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jeudi 6 mars 2025

Florilège

Pour les gens curieux, pas pour les normies au regard vitreux.

Dans ma longue vie (trois quarts de siècle dans deux jours) j’ai connu beaucoup de crises. La guerre d’Algérie, la crise de Cuba, la guerre du Vietnam, l’intervention soviétique en Tchécoslovaquie, le coup d’état au Chili, l’intervention soviétique en Afghanistan, « l’état de guerre » en Pologne, la guerre des Malouines, la chute de l’URSS, l’éclatement de la Yougoslavie, l’agression américaine contre la Serbie, l’agression américaine en Irak, je n’avais jamais vu la bêtise hystérique prendre à ce point le pouvoir dans mon pays. Et croyez-moi, quand il existait une URSS et un vrai PCF, l’anticommunisme pouvait prendre des formes incandescentes. J’en ai fait l’expérience personnelle le Parti m’ayant demandé à quelques reprises de monter au front (politique évidemment). Eh bien je n’ai jamais connu une telle pulsion totalitaire.

Le bloc élitaire qui comprend le gang Macron et ses domestiques politiques, l’ensemble des médias, les artistes, les intellectuels, les universitaires, tous ont complètement perdu les pédales. Probablement sur ordre, l’appareil médiatique récupère les plus bêtes et les plus méchants, pour les mobiliser sur les plateaux dans une surenchère belliciste absolument écœurante. C’est à qui profèrera l’insulte la plus infecte à l’égard des dirigeants américains, nouvelles cibles des faux experts. Chez LCI on a carrément basculé dans le caca-prout à la grande joie d’un Rochebin qui, extatique regarde ses invités péter et vomir. Les trolls sont mobilisés sur les réseaux pour venir injurier ceux qui refusent de participer au délire, immédiatement qualifiés, comme dans l’ensemble du système médiatique et politique, d’agents du Kremlin. Puisque maintenant la vérité officielle fait de Donald Trump un agent du FSB. Certains journaux franchissent la limite et se transforment en « Je suis partout », l’infect torchon qui valu les fossés de Vincennes à Robert Brasillach.
Le plus grotesque et le plus détestable ce sont tous ces va-t-en-guerre grandiloquents qui prétendent, comme Thomas Guénolé ou Charles Consigny, ces caricatures d’homme soja, qu’ils sont prêts à aller se battre sur le front.
Eh bien la guerre justement, celle « de la mort qui tue », ceux de la garde rapprochée de Donald Trump, que nos petits valets injurient tous les jours, les JD Vance, Pete Hegseth, Tulsi Gabard, la guerre ils l’ont faite, la connaissent et savent ce qu’elle est.
Ils ont aussi l’expérience de ce qu’est une guerre inutile et ce qu’est une guerre perdue.
Et c’est leur honneur de vouloir mettre fin à celle-ci.
Régis de Castelnau





#Flamby–«Les accords de Minsk n’ont servi qu’à gagner du temps». «Sans vous et Bernard-Henri Lévy, il n’y aurait pas eu d’Euromaïdan»: François Hollande se fait avoir par Vovan et Lexus

«Il y avait l’idée que c’était Poutine qui voulait gagner du temps, non, c’est nous qui voulions gagner du temps», avait lâché Hollande en 2023, croyant avoir affaire au téléphone à Petro Porochenko, le prédécesseur de Zelensky.

Et de rappeler naïvement aux pranksters russes:

«Je me souviens encore quand tu es venu, toi et Bernard-Henri Lévy à l’Elysée»

«Quand nous avons signé les accords de Minsk, nous savions que la guerre était inévitable», explique le faux Porochenko, tandis que Hollande opine du chef.

Les accords de Minsk nous ont donné le temps nécessaire pour nous armer.

C’est pas assez clair?

➡️➡️La France, l’Allemagne «n’ont jamais eu l’intention d’appliquer les accords de Minsk»– (https://t.me/kompromatmedia_2/166)Angela Merkel




Arnaque des accords de Minsk: l’Occident a sauvé le régime de Kiev, au bord de la défaite, en 2014–Porochenko

«Savez-vous quel est le succès des accords de Minsk?», a expliqué Petro Porochenko, marionnette de Victoria Nuland (https://t.me/kompromatmedia/1654).

«Ces documents ont donné à l'Ukraine huit ans pour construire une armée, une économie et une coalition mondiale anti-Poutine pro-ukrainienne», a-t-il confirmé dans une interview (https://www.bbc.co.uk/iplayer/episodes/p0dlz7gc/putin-vs-the-west) à la BBC en 2023

Et, aussi de:

• poursuivre l’opération de nettoyage ethnique dans le Donbass, en révolte contre le coup d’Etat occidental du Maïdan

• et créer ex-nihilo un conflit au cœur de l’Europe pour le compte de Washington

Christoph Heusgen, conseiller de l'ex-chancelière Angela Merkel, a attesté que Porochenko avait alerté en 2014 Merkel sur la situation grave de l’armée ukrainienne, tenue en échec par les milices du Donbass, notamment dans le chaudron de Debaltsevo (https://goo.gl/maps/v5xySSJni9CLYXHK7).

mardi 4 mars 2025

Le chemin du ciel

 

le chemin du ciel

Je suis entrée dans le carême sans grand enthousiasme, comme d'habitude, mais hier, j’ai prié avec recueillement, et j’ai repris mes icônes en souffrance. Je ne voulais pas manger jusqu’au soir, mais vers trois heures, j’ai cédé et grignoté des noisettes avec du thé. En partant à l’église, je me le reprochai : «Tu vois, tu es nulle, tu n’as pas tenu le coup. Si tu l’avais fait, maintenant, tu serais fière de toi. » Et aussitôt, j’ai ri : « Mais justement, s’il y a une chose qu’il ne faut pas être le premier jour de la lecture du grand Canon, c’est fier de soi ! »

J’avais emporté le triode en français, et j’ai suivi la lecture sans problèmes. La voix de notre évêque est si inspirée et si douce... La vieille Antonina m’a souhaité un bon carême et les forces pour le faire. « Oui, c’est bien de cela que nous avons besoin, à notre âge ! »

Tout-à-coup, j’ai senti un afflux de joie et de confiance, j’ai pensé à ce qui venait de m’arriver, juste avant de partir. La mère Hypandia pensait que j’avais mon chemin spirituel particulier. Et il m’apparaissait que, si en plus d’être l’étoile de Pereslavl que l’on vient filmer et que l'on invite inexplicablement à chanter ou à raconter sa vie, j’étais aussi un parangon de vertu chrétienne et une ascète de premier ordre, je deviendrais complètement insupportable, comme tous ces histrions et ces intellectuels de broussaille qui la ramènent, et passent leur temps à défendre n'importe quelle mauvaise cause pourvu que leur ego surdimensionné y trouve matière à se pavaner. Mais Dieu a pris soin de ne pas me donner de succès trop tôt, d’une part, et m’a faite faiblarde, gourmande, lâche et indisciplinée d’autre part, de sorte que je pourrais difficilement avoir la grosse tête à un point trop gênant. Il m’apparaissait aussi qu’en dehors de mon témoignage littéraire, j’avais une petite mission à remplir, une petite mission à ma mesure, unir mes efforts à ceux de mon père pour sauver notre famille, qui ne prie pas, malheureusement.

