psychose collective fabriquée par ces fils de putes d'américanistes prend l' ampleur d' un tsunami en europe occidentale et de l'autre cote de l'atlantique. La mafia journalistique occidentale jette de l huile sur le feu. Ils sont sûrs de leur coup mais ils se trompent .Ils ne sont pas seulement en guerre contre la coopération de l'europe occidentale avec l' eurasie russe . C' est plus profond que cela. L' hégemonisme suprématiste financier anglosaxon est en guerre contre le Réel tout simplement. Ces fous revendiquent le privilège divin d' engendrer le Réel à partir de leur discours. C'est un délire de toute puissance où le verbe se fait chair. Ils se prennent pour Dieu. Ainsi toute réalité qui leur résiste, aujourd' hui les interets vitaux russes, doit etre pulvérisé ! C est ainsi qu' on assite à une obnubilation psychotique sur la Russie, après celle contre le Covid et en attendant celle contre la Chine. C est une "maladie mentale professionnelle" de spéculateurs qui font de l' argent avec de l' argent et qui revendiquent désormais de faire du Réel avec du symbole. Le monde soviétique a connu dans les années 1920 à 60 ce même délire de toute-puissance sous une forme symétriquement inversée : la toute puissance du travail humain sur le Réel ( stakanovisme, canal de la Mer Blanche, Kolima, industrie du Goulag ) Ca c'est le code noyau du systeme d exploitation américaniste. Après il y a un empilement de couches logicielles de l exceptionalisme américain, qui déterminent les buts de guerre contre la Russie et la Chine. Et enfin la couche de présentation médiatique qui consiste à cacher les buts de guerre, à cacher les intérêts et à diaboliser la Russie aujourd' hui, demain la Chine par une propagande hystérique et haineuse et la falsification des faits. Je crains que des responsables Russes et Biélorusses n'aient peut être pas encore assez approfondi la complexité du fonctionnement de l' adversaire et cela m' angoisse. Car j' ai tout misé sur ces pays que j'aime."

 

chemin d'astilbes

 

Je suis allée à une exposition au monastère de la Trinité-saint-Daniel, de jeunes iconographes ont organisé une espèce de flashmob, invitant iconographes et peintres a dessiner les saints du jour, pour faire vivre l'art religieux, même non canonique, en partant du principe que les enluminures, par exemple, laissent plus de place à l'expression du peintre, ce qui est discutable, je trouve que des iconographes comme Andreï Roublev ou Théophane le Grec, ou père Grégoire avaient leur manière unique. Katia, une des organisatrices et participantes est très douée, assez flamboyante, bien que je l'ai trouvée cette fois intimidée par la nécessité de présenter son exposition. Elle avait représenté, entre autres, sainte Bathilde de France, et comme je lui en demandais une carte postale pour l'envoyer à mère Hypandia, elle m'a annoncé qu'elle me donnerait l'original à la fin de l'exposition, ce qui me touche énormément. Elle m'a publiquement remerciée d'être venue, ajoutant que grâce à moi, elle s'était mise à jouer de la balalaika avec grand plaisir. du coup, je suis allée lui chercher un exemplaire de Yarilo dans la malle de ma voiture, et j'en ai donné un aussi au père Pantaleimon, bien que je redoute les réactions monastiques, mais enfin, il est très ouvert, c'est le grand ami de notre évêque, qui est très ouvert aussi.

sainte Bathilde de France, à gauche.






 

 


mardi 26 juillet 2022

la maison de la rivière Troubej

 


Je voulais aller à la liturgie du petit matin, car j’avais été réveillée à cinq heures et demie, par des aboiements furieux de Rita, et j’avais vu dans mon jardin une joyeuse cavalcade de patous des Pyrénées bondissants, soit Alissa, pour une fois libre, et ses deux chiots Nounours et Charlie, qui m’ont fait des fêtes délirantes, tout en cherchant à communiquer avec le petit frère Alba, qui est enfermé sur le terrain des voisins de derrière. Mais je ne sais pas pourquoi, je me suis mis dans l’idée que c’était à 7h 40 au lieu de 6h 40 et je suis arrivée au moment de la communion. Le fils du père ukrainien Vassili est venu me dire que son papa allait me donner la communion quand même, mais je ne m’étais pas préparée. 

