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jeudi 11 juillet 2024

Ange en blouse blanche

 



Au réveil, j’ai lu le post d’un intellectuel orthodoxe qui m'a déprimée: on a écrasé à Moscou un petit pavillon de style baroque russe pour construire une horreur de plus. Le problème est que ces gens-là, les hauts fonctionnaires, ou disons les fonctionnaires, les bas ne sont pas tellement mieux, sont tous des apparatchiks fils d’apparatchiks élevés dans la haine de tout ce qui a précédé 1917 et, au fond, la haine de la culture, de la mémoire et de la spiritualité, même s’ils vont faire, par superstition, bénir leur voiture chez le prêtre du coin. Il ne faut donc pas s’étonner s’ils se vendent à n’importe qui et agissent avec un rare cynisme. Un correspondant m’écrit que je parle des Russes comme lui parle des Français. Mais c’est que les mêmes processus sont à l’oeuvre partout, le communisme n’étant que l’autre face du capitalisme, c’est-à-dire une idéologie du matérialisme et du mépris absolu de tout ce qui nous a faits ce que nous sommes. Ou plutôt ce que nous étions. Car plusieurs générations de créatures programmées et mutilées ont engendré trop de dégénérés qui n’ont plus aucune référence culturelle, aucun respect de rien. Ici, les choses ne sont pas allées aussi loin que chez nous, parce qu’il y avait au moins un discours officiel d’héroisme et d’abnégation, encore un certain respect de la littérature et de la musique classique, et aussi une simplicité de vie favorable à la vérité des sentiments. Les Français qui font des vidéos invariablement enthousiastes sur la Russie n’en connaissent pas la culture, l’un d’eux s’est même empressé de saccager son isba traditionnelle, exactement comme ses voisins, et un Anglais ricane de mes réflexions sur les barrières métalliques façon zone industrielle qui défigurent la Russie entière. Ce sont des occidentaux qui ont exactement la même mentalité que les post-soviétiques, simplement ici, ils sont plus libres, de travailler, d'exister et d'élever leurs enfants, et ils y voient moins de migrants exotiques. Cela leur suffit. Ils n'ont pas idée de ce que fut Moscou avant la cata, ni les autres villes, d'ailleurs. Pour le folklore, ils en restent à kalinka et aux poupées en jupettes coiffées de kakochniks qui s'agitent, avec un sourire invariable, sur de la kitscherie musicale. Comme beaucoup de Russes, malheureusement. 

Ceux qui connaissent et aiment la culture russe, ou la culture française, ne peuvent être que pleins de douleur, qu’ils soient russes ou français, car on nous efface l’une et l’autre, et sans notre culture, nous ne serons plus nous-mêmes. Quand Poutine disait, la larme à l'oeil, qu'il ne voudrait plus vivre dans un monde dont la Russie aurait disparu, j'ai envie de lui répondre qu'il faudrait commencer par empêcher qu'on ne la fit disparaître de l'intérieur, qu'on ne la rende, comme la ville de Pereslavl, complètement méconnaissable. Car sans monde russe à sauver que signifie la guerre contre un occident lui-même dénaturé? Ici, du moins, pour l’instant, l’Eglise tient le coup, alors qu’en occident, elle s’est depuis longtemps couchée, et l’esprit de « l’orthodoxie occidentale intelligente et ouverte » ne me dit rien qui vaille. Je suis de plus en plus convaincue que je ne suis pas venue ici me mettre à l’abri mais obéir à une sorte de vocation, car il n’y a plus vraiment d’abri nulle part. Disons qu’en Russie, les occidentaux encore dignes de leurs ancêtres peuvent trouver un repli et un répit, et peut-être appuyer les Russes encore authentiques dans leur résistance.

Je prie pour Andreï Belooussov, afin qu’il ne connaisse pas le destin de Stolypine et puisse mener à bien son nettoyage. Que Poutine l’ait nommé pour ce faire me rassure. Et puis mon père Valentin soutient Poutine, c'est vraiment la lueur qui me guide dans les ténèbres. Mon père Valentin n’a jamais été communiste, il est monarchiste, d’une culture encyclopédique et d’une intelligence exceptionnelle.

Un autre élément qui me donne de l’espoir, en Dieu, en l’archange saint Michel, en la providence, c’est la qualité des soldats russes et de ceux qui les aident, les conversions massives et les miracles, tout ce qui se passe « là bas », parallèlement aux histoires de brigands et aux bacchanales estivales de la plèbe dont l’Administration de Pereslavl admet, paraît-il, ouvertement favoriser l’élevage en batterie. Et aussi la mémoire génétique, le surgissement, malgré tout, de Russes inattendus et convaincus dans des familles où l'on avait perdu le souvenir de ce que c'était, avec l'estime pour ses ancêtres moujiks.