Monseigneur m’a dit, en me donnant sa bénédiction : «Ah ! Vous lisez le texte en français !

- Eh bien oui, car en slavon, je ne comprends pas grand chose !

- Mais nous non plus ! Si nous comprenions tout, nous vivrions déjà tout autrement ! »

Son sermon a porté sur quelque chose comme la responsabilité collective de Dostoievski. C'est-à-dire que nous nous repentons non pas seulement de ce que nous sommes mais de toute l'humanité depuis les origines, car si incrompréhensiblement atroces que nous paraissent certaines personnes, nous sommes tous dans le même autobus...

L’actualité devient une véritable danse macabre, un sabbat de sorcières. Les eurocrates font de leur répugnant démon de Kiev un héros, ils mentent dans des proportions mirifiques, avec un aplomb extraordinaire, je crois qu'ils comptent sur leurs parrains plus ou moins occultes, or si puissants que soient ceux-ci, ils sont sérieusement attaqués par Trump et son équipe, nous assistons à un combat de tyranosaures, auprès desquels s'agitent d'affreux petits charognards glapissants, ce n'est pas un spectacle pour les personnes sensibles. Peu leur importe de sacrifier des millions de gens, pour eux, nous ne sommes que du bétail, l'important est de noyer dans le sang les traces de leurs crimes et de maintenir les foules dans l'hébétude en répétant toujours les mêmes incantations. Et de fait, les bobos gogos continuent à se détourner, « le regard vitreux », comme dit Ariane Walter, lorsqu’on leur donne les preuves de leurs méprises, que ce soit à propos du covid ou à propos de l’Ukraine. Ces révélations pourraient leur faire exploser la cervelle, si profondément programmée qu’elle ne sait plus fonctionner seule depuis bien longtemps. J'ai parfois l'impression d'avoir des hallucinations quand je lis certains commentaires des "abonnés du Monde" sur la Russie et l'Ukraine. Tant d'ignorance délibérée et tant de prétention... Dostoievski avait bien raison de dire que la bêtise peut quelquefois devenir un crime.

Heureusement que je suis ici, et pas là-bas, pour les gens lucides, cet esprit de secte est totalement insupportable. Je pense sans cesse à Tartufe, la pièce de Molière. Au bourgeois envoûté par le faux dévôt qui, à toutes les preuves qu’on lui donne de la vilenie de son gourou répond invariablement « le pauvre homme » et n’ouvre les yeux que le jour où celui-ci lui signfie qu’il lui a pris tous ses biens et le mettrait à la rue, sans l’intervention providentielle du roi. Mais la France n’a plus de roi, et se retrouvera dehors de chez elle. 

Cependant, l’orientation de mon carême sera de prendre mes distances par rapport à cet abominable cirque, de confier à Dieu notre sort, et aussi celui de la malheureuse Europe. 

J’ai vu que les arbres, qui communiquent entre eux, ont probablement une forme de pensée, ils réagissent à la musique. Les éléphants ont conscience de la mort, ils rendent hommage aux restes des leurs, et les identifient comme tels. Et que faisons-nous des arbres, et de tout le reste, de toute cette merveilleuse création, de cet organisme dont nous sommes une partie consciente et théoriquement capable de vie spirituelle ? Trop souvent même les croyants ne prêtent aucune attention aux autres formes de vie, alors que je me sens si profondément reliées à elles, et si profondément responsables de mon existence devant les leurs; si coupable et impuissante devant ce que nous leur faisons subir. Je parlais du salut de ma famille, mais je prie aussi pour tout ce qui existe, pour les animaux malheureux et ceux qui s'en occupent, et se font insulter et moquer, et même pour les arbres, pour que Dieu veuille bien mettre un terme au saccage et aux cruautés qui s'exercent sans fin sur sa splendide création et ses innocentes créatures. Elles attendent de nous tout autre chose que ce que nous faisons d'elle. Elles nous aiment, elles nous font confiance.


dimanche 2 mars 2025

Lamentation d'Adam

 

Monastère de la Trinité-Saint-Daniel

En France, les vieilles demeures, les châteaux, les fermes, commencent à tomber en ruines, à cause de la spoliation sournoise des impôts sur l’héritage : on ne peut plus transmettre des bâtiments déjà en soi difficiles à entretenir, et les tribus de barbares viennent y tracer leurs immondes tags triomphants. On plante partout des éoliennes qui hachent les oiseaux, stérilisent la terre, détruisent les plus beaux sites... au nom de l’écologie. Ils font aussi d’énormes fermes de panneaux solaires qui transforment des hectares en désert de verre brûlant. Au nom de l’écologie. J’ai vu une photo de ce que cela donne en Inde, il y a de quoi hurler de désespoir. J’ai vu aussi un éléphant charger un engin qui détruisait sa forêt. Maudite espèce que nous sommes, j’ai honte d’en faire partie et d’être parfois inconsciemment complice de ceux qui nous font un monde pareil. J’en viens à ne plus tellement réagir, je m’attache aux vidéos concernant ce que j’aime en France, les gens simples honnêtes, inventifs, créatifs, qui font de beaux métiers ou trouvent des solutions aux problèmes que posent les autres à tout ce qui vit. Et en Russie, aux folkloristes, aux soldats, aux prêtres et moines qui ne font pas trop dans le prêchi-prêcha. A tous ceux qui restaurent, sauvent et conservent, qui aident et découvrent. Et ce ne sont certainement pas les histrions gogos et les intellectuels de broussailles qui s’agitent comme des asticots sur le cadavre de notre civilisation qu’ils détestent et déshonorent.

