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jeudi 18 octobre 2018

Démolisseurs





Je viens de voir une série de posts sur la ville de Borovsk, près de Kalouga, une vieille ville ravissante que les autorités locales ont décidé de raser. Oui, raser purement et simplement toutes les belles maisons anciennes du centre, sans doute pour construire des cliches immondes et rentables. D’ailleurs, pour détruire, il paraît que la mairie touche des subventions. Le ministre de la culture s’arrange complaisamment pour que la ville ne soit pas classée avant fin 2019, c’est-à-dire avant le moment où il n’y aura plus rien à classer. Voici le post original :
"Dans les prochains jours, l'ancienne ville russe de Borovsk sera effacée de la surface de la terre. On a choisi de détruire les plus belles maisons, presque tout le centre historique, deux maisons ont déjà été détruites, les autres sont préparées pour la destruction. Hitler n'avait pas eu le temps de le faire, mais Medinski, Artamonov et Klimov vont y arriver. Les habitants montent la garde. Dans le même temps, le ministère de la culture déclare qu'il pourra donner le statut d'agglomération historique à Borotsk seulement à la fin de 2019, quand il ne restera plus rien de la ville.
https://tass.ru/obschestvo/5683582
Rien n'empêche le ministère de la culture de rendre ce statut à Borovsk et à des centaines d'autres vieilles villes dès demain, sans attendre la préparation d'aucun document, mais on attendra leur destruction complète, et pendant ce temps, on s'appropriera l'argent pour le développement d'objets classés déjà détruits." 
Je suis tombée ensuite sur ce post à propos de Pereslavl Zalesski :
Alexandra Andreïeva : Un peu d’automne d’or et quelques objets du XVI° siècle sur le territoire de Pereslavl Zalesski, lieu de peuplement qui attend qu’on lui fasse justice en le remettant sur la liste des lieux historiques d’importance fédérale. Un pareil complexe d’objets du XII° et XVI° siècle si bien conservés dans une agglomération, il n’y en a plus dans toute la région de Yaroslavl. J’ai eu personnellement l’occasion d’entendre l’opinion d’un expert agréé du ministère de la culture comme quoi « à Pereslavl, rien ne s’est conservé ». Cela m’intéresse de le savoir, chez ces experts, la raison et la conscience se sont conservées ? »
 Le tour de passe-passe, à Pereslavl, fut de déclasser la ville pour permettre de la saccager et de venir ensuite constater « qu’il ne restait plus rien », donc on peut continuer le massacre. C’est sans doute pour cela aussi que l’église du métropolite Pierre, objet « d’importance fédérale » qu’il est interdit de restaurer sans passer par une commission agréée et un entrepreneur de même, également ruineux, pourrit sur place depuis le martyr de son dernier prêtre.
Quel genre de gens sont les vautours qui organisent tout cela, quel mental est le leur ? Ont-ils une patrie, ont-ils des ancêtres, une foi, une culture, une âme, un cœur ou sont-ils simplement des mutants, des représentants de cette monstrueuse espèce post-moderne qui détruit absolument tout ce que ses prédécesseurs encore humains avaient construit de beau, avec la nature environnante, la faune, la flore, tout ce qui vit et vaut la peine d’être vécu, écouté, regardé et sauvegardé avec amour pour satisfaire leur cupidité et leurs appétits grossiers ?
Le ministre de la culture en question est aussi celui qui a fermé le centre de folklore.
Cela me fait penser à nos ministres français qui sont tous des démolisseurs au service des lobbys industriels.
C’est une lèpre. Une lèpre affreuse. Dostoïevski avait raison de le dire : « Sans Dieu, tout est permis ». Le monde issu des révolutions, du capitalisme et de l’industrialisation est un monstrueux golem démoniaque qui ne laissera rien de vivant ni de beau derrière lui.

Photos des auteurs des posts

BOROVSK





 PERESLAVL





mardi 16 octobre 2018

Bouquet d'asters




les asters que j'ai plantés...