Juste avant le covid, j’avais ici une excellente généraliste, le docteur Ivanova, et puis elle avait disparu de la circulation. Ensuite, Gilles m’avait dit qu’elle était à Kostroma, où il était allé la consulter, et elle lui avait parlé de moi. Récemment, Lika, la femme de Gilles, m’a dit que le docteur Ivanova était de retour à Pereslavl. J’ai pris rendez-vous. Elle m’a dit que son retour était dû à son veuvage, et en effet, elle avait l’air plutôt triste, mais si je suis pour elle pleine de compassion, j’avoue que son retour me soulage énormément. Elle est compétente et consciencieuse, avec de grands yeux bleus sévères et honnêtes. Elle m’envoie faire toutes sortes d’examens de routine, mais au moins je sais où aller, et m’interdit complètement le sucre, car mon pancréas est surmené, et d’après elle, la plupart des ennuis que j’ai, y compris les problèmes d’articulations, viennent d’un état inflammatoire engendré par l’ablation, autrefois, de la vésicule biliaire et l’abus de sucre.

Ce n’est évidemment pas marrant, car cela me prive de la consolation des gâteaux du café français, et autres pauses sucrées, cela complique aussi beaucoup l’alimentation quotidienne. Mais en même temps, j’éprouve le sentiment que le retour du docteur est pour moi quelque chose de providentiel, que je serai moins seule vis à vis de mes problèmes de santé et de vieillissement ; que cela me sauve peut-être la vie, ou me la prolongera, et j’ai besoin de vivre au moins jusqu’à la mort de mes chats ou notre éventuel anéantissement collectif par les effets de la malfaisance de la caste. Aussi suis-je pleine de reconnaissance envers le Seigneur qui m'envoie cet ange en blouse blanche.



mardi 9 juillet 2024

La fête des astilbes

 


Depuis mon retour de Moscou, je n’ai jamais eu la paix, car Nina a débarqué à Pereslavl, sans son jules, et brûlant de me voir, et puis une Française d’origine russe dont la fille est à Iaroslavl, avec son mari. Je devais l’héberger dans le studio, mais Aliocha et Neonila sont restés une semaine de plus, et j’avais oublié. J’ai dû la fourrer dans mon atelier. Elle était à peine partie que les journalistes qui m’ont fait rencontrer Victor le blogueur, ont voulu venir fêter chez moi le succès « extraordinaire » des vidéos que nous avions tournées. D’après eux, je deviens une star, et Victor a fait avec moi plus de vues qu’avec n’importe qui d’autre. Et le lendemain, mes locataires ont dîné avec moi, puis ce matin, nous sommes allés à l’église, et au retour, au café français.

Mes locataires, Aliocha et Néonila, ont voulu aller chez le père Ioann, et cela faisait longtemps que je n’y étais pas allée, mais la liturgie est très longue, le père Ioann confesse et communie tout le monde, et du monde, il y en avait. Un jeune homme m’a dit qu’il venait pratiquement tous les dimanches à la liturgie dans cette église. Le père Ioann est venu me demander si j’avais apporté l’icône de l’Archange saint Michel, je lui ai répondu que je ne l’avais pas encore vernie, et qu’il fallait encore attendre que le vernis lui-même sèche. Il voulait faire participer l’icône à la procession du jour, puisque la naissance de saint Jean-Baptiste est la « petite Pâques ». En confession, il m’a demandé si, tout ce temps, j’avais communié. « Non, pas toujours, cela fait deux dimanches que je ne l’ai pas fait.

- Mais pourquoi ?

- Parce que je n’étais pas prête, ou fatiguée. J’avais fait une bouffe dans un restau la veille avec des amis. Ou bien je suis partie à Moscou le matin, et j’ai pris un café pour tenir...

- Mais quelle importance ? C’est très bien de voir des amis...

- Je n’étais pas dans l’ambiance, et puis j’en vois trop, je n’arrive plus à me concentrer sur rien...

- Oui, je sais que vous êtes très sollicitée. Mais il faut communier, prête ou pas prête, il n’y a rien de plus triste qu’une liturgie sans communion. Et puis, rendez-vous compte que vous êtes un peu devenue une sorte d’apôtre, pour nous, il vous faut trouver l’énergie spirituelle pour correspondre à la tâche... Je ne sais pas si vous avez un père spirituel, et ce qu’il pense de cela.

- Il pense comme vous qu’il faut communier le plus souvent possible.»

J’étais ébranlée, parce qu’à vrai dire, je suis souvent en état de grâce, dans cette église, malgré la longueur des offices. J’ai vu qu’une des chapelles était consacrée aux saint hiérarques de Moscou, parmi lesquels le métropolite Philippe. 