Je suis allée avec Katia fêter la Maslenitsa au village de Davydovo, entre Rostov et Ouglitch. Il faisait un soleil radieux de mois d’avril. Davydovo est une communauté, avec une ferme, et aussi un centre pour les autistes et autres handicapés. Le folklore y fait partie de la vie, il est pratiqué régulièrement, il accompagne les fêtes tout au long de l’année. Les enfants grandissent avec. Katia me disait que les garçons d’une de ses amies n’allaient pas à l’école, on les instruit à la maison. Pas de télé, pas de smartphones, pas d’ordinateurs. Elle les trouve sauvages, mal socialisés. Alors qu’à Davydovo, même si la communauté vit à l’écart, les enfants sont nombreux et ont l’habitude de fonctionner ensemble. En effet. Personnellement, je pense que l’école est en soi une aberration, une violence exercée sur les enfants, j’en garde un souvenir épouvantable. Cependant, quand j’étais institutrice, je professais que dans le monde où nous vivons, il fallait y aller pour en prendre l’habitude, en connaître les codes. Maintenant, l’école est devenu une telle machine à fabriquer des abrutis et des névrosés que je préconiserais l’instruction à la maison. Mais le problème se pose ensuite de l’adaptation relative, au moins pour avoir la paix, à ce monde de dégénérés. Si on veut vivre à l’écart de ce cirque, mieux vaut se constituer en communautés. Mais tenir compte aussi de ce qui se passe à l’extérieur.



En tant que vieille sans enfants, mon souci est à présent de maintenir tout autour de moi tant que je vis un microcosme harmonieux et relativement à l’abri de la stupidité, de la laideur, de la brutalité et de la cacophonie que le diable fait proliférer partout. De transmettre, de témoigner. D’analyser. Pour ce qui concerne l’analyse, d’ailleurs, c’est peut-être plus le boulot de Slobodan Despot... Je pense qu’il faut essayer de monter vers les cieux, sur les ailes de la prière et de la poésie, tant que cela reste possible.


Katia craint que le gouvernement russe ne soit infiltré par la caste, comme tous les autres, c’est la thèse de Nicolas Bonnal, sinon au service direct, du moins contraint de s'aligner sur les orientations générales. Je le crains également, en tous cas, l'ennemi n'est pas seulement à Bruxelles ou à Kiev. Ce décret qui autorise le saccage du patrimoine est un très mauvais signe, le premier ministre qui l'a signé aussi, intrinsèquement, et quand je l’avais vu apparaître, au moment du covid, quand Poutine prenait l’air d’un mannequin figé pour nous annoncer notre soumission aux mesures de l’OMS, j’avais éprouvé pour la première fois de sérieux doutes sur l’indépendance du pays. 


Néanmoins, Katia et moi sommes d’accord pour considérer que la guerre qui se mène « au nom du monde russe et des valeurs russes » dont le premier ministre semble se foutre outrageusement, est effectivement une guerre nécessaire et sainte, que la Russie, telle qu’elle est, est le dernier bastion du christianisme, et que si elle est défaite, elle deviendra une immense Ukraine, en proie à toutes les horreurs possibles, à toutes les persécutions, et au pillage organisé de tous nos « amis » occidentaux.

Rien ne m’exaspère plus que de voir Zelenski qualifié d’Ukrainien et de patriote, alors qu’il est ukrainien comme moi je suis bantoue, et participe à un génocide de slaves concerté et planifié, en tant qu'homme de main qui s'en fout plein les poches et partira demain se dorer la lune en Israël, si quelque justicier ne lui fait pas la peau d'ici-là. 


Une brave Russe m’a envoyé une citation de saint Jean de Cronstadt qui m’a fait froid dans le dos, en cette veille de carême. Tout est péché, l’amour des jolies choses, des tableaux, des meubles, des fleurs, des vêtements, et aussi sans doute de son conjoint, de ses enfants et de ses chats. Quand je lis ce genre de choses, je me demande comment j’ai fait pour épouser le christianisme et la foi orthodoxe. C’est que je n’avais pas cette impression, à la lecture de Dostoiveski, ni au vu des icônes, des églises brillantes et décorées, pleines de fleurs, de lampes, de cierges et de vapeurs d’encens. Je pense que naturellement, il ne faut pas placer l’amour des choses créées au dessus de celui qu’on doit porter au Créateur, mais cracher sur ses créatures et faire fi de la conformation qu’il nous a donnée, est-ce bien souhaitable ? J’aime mes fleurs, j’aime m’entourer de beauté, la laideur me désespère et m’accable, la beauté m’exalte et m’inspire, j’aime les chats, les chiens, mes proches, si j’avais eu des enfants, je les aurais aimés aussi, et je leur aurais fait des câlins sans avoir l’impression d’offenser Dieu. Quand je lis ce genre de citations, j’ai l’impression que la vie est en soi un péché dans toutes ses manifestations, et si cela m'était tombé sous les yeux au moment où je suis devenue orthodoxe, peut-être serais-je partie au grand galop. Je pense souvent au film le festin de Babette, où de bons protestants scandinaves charitables mais rigoureux, terrifiés par le péché, connaissent la joie des plaisirs de la table partagés dans l'amitié, grâce à une cuisinière française qu’ils avaient recueillie et qui leur offre un repas somptueux pour les remercier.

Le monde où nous vivons, tel qu’il devient, conviendrait sans doute à ce saint homme : tout y est si moche, si désespérant qu’en effet, nous n’aurons bientôt plus envie de vivre, et devrons trouver la beauté en nous, tout le monde n’est pas capable de le faire, d’autant plus quand on n’en a même pas idée. Lui qui vivait dans un monde d’une beauté féerique, je me demande ce qu’il dirait en découvrant l’enfer où nous nous enfonçons?

C'est aujourd'hui le dimanche du pardon, celui de la lamentation d'Adam, cahssé du paradis. J’entre dans le carême à reculons, et dans la tristesse. Hier soir, au lieu d’aller aux vigiles, j'ai assisté au concert de musique ancienne au bar du café. Et en plein milieu du concert, saignement de nez. Heureusement, cela s’est vite arrêté, mais j’étais tachée de sang, coup de bol, j'avais une écharpe rouge.

J’écoutais cette musique et revoyais des châteaux de France, celui de Grignan, celui de Suze-la-Rousse, des villages fleuris de roses trémières et de géraniums, tout le raffinement et la douceur de vivre de notre pays en train de sombrer dans la folie, cravaché à sa perte par les démons de l’eurocratie, dont Nécron est sans doute le plus ignoble, avec sa tête de bellâtre faux-jeton et ses discours impudemment et délibérément mensongers et perfides. 

Après quoi, je suis allée aux « Boyards » avec Katia, elle avait faim. Moi pas, j’avais mangé au café, mais j’ai pris un thé et un dessert pour lui tenir compagnie. Elle m’a dit que le Chat n’avait pas toujours bon moral, et ses parents, dont il est le fils unique, non plus. Il n'y a pas d'aumônier, là où il se trouve, cela lui manque. Elle a pris l’habitude de dire ses prières avec lui sur Telegram, pour l’accompagner dans son épreuve. Dieu fasse qu’il revienne en vie, que saint Michel le protège.



Nous avons évoqué la folie des eurocrates, leur mensonges impudents, les gens qui, là-bas, les croient encore, de peur d’ouvrir les yeux; là-bas et ici, malheureusement. Ces gens qui ne sont plus ni français ni russes, mais du diable, de ce mal qui ne cesse de couler de l’abcès ukrainien comme du pus, qu’ils y participent activement, ou qu’ils en soient les complices hagards, indépendamment de leur niveau intellectuel. D’ailleurs, ce sont souvent les intellectuels les pires. Comme en 1917.