Il faisait si bon que je suis restée dehors bras nus, avec un ciel d’azur er des feuillages d’or qui déjà se défont. Les fleurs s’obstinent. J’ai vu que près du conteneur des poubelles poussaient des asters comme je voulais, des bleus, de grande taille, peut-être quelqu’un qui les a jetés, et ils ont pris. J’en ai déplanté quelques uns et je les ai replantés chez moi. Le but est qu’ils se répandent et se mélangent aux « boules d’or », aux roses-trémières et à ces fleurs d’automne jaune orangé qu’on m’a offertes et dont je ne connais pas le nom.  Ce qui manque à mon fouillis, ce sont les topinambours, que me donnera Nadia la chevrière au printemps,  et des cosmos, j’ai acheté des graines, j’espère qu’ils pousseront, ici, ils poussent partout. L’avantage des topinambours, c’est qu’ils sont aussi comestibles.J’ai cueilli des fruits de sorbier à baies noires, en confiture, ce n’est pas génial, mais le vin qu’on en tire est très bon, je le fais façon locale, un tiers fruit, un tiers sucre, un tiers eau et un gant de chirurgien pour fermer le bocal.
Rita est de plus en plus euphorique. Elle est très câline et me suit comme mon ombre, mais elle a tendance à poursuivre les chats. Elle m’a fait la course folle du spitz ravi à travers le jardin, une petite boule poilue et véloce lancée à toute vitesse. Nous sommes allées nous promener toutes les trois hier au coucher du soleil, Rosie, Rita et moi. Rita aime bien le jardin quand je m’y trouve, mais c’est la vraie poule de luxe, trotter à travers la campagne n’est pas son truc. En revanche, Rosie était très contente.

La lumière était magnifique sur les feuillages dorés à perte de vue et le lac embrasé et si calme, mais les prés sont de plus en plus jonchés de saloperies, de bouteilles de plastique, je me demande pourquoi les cochons responsables veulent aller dans la nature, s’ils l’aimaient et la trouvaient belle, ils ne la traiteraient pas ainsi, ou bien ont-ils le réflexe, devant cette beauté sacrée de la création, des violeurs devant une belle jeune fille intacte : saccager et ne rien laisser derrière soi ?
Je suis restée un moment à contempler ces couleurs sur le grand lac, en pensant au moment proche où il serait gelé, où tout serait à nouveau blanc et gris...Le beau temps est un miracle, une grâce, un passage d'anges bienheureux. On entend même chanter les oiseaux. Mais à vrai dire, les mésanges viennent déjà voleter devant la fenêtre pour m'indiquer qu'il faudrait penser à ouvrir le restau du coeur.
Quand j’ai déjeuné avec mes amies de la paroisse, j’ai appris que contrairement à Pereslavl, la vieille ville de Kolomna, que je connais aussi, au sud de Moscou, était très bien mise en valeur, et respectée. Les vieilles maisons intactes, de jolies boutiques et cafés. Un monastère arrangé avec un goût exquis et effectivement, j’ai vu des photos, les moniales ont dû faire une école de déco, c’est remarquable…  Comme quoi, le mauvais goût n’est pas une fatalité en Russie. Et Kolomna attirera des touristes quand Pereslavl les aura découragés...
Nous n’avons de ce côté-là, ici, pas de chance.
Mon filleul me demandait au téléphone si je ne me sentais pas trop seule... Peut-être grâce à Internet, pas trop, non, ou peut-être que j'en ai l'habitude. Je vis avec tout ce que je vois et tout ce que j'ai à l'intérieur de moi. Et avec la ville invisible de Kitej. Et la France disparue.