Dany trouve que le père Ioann me parle d’une façon qui peut encourager l’orgueil. Mais ses paroles m'ont paru s'adresser à mon insuffisance spirituelle flagrante, car si je remplis un apostolat aux yeux de ce prêtre, je suis bien loin de correspondre intérieurement à la fonction, et la renommée que je commence à connaître me fait souvent plutôt peur. Naturellement, je suis très contente quand mes oeuvres trouvent un écho, j’ai l’impression de ne pas les avoir faites pour rien, et toute ma vie si peu satisfaisante sur pratiquement tous les autres plans trouve là une sorte de sens et de transfiguration, mais souvent, c’est juste ma personne qui suscite l’enthousiasme, et je suis contente qu’on me trouve sympa, mais je ne suis pas non plus une extraterrestre, j’ai toutes sortes de défauts bien humains et bien ordinaires.

Cela dit, je pense en effet que ma venue en Russie répond à une espèce de vocation providentielle qui va bien au delà des raisons matérielles ou politiques, et l’on ne se dérobe pas à ce genre de choses. En même temps, comme tout le monde, j’ai envie d’être tranquille. Etre en vue suscite des réactions positives mais aussi de très mauvais sentiments, comme je l’ai vu lors de mon « procès de Moscou ». Il est difficile de « partir pour le Golgotha » quand on est un vieux machin, et et j’aimerais autant qu’il ne soit pas trop crucifiant.

J’ai vu mon éditrice qui est assez malade et avait du mal à parler, avec le fracas des motos devant l"isba d'en face, on ne s'entendait pas discuter. Elle m'a demandé comment je supportais cela: "Comme je peux..."

 Elle est venue avec le même monsieur que l'année dernière, Victor. Il écrit comme moi ses souvenirs d’enfance, et il a les mêmes problèmes que moi : impossible de procéder par chronologie, si on ne veut pas faire un plat récit factuel et les souvenirs d’enfance ne sont intéressants que lorsqu’ils s’inscrivent dans une époque, dans le destin universel. Il m’a parlé de son oncle, un héros de la résistance, qui dirrigeait un kholkose avec une fabrique de vin, en Crimée. Il a été arrêté par le NKVD parce qu’il avait refusé de fournir plus longtemps en victuailles et en pinard gratuits ses représentants locaux. Victor avait sept ans et dormait avec son oncle. Il a senti dans son sommeil le matelas glisser sous lui. Les tchékistes fouillaient le lit, après en avoir arraché leur proie.

Victor m’a confirmé ce qu’avait dit Soljénitsyne, que les Allemands avaient envoyé leurs SS en stage auprès des tchékistes. Un ami de son oncle, qui avait résisté aux interrogatoires allemands, a craqué à celui de ces derniers et il a témoigné contre son compagnon d’armes. Par la suite, ils ont continué à se fréquenter, l’un pardonnant à l’autre, bourrelé de remords. « On a fait disparaître les meilleurs et les plus courageux d’entre nous », m’a-t-il dit. En sus de la guerre qui a le même effet, et ça continue. En ce moment, les meilleurs hommes de Russie ne sont pas ceux qui se débraillent dans les rues de Pereslavl-Zalesski...

Quand j’ai raconté cela à mes locataires, Nila m’a parlé de son grand-père, lui aussi arrêté. Dès l’enfance, il avait été stigmatisé comme le fils d’un ennemi du peuple. Il a grandi en paria. Puis il est parti au front. Prisonnier, il s’est échappé pour rejoindre les partisans, et il a été ensuite arrêté, comme ancien prisonnier. A l’interrogatoire, on lui demanda de dénoncer ses amis. Mais en tant que fils d’ennemi du peuple, il n’en avait aucun. « Mes amis, a-t-il répondu, ce sont mes livres et mon instrument de musique ».

Aliocha et Nila sont partis hier, ravis de leur séjour.

Mon amie Nina m’a emmenée me baigner au lac, il n’y a pas beaucoup de fond, et beaucoup de taons, mais l’endroit est magnifique, on dirait la mer, ou plutôt une sorte de contrée féérique, avec les blanches constructions du monastère Nikitski et de l’église de Gorodichtché à l’horizon, et toutes les maisons affreuses ne sont pas visibles, c'est un peu comme si, soudain, on se retrouvait au moyen-âge, ou dans un autre monde, qui est le vrai, mais on nous en fait perdre l'habitude. Je nageais sur le dos et voyais des mouettes effilées planer dans l’azur. Puis nous sommes allées dîner dans un café. Le premier était envahi d’enfants braillards et effrontés dont les parents ne jugeaient pas utile de leur dire de mettre un peu sur off, de sorte que nous avons fui dans un autre établissement ignoré des touristes, avec une déco affreuse, de faux style Western, mais très bon, et calme. Cette année je remarque avec chagrin qu’arrive à maturité toute une génération de Russes vulgos qui n’ont plus grand chose de russe, à part la physionomie. Pereslavl commence à me faire penser à la Grande Motte au mois d’août. Ioulia m’avait envoyé une annonce que j’avais prise pour une blague : Poutine aurait signé un ukase pour faire un métro aérien qui irait jusqu’à Pereslavl. A voir ce que Moscou nous déverse comme beaufs débridés cette année, il faudra envisager de déménager sur la mer Blanche...