Dans ma confusion, je suis passée à la cathédrale pour la liturgie suivante, et là, le père Vassili s’est jeté sur moi, m’a couverte de son épitrachlion et m’a absoute sans que j’ai rien confessé ni rien demandé, comme ça, d’autorité : « Il vaut mieux manquer une liturgie que d’y être toujours fourré en étant plein d’orgueil ».  Cela m’a fait un effet extraordinaire, comme si Dieu s’était Lui-même porté à ma rencontre, et de façon tout à fait imméritée, mais ce genre de choses arrive toujours de façon imméritée, et inattendue.

J’ai toujours été la fantaisiste de service, je me souviens d’une prof d’anglais qui, sur la foi des rumeurs courant à mon sujet, m’avait annoncé dès la rentrée qu’elle n’aimait pas les fantaisistes, ce qui m’avait paru de mauvaise augure. Au sein de l’orthodoxie, c’est pareil, ce que la mère Hypandia appelle ma spiritualité hors des sentiers battus, sans doute ! Et là, tout à coup, au milieu de la cathédrale, j’avais l’impression d’être une sorte de jongleur Notre Dame adoubé, j’en avais la larme à l’oeil. Je voyais ma vie sous une autre perspective, et ma vieillesse, et même la mort, tout prenait la lumière.

Ce matin, je suis allée d'un coup de vélo à la rivière me baigner, car hier il a fait très chaud, et cela partait pour être le cas aujourd'hui. Сomme me l'a dit la baigneuse de l'autre jour, l'eau "commençait déjà à fleurir", c'est-à-dire qu'elle devenait trouble, avec je ne sais quoi en suspension, de la vase peut-être. Mais le lac avait une couleur presque méditerranéenne, et le ciel était complètement immaculé. Sur le chemin, j'ai vu que la maison dont j'avais admiré la restauration en cours était devenue positivement magnifique. On était en train de lui fixer des encadrements de fenêtres anciens de récupération, ou peut-être neufs, mais traditionnels, et son fronton s'ornait de sculptures dans le même esprit, deux oiseaux sirènes face à face. J'ai vu le propriétaire d'une autre maison bien réparée que j'avais déjà photographiée. Je l'ai félicité: si tout le monde faisait comme ces deux-là, au lieu de tout plastifier et de construire des châteaux américains, Pereslavl serait un vrai conte de fées. 

Je me demande ce que les Russes diraient si, par exemple, allant visiter la France, ils voyaient que nous déguisons nos vieilles maisons de pierres en isbas avec du faux bois en plastique.

Chaque fois que je vais à la rivière, je m'émerveille de rencontrer une population calme et paisible, qui échange des saluts: petites vieilles, mamans avec des poussettes, pêcheurs nonchalants qui passent avec des cannes à pêche et des canettes de bière.

Ania et son fils m'accompagneront à Rostov pour la présentation de Yarilo au musée d'art populaire. Je voulais les inviter au restaurant d'en face, auquel je ne suis pas retournée depuis le départ de Nil, et qui est bon et pas cher. Mais Ania m'a répondu: "Je ne saurais pas comment m'y comporter, car je ne suis jamais allée au restaurant de ma vie."

Moi, je ne me souviens même pas de la première fois où j'y suis allée, tellement c'est vieux. Je devais avoir trois ans sur la photo qui me représentait dans la cour de la Belle Ecluse à Bollène avec un chiot spitz dans les bras et quatre ou cinq quand j'allais avec papy et mamie dans un restau à Tournon, sous la falaise avec un bas relief, je le vois encore, la Chaumière, peut-être? Pour fêter la réussite de mon bac, maman m'avait invitée dans un restaurant à Suze-la-Rousse, tenu par deux lesbiennes et très bien décoré, on y mangeait de la salade de tomates à la crème et à l'estragon et du canard aux pêches. Pedro, mon beau-père, m'avait, lui, offert une bouffe chez Pic à Valence, il faut dire que selon l'expression du pâtissier Didier, j'ai toujours été de la gueule, pour un Français, il est difficile d'imaginer qu'on puisse atteindre la cinquantaine sans jamais s'être tapé la cloche dans un bon restau... 