le lac
Pereslavl sous le croissant

lundi 15 octobre 2018

Les yeux d'un croyant

J'ai trouvé sur le fil d'actualités d'un prêtre russe cette photo saisissante, avec sa légende, que j'ai traduite:
Sur la photo, le prêtre Vassili Nadejdine. Après la prise du pouvoir par les bolcheviques, il n'a pas cessé de prêcher. A partir de 1921, et jusqu'à son arrestation, il fut recteur de l'église saint Nicolas, près de Solomenaïa Storojka. Au camp, il contracta le typhus. Pressentant sa mort, il laissa à sa femme une lettre-testament. Elle se terminait ainsi:
«Si tu savais, si les gens savaient comme il me fut facile d'aimer et combien j'étais heureux de me sentir le centre de l'amour qui rayonnait de moi et me revenait. Combien il m'était doux d'être prêtre! Que Dieu me pardonne mes faiblesses et mes péchés, par la vertu de vos saintes prières! Je te remercie pour ta musique, pour la musique de ton âme que j'ai entendue. Pardonne-moi, chérie! Paix à toi. Je t'aime. Je t'aime pour toujours, éternellement..."
En 2000, le père Vassili Nadejdine fut mis au rang des saints sous le nom de Basile de Moscou.
Photo des années 20, colorisée par Olga Chirina
Le père Constantin pense que la Russie est morte en 1917, elle n'est peut être pas encore morte, mais elle a contracté une maladie mortelle, la révolution, ou plutôt la modernité. Il en fut de même pour la France, qui s'est débattue encore un siècle, jusqu'à la saignée de la guerre de 14, puis elle a jeté encore quelques derniers feux, puis ses propres gouvernements successifs ont organisé sa disparition. Je ne sais pas si la Russie survivra. On peut se poser la même question, du reste, pour l'ensemble de l'humanité. Personnellement, en tant que chrétienne qui sent venir les derniers temps, je souhaite qu'elle dure jusque là, bon an mal an, qu'elle joue le rôle d'arche que lui donne le père Basile Pasquiet. J'ai vu qu'un prêtre américain était venu avec sa femme et ses huit enfants s'installer à Rostov; il se sentait en porte à faux dans un occident qui vend ses propres populations et se met à persécuter les chrétiens. Il ne veut pas que ses enfants servent dans une armée qui combattra les chrétiens orthodoxes. https://russian-faith.com/family-values/us-orthodox-priest-wife-and-8-children-move-russia-rostov-great-interview-n1336. Une famille de catholiques s'est installée à Samara, où elle a fini par devenir orthodoxe. On peut penser qu'une partie des chrétiens occidentaux suivront petit à petit le même chemin que lui, que moi...

La ligne rouge

"le mal détruit en premier lieu ceux qui lui ont donné naissance"
Le schisme qui se précise est un événement grave. Le fait que Bartholomée, par exemple, ait congratulé le chef de l'église uniate, Sviatoslav Chevchouk, dont j'avais démonté, dans un article sur Novorossia today, les mensonges grossiers, éhontés, sur le Donbass et la Crimée, le fait que ses exarques, soigneusement choisis, aient serré la main de Porochenko, ce mafieux sanglant, me convainc de sa profonde compromission avec des forces tout ce qu'il y a de plus ténébreuses. Bartholomée, contrairement aux gogos français qui ne veulent pas savoir, qui s'en foutent, ou qui adhèrent à la propagande et au mensonge unanimes de leurs journaux, par conformisme foncier et programmation ineffaçable, ou par rancune irationnelle, sait très bien ce qui se passe là bas, et quelles conséquences auront ses actions, et s'il le sait, on ne peut s'attendre à aucun repentir, à aucune prise de conscience: il ira jusqu'au bout, et ce qui se passe au Donbass, se généralisera à toute l'Ukraine. Quand aux orthodoxes du reste du monde, ils se partageront selon les tendances idéologiques, entre les tenants de Bartholomée et d'une "orthodoxie intelligente, libérale et ouverte" et les orthodoxes classiques, qui rejetteront le patriarche du Phanar, sa poignée de fidèles sur place et sa clientèle "éclairée", ceux qui croient dur comme fer que la Russie est encore une dictature stalinienne, sans comprendre qu'eux-mêmes sont en plein dedans, hypnotisés jusqu'au trognon par la ploutocratie et ses médias serviles. Leur aveuglement n'a d'égal que leur béate autosatisfaction qui s'exprime par des déclarations péremptoires. Et ils tiennent autant à l'un qu'à l'autre, car ouvrir les yeux poserait trop de problèmes, et si on les envoyait sur place, sous les bombes ukrainiennes, ils ne verraient encore rien, car ils ne veulent pas voir. Couverts de sang de la tête aux pieds, ils ne verraient encore rien. Mais des massacres actuels, et de ceux qui se profilent, ils sont néanmoins complices.
https://russiepolitics.blogspot.com/2018/10/billet-dhumeur-combien-de-sang-le.html
Cette frange "éclairée" de l'orthodoxie, à voir l'attitude de son patriarche, se retrouvera vite dans l'union avec le pape François, qui ne bénit plus ses fidèles pour ne pas indisposer les autres religions, c'est-à-dire surtout l'islam. Et tous ces gens très ouverts,  en arriveront à la "religion du futur" prédite par le père Séraphim Rose, dans son livre prémonitoire "l'Orthodoxie et la religion du futur". C'est en train de se dessiner, là, sous nos yeux. Et cela sera peut-être accompagné d'un chassé-croisé: les vilains réacs en Russie et les libéraux fréquentables là où est leur place.
Dans un sens, la trahison est si évidente, les forces politiques à l'oeuvre et Bartholomée lui-même,  ne prennent même pas la peine de sauver les apparences. Claude Ginesty a raison de commenter ainsi les deux porte-paroles de service, Colosimo et l'archevêque Job: "Le patriarcat oecuménique vient de révéler la présence en son sein de deux humoristes de haut vol. Les amateurs de théologie punk et de science-fiction canonique peuvent se régaler en lisant les déclarations suivantes":   
 https://orthodoxologie.blogspot.com/2018/09/humour-stambouliote.html?spref=fb