Nina, qui n’est pas précisément complotiste, car elle ne s’intéresse pas du tout à la politique, m’a raconté avoir rencontré, chez une amie commune, un couple très impliqué dans les manifestations culturelles et l’aide aux enfants, aux vieillards. Le mari est allé proposer à l’Administration de la ville un projet de théâtre de marionnettes. On lui a ri au nez : « Pourquoi faire ? Nous n’avons pas besoin d’éveiller les enfants, cela ne nous intéresse pas du tout. Ce que nous voulons favoriser, c’est la populace. »

Eh bien au moins, c’est franc. Il faut dire que la plupart des gens aux commandes sont eux-mêmes incultes, la culture ne signifie rien pour eux, ils ont un goût abominable et sentent d’instinct qu’une population d’abrutis leur posera moins de problèmes que des gens cultivés et enracinés.

Beaucoup de Russes me demandent ce que je pense des élections. Je ne peux qu’exprimer ma consternation et mon impuissance. Un commentateur russe a dit que finalement, pour la Russie, Mélenchon premier ministre, ce n’est pas mal, parce qu’il veut sortir de l’OTAN et il est contre l’envoi de troupes et d’armes en Ukaine. Pour la France, c’est catastrophique, mais qu’aurait fait Marine le Pen, qui s’est pratiquement alignée sur tous les autres partis politiquement corrects sans en tirer aucun avantage ? On en arrive à des abimes vertigineux de bêtise, de haine et de vilenie. Tous ces imbéciles de castors qui « font barrage » à un fascisme qui n’existe pas, au bénéfice d’un facho-bolchevisme de plus en plus totalitaire et enmafiosé, c’est complètement pathétique, et il n’y a plus rien à dire, juste à attendre le retour de bâton, qui ne leur ouvrira pas les yeux, car ils n’en ont plus, ce sont juste de petites machines à répéter des conneries au signal. Ils sont comme ces poissons des profondeurs qui n'ont plus qu'une gueule pour gober ce qui circule, l'absence totale de lumière rendant inutiles les organes prévus pour la percevoir. Cependant du côté de la droite, ils ne sont pas tous lucides non plus, c’est le moins qu’on puisse dire. Je suis déroutée par la gymnastique mentale qui consiste, par solidarité dans la détestation des Arabes, à traiter de fascistes de gauche ceux qui ne sont pas d’accord avec la politique d’Israël, alors que si Israël nettoie son territoire des Arabes qui y étaient depuis l’antiquité, ses agents, chez nous, ont toujours soutenu notre invasion et mis au pilori tous ceux qui s’y opposaient. De même, ils soutiennent les Ukrainiens par haine des "soviétiques" comme si nous étions dans les années 30, alors que si quelque chose rappelle les années 30, c'est bien la mentalité de la clique de Kiev, qui n'utilise les crétins néonazis que pour éliminer la population slave orthodoxe et la remplacer éventuellement par des esclaves exotiques.

Quand les motos sont au diable et emmerdent les autres quartiers, et que la radio se tait,  mon jardin devient paradisiaque. Les astilbes fleurissent, et c'est une telle merveille… La lumière chatoie à travers leurs épis vaporeux, et sur les hortensias. J'attends toute l'année cette fête si brève. Je reste sur la terrasse à contempler chaque reflet, chaque nuance, chaque fulgurance, tandis qu'autour de moi, le monde se défait, se débraille, perd toute dignité, toute noblesse, toute beauté et aussi toute miséricorde. Où allons-nous, de la sorte? Je prie saint Nicolas pour les petits enfants tombés aux mains des monstres et pour ceux dont on fait des monstres, qui poussent de travers, parce qu'ils ne reçoivent pas ce qu'ils devraient recevoir, et deviennent idiots, dans le meilleur des cas, et atroces dans le pire.



Les coins de paradis au détour des enfers

Nous rappellent parfois que tout n’est pas sur terre

Fichu, détruit, vendu,

Souillé, bradé, perdu.

Que tout n’est pas figé dans des carcans de fer

Ni tout vivant plié dans le béton sévère,

Pourvu que ce répit dure encore un peu plus.

 

Car les gnomes conçus et grandis dans le bruit,

Dans le faux, le clinquant, le vil et le vulgaire,

Sans avoir plus accès à ces points de lumière

Qui brillent ça et là dans l’infernale nuit,

Souvent ne les voient pas ou d’instinct les haïssent,

Obligatoirement salissent et trahissent

Toute étoile venue de l’espace oublié

Où leurs simples aïeux mettaient tant de beauté.

 

Ils écrasent du pied le papillon léger

Coupent l’arbre liquide et frémissant d’oiseaux,

Ils traquent aussi bien le saint et le héros,

Qu’au bois le loup furtif, ou le renard rusé.