Au matin, c’était la liturgie épiscopale, j’ai eu le temps de me confesser auprès du père Alexeï, qui, en dépit de ses raideurs militaires occasionnelles, est profondément gentil. Je lui ai dit, entre autres, que je me faisais une petite crise d’acédie, de lassitude morale. Il a hoché la tête avec compréhension. L’évêque a observé qu’il ne me voyait pas souvent. Pourtant, je suis tous les dimanches à l’église, je manque trop souvent les vigiles, et parfois, je suis dans une autre église. Il m’a vue d’ailleurs chez le père Serge, quand j’ai présenté Tania. Un de mes objectifs de carême est d’aller assidument aux offices, car pour ce qui est du jeûne, je ne pourrai pas le faire comme une jeune fille pleine de zèle, j’observerai les préceptes du médecin.

Il y a, à l’église, une petite femme qui respire la joie et la bonté, à un point qui me sidère, comme une petite lampe allumée en permanence, et elle me salue chaleureusement, comme si elle me connaissait bien, elle me connait sans doute par le coeur. La communion m’a apaisée, je m’en suis remise à Dieu pour tout. 




Assis devant le paradis

Pleurait Adam et chantait :

Paradis, mon paradis,

Mon beau paradis !

C’est pour moi que tu fus créé,

C’est par Eve que tu me fus fermé. 


 Je ne vois déjà plus

 Les nourritures paradisiaques,

Je n’entends déjà plus, 

Les voix archangéliques


 J’ai péché, Seigneur, j’ai péché, 

Dieu miséricordieux,

 Pardonne à celui qui déchut !

Paradis, mon paradis,

Mon beau paradis... 



jeudi 27 février 2025

La croix du jour

 


Soleil radieux, pour la fin de ce drôle d'hiver. Je suis allée dessiner sur l'escarpement, au dessus du marécage. Le lac est encore gelé, luminescent, immaculé. Le soleil y descendait comme un ange, portant la croix du jour.

  Benjamin le Suisse m’a invitée à venir manger la fondue qu’il m’avait confisquée quand ses compatriotes étaient là. Nous avons passé une bonne soirée, sa femme est au sanatorium, son petit garçon est vraiment éveillé et intelligent. Leur chatte abyssine, extraordinairement jolie, une petite princesse dorée et charmeuse, venait de mettre au monde un chaton mort. Mais à son agitation, et aux bosses que je sentais dans son ventre, j’ai vu qu’il y avait encore des colis à délivrer. Et le lendemain, Benjamin m’a dit au téléphone qu’elle avait eu deux bébés bien vivants pendant la nuit

Devant une vue très pittoresque de Rostov, publiée sur VK, j’ai tout de suite pensé : « pourvu que personne ne détruise les deux maisons du premier plan ou ne les défigure ! » Et parmi les commentaires, j'en ai lu qui vibraient de haine pour tous ceux qui s’extasient sur les maisons typiques et « se goinfrent dans les mégapoles ». Les gens qui s’expriment là ne voient absolument pas l’harmonie modeste, poétique et vivante de ce coin de ville, mais que les « croix des églises sont seules à briller sur cette misère » ! Pourtant, à Rostov, justement, les croix ne brillent pas tellement, elles sont plutôt rouillées, tout le magnifique kremlin nécessiterait des réparations, tout comme les isbas. Mais non, ceux-là détestent autant les unes que les autres, c’est-à-dire qu’en fin de compte, ils détestent la Russie, la Russie originale et fantasque qu’on leur a appris à renier pendant plusieurs générations, c’est sans doute aussi une des clés de la mentalité des libéraux, ou de celle des Ukrainiens qui veulent devenir européens à tout prix, de tous ces gens qui renient leur nature de Russes. Je reconnaissais la méchanceté, l'envie ulcérée, le mépris de la paysannerie d’autrefois que je vois parfois dans les commentaires qui accompagnent les publications des folkloristes et des jeunes gens qui font le retour à la terre, par exemple. Il est impossible pour certains d’entretenir, de réparer, d’aménager tout ce qui peut rappeler les moujiks, les popes, les cosaques et tout ce qui fait vieux et « médiéval », ou simplement rural, la laideur et la vulgarité contemporaines leur sont devenues complètement intrinsèques, c’est leur élément et ils s’y complaisent, rien ne doit venir leur rappeler qu'il existe autre chose. Leurs réfléxions ne laissant pas entrevoir une nature généreuse et compatissante, j’en conclus que c’est là le trésor qu’ils se préparent à emporter dans un enfer dont ils ont déjà l’habitude, puisqu’ils haïssent ce qui est beau, simple et vivant, et tous ceux qui y sont encore sensibles. Peut-être même qu’une fois qu’ils y aboutiront, ils ne s’en apercevront même pas, qu'ils y prendront même du galon, comme dans le livre « mes aventures posthumes » de Voznessenskaïa.

Vue de Rostov...

Pratiquement le même jour, j'ai vu avec consternation un article qui annonçait la chose suivante: 

LE GOUVERNEMENT RUSSE EST-IL EN TRAIN D’ANNULER LA RUSSIE ? Maintenant, vous allez avoir un choc car c'est difficile à croire (j'en ai eu un moi-même), mais vous pouvez le constater par vous-même sur le site Web du gouvernement. gouvernement.ru/docs/all/1...# Le 27 décembre, juste avant le Nouvel An, le gouvernement de la Fédération de Russie, à l'instigation du ministère de la Culture, a adopté une nouvelle version du règlement sur les zones de protection des sites du patrimoine culturel. normativ.kontur.ru/document?m... Elle entre en vigueur le 1er mars et supprime d'un seul coup les zones de protection de toute une série de types et de genres de sites du patrimoine culturel : des milliers de sites archéologiques, d'anciennes forteresses et colonies, des nécropoles, des champs de bataille, des sites commémoratifs, des monuments et des mémoriaux de guerre. Le décret détruit purement et simplement le système de protection des paysages culturels et des villes historiques qui existe depuis au moins les années 1940. Ils s’attaquent à ce qu’il y a de plus précieux, à la beauté et aux sanctuaires nationaux : les plus beaux paysages, les anciennes colonies et les tumulus funéraires – témoins de la naissance de l’État russe, de la formation de la culture russe et des cultures d’autres peuples, des villes anciennes. Ils frappent nos tombes ancestrales, nos nécropoles et les tombes de nos ancêtres talentueux et héroïques. Le gouvernement lève également l'interdiction de construire dans les zones naturelles protégées, autorise la construction d'installations linéaires dans les zones protégées et lève l'interdiction de démolir des objets urbains de valeur dans les zones protégées des villes historiques. Le gouvernement ne nous a pas oubliés non plus : il est désormais interdit aux citoyens de proposer des initiatives visant à développer des zones de protection, ce qui est contraire à la Constitution de la Fédération de Russie, mais les droits des promoteurs sont expressément énoncés. Sans plus de cérémonie ni d’explication, Mikhaïl Michoustine annule même les zones protégées des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO – les pétroglyphes du lac Onega et de la mer Blanche !