Cet article de Claude m'a fait comprendre que démonter le pitoyable article de Colosimo ne servait pas à grand-chose: le méchant vieillard du Phanar a rendu sa copie, et ceux qui la prennent pour parole d'évangile sont de toute façon indécrottables. Le mépris et la dérision sont les seules réponses adéquates. J'ai eu dernièrement un échange avec un interlocuteur "objectif" qui voulait toutes sortes de liens "sérieux" à l'appui de mes dires, c'est-à-dire sans doute des liens homologués par la grande presse. Ce que peuvent traduire des bénévoles pour donner la parole à ceux qui ne l'ont jamais est tout à fait suspect à ses yeux. Le fait que j'ai pris parti était d'emblée suspect à cet individu. Non que de son côté on ne  prenne pas parti, on ne se gêne absolument pas pour le faire, disons qu'il y a des partis qu'il est suspect de prendre. Mais je suis tombée cinq minutes dans l'illusion de la bonne volonté. Jusqu'à ce que, pour finir, il me prévînt que si j’appartenais au clan de ceux qui considèrent  l'Ukraine actuelle comme une fiction américaine, et les Russes qui subsistent là-bas dans toute une partie du pays comme autre chose que des colons sournoisement installés par la Russie tsariste, toute discussion était impossible. Je venais de lui adresser la vidéo d'une députée ukrainienne qui insistait sur le fait qu'au départ, les Russes et ce qu'on appelle aujourd'hui les Ukrainiens, avaient exactement la même histoire et la même foi.

La version  bolchevique, trotskiste, post-bolchevique, néoconne, anglosioniste  de tout cela est devenue la doxa de l'intellectuel occidental, fût-il orthodoxe, et j'ai parfois l'impression de me trouver en face d'aliens qui n'ont pas le même pays que moi, ni la même histoire, ni la même planète et n'accordent pas aux mots la même signification. Il est vrai que l'histoire est de plus en plus falsifiée selon l'idéologie et les intérêts du moment, et il faudra désormais garder tous les livres, avant qu'on ne les ai trafiqués, je regrette d'avoir perdu les trois quarts des miens. Défendre le point de vue russe, et aussi Petit-Russien, dans la mesure où des gens, en Ukraine, sont violemment persécutés par un pouvoir dont les chefs ne sont génétiquement et culturellement pas plus ukrainiens que moi et servent des intérêts étrangers, est de parti-pris. Haïr d'emblée la Russie d'une manière complètement irrationnelle, lui attribuer de toute éternité un rôle épouvantable dans l'histoire européenne, des intentions conquérantes fantasmatiques, et mettre au crédit de sa nocivité foncière les crimes d'une idéologie étrangère inoculée que tout l'occident avait soutenue et approuvée, est en revanche parfaitement convenable; même chez des orthodoxes qui pourraient avoir plus de discernement et aussi de reconnaissance, pour ce qu'elle a fait au long de l'histoire, le sang qu'elle a versé, pas toujours dans son intérêt politique ou matériel, loin de là.