Il vient de m'arriver un truc ubuesque avec la Sberbank. Tout d'un coup, on m'a bloqué le payement de l'artisan qui fait ma terrasse et ce n'était pas une somme astronomique. J'ai eu un robot au bout du fil qui me demandait de confirmer l'opération. Je confirme, le robot me demande de le noter, je raccroche parce que je n'en ai rien à foutre de la notation des robots. Un peu plus tard, une vraie bonne femme m'appelle, mais la différence avec le robot n'était pas notable. Il s'agit de vérifications au hasard, indépendamment de la somme. Et à qui je l'envoyais? J'étais tellement fatiguée, que j'ai un peu bégayé, et ensuite, elle me déclare que le 24, j'ai fait un achat de 6000 roubles, pouvais-je lui dire lequel? Impossible de m'en souvenir. Je cherche encore. Oui, je l'ai fait, ça je m'en souviens, ce que c'était, je ne sais plus, parce qu'en ce moment, j'achète du matériel, et puis il fait chaud et je suis crevée, prise d'assaut par des tas de gens qui me sollicitent, je n'ai pas une minute de paix. Moyennant quoi, elle m'a tout bloqué et cela va m'obliger à aller à la banque tout renouveler. Comme quoi en Russie comme en France, les banques sont des organismes épouvantables qui considèrent que notre argent est le leur.  

Ce doit être une campagne en cours, car l'électricien m'a dit qu'on lui avait fait le même coup.





La maison de rêve des bords de la rivière Troubej. L'horrible palissade ne va sans doute pas rester en place.....


 

samedi 23 juillet 2022

Petit florilège

 Sur Vkontakte, on m'a envoyé ce post, que je trouve bien intéressant et que je soumets à la méditation des gens curieux.