Pourtant, c'est en principe pour "le monde russe" que les jeunes gens vont combattre sur le front, ou bien j'ai mal compris? C'est quoi, le monde russe?

Depuis quelques temps, ce doit être l'âge, je suis fatiguée de m'indigner et de me battre contre les moulins à vent de la bêtise inlassable. Mais je n'aimerais pas naître maintenant dans le monde qu'ils nous font.

En Europe, c’est le crépuscule des odieux. La Van der Layen et toute sa compagnie continuent à faire tourner leur petit moulin comme si de rien n’était, tandis que tout s’écroule autour d’eux et se modifie à une vitesse vertigineuse. Ces gens ont mis nos pays bénis des dieux dans une telle merde et avec une telle vitesse que leurs habitants, si inquiets qu’ils puissent être, ne voient pas assez massivement l’ampleur du problème. Les commentaires des gogos bobos accompagnent de leurs murmures convenus les incantations de leurs chefs, dans leur tentative obstinée de dénier le réel jusqu’au bout. Les autres vivent le nez dans leur guidon. Ce qui est d’ailleurs plus compréhensible. Macron ne m’aura décidément jamais déçue, il se surpasse dans l’infâmie et descend toujours plus bas dans la honte, justifiant l’affreuse impression qu’il m’avait faite au premier regard.

Avec ses collaborateurs, Slobodan étudie, comme dit Nicolas Bonnal, en entomologiste, notre déclin et l’avènement d’un nouveau monde qui n’est peut-être qu’une ultime convulsion apocalyptique. Son dernier article envisage des sortes de dynasties naissantes, pour succéder à l’épisode révolutionnaire et « démocratique » des deux derniers siècles. «La famille est tout» est la devise des clans, des mafias et de la noblesse. L’élite contre-révolutionnaire américaine tient des trois à la fois. » écrit-il dans son Antipresse. La démocratie, je n’y crois plus, personnellement, depuis longtemps. Je pense que nous assistons à la mort d’une illusion. C’était jouable en Suisse, ou à Novgorod, dans des endroits restreints où tout le monde se connaît, et encore, la liberté et l’égalité, ce n’était pas pour n’importe qui. Autrement, l'idée démocratique, c’est tôt ou tard la porte ouverte aux oligarchies mafieuses. Des gens comme Etienne Chouard préconisent une démocratie véritable, où tous les citoyens prennent en main le gouvernement et l’édiction des lois, mais je n’y crois pas beaucoup ; parce que les « citoyens » sont loin d’être tous compétents pour cela, moi la première, d’ailleurs. Je suis monarchiste, parce que dans la monarchie, le pouvoir a des contre-pouvoirs organiques et installés depuis des siècles, qui ont fait leurs preuves. Le monarque n’a pas beosin d’intriguer pour arriver au faîte de l’Etat. Le citoyen ordinaire peut s’occuper d’autre chose que de politique. Mais comme le remarquait déjà Chateaubriand, on a cassé le moule.

Slobodan prête attention à l’importance des enfants pour la nouvelle élite conservatrice. On dirait qu’ils sont préparés, comme des princes héritiers, à prendre la suite de leurs puissants parents. C’est une pente naturelle de l‘être humain, en effet. On voyait aussi cela se produire au temps des mérovingiens. Je me souviens des chroniques de Grégoire de Tours, de tous les règlements de compte des joyeux barbares blonds, entre frères, cousins, belles-mères, à grand renfort d’yeux crevés et de tonsures monastiques forcées...  Ces gens-là ont fini, avec la patiente éducation chrétienne de leurs femmes et de leurs mères, par constituer une aristocratie fort convenable, mais justement, le christianisme n’est plus au programme, et on lui veut la peau.

Pierre-Yves Rougeron met à plat la situation européenne et en particulier française, avec une lucidité implacable, ce n’est plus de l’analyse politique, c’est une autopsie. Et dans quelle langue française percutante et précise... Le nombre d’ahuris diplômés qui ne comprennent rien et continuent à se raconter des histoires et à écouter celles qu’on leur raconte, dans la peur panique de voir ce qu’ils verront le jour où ils ouvriront les yeux... Mais ils ne les ouvriront que devant le couteau du boucher, et encore pas sûr.

https://youtu.be/-rzXhQisLLg?si=aFv93REzaNyAFEZX

Thierry Meyssan, avec sérénité et douceur, fait la même chose en ce qui concerne l’affaire ukrainienne. 

https://www.voltairenet.org/article221849.html?fbclid=IwY2xjawItAKlleHRuA2FlbQIxMQABHVcQilpDpguQ8ygPIHWaB9Ncn7TtbStWeB3oEmb4kWVD7o8Z9rUbCsRdOw_aem_7UB-fsSEIclsrKEWMJeA2A

lundi 24 février 2025

Utopies


Une jeune actrice que j’avais rencontrée par une amie m’a invitée à un spectacle patriotique, « Tiorkine est vivant », où le héros d’un poème de Tvardovski, le soldat Vassili Tiorkine, revient sur terre, pour combattre au Donbass. Cela se passait à la maison de la culture, et la salle était pleine. Les rangs du fond étaient occupés par les cadets du lycée orthodoxe saint Alexis, et de jeunes soldats de la garnison locale. Le reste, c’était des familles, des personnalités de Pereslavl.

Le spectacle était très enlevé, et très émouvant, avec des chansons de la dernière guerre, mais aussi des chansons contemporaines de qualité, la « route russe » d’Igor Rasteriaiev revenait comme un leit-motiv, avec aussi des motifs traditionnels, et l’action de la pièce en vers était traversée par des documents authentiques, des témoignages, notemment celui d’un prêtre qui avait vu, en rêve, des soldats tués qui venaient lui rendre visite dans des uniformes blancs, croyants et incroyants, et lui dire que tout allait bien pour eux dans l’autre monde, et les acteurs, pendant ce temps, étaient lentement revêtus de capes immaculées. J’étais émerveillée de voir quelque chose d’aussi résolument russe, généreux, humain, et pas seulement moi. La salle a réagi avec tant d’enthousiasme que la directrice artistique de la troupe l’en a remerciée avec émotion. Un type est monté sur la scène s’agenouiller devant les acteurs. On est venu leur porter des fleurs, on a repris en choeur le refrain de la « route russe », on a photographié les comédiens avec les cadets et les soldats, puis avec les personnalités présentes, et aussi avec moi, dans la foulée... Nous avions tous la larme à l’oeil. Le spectacle se donne d’habitude à Moscou, où il n’avait jamais rencontré un tel accueil, et tout d’un coup, je me suis dit que, malgré tous les ravages opérés par le mauvais goût dans Pereslavl, l’essentiel était pourtant sauvé : cette pureté, cette humanité, cette sincérité, ce sens de la solidarité, cet enthousiasme pour les qualités morales supérieures, pour le sacrifice et l’héroïsme, toute la salle était soudée, indépendamment des opinions ou des origines.