Quand je discute avec des Français, mon "parti-pris" les révulse, lorsque ce n'est pas le leur, évidemment. Et la violence médiévale de mes expressions: créatures du diable ou des ténèbres etc. Mais messeigneurs, c'est pourtant bien exprimé dans les Ecritures, que notre parole doit être oui ou non et que ceux qui sont tièdes, Dieu les vomira de sa bouche. Comment appeler autrement que créatures des ténèbres les gens qui ont martyrisé tant de croyants, mitraillé des processions, réduit à la misère et affamé les paysans? Dois-je entrer "objectivement" dans les considérations de leurs bourreaux? Comment entrer dans les considérations de Maliouta Skouratov quand il étouffa saint Philippe de Moscou? Et maintenant, de quel nom qualifierais-je le pseudo patriarche Philarète qui appela à "laver dans le sang du Donbass le péché de séparatisme" ou allait quémander des armes aux Américains? Comment entrer dans les considérations des snipers qui font des cartons sur les enfants des villages bombardés par l'armée ukrainienne, et invitent même de riches étrangers à la chasse aux séparatistes? Comment trouverais-je artificiellement des défauts au métropolite Onuphre, homme de Dieu plein d'amour qui aide toute personne dans le besoin, ami ou ennemi, et des qualités à l'imposteur délirant de haine qui se prétend patriarche? Pour moi, la différence est aussi évidente, même sur le plan de la simple physionomie, qu'entre le starets Thaddée de Serbie et Adolphe Hitler.

Ces absurdités et cette langue de bois, qui reprennent la propagande en usage dans la presse et déforment l'histoire, serviront de justifications à cette frange "éclairée et intelligente" déjà plus que prête à s'en aller en dansant vers les lendemains radieux du syncrétisme ouvert et moderne, et l'adoration de l'antéchrist. On voit où l'en est, quand on a des yeux pour voir. Et dans la "religion du futur", l'Orthodoxie n'a pas de place, la vraie, pas sa parodie uniate. On pourrait donc attendre paisiblement le jugement dernier, si tout cela ne promettait pas tant de martyrs, encore, sur la terre ukrainienne concernée. Et le sang de ces martyrs, associé à la dérive amorcée par Bartholomée, rendra probablement les choses irréversibles.
Aussi, je me félicite encore une fois, d'avoir obéi au père Placide: je me sentais déjà en porte-à-faux quand j'ai décidé de partir, la France me serait, à présent, irrespirable. Ici, sur la terre russe, et malgré ses cicatrices terribles, malgré les démons qui continuent à y grouiller, je me sens à ma place. Les martyrs sont partout, dans chaque église, ils nous accompagnent. L'interminable et ferme procession des croyants russes, et brusquement, tout cela n'a pas la même importance, ou plutôt une importance autre: tenir comme eux, et ne pas haïr, mais accomplir et sauver.
A présent que Bartholomée a franchi la ligne rouge, la levée de l'anathème sur Philarète, livrant le métropolite Onuphre et ses fidèles aux chacals du libéralisme transnational, je ne pourrais plus aller dans une paroisse de sa juridiction. Il s'est pour moi identifié au clown sanglant Philarète. Nous ne jouons pas dans la même cour. D'un côté la procession de ceux qui viennent défendre nos lieux saints par la prière:http://foma.in.ua/news/tysyachi-veruyushchikh-molilis-v-prazdnik-pokrova-v-kievo-pecherskoj-lavre

De l'autre le troupeau néonazi de l'Ukraine américano-synthétique: http://infopolk.ru/1/Y/exclusive/20181014/1021410093.html#6c945777-f0d6-4201-b042-84104abba344


D'un côté Philarète, moine défroqué père de trois enfants qui prêche la violence, ce "prédicateur de mort", comme dit le métropolite de Zaporojie, de l'autre le métropolite Onuphre, qui se tient au dessus de la mêlée, fidèle à sa foi, à l'amour du Christ, à sa fonction, à son histoire et au troupeau qui lui est confié. Bartholomée et ceux qui le justifient, souvent pour de minables querelles de clochers entre paroisses, ont fait leur choix. Je fais le mien: je sais que le Christ est avec les persécutés, avec la ferveur, l'amour et la fermeté, pas avec les calculs, la vengeance, la rancoeur, le cynisme, le mensonge des puissances supranationales déchaînées qui sont en train de tous nous détruire.