Борис Масленников

Chez Anna Ossipova


Nouvelle visite de la chaîne orthodoxe Spas, beaucoup plus brève que la dernière fois. Presque tout s'est déroulé sur ma nouvelle terrasse, au frais. J'ai chanté à l'intérieur. La jeune femme qui m'interviewait, Olessia, très jolie et très touchante, m'a embrassée en me disant que j'étais le trésor de Pereslavl!
J'avais fait fièvreusement le ménage, juste avant, à cause des affreux chats, et nous avons eu la visite de Nounours. Profondément pénétrée de l'idée que le prendre serait de la folie, je suis perturbée par son attitude amicale, il est net que je lui plais beaucoup, que je suis tout à fait son genre de patronne. 
Ania est de nature hypersensible et moi aussi, c'est ce qui nous rapproche. Nous avons discuté hier sur la terrasse, en buvant le thé. Puis je suis allée chez Anna Ossipova, qui fait de très jolies choses dans l'esprit de l'art populaire, dont elle est imprégnée, et aussi des icônes. Elle vit dans un bel endroit, mais toutes les maisons que j'ai vues sur le chemin sont affreuses. Son père et sa mère, élevés à la soviétique, ne voient visiblement pas le problème, et elle me l'a confirmé. Ils lui reprochent d'être trop axée là dessus, c'est le progrès, les vieilles maisons sont incommodes! "Pas de chance pour eux, lui dis-je, avec moi, en voilà une autre comme vous dans leur entourage!" 
Ils m'ont reçue royalement, dans une maison hyper propre, je n'ai jamais vu ici d'endroit aussi impeccable, je pense que la maman d'Ania, à ma place, aurait depuis longtemps envoyé mes six parasites de chats se faire pendre ailleurs.
La table était si jolie que j'ai fait une photo. Ania avait confectionné une tarte à la canneberge, excellente et superbe, avec des bords très hauts, elle pensait que c'était le genre quiche, je lui ai expliqué que non, la quiche ce n'est pas ça, de même que le vin de pomme de son père, ce n'est pas du cidre. Mais il était heureux d'avoir quelqu'un avec qui le boire et nous l'avons bu gaiment.
Son père travaille encore, il est dans tout ce qui touche au cosmos; et ils ont voyagé et séjourné en occident. Il m'a parlé de son père, garde rouge, qui, pendant la seconde guerre mondiale, avait été fait prisonnier et qu'avaient hébérgé des Russes blancs en Allemagne. Quoique d'opinions radicalement opposées, ils l'avaient reçu avec tout leur coeur, comme un compatriote, l'avaient habillé de pied en cap et lui avaient offert deux valises de cadeaux, tout cela lui a été confisqué à son retour en Russie. "Il n'a été ni fusillé, ni envoyé au goulag, tout ça c'est des histoires"! Mais il a été quand même interrogé et mis à l'écart dans un camp spécial pendant deux ans, et d'avoir été prisonnier l'a poursuivi pendant une bonne partie de sa carrière.
La maman d'Ania, devenue orthodoxe, a été désagréablement surprise par l'hostilité des descendants d'émigrés, dans une paroisse de Belgique ou d'Allemagne, je ne me souviens plus. 
C'est une famille intéressante, car les parents sont vraiment soviétiques pur jus, charmants, hospitaliers, ils m'ont couverte de cadeaux, de légumes et de fleurs du jardin, mais mis à part la conversion de la maman, soviétiques pur jus. Alors qu'Anna et son mari Dima, sont russes tendance sainte Russie, nostalgiques de la paysannerie, du folklore et de la tradition, Dima travaillait dans un aéroport, avec les événements des dernières années, il a dû se reconvertir et il est parti vivre à Pereslavl, ce dont il est enchanté. Non seulement il éprouve la nostalgie de la sainte Russie paysanne, mais il le physique de l'emploi.

Une artiste peintre, Larissa Lickmann, avec laquelle je vais exposer, m’a demandé de mettre de côté deux chroniques et deux Yarilo, car elle a prêté son exemplaire de ce dernier à des amies qui le lisent à haute voix et sont tellement enthousiastes, qu’elles veulent absolument le leur. Si ça se trouve, je vais faire un best-seller.  Anna Ossipova m’a dit : « Je le commence juste, c’est très poétique, mais ce n’est pas vraiment un roman historique, c’est un livre qui me paraît hors du temps. » Cette réflexion m’a frappée, je crois qu’elle est assez juste, bien que je ne l'ai pas fait exprès, mais les livres se font à notre insu. Le livre est très visuel, mais ne donne pas toutes sortes de  ces détails qui reconstituent une époque, en fait, c’est un peu comme si l’époque allait de soi. Quand on écrit un roman contemporain, on ne fournit pas forcément une description documentaire d'un environnement, alors qu’on se croit obligé de le faire dans un roman historique, ce que justement je n’ai pas fait, sauf quand le propos impliquait une description, mais c’est parfois le ciel du nord, la forêt, quelque chose d’intemporel. Le mari de Natacha, quand il avait fait des tentatives de rédaction de ma traduction, ajoutait tous ces détails, la description des vêtements de la future tsarine tcherkesse et de son frère par exemple, ou ceux des boyards, et leur attitude.  Je n’étais absolument pas d’accord, en dehors du fait que je ne reconnaissais ni mon livre ni son style, parce que je n’ai pas fait une reconstitution historique et que le tsar au moment précis où apparaît Kotcheneï se fiche éperdument des détails de son costume national tcherkesse: comme tout homme de sa trempe, il regarde si elle est ou non baisable en pensant qu’elle ne remplacera pas sa femme, irremplaçable par définition.