Tout en nous les dérange,

Ils font la chasse aux anges.

Ils n’aiment pas non plus les elfes et les fées

Tout ce qui nous emporte au delà des nuées.

 



Malgré tout, je garde espoir dans les Russes. Nina me parlait de son mari, un être matérialiste et primaire, qui ne s'intéresse qu'à ses fonctions vitales et à son compte en banque. Eh bien il trouve le moyen d'envisager la restauration d'un village du nord où il a grandi, et se rend fréquemment dans un monastère. Il est bien rare que l'équivalent français de ce nouveau riche se préoccupe de restaurer un village ou d'aller faire une retraite dans un monastère. Les plus perdus des Russes conservent encore une espèce de nostalgie de la dimension éternelle qui peut les faire basculer dans une toute autre vie.

mercredi 3 juillet 2024

L'ïle Thélème

 


Mon voyage à Moscou a été un véritable marathon. Il fait une chaleur terrible, enfin une chaleur digne du Gard, et ma clim ne marche pas. Je suis partie tôt, mais le soleil se levant à trois heures du matin, pour cause de jour polaire, il a le temps de chauffer... A l’arrivée, Rita s’est cachée sous une voiture, je n’arrivais plus à la récupérer. En fait, elle souffre beaucoup de la température, sa fourrure, après son opération, repousse à vue d’oeil, épaisse et soyeuse, mais avec son coeur fragile, ce n’est pas un avantage, et je vais la faire tondre façon ourson, pour qu’elle passe l’été sans crise cardiaque.

Je l’ai mise chez le père Valentin, et je suis partie à l’église, mais je n’ai pas eu le temps de repasser la voir. Je suis allée voter puis je suis revenue dans un appartement torride, car il est exposé au sud et chauffé en permanence par le système d’eau chaude. Je n’ai dormi que trois heures. Liéna m’a dit que Rita avait eu une sorte d’attaque, elle n’arrivait plus à respirer, j’ai connu cela avec Jules. Le lendemain, je devais aller à la banque, puis déjeuner avec quelqu'un, récupérer ma vielle, et foncer au vernissage des Messerer. Rosbank fusionne avec Tinkoff et ma conseillère se fait virer comme une malpropre après 18 ans de bons et loyaux services. Tinkoff sera une banque entièrement électronique sans agences, pas pour moi. 

J’ai ensuite rallié la « Chaussée des Enthousiastes », où se trouve le studio de Skountsev, en retard d’une heure. «Vas m’attendre au centre commercial, il y a des cafés ». Le centre commercial était parfaitement sinistre, avec une population cosmopolite d’asiates divers, habillés des mêmes fripes minables et ridicules dont on s'affuble partout et qui nous défigurent tous. J’y ai acheté des chaussures d’été qui, contrairement à ce qu’il m’avait semblé, ne sont pas confortables du tout, parce qu’on y transpire abominablement. Heureusement, j’avais laissé Rita chez une amie, qui n’était pas là, et elle a la clim dans son appartement. Mais j’y pensais sans arrêt, je me faisais du souci pour elle.

Skountsev avait un air de faux témoin, la vielle sonnait bizarre, il faudrait refaire le clavier, mais il ne voulait pas empiéter sur le travail de Joukovski. Je lui ai raconté le concert avec Kotov, il a éclaté de rire : « Mais il a un caractère de cochon et la grosse tête, c’est bien connu ! » J’étais si fatiguée que j’ai pris un taxi pour aller au vernissage des Messerer, qui était dans le même genre de quartier trépidant, en travaux perpétuels, que le studio de Skountsev. C’était dans un loft, un truc à la mode au milieu des bâtiments industriels. L’exposition était magnifique, avec des éclairages savants qui faisaient scintiller des tableaux déjà chatoyants par eux-mêmes, car Anna Messerer utilise de l’acrylique métallisé, on dirait des vitraux ou des joyaux. Ses tableaux et ceux de son mari ne rendent pas en photos, et il faut les voir de loin. Il y avait un concert, et je rongeais mon frein, car j’avais décidé de partir le soir, avec Maxime, pour éviter à Rita un voyage trop éprouvant. Deux jeunes filles, une pianiste et une violoniste, jouaient des pièces de Debussy. Quelle étrange impression m’a faite cette musique si typiquement française, dans ce loft moscovite, avec toute cette capitale de la vieille Russie défigurée par cent ans de progressisme hagard tout autour... Bien sûr, l’impressionnisme de Debussy répondait bien à celui des Messerer, mais le leur était russe, le public russe, les interprètes aussi, il me venait à l’idée que cette culture, la mienne, celle qui me rappelle tant la France, sa poésie particulière, sa douceur de vivre, ne serait bientôt plus appréciée, justement, qu’ici, dans un pays dont elle est si loin, et qui l’adore envers et contre tout. Le loft devenait pour moi une sorte de vaisseau spatial, où les survivants d’une catastrophe planétaire éventuelle, écoutaient la musique d’un monde disparu.