dimanche 14 octobre 2018

Avant l'épreuve


Ces derniers temps, le ciel est dégagé, la nuit, et plein d’étoiles, parce que l’un des lampadaires urbains ne marche plus. Du coup, on en voit beaucoup plus, et je les regarde, comme à Cavillargues, sur la terrasse… au dessus de la maison de Violetta, je vois Mars, une brillante tache rose.
Il fait un temps miraculeux, alors que je me préparais à descendre vers l’hiver, une grâce dorée s’ouvrant tout à coup, tiède et transparente, avec dans l’azur, de très légers petits nuages blancs, épars, allusifs…
J’ai jardiné tant que je le pouvais, avant que cette grâce ne referme ses ailes solaires et n’emporte les feuillages d’or. Quel jaune étourdissant, teinté de rose prennent les ramures du poirier sur le fond bleu du ciel ! Une ardeur silencieuse et profonde qui rappelle les couleurs des icônes.
Rosie me faisait mal en me mordillant avec sa brutalité coutumière, et en réponse, je lui ai tiré l’oreille, ce qui a provoqué sa colère, elle m’a mordu encore plus fort, et j’ai crié de même. Rita était scandalisée, et jappait avec fureur, elle me défendait! Elle ne me lâche pas d'une semelle. Je l'ai emmenée à Moscou, où j'ai fêté ce matin la Protection de la Mère de Dieu, fête votive de la paroisse du père Valentin. A la fin de la liturgie, le choeur a chanté "Longue vie!" au patriarche Cyrille, puis pour le gouvernement et les armées du pays, comme si nous étions en guerre. Le père Mikhaïl a rappelé l'apparition de la Mère de Dieu étendant son voile protecteur sur l'assemblée des fidèles, à Constantinople, puis toutes les occasions historiques où elle a protégé la Russie, pour conclure en nous disant de ne pas avoir peur, car si Dieu nous prépare maintenant de grandes épreuves, Il sait aussi où il nous conduit.
La veille, le père Valentin m'avait expliqué que dans la trahison de Bartholomée entrait une vieille rancune grecque contre des attitudes maladroites, désinvoltes ou méprisantes des Russes au cours des siècles, et une rancune personnelle pour l'absence des Russes au concile de Crète. "Mais ce concile était très douteux...
- En effet, mais il avait été préparé depuis des années, et les Serbes ont fini par s'y rendre, pour énumérer tous leurs points de désaccord. Et nous pouvions faire pareil.
- Mais enfin, est-ce une raison pour poignarder le métropolite Onuphre dans le dos et plonger ses fidèles dans les persécutions? Quel genre de patriarche est-ce là?
- Je ne dis pas le contraire, il est méchant et vindicatif, nous aurions pu lui éviter cette occasion de nous le montrer..."
Personnellement je pense que si ce contexte donne peut-être un élan particulier au patriarche dans l'accomplissement de cette infamie, ce n'est certainement pas la seule raison.
Je pressens de tels malheurs que mon coeur se serre, et que je suis allée à la communion en pleurant. Je ne suis pas une inconditionnelle du patriarche Cyrille, il n'a pas le charisme du patriarche Alexis, que j'aimais beaucoup, comme d'ailleurs tous les Russes. Mais il y a une chose dont je suis sûre: la métropolite Onuphre est un grand et lumineux hiérarque. Et l'orthodoxie ukrainienne connaît un élan de ferveur exceptionnel. Ce sont ces justes qui sont livrés à la persécution par les manœuvres politiques de forces qui n'ont rien d'orthodoxe.
Le père Valentin m'a parlé ensuite de la couleur nationale que donnait chacun de nos pays à son Eglise locale et de notre fond aryen commun, qui nous réunissait tous. "Et moi, dis-je, où donc me placez-vous, là dedans?
- Vous, vous alliez les meilleures qualités des orthodoxes aux meilleures qualités des Français!"
 Je lui ai répondu que c'était exactement ce que je pouvais dire de mon ami Henri Barthas, avec lequel, malheureusement, son entretien fut trop court. Puis nous avons bu à la sainte Russie, contre laquelle ne prévaudront pas les portes de l'enfer, et à la naissance de sa dernière petite-fille, sixième enfant de sa fille Macha, dont il a célébré les louanges: "Macha est une personne remarquable, elle ne pense jamais à elle, et toujours aux autres". Avis que je partage pleinement.
En sortant de la liturgie, j'ai passé un moment avec Dany, puis, comme je tombais de sommeil, je suis entrée à la Chocoladnitsa pour prendre un café, et je suis tombée sur une joyeuse réunion de fidèles, avec la femme du père Valéri, et Yana, artiste-peintre que j'avais rencontrée à Pereslavl. Un moment chaleureux avant de rentrer à Pereslavl, au travers du grand bal de l'automne, ou les robes scintillantes et légères des bouleaux se mêlent à la sombre fourrure des sapins encapuchonnés, dans un noble défilé qui s'étend à l'infini.
Et retrouvant la maison, Rita a manifesté une joie évidente: elle s'y sent chez elle. Rosie l'a bien accueillie. Moi aussi. Mais Rosie considère la maison et le voisinage comme un fief sur lequel elle veille. L'emmener quelque part est hors de question.