Oeuvres d'Anna

saint Serge et son ours

boite

commode Ikea transfigurée

  

jeudi 21 juillet 2022

Emigrés

 Je suis tombée sur l'interview par la chaine 1 d'une famille française émigrée dans la région de Moscou. Cela m'a fait un choc. Une famille nombreuse catholique, traditionnelle, "bon chic bon genre", comme on aurait dit dans ma jeunesse, bien élevée, le genre de clientèle que j'avais dans mes classes du lycée français. Avec tout ce qui se passe, on aurait pu penser que de telles familles étaient en voie de disparition, eh bien non. Celle-là est en Russie, elle soutient le Donbass, où elle envoie de l'aide humanitaire. https://www.1tv.ru/news/2022-07-14/433460-bolshaya_frantsuzskaya_semya_shest_let_nazad_pereehavshaya_v_podmoskovie_pomogaet_detyam_donbassa

Je ne me suis toujours pas décidée à récupérer Nounours, et je sens une sorte de pesanteur intérieure analogue à celle qui m'a fait renoncer au dernier moment à déménager dans un joli village, quelque chose d'insurmontable. Ce petit chien me plaît beaucoup, mais je suis harcelée par mes chats, leurs bêtises, leurs crises de jalousie, je suis finalement très occupée, et de plus en plus fatiguée, physiquement et émotionnellement, un chiot demande de l'attention, de l'éducation, de la fermeté, je me demande si je n'ai pas passé l'âge de me lancer dans cette aventure. Ma voisine Ania le pense, elle me dit qu'elle a pitié de moi, parce que le chien deviendra énorme, qu'il peut me renverser, qu'il faut être  disponible. Ils sont toute une famille à s'ocupper du sien, qui est adorable et visiblement très heureux. Moi je suis seule et usée, percluse de rhumatismes. Ce qui s'est passé avec le chat à Moscou m'a provoqué des insomnies et une crise de migraine comme je n'en avais plus eu depuis longtemps. Ania me dit que Sacha et Olga s'occuppent bien de leurs chiens, qu'ils les promènent, qu'ils les lâchent de temps en temps. Je me souviens de ce que maman m'avait dit un jour, qu'il ne fallait pas se charger de fardeaux qu'on ne peut pas porter.

Je pressentais qu'Ania avait pris un chien parce qu'elle craint de perdre son mari, qui est beaucoup plus âgé qu'elle, il a mon âge. C'est le cas, elle craint terriblement de le perdre, elle est même allée en pèlerinage à Diveïevo faire prier pour sa santé. Il n'est pas malade, Dieu merci, mais il vieillit, et il a eu le covid, lui aussi, il doit encore être fatigué. Ils sont très unis, et leurs enfants sont très bien, ils n'ont pas du tout la mentalité de merde du petit ado élevé au consumérisme et à la tablette par des beaufs. Ce sont des gens pour lesquels j'ai autant d'affection que de respect. 

Elle m'a proposé de lire un extrait de mon livre à la présentation de Rostov, et m'en a fait la démonstration. Elle ne lit pas avec le talent de Katia, mais elle lit distinctement, et  c'est le principal.

L'artisan qu'a mis Kola sur l'affaire, Andreï, me plaît beaucoup, il n'est pas idiot, efficace, il me propose même des solutions plus rapides et plus économiques, au lieu d'essayer de me tirer du fric n'importe comment pour n'importe quoi. Et il va me refaire tous les trucs qui ne vont pas dans la maison. Je rends grâce à Dieu de me l'avoir amené...

J'ai découvert la vue que j'aurai depuis la terrasse, qui est à présent presque terminée, il manque l'escalier, mais nous attendons Kolia, qui doit faire un socle en béton. C'est vraiment merveilleux, j'aurais dû faire cela plus tôt, cela change tout, à la limite, je devrais presque être reconnaissante au voisin de m'avoir poussée à chercher cette solution par sa construction brutale, intrusive et moche! Car j'ai sous les yeux un paysage dégagé, enore pittoresque, depuis un recoin où j'ai bien la paix, tout le jardin à mes pieds, la maison d'Ania, celle d'oncle Kolia est cachée par les arbres, mais ce n'est peut-être pas plus mal, étant donné ce que l'on va certainement finir par en faire...