Anna Messerer voulait absolument me faire jouer de la vielle, je protestai qu’elle était hors service, mais impossible de se dérober. La vielle est vraiment un instrument étrange, car sur place, elle s’est mise à résonner tout-à-fait normalement, j’ai chanté une chanson française et une chanson russe devant les Messerer et le public ravis.

Puis j’ai foncé chez mon amie récupérer mes affaires et Rita. Son fils, qui se caractérise comme un Arabe russe au coeur français, prenait un cours de français avec la voisine, qui le parle très bien. Il veut partir en France, où il est né, d’un Marocain sans papiers, et se figure que la France est le paradis de la démocratie, alors qu’ici, nous vivons dans des ténèbres barbares. Je pensais à ce concert de Debussy dans le loft, dans le vaisseau spatial de « l’île Thélème », en français dans le texte, c’est comme cela que s’appelle la galerie. Le meilleur de la France se fait la malle, ou se terre dans de nouvelles catacombes, bonne chance...

Nous sommes arrivés de nuit, avec Maxime, et comme il a pris le volant, il m’a permis de constater que ce n’était pas moi qui n’y voyais plus rien, mais ma voiture qui avait un défaut, car il n’y voyait rien non plus. Les rétroviseurs sont aveuglants, la lumière des phares trop faible et impossible de la régler. La femme de Gilles m'a dit que de toute façon, le marquage routier étant déficiant, personne n'y voyait rien la nuit.

Le lendemain, j’ai vu arriver Ioulia, la fille de mon ami Slava, qui est mort, il y a un an. Elle voulait aller se baigner au lac, et s’il n’était pas assez profond pour vraiment nager, à l’endroit où elle va, c’était d’une beauté féérique, avec des reflets d’or sur l’eau bleue, un azur énorme qui rappelait la mer, et les monastères au loin, comme des cités irréelles. Puis ce matin, nous sommes allées à la rivière, qui était fraîche et propre, je nageais sous les volutes des hirondelles, et l’écume des saules, argentée et frémissante, comme si l’eau se soulevait en gros nuages verts et ondoyants, de colossales et mouvantes sulfures.

J’ai eu récemment la surprise de voir Vitali me recontacter, je n’ai pas compris comment il m’avait retrouvée. C'est un artiste que j'ai connu  jeune, beau et très sexy. Et très fauché. Il m'est arrivé plusieurs fois de lui avancer son loyer, bien qu'il vécût avec une cougar qui ne lachait pas les billets aussi facilement que moi. Il voulait être riche, il aimait le luxe, il voulait avoir une famille et des enfants. Et il y est arrivé d'un seul coup, en travaillant pour un vendeur de tableaux. J'avais appris qu'il avait un appartement dans un des plus beaux quartiers de Moscou, il travaillait dans un magasin d'antiquités de haut vol, il allait fréquemment à Paris... Je ne sais comment il a su que j'étais ici et m'a retrouvée. Il a maintenant cinquante-sept ans, il est toujours riche, marié, et il a un enfant, enfin il en a deux, nés au même moment, mais apparemment, l’une des deux mères l’a emporté sur l’autre ! Son gamin doit avoir douze ans. Sa femme la quarantaine. Il lui trouve le type français. Il brûle de me revoir. J’étais émue d’en avoir des nouvelles et contente pour lui que sa vie ait bien tourné, il voulait être riche et avoir une famille, c’est fait. Mais je n’avais pas le temps de le rencontrer, et je n’ai pas envie de courir le voir à sa datcha des environs de Tver, il essayait déjà de me convaincre de déménager, là bas tout est intact, beau, plein d’artistes peintres... Oui, mais déménager à l’intérieur de Pereslavl me fait déjà peur. Alors partir là bas... N’empêche que je suis touchée par l’affection que me conserve cet être séduisant et débauché, qui gardait la nostalgie de la pureté et s'est acheté une conduite!


Sur une page consacrée aux vieilles photos russes, je suis tombée sur celle d'un jeune couple, à l'expression si intense et si pure que j'en ai été bouleversée. Un ami a noté au dessous que c'était juste le long temps de pose qui leur donnait cet air-là, et cela me chagrine de sa part, car toutes les vieilles photos ne dégagent pas cela, bien que ce long temps de pose révélât beaucoup mieux les âmes des modèles que les instantanés qui ont suivi, Milan Kundera a écrit là dessus des réflexions pénétrantes. Je vois encore de beaux visages en Russie, les Russes constituent une race particulièrement belle, mais cette qualité d'expression apparente sur les photos anciennes et dans les vieux films n'est plus toujours sensible, comme dans tous nos pays travaillés par le progressisme, le consumérisme et l'ingéniérie sociale, c'est-à-dire passablement dégradés à des degrés plus ou moins irrémediables.