Chez moi, ce soir

chute des feuilles sur ce qu'il reste de l'été

Rosie gardienne des lieux
 
La réunion des petites dames à la Chocoladnitsa.


vendredi 12 octobre 2018

Le métropolite de Zaporojie Luc : la décision de Constantinople revient à délivrer à un cadavre l'attestation qu'il est bien en vie

Un article de Pravmir traduit par mes soins:
12 octobre 2018

- On a « restauré la canonicité de Philarète ». Qu’en est-il du clergé ordonné par les schismatiques ? Qu’en est-il des sacrements administrés toutes ces années ? Ils sont maintenant reconnus automatiquement comme valables et pleins de grâce ? Ou bien non ? Peut-on maintenant enterrer religieusement les baptisés du Patriarcat de Kiev ?

- C’est une question qu’il faut adresser à Istanboul. En vérité, si Dieu veut châtier un homme,il le prive de raison. Nous en voyons un éclatant exemple dans la décision qu’a prise hier la cession d’Istanboul. Les Ukrainiens ont reçu la décision « du Phanar », prise dans la capitale d’un pays musulman, la Turquie, autrefois l’ancienne Byzance qui n’existe plus aujourd’hui, qui a sombré dans les années de l’empire, où il y a moins d’orthodoxes que dans le plus petit centre de district d’Ukraine. On peut seulement dire que le canon privé de raison n’a pas été rédigé. Aucun point de cette décision n’a de confirmation canonique ni d’explication sensée. Pour moi, personnellement, et en accord avec les canons de l’Eglise, le citoyen Denissenko ne se repent pas, pour l’instant, de son péché de schisme, toutes ses actions sont anticanoniques et dépourvues de grâce. Et ce qu’on a décidé au patriarcat de Constantinople ressemble à l’attribution à un cadavre d’un certificat comme quoi il est vivant  (comme chez Gogol, dans les «Âmes mortes », on va bientôt lui « demander » de l’argent).

- Le territoire de l’Ukraine ne coïncide pas tellement avec celui de la Métropole de Kiev au XVII° siècle. Faut-il comprendre que la décision de Constantinople ne s’applique pas à l’extérieur de cette métropole (Slobojanchtchina, le Sud et autres) ? Risquons-nous un schisme sur des bases territoriales ?
- C’est encore un aspect de l’absurdité de cette décision. Et que faire en ce cas du territoire de la Pologne, de celui de la Russie, de la Biélorussie, des pays Baltes, tous ces territoires entraient dans la composition de la métropole de Kiev dans les frontières du XVII° siècle. Maintenant, ils sont aussi sous l’omophore d’Istanboul ? 

- Le 25 septembre, le synode de l'EOU a demandé aux exarques de Constantinople de quitter le territoire de l’Ukraine. Cette demande fut ignorée. La décision de Constantinople sera-t-elle aussi ignorée par l'EOU?
- Vous savez, c’est comme lorsqu’on exige des visiteurs d’un hôpital psychiatrique qu’ils ne contrarient pas les patients. L’Eglise n’est pas obligée de respecter ce qui n’a aucun sens, ni canonique ni commun. L’Eglise va continuer à s’occuper de ce dont elle s’occupe depuis plus de 2000 ans, amener les gens à Dieu, se soucier du salut de leurs âmes, témoigner de la Vérité, dire la vérité même si elle n’est pas agréable, prier pour tous ceux qui tombent dans la folie.

-  L'appel de Constantinople à éviter l'appropriation illicite d'églises et la violence sera-t-il efficace dans la pratique?
- L’encre des décisions du Synode n’avait pas eu le temps de sécher que le chef du ministère des Affaires Etrangères d’Ukraine déclarait que nous, les fidèles de l’EOU, en union avec le patriarcat de Moscou, devions dégager d’Ukraine. Si un fonctionnaire de ce niveau, un diplomate, fait de telles déclarations, que devons-nous attendre de personnes d’un niveau inférieur ? Le premier vice-président du Parlement appelle à soutenir l'action: venir au Maïdan et boire un verre de Cahors, pour fêter la décision du citoyen turc. Regardez ce qui se passe en Ukraine occidentale depuis 2014 - des militants nationalistes s'emparent des églises, les tribunaux décident de l'illégalité de leurs actes, mais personne ne respecte leurs décisions. Désormais, ces décisions ne font que « donner des ailes » aux radicaux. Dans un pays où le nihilisme est légal, vous pouvez vous attendre à tout. C’est la répétition absolue de 1937.