Katia venait de féliciter le « Chat », pour la fête des défenseurs de la patrie, et je me suis jointe à elle. Au restaurant, où nous sommes allées ensemble, elle m’a dit que c’était très dur pour lui, et qu’il s’étonnait de n’avoir pas plus de ressources et de ne pas arriver même à prier convenablement. Mais en ce qui me concerne, quand je suis malade à l’hôpital, je ressens exactement la même chose. Quand j’étais coincée là-bas par le covid, je me trouvais aussi bien peu de ressources, j’avais des idées noires, je répétais des prières d’une façon mécanique. C’est seulement après que j’ai recueilli les bénéfices spirituels de cette épreuve.

avec Nadia Bakhtirina
Avant d'aller voir ce spectacle, je suis tombée, sur facebook, sur ce message de Natalia Routkevitch, déjà ancien mais très intéressant. D'abord parce que j'ai traduit Alexandre Panarine, qu'elle cite. Très hostile au bolchevisme, très lucide sur les crimes des révolutionnaires, qu'il décrit minutieusement, et sur la nature russophobe de ces gens majoritaiement non russes, il considérait que la Russie, capable de tout avaler, avait russifié le machin horrible et l'avait rendu supportable. Il considérait qu'il n'aurait pas fallu y toucher, si on excepte, évidemment, la fin des persécutions religieuses. Mais c'est bien justement ce que reproche à la Russie la caste globaliste au pouvoir en occident qui se cramponne à son fauteuil vacillant: d'avoir survécu à l'injection léthale, et d'avoir russifié tout cela. 

J'ai toujours détesté Custine, et les gens qui connaissent la Russie ne peuvent que le trouver de très mauvaise foi, du reste la liberté est un de ces concepts idéologiques qu'on met à toutes les sauces et qu'il est difficile de définir. Nombre de gogos bobos se croient libres dans une France devenue irrespirable à force de contraintes absurdes, parce qu'on fait semblant de leur demander leur avis tous les cinq ans, au cours d'éléctions complètement truquées, avec des candidats d'opposition bidon. Je ne suis pas nostalgique de l'URSS, pour toutes sortes de raisons que j'ai maintes fois exposées; et cependant, je comprends ce point de vue, car sans être communiste, je trouvais dans les films soviétiques que j'allais voir au Cosmos une innocence, une simplicité, une humanité et une ferveur qui manquaient à mon univers des années soixante-dix, et aussi à la gauche française essentiellement troskiste, non nationalisé par la Russie, à laquelle j'avais affaire de tous les côtés. D'autre part, beaucoup de Français éprouvent, version capitaliste, la même nostalgie pour la France des années cinquante, encore bien de chez nous, encore rurale, encore simple et bon enfant, encore humaine et normale. 

Cela dit, je ne pense pas que nous devions regretter les utopies. Les utopies se transforment obligatoirement en dystopies dont finit heureusement par triompher la vie, comme à Tchernobyl, où des champignons noirs mystérieux dévorent la radioactivité et réparent les dégâts causés par l'Homme. Les utopies ont toutes pour origine l'idée absurde d'un paradis sur terre exigeant le sacrifice massif de ceux qui font obstacle, par des opinions divergentes ou une inaptitude ontologique à s'y adapter, à son installation. Elles sont le résultat de l'abandon du sacré, de l'ubris prométhéenne du matérialisme progressiste, quelle que soit l'idéologie politique dont il s'affuble. Et de la cupidité, de la soif de pouvoir pathologiques des prédateurs qui les utilisent fatalement à leur profit. 

Cela étant, je préconiserais pour l'ensemble du monde, un retour à ce qu'un intellectuel japonais qualifiait de "digne pauvreté". A un contrôle étatique des ressources d'interêt général, des infrastructures d'intérêt national, et bien sûr, des banques. Quand tout cela tombe en des mains privées, cela revient, de nos jours, à livrer les peuples à des crocodiles dont les appétits ne connaissent aucun frein. En ce qui concerne la Russie, je suis hostile au révisionnisme et aux blanchiment des rouges pratiqué, par exemple, par Prilepine, mais je pense que faire totalement abstraction du communisme n'est pas possible non plus, revenir à la monarchie sous sa forme précédente n'est pas actuellement pensable, et sans doute qu'une forme non utopique et adoucie de socialisme serait l'issue pour un pays qui ne se retrouvera jamais dans le capitalisme brutal qu'on a essayé de lui imposer.