Je recommande vivement cette vidéo de l'excellente émission Géopolitique profonde, à écouter un peu entre les discours, on ne peut visiblement pas tout dire. A part quelques petits points de détails, elle me paraît faire de la situation un tour d'horizon complet et pénétrant, modéré et objectif, réaliste. Certes, les Français de bonne volonté n'ont pas toujours une bonne compréhension de la mentalité russe, mais ils ont aussi parfois le recul nécessaire pour voir la situation sans se laisser emporter par les émotions. Curieusement, je ne peux la partager directement, je ne peux qu'en donner le lien. Elle est sans doute trop véridique... Il faut se dépêcher de la  regarder.

https://www.youtube.com/live/qqvCui2uxQ4?si=adjb9nwr2sfMc5--

Je recommande également cette émission sous-titrée en français qui explique bien le point de vue philosophique et spirituel recouvert par l'expression "le monde russe".


Mon père Valentin m'a dit: "Poutine ne sauve pas seulement la Russie, il sauve le monde, les gens ne se rendent pas compte de l'ampleur de la tâche et de la puissance du mal auquel il s'est attaqué".

Enfin, je terminerai par un commentaire que j'ai laissé moi-même et qui a eu un écho auquel je ne m'attendais pas:

Cette émission m'a beaucoup intéressée par les renseignements qu'elle donne, cela dit, je ne pense pas que les Russes font la guerre pour "laver l'affront de la chute de l'URSS", et je suis tout cela depuis longtemps, sans être politologue, et j'ai vécu longtemps en Russie, j'y vis actuellement. Affront ou pas, les Russes n'avaient pas envie de faire la guerre, même Poutine n'en avait aucune envie, sinon il n'aurait pas conclu les accords de Minsk ni calmé la résistance du Donbass. Contrairement à l'idée répandue chez les occidentaux, les Russes ont horreur de la guerre, ils ont encore le souvenir de la guerre de quarante, et c'est un pays convalescent. En revanche, d'après mes observations personnelles, "l'occident collectif" la voulait absolument, et il a tout fait depuis la chute de l'URSS pour la provoquer en utilisant l'Ukraine, la Géorgie, tout ce qu'il pouvait. Dès les années 2000, je remarquai avec surprise que les monuments à la WaffenSS dans les pays baltes passaient crème alors que bien moins que ça, en France, aurait déclenché un tollé affreux. Dès ces mêmes années, je remarquai aussi la propagande russophobe en Ukraine, et en Europe occidentale aussi, d'ailleurs. Je craignais cette guerre depuis trente ans. Depuis la guerre du Golfe, où j'ai vu que, même si l'URSS n'était plus un "danger", l'OTAN subsistait et que nous allions en Irak au signal américain, alors que nous n'avions aucun intérêt à le faire. Les Russes auraient pu, ou dû intervenir au Donbass bien avant. Il s'y passait depuis 2014 des choses révoltantes. Ils se sont contentés des accords de Minsk, qui étaient une arnaque, et il me paraît difficile de croire qu'ils ne s'en rendaient pas compte. Peut-être ne pouvaient-ils pas alors faire autrement, économiquement et militairement, et puis il y a en Russie des partenaires idéologiques ou corrompus de l'occident. Les Russes autour de moi qui se battent ou soutiennent les combats avec conviction le font pour les populations du Donbass, et pour eux-mêmes, car ils ont conscience qu'il s'agit d'une guerre existentielle et qu'on leur veut la peau. Ils le font aussi pour un certain type de civilisation contre un autre, ou plutôt contre son absence totale, l'Europe woke n'étant pas un modèle à suivre, à l'exception de l'occident, tout le monde est d'accord là dessus, les "valeurs" de Macron and co, personne n'en veut. Le Donbass n'avait pas plus envie de faire la guerre que la Russie, mais il y a été contraint par le comportement de Kiev, et il se peut que la Russie dans son ensemble, je ne dis pas les grandes villes, où le public libéral est plus présent, finisse par se transformer en grand Donbass, si les choses tournent mal. Mais je ne pense pas qu'on en arrive là, ou alors, cela tournera très mal pour l'Eurasie entière. Enfin là où je suis, je ne sens aucune terreur policière, on vit normalement. Pour ce qui est des territoires récupérés, je n'ai pas eu écho d'actions répressives du "KGB", bien que naturellement, on puisse être là bas à l'affût des trahisons possibles, et cela se conçoit, quand on pense que Daria Douguine a été assassinée à Moscou, par exemple.
Moins
9

La grandeur du niveau de ton analyse pourrait te faire asseoir à la table de ces deux jeunes généraux de division de l'information et du renseignement du champ de bataille. Tous mes respects.


mercredi 26 juin 2024

Blousons noirs

 

dauphinelles

Je me remets à dessiner, pour profiter de la belle saison, qui m’est considérablement gâchée par les pétrolettes des petits débiles. Comme j’en parlais à Katia, elle m’a dit : «Ils exaspèrent et terrorisent la ville entière. Des gens s’en plaignent sur tous les sites internet, et ils les narguent, ils répondent qu’ils s’en fichent et continueront de toute manière. Ils font du rodéo sur le val, l’ancien rempart, ils ne nous laissent plus vivre. Je n’ai jamais compris comment on pouvait prendre tant de plaisir à faire du bruit en nuisant à tout ce qui existe autour.
 Dans un village des environs, les gens se sont tous ensemble adressés à la police, et ils n’y vont plus.