J'ai lu avec intérêt ce numéro du blog "journal d'un orthodoxe ordinaire" de mon ami Maxime, il remet bien les pendules à l'heure: ☦️ ORTHODOXE ORDINAIRE : JUSTE AVANT LA FIN… comme il avait été prophétisé. Pas la peine d'être pessimiste. (orthodoxe-ordinaire.blogspot.com)

Ici, un article faux-cul et propagandeux pour salir Makine, que je plains beaucoup car il a aimé et choisi la France et voit maintenant son pays d'origine soumis à des calomnies constantes et des interprétations biaisées. Or il sait bien ce qui est vrai et faux, il vient de Russie. Les gens comme lui, ou comme Soljénitsyne, ont une vision stéréoscopique, ils voient les deux côtés du problème. Je l'estime pour son courage. Qu'il soit amené à prendre cette position inconfortable dans le pays qu'il a aimé et où il occupe une position enviable est en soi significatif et devrait faire réflechir ceux qui en sont encore capables. Aucun des Français émigrés de ma connaissance n'est placé devant ce genre de dilemme, ils sont tous patriotes de la Russie, même quand ils sont nostalgiques de la France. J'en discutais avec mon artisan Andreï, il soutient son gouvernement à mort et écoute la propagande ukrainienne avec une curiosité d'entomologiste. Il a des connaissances en Allemagne qui sont consternées et cherchent à revenir.

Poutine, l’Ukraine et la « propagande européenne » : le monde rêvé d’Andreï Makine (nouvelobs.com)



mardi 19 juillet 2022

Apparition

Le ciel est ce soir si beau, et je trouve magique de le voir depuis ma fenêtre, j'en avais perdu l'habitude. A ses tons cuivrés répondent le joyeux bouquet d'étoiles des lys de Nadia. Je vais mettre plus de lys, ceux-ci poussent très bien. Je sens que nous arrivons déjà au versant automnal de notre bref été. 
J'ai fait la présentation de Yarilo, mais le moment le plus intense de la journée fut la liturgie du matin, où il n'y avait presque personne, où j'étais presque seule avec le métropolite Philippe, et je lui recommandais les miens, les personnages de mon livre, et puis aussi la pauvre propriétaire du chat que je croyais avoir sauvé et qui ne cesse de me hanter; pourtant là, vraiment, je n'y étais pour rien, mais c'était comme si je prenais ce chagrin et cette culpabilité sur moi, j'espère que cela allège mystérieusement les siens. Il y a quelque chose de si affreusement irrémédiable dans la mort, de si irréparable... Le chat était là, soyeux, éperdu, et puis quand sa maîtresse est arrivée, on ne pouvait plus rien pour lui. Et cela faisait écho dans mon coeur à la tragédie qui frappe mon amie et pour laquelle je ne trouve pas de mots...
J'aimerais avoir un signe des gens de ma famille que j'ai perdus. Parfois, je sens des présences très proches, le père Placide, le métropolite Philippe, et même parfois l'higoumène Boris, mais je n'arrive pas à trouver celle de mes parents qui me manquent tellement. Peut-être que les hommes de prière se relient plus facilement à nous par delà la mort et les siècles.
J'avais un peu moins de monde pour Yarilo que pour les chroniques, cela touche les gens de moins près. Mais j'ai eu des réactions très chaleureuses. Katia a magnifiquement lu son extrait, avec un vrai talent d'actrice. J'étais très fatiguée, et j'avais mal à la tête. J'ai même reculé devant le café français, j'avais envie de silence, je suis rentrée chez moi. Cette migraine a duré trois jours, je pense que je la dois au chat.
Ce soir, je suis repassée au café, Gilles m'avait vendu plusieurs livres, j'ai goûté le fraisier de Godfroi, alors que mon intention était de me mettre au régime. Et il a introduit un nouveau gâteau, le rocher, que j'ai remis à une date ultérieure, parce que, comme disait en passant à table le regretté père Gauthier, une de nos figures familiales, "un certain ascétisme convient".
Je voulais mettre une dédicace sur l'exemplaire de Vladimir, qui s'occupe du bar, et alors que je commençais à descendre l'escalier, une jeune femme assise en bas m'a regardée avec de grands yeux en murmurant "Laurence", comme si elle avait vu la sainte Vierge, j'ai eu un choc, je crois qu'il va falloir que je m'habitue!
C'était une relation facebook, qui, passant par Pereslavl, se demandait comment y rencontrer Laurence en chair et en os. Eh bien naturellement, en allant au café la Forêt, bien que je sois plus accro aux gâteaux du rez-de-chaussée qu'aux bières du sous-sol! Elle était tout à fait charmante, et avec Vladimir, nous avons parlé d'Ivan le Terrible. La jeune femme me disait qu'au vu de l'île de Siyavsk, qu'il avait couverte d'églises au moment de la conquête de Kazan, elle pouvait difficilement l'associer à un maniaque et c'est vrai qu'il a laissé partout d'admirables constructions. Il est exact que peu de documents fiables subsistent sur son règne. Moi, je le vois comme un personnage de Dostoievski, déchiré par toutes sortes de passions, mais idéaliste, et nostalgique de la pureté et de la sainteté. Un Russe, en somme.
J'ai quitté cette compagnie, parce que mes artisans devaient arriver à cinq heures, ce qu'ils n'ont naturellement pas fait. Kolia a mis sur le coup un type qui a l'air de connaître le boulot, mais il n'est pas venu, cela fait deux mois que ça traîne, et ils ont bien sûr laissé dans mon jardin des poutres et des tuyaux que je ne peux déplacer seule, qui me font cuire les yeux, et m'empêchent de tondre...