 Natalia Routkevitch

LA FIN DE L'UTOPIE
Trente ans.
Cela fait trente ans, jour pour jour, que le pays où moi-même, mes parents et plusieurs de mes grands-parents étions nés et avions grandi a été rayé de la carte.
Le 25 décembre, à 19h32 le drapeau soviétique a été enlevé du Kremlin de Moscou et remplacé par le drapeau de la Fédération de Russie. Le même jour Mikhaïl Gorbatchev a démissionné. Le 26 décembre 1991, le Parlement soviétique (Soviet Suprême) a pris acte par une résolution de la disparition de l'Union soviétique.
Ainsi, pour la deuxième fois en l'espace de 74 ans, les Russes se sont retrouvés brutalement dessaisis de leur État; en 1991, comme avant, en 1917, la minorité active et agissante avait imposé sa volonté de rupture radicale au reste de la population.
Un peu sonnés par la tournure qu'avaient pris les évènements, échappés au contrôle de l'apprenti sorcier Gorbatchev, nous étions toutefois, en ce 26 décembre, pleins d'espoirs et plutôt confiants en l'avenir. A l'époque on pensait qu'on allait garder des liens étroits avec les ex-républiques au sein d'une nouvelle union, la Communauté des Etats Indépendants (même si ceux qui l'avaient conçue savaient qu'il n'en serait rien). Nous entrions en 1992, citoyens d'un nouveau pays et d'une nouvelle union, faisant enfin partie du "monde libre" et désireux de réussir notre "transition démocratique".
Nous ne nous doutions pas que la décennie à venir allait nous apporter un lot de tragédies : un appauvrissement spectaculaire, des guerres, des attentats, une menace d'éclatement total de ce qui restait de l'Etat russe, la dépopulation, l'atomisation, la criminalité rampante et la disparition du cadre légal au profit de la loi de la pègre... Nous ne savions pas que les services publics seraient démolis, que l'espérance de vie de nos hommes allait dégringoler pour descendre en dessous de 60 ans, que la natalité allait chuter, que nous verrions nos grand-mères réduites à ramasser des bouteilles vides pour pouvoir se faire un peu d'argent en les portant à la consigne, que le pays entier allait se transformer en un énorme marché de rue, un royaume de chacun pour soi…
Nous ne pouvions pas savoir que c'était une "étape dure mais nécessaire" sur le chemin vers la société démocratique, comme les experts du FMI nous l'ont expliqué doctement quelques mois plus tard.
Nous ne savions pas non plus que notre jeune démocratie ne vivrait pas longtemps, que le premier coup y serait porté en 1993, avec le carnage du Parlement, et le second, qui la transformerait définitivement en un ordre autoritaire, dirigé par la "Famille" et ses oligarques, en 1996. Faut-il s'étonner qu'au bout de quelques années d'une telle "transition démocratique", le mot même de la "démocratie libérale" a acquis chez nous une connotation péjorative et sert surtout à qualifier un régime comprador.
Est-ce ce rêve trahi qui nourrit la nostalgie de l'URSS qui n'a jamais disparu et qui est, trente ans après l'effondrement, encore plus prégnante que dans les années précédentes ?
En septembre 2021, près de la moitié des Russes ont déclaré que le système politique soviétique était préférable à tous les autres, et presque deux tiers – que le système économique le plus juste, c'était la planification et la distribution par l'État.
Ces réponses laissent perplexes. En trente ans, les Russes ne se sont-ils pas complètement adaptés au marché en devenant des consommateurs passionnés ? Sont-ils amnésiques ? Ont-ils oublié le poids de l'idéologie, les repressions terribles des années staliniennes, les privations de toute sorte ?
Faut-il voir dans cette nostalgie de la dictature une énième manifestation du caractère national tel qu'il a été décrit par marquis de Custine, déjà en 1839: " Tandis que d'autres nations ont supporté l'oppression, la nation russe l'a aimée, elle l'aime encore, et l'on peut dire des Russes qu'ils sont ivres d'esclavage... Pour se laver du sacrifice impie de toute liberté politique et personnelle, l'esclave, à genoux, rêve la domination du monde. "
On trouvera, sans difficulté, des variations de ce même diagnostic dans les écrits de moult écrivains et publicistes contemporains (occidentaux ou russophones) qui dépeignent "l'homme rouge" exactement sous les mêmes traits que de Custine, en voyant dans le "fanatisme d'obéissance" le trait essentiel du peuple russe.
Les observateurs peu satisfaits de cette explication un brin sommaire iront chercher d'autres motifs au vague et confus sentiment de manque, et découvriront, avec surprise, que la nostalgie de l'URSS est loin d'être systématiquement couplée chez les Russes avec une sympathie pour le communisme ou les mouvements de gauche en général.
L'URSS dont beaucoup d'ex-Soviétiques se souviennent avec un pincement au cœur n'est pas (ou n'est pas que) celle des brochures du marxisme-léninisme et des affiches de propagande. Ils ne se reconnaissent pas non plus dans le miroir tendu par la post-modernité, dans cette image qui semble sortir des opus d'Ayn Rand: celle d'un Goulag géant, de la société complètement asservie par un Etat totalitaire, de la médiocrité standardisée, d'initiative proscrite…
Les repressions, la collectivisation, les famines, la guerre civile et la grande guerre patriotique restent des traumatismes collectifs de tout un peuple, profondément ancrés dans la mémoire collective. Chaque famille porte, dans sa chair, de très nombreux deuils qu'elle n'est pas prête d'oublier. Mais on ne comprendra jamais l'Union Soviétique, son évolution, ni cette nostalgie qui tient, même trente ans plus tard, ses anciens habitants si on réduit 74 ans de l'existence du pays à l'image d'un camp de travail forcé et au Livre noir du communisme.
L'homme soviétique aurait pu (et selon de nombreux concepteurs du marxisme-léninisme, aurait dû) devenir un être unidimensionnel, formaté par sa conscience de classe. Mais, il en a été autrement: il a échappé à ce cadre étroit qui lui a été réservé par les idéologues. Passant de l'antithèse à la synthèse, la société soviétique a fini par digérer l'abstraction communiste à sa façon, l'adapter à ses racines, la remplir par un contenu spirituel ancré dans le réel.
Comme le dit le philosophe soviétique Alexandre Panarine, le peuple a triomphé de l'idéologie, en retrouvant ses origines ; en se servant des possibilités du nouveau système, il s'est approprié l'héritage culturel national (mais aussi des chefs d’œuvre mondiaux).
Ainsi, l'homme soviétique a été façonné autant par l'idéologie dominante que par Pouchkine, Tolstoï, Lermontov et d'autres auteurs classiques.
La Grande guerre patriotique a suscité, elle aussi, le nécessaire retour aux racines: elle a ressoudé le peuple autour d'un objectif surhumain et a ainsi "achevé la formation de l'homme soviétique en tant que type culturel et historique spécial, combinant l'idéal international de la lutte ouvrière avec la grande idée nationale".
L'homme soviétique n'était pas libre. Il vivait dans un cadre surveillé, des maintes restrictions pesaient sur lui. Des esclaves formatés par le régime totalitaire - voilà ce que nous étions selon le discours qui s'est imposé dans l'espace public dès la fin des années 1980 et qui hâtait l'avènement de la démocratie libérale et du marché qui, seuls, pourraient nous libérer.
Pourtant, ce régime "totalitaire" a donné au monde des chefs d'œuvre de culture – littéraires, poétiques, musicaux, cinématographiques - qui comptent parmi les plus grands du XXème siècle. Ils ne sont pas le fruit des êtres formatés et soumis mais des personnes ayant une vie intérieure très riche et une grande liberté d'esprit qui, souvent, paraît très supérieure à celle des nombreux contemporains qui semblent confondre la superficialité et la liberté dont ils ne connaissent pas le prix et dont ils sont psychologiquement, intérieurement incapables.