- Il faudrait faire pareil. Quand je pense que tant de garçons merveilleux meurent au front, la fleur du pays. Et ceux-là empoisonnent impunément la vie de toute une ville... Il faudrait les envoyer là bas, ne serait-ce que comme brancardiers, ça leur remettrait les idées en place, si c’est l’adrénaline qui leur manque. »

Dans un sens, j’ai l’espoir que ce sabbat prenne fin, parce qu’obligatoirement, ils vont faire une grosse connerie, ou bien quelques types musclés et furieux vont les ramener à de meilleurs sentiments. Mais dans l’autre, cela m’effraie qu’à Pereslavl apparaissent les problèmes des banlieues françaises, c'est tout de suite à cela que Katia a fait référence. Que des ados rétrécis du bulbe oublient le respect dû aux autres sous l'effet de la testostérone peut à la rigueur se comprendre, mais qu'ils narguent les gens qui s'en offusquent n'est pas bon signe. J’ai vu que dans je ne sais plus quel coin de Russie, une étudiante avait invité deux garçons et une fille de son âge pour fêter son diplôme et ceux-ci l’ont abominablement torturée, ont filmé la chose et tenté de travestir ce meurtre en suicide. D’où sortent de pareils monstres ? On dirait qu’ils surgissent de partout, dans tous les pays, une vraie folie.

Avec Katia, nous commencions déjà à envisager de nous retirer quelque part, de fonder une petite communauté avec quelques candidates à l'immigration, de chercher la paix, comme dans mon livre «Epitaphe »...  J’aime chaque buisson, chaque plante de mon espace, mais je supporte de plus en plus mal l’entourage qui me cerne. 

Y en a marre, n'est-ce pas, Moustachon?


Au fond, bien que je ne regrette pas d’être partie pour toutes sortes de raisons, j’ai la nostalgie de la France, des miens, des lieux de mon enfance. Et d’autant plus qu’ici, on en est déjà, comme l’a remarqué Thierry Messian, au stade ultérieur, ce qu’il considère comme positif, et dans un sens, ça l'est. La révolution bolchevique a tout ravagé, puis sont venus les joyeux capitalistes apatrides essayer de rafler le butin que Staline leur avait ôté des griffes en gagnant la guerre et en fermant les frontières. Et la perestroika a obligé les gens à trouver des moyens de survivre au sein du désastre, alors qu’en France et en Europe, le désastre n’en est qu’au début, et les gens n’y sont pas du tout préparés. La constatation de Thierry Messian correspond à ce que j'avais ressenti dans les années quatre-vingt-dix : la Russie était terriblement abîmée, il fallait en chercher pieusement les débris au sein du béton lépreux et des magasins vides. C'étaient les églises timidement renaissantes, les maisons d’autrefois encore épargnées, la culture, moins endommagée par le communisme que chez nous par le consumérisme et le gauchisme, et les gens qui s'y cramponnaient pour retrouver leur mémoire et le courage de vivre. J’avais l’impression qu’au moins, ce monde russe défiguré par la modernité sous sa forme communiste, ne me mentait pas et qu’il y renaissait quelque chose. Alors que notre petite France encore bien sauvegardée n’était plus qu’une façade et que la paix qui y régnait était celle des cimetières. Ses « élites » n’avaient plus qu’une idée : l’achever, la brader, l'humilier, la prostituer à tous ses taureaux d’importation.

Le métropolite Jonathan a été libéré contre rançon et expulsé d'Ukraine, il a été reçu par le patriarche Cyrille à Moscou, il ne mourra pas d'un infarctus dans les geôles du SBU. Le père Nicolas, assassiné au Daghestan, a été enseveli. C'était un prêtre très aimé. Il avait soixante-six ans, des enfants et des petits-enfants.

le père Nicolas, nouveau martyr

 Ce soir, j'ai bu un coup sur la terrasse avec mon locataire Aliocha. Il faisait beau, après l'orage, un ciel lavé par la pluie, une brise légère, et je voyais fleurir ma première hémérocalle de l'année, dont le calice orange et brûlant était du plus bel effet auprès des étoiles bleues d'une dauphinelle illuminée par la lumière du soir. Aucune moto, aucune radio, aucun camion, une paix lisse et douce, presque mystérieuse dans sa rareté.