                                                                                                                                                                        
J'ai vu qu'un prêtre orthodoxe israélien, sur facebook, colportait toutes les calomnies ukrainiennes sur les Russes avec l'assurance absolue que ces derniers sont fondamentalement coupables de par leur nature intrinsèquement barbare. Les Russes brûlent le blé ukrainien. En effet, ce n'est pas le gentil président Zelenski qui ferait une chose pareille à ses administrés, c'est par définition impossible. Pourtant, le problème est qu'en Ukraine comme partout ailleurs en Europe, les dirigeants peuvent faire n'importe quelle saloperie à leurs populations, puisqu'ils n'ont plus aucun sentiment d'appartenance à une communauté nationale, ce sont tous les membres d'une caste hors sol, d'une espèce de secte. Ils sacrifieront allègrement tous les Ukrainiens à leur guerre médiatique contre la Russie, où d'ailleurs, des terroristes, venus du trou noir, ont installé des dispositifs dans les champs de blé pour obtenir le même résultat que chez eux. Les Russes, en revanche, n'ont aucun intérêt a s'aliéner des populations qui leur sont, dans la partie orientale où ils sont déployés, largement acquises ni à aggraver une pauvreté qu'il leur incombera d'assumer. De plus, ils n'ont aucune haine contre les populations ukrainiennes, et ne tiennent aucun discours en ce sens, alors qu'en face, depuis le maïdan et même avant, la haine est écumante et relève de la psychiatrie. En réalité, le président ukrainien se fout des gens comme d'une guigne, et sait très bien qu'en bombardant le Donbass ou en faisant brûler les champs de blés, il s'attaque non à des Ukrainiens agressés par des Russes, ce qui pourrait paraître absurde, mais à des Russes maintenus de force dans sa nation artificielle, et cela sur commande d'une mafia supranationale de banksters qui n'hésite pas à faire tirer sur les agriculteurs néerlandais à balles réelles par leur propre police..
Du reste, il n'y a pas qu'en Ukraine que brûlent les champs de blé, ils brûlent aussi en Roumanie, où on ne nous dira pas que ce sont les Russes, mais le réchauffement climatique, qui lui aussi a bon dos. Ou bien, comme l'envisage Boulevard Voltaire, à propos des incendies de forêt en France, le terrorisme islamique, son dos n'est pas mauvais non plus. Je crois qu'il n'y a qu'un seul terrorisme, qui utilise les cinglés là où il les trouve, et peu importe leur étiquette. Mais bon, naturellement, je suis complotiste...
Tout cela est aussi ignoble qu'atroce et je me fais beaucoup de souci pour ceux qui sont là bas, dans le paradis démocratique. En même temps, le tour qu'ont pris les événements m'a donné une espèce de sérénité. Un correspondant m'écrivait que l'on pourrait déboucher sur une catastrophe nucléaire, mais je n'y pense pas tellement, pas plus qu'à la chute d'un astéroïde géant, je vis au jour le jour. Si la Russie est vaincue, mais c'est peu probable, je n'aurai plus aucun endroit où me réfugier sur cette planète, entièrement au pouvoir de tout ce que j'abhorre. Auquel cas, peu m'importe la suite, je n'aurai plus qu'à mourir, et on s'occupera sans doute de me faciliter les choses. Si elle triomphe, le monde prendra une autre direction, sans doute plus acceptable pour les êtres humains, et je mourrai avec l'espoir que les enfants ont encore un avenir. Cependant, j'ai le coeur fendu par le sort de l'Europe, que ses dirigeants mènent à une perte totale et sans gloire.