- Quelle est à présent la situation dans l’éparchie de Zaporojie ? Les croyants sont-ils en danger ? A quoi doit-on s’attendre ?
- les pseudo patriotes de Zaporojie appellent à se joindre à l’action du Maïdan, se rassembler sur la place principale de la ville pour boire un verre de Cahors en l’honneur de la décision prise en Turquie. On ne m’a jamais appris à faire des prédictions, mais Dieu organise tout en vue de notre salut, et donc, Il ne nous abandonnera jamais !

mardi 9 octobre 2018

Iouriev-Polski

J'avais depuis longtemps envie d'aller visiter Iouriev-Polski, une autre vieille ville russe, à 60 km de Pereslavl (toutes les vieilles villes russes sont plus ou moins éloignées les unes des autres par 60 km, une journée à cheval). Et comme il faisait beau et que ce sont les derniers jours de "l'automne d'or" (suivi de l'automne gris, sombre et sinistre de novembre), je me suis décidée.
Rita, me voyant me préparer, s'est jetée sur son sac, me montrant par toute une pantomime qu'on ne pouvait pas la laisser. J'ai pris le sac, avec Rita dedans. Rosie, dehors, jouait avec sa soeur Eva et quelque mauvais garçon.
La route de Iouriev-Polski est très jolie, car elle traverse des espaces dégagés infinis. De grandes fontaines de feuillages phosphorescents bordaient la route grise, des cascades jaunes et frémissantes, avec encore des reflets d'un vert épuisé ou des rougeoiements intenses. Je voyais surgir de tout cela parfois des coupoles brillantes ou un élégant clocher, comme celui d'Elizarovo, le fief de mon héros Fédia. Beaucoup d'églises restaurées plus ou moins, essentiellement par le monastère saint Nicétas. J'ai attendu au moins vingt minutes à un passage à niveau et acheté un seau de cèpes à une vieille qui titubait le long des voitures à l'arrêt, cet été, je lui avais pris des pommes...
Iouriev-Polski est une petite ville assez morne, un peu délabrée mais encore peu ravagée par les cottages et les châteaux américains, sans doute faute de moyens. Le centre sent le XIX° siècle. Arrivée devant le beau monastère, en voie de restauration, j'ai vu que pas de chance, le musée fermait justement le mardi. Or il semble intéressant, avec des expositions variées. Il me faudra revenir. A Rostov non plus, la première fois, je n'avais pu visiter les musées.
A l'intérieur du monastère, le jardin avait du charme, et des allées en bois, comme depuis la nuit des temps en Russie. J'ai suivi ensuite le "val", cette butte de terre qui supportait autrefois les fortifications en bois de la ville. J'ai essayé de faire sortir la mijaurée de son sac, elle s'est assise d'un air boudeur et perplexe, pas question pour elle de se déplacer en terrain inconnu. Son ex ne devait pas la promener.
Depuis le val, j'avais une jolie vue sur le monastère et la ville, une ville oubliée entre Vladimir et Pereslavl, pleine d'espaces verts, mais il ne semble pas s'y passer grand chose, Pereslavl me paraît un endroit plus vivant.
Au moment de quitter l'endroit, je sens mon chignon qui s'effondre. J'avais voulu faire un vrai chignon, avec des épingles, je suis un garçon manqué qui vieillit mal, il faut dire que le surpoids va mal aux garçons manqués... Une jeune femme aurait pu d'un fier mouvement de tête dégager toute sa lourde chevelure et continuer ainsi, mais une grand-mère peut difficilement se le permettre. Dans la voiture, j'ai laborieusement tortillé tout cela, puis j'ai fini par me coller un foulard rouge sur la tête avec les cheveux dedans. Et les épingles!

Je soupçonne que l'église en bois a été démontée dans un village puis remontée dans le monastère

Cette maison a le style des maisons de marchands, rez-de-chaussée en briques, étage en bois.

Depuis le val