Le système qui imposait à l'homme soviétique des limites contraignantes, lui fournissait en même temps les clés pour dépasser ces limites et les contester. Institué par une norme collective rigide, l'homme soviétique avait une solidité et une ouverture d'esprit suffisantes pour se concevoir en tant qu'individu autonome. Il pouvait comprendre l'étroitesse de l'idéologie officielle, en rire, plus ou moins secrètement, en fonction de l'époque.
Lorsque, peu après son émigration, Joseph Brodsky revendique son statut de "poète soviétique", il affirme qu'il n'aurait jamais pu devenir ce qu'il était devenu s'il avait grandi en Occident, dont le matérialisme consumériste lui répugne.
L'homme soviétique qui était régulièrement aux prises avec l'idéologie officielle a dû aussi faire face aux multiples manquements du système qui lui fournissait des services publics corrects et un emploi garanti, mais assez peu de biens de consommation courante dont le manque est devenu particulièrement cruel à la fin des années 1980.
Cet homme a donc été forcé d'élaborer moult stratégies de survie et de solidarité. On a moqué ou pris en pitié les Soviétiques, dont le pays "avait des chars mais pas de beurre" mais, aujourd'hui, ce sont eux qui rigolent en entendant des appels de plus en plus persistants à réduire la consommation, à privilégier le local, à recycler, à se passer d'emballages individuels... Tout cela, ils savent le faire parfaitement, tout comme éviter le gaspillage, faire du troc, prendre très rarement l'avion, se servir uniquement des transports en commun, cultiver son potager, confectionner ses vêtements, savoir réparer ses appareils, etc.
Celui qu'on a appelé avec dédain "un assisté éternel" a été, au quotidien, le roi de la débrouille : doté de multiples savoirs pratiques, il était nettement plus autonome que n'importe quel homme contemporain. Et même s'il est devenu, depuis trente ans, un consommateur assidu, il se rappelle fort bien de cette époque où il savait bricoler et se contenter de peu sans forcément être malheureux. Ce n'est sans doute pas ce qui lui manque le plus mais il n'a pas oublié de quoi la vie avant l'avalanche consumériste avait-elle été faite.
Ce qui lui manque certainement plus que la frugalité forcée, c'est une relative égalité sociale et des liens de solidarité très forts qui existaient aussi bien au niveau familial qu'au niveau des quartiers ou des cercles amicaux.
De tout ça, l'homme post-soviétique a gardé un souvenir ému, et il regrette de ne pas pouvoir le revivre. Il sait bien que ce passé est révolu; la nostalgie des temps soviétiques n'équivaut pas à la volonté de reconstruire l'URSS. Elle correspond à de besoins émotionnels parfois assez clairs et parfois inavoués.
Plus que la confiscation de leur Etat, c'est la représentation de ce membre amputé comme un membre entièrement gangréné qui a fait naître, dans la société russe, une contre-réaction qui aujourd'hui terrifie tant d'observateurs qui crient au retour du soviétisme.
La vision univoque et manichéenne imposée par les gagnants de l'histoire dans les années 1990 ainsi que l'attitude de l'Occident vis-à-vis de la puissance qui s'était auto-détruite ont déclenché, dans les années 2000, un violent retour de balancier, et ont mis en branle une volonté de réhabiliter, voire d'édulcorer et de pétrifier ce passé.
Enfin, les espoirs nés lors de la perestroïka font aussi partie des souvenirs très forts qui remontent régulièrement à la surface chez ceux qui les ont nourris et qui leur laissent, aujourd'hui, un goût amer. Nous nous rappelons, avec une émotion particulière, l'effervescence des années 1980, la période où l'on a cru qu'on prenait, enfin, en main notre destin collectif.
Il y a trente ans, nous pensions accéder enfin à la modernité, pouvoir choisir librement le type de société pour y vivre harmonieusement dans la liberté, l'égalité et la fraternité.
Nous ne savions pas qu'à ce moment même l'humanité basculait pour sortir de la modernité; que les individus et collectivités autonomes quittaient la scène pour céder leur place à des systèmes automatiques et cybernétiques, que le politique était en train d'être remplacé par l'économie, et les "grands récits" par la logique des systèmes qui pensent et décident à notre place. Nous ne pouvions pas imaginer que les années 1985-1991, où tout s'écroulait et tout manquait, resteraient pour nous les années probablement les plus libres et les plus enthousiasmantes de notre histoire politique. Que la foi en la force créatrice des individus réunis autour d'un projet national ne serait plus jamais aussi forte dans les décennies à venir …
La nostalgie que l'on éprouve aujourd'hui, c'est aussi la nostalgie de ce "moment moderne" raté; de nos rêves inaccomplis et de la possibilité du rêve en tant que tel.
1991 c'était l'année qui a vu sombrer l'utopie soviétique, mais peut-être aussi l'Utopie en tant que telle.
Karl Mannheim qui a décrit l'utopie comme une force motrice nécessaire à toute action collective a présagé cette disparition et a prévenu qu'elle porterait un coup décisif à la volonté humaine de façonner l'histoire et au politique en tant que tel.
Dans "Idéologie et utopie", il écrit: "Toutes les fois que l’utopie disparaît, l’histoire cesse d’être un processus menant à une fin dernière. Le cadre de référence selon lequel nous évaluons les faits se dissipe et nous restons avec une suite d’événements tous équivalents. […] Le concept du temps historique qui conduisait à des époques qualitativement différentes, disparaît… La disparition de l’utopie amène un état de choses statique dans lequel l’homme lui-même n’est plus qu’une chose. […] « Un tel éloignement de l’élément chiliastique à l’égard de tout ce qui touche à la politique et à la culture […] priverait le monde de signification et de vie. "
La nostalgie de l'URSS qui n'a jamais disparu en trente ans satisfait plusieurs besoins sociaux et remplit plusieurs fonctions.
Elle a été une réponse de la société aux dislocations identitaires majeures qui ont suivi l'effondrement, à la perte par les Russes de leurs repères psychologiques, sociaux et moraux.
Quand les convictions fondamentales d'un peuple sont ébranlées, la nostalgie collective sert à restaurer un sentiment de continuité socio-historique, d'appartenance à un "nous" durable, ainsi qu'à amortir les chocs du présent.
Cette nostalgie a été une réaction à la crise de confiance nationale, à l'humiliation vécue.
Si elle perdure aussi longtemps et soit aussi forte, c'est aussi parce que l'on est collectivement incapables de trouver dans le présent et dans l'avenir des projets suffisamment porteurs et fédérateurs. Ainsi, plutôt que se projeter dans l'avenir, on préfère se réfugier dans le passé, souvent idéalisé ou romanisé, où l'on pense trouver l'unité et le réconfort.
La nostalgie qui s'empare des peuples est entraînée par le déclin de foi en progrès, la crise de capacité d'action collective, l'apathie politique grandissante. Sans images idéales d'un monde meilleur, qu'il soit situé dans le passé ou dans le futur, notre monde serait dépourvu de tout sens de la vie, affirmait Mannheim. Ayant peu d'illusions quant à la possibilité d'un monde meilleur dans le futur, peu d'espérances d'avoir un impact sur le cours des choses, de reprendre le contrôle "des processus et des flux", que nous reste-t-il sauf à chercher le sens dans le passé?
On dirait, qu'en la matière, les ex-Soviétiques ne sont pas une exception.