Le dernier numéro de l'Antipresse est particulièrement riche et percutant. Slobodan Despot analyse avec humour le comportement aberrant du personnel politique occidental, si néfaste, et pose la question: le font-ils exprès? Je crois que oui mais l'on est rarement très intelligent quand on est méchant et vil, on est astucieux, mais on ne voit pas très loin, et surtout, on est incapable d'imaginer des comportements qui ne soient pas dictés par de bas intérêts ou des rancoeurs. Et c'est là qu'on fait des erreurs d'appréciation parfois fatales. 
Son article sur Soljénitsyne est également très profond, et me touche particulièrement par la définition qu'il donne de la fonction littéraire: 
La littérature est radicalement artistique, mais il existe des questions purement littéraires, qui ne se retrouvent pas dans les autres arts. L’écrivain est tenu de s’incliner devant la force suprême qui le traverse. Son devoir intérieur se traduit dans sa relation sacrée à l’écriture: Soljenitsyne en fait une obligation morale et spirituelle, une responsabilité littéraire devant Dieu, une relation à l’absolu. Dans le monde moderne, cette obligation morale s’est effondrée: on écrit n’importe quoi, on ne répond plus de ce que l’on écrit; les écrits s’envolent, d’autant plus depuis l’essor du numérique. Lorsque l’on écrit avec ses pieds, on ne risque pas de rencontrer les étoiles. De même, Soljenitsyne rappelle que ce qui est précieux rencontre toujours peu d’adeptes, et seulement un tout petit groupe de connaisseurs. À vouloir plaire à des millions de gens, les auteurs baissent le niveau culturel du livre. La culture de masse est une antinomie, un désastre, l’inverse du folklore qui recèle l’esprit d’une culture locale et survit au temps avec de vieilles chansons transmises de génération en génération. Pour Soljenitsyne, notre époque est effroyable par sa propension à tout faire disparaître sans s’en préoccuper, sans aucune garantie ni certitude que ce qui a disparu puisse revenir. Cela peut disparaître pour toujours. Un auteur littéraire peut ne pas avoir réalisé ce qu’il devait réaliser. Un véritable auteur a une mission spirituelle et sait qu’il en est investi. Sa littérature est un souffle qui l’envahit, est le produit de ses états d’âme autant qu’elle les façonne.
Ce passage recoupe ce que j'ai dit moi-même à la présentation de Yarilo, car c'est ainsi que j'ai toujours vu les choses. Un acte mystérieux qui nous relie avec l'océan de toutes les âmes, qui fait de nous l'organiste d'un instrument aux milliards de voix, un médium.
Mon collègue blogueur Panagiotis met les pieds dans le plat mafieux, avec sa dernière chronique de Greek Crisis:http://www.greekcrisis.fr/2022/07/Fr0977.html
Cela n'ouvre-t-il pas de vertigineuses perspectives sur l'abîme du trou noir?