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jeudi 24 octobre 2019

Communautés



Davydovo. Photo de Liéna
Retour à Davydovo hier, avec Katia et Liéna de Rostov, pour voir Yana, qui devait nous donner du matériel folklorique. Yana estime que nous devons chanter le folklore local et organiser des manifestations qui permettent de l’enraciner à nouveau dans la population, ce qu’elle essaie de faire pour sa part. Le village-communauté de Davydovo est largement « refolklorisé ». Les gens chantent et dansent pour les fêtes, et maintenant, les femmes se rassemblent une fois par semaine pour chanter, en tricotant ou cousant, et échanger des chansons ou les commenter ensemble.
Yana était très requise par son huitième enfant, une petite fille. Ensuite, des enfants de tous âges sont venus chanter et jouer de divers instruments, elle m’a demandé de faire une démonstration, seulement comme dit Vassia Ekhimovitch, qui a fabriqué ma deuxième vielle, avec laquelle je dois aller le voir en Carélie, je chante bien, mais je joue mal ! En fait, les  gens, ici, trouvent que je chante bien, mais quand je m’écoute, je n’en suis pas certaine.
Elle nous a donné les références d’un recueil publié de chansons de la région de Pereslavl. Quelques unes enregistrées encore au XIX° siècle, mais elles sont transcrites avec des notes de solfège, et il y a une certaine dose d’interprétation à effectuer, d’après ce que l’on sait du chant folklorique, pour redonner de la chair à ces squelettes. Les notes segmentent le continuum mystérieux du chant et de nombreuses nuances leur échappent. Elle nous a donné aussi un disque, et elle nous enverra des enregistrements par internet. Ayant écouté un chanson française traditionnelle que je lui ai chantée, elle m'a dit: "Si cela est une chanson ancienne traditionnelle, alors effectivement, notre folklore est resté beaucoup plus archaïque que le vôtre. La chanson est très jolie, mais c'est une romance, je dirais du XIX° , peut-être XVIII°...
- Je pense qu'elle peut remonter même au XVII°, mais que c'était probablement au départ  une chanson de cour. Je connais moins bien le folklore français que le folklore russe, mais j'ai entendu ou lu que beaucoup de nos chansons folkloriques sont dans ce cas. Cependant, j'ai entendu un enregistrement de chant de laboureur, et là, c'est la nuit des temps...
- Ah oui, bien sûr! Tout ce qui est lié à la terre est très ancien, partout!"
Le village est joli, il reste des maisons traditionnelles, une belle église. Une autre communauté m’a contactée, Romanov Khoutor, je pensais que ce n’était pas loin de Davydovo, mais c’est plutôt du côté de Toutaïev. J’observe que se créent ainsi beaucoup de communautés néopaysannes traditionnalistes, mais à la différence des expériences françaises, elles ne sont pas new age, bouddhistes, chamanistes ou tout ce qu’on veut de mélangé et d’exotique, ce que cherchent généralement ces gens, c’est la Russie, c'est l'héritage perdu. elles semblent toutes organisées autour d'une ou plusieurs fermes, avec un vocation particulière.
Je viens d’apprendre qu’un prêtre de Rostov, le père Alexandre nous convoquait demain pour faire connaissance, il envisage une exposition et un concert et m’avait déjà repérée sur facebook. Je ne m’attendais pas à repartir demain à Rostov, et ce qui me fatigue avec les Russes, c’est que rien n’est jamais prévu à l’avance. Ou l’on supprime au dernier moment une rencontre à laquelle on s’était préparé, ou au contraire, on vous annonce à ce même dernier moment qu’il faut foncer quelque part, cela me rappelle la joyeuse époque de l’ensemble 3D, avec Micha, Sérioja et Vadim… du temps des 3D, je travaillais et j’apprenais le jeudi qu’au lieu de me reposer le samedi, j’irais chanter quelque part avec eux dans n’importe quel état un programme que je ne connaissais pas. Maintenant, je ne travaille plus mais j’ai dix ou quinze ans de plus et je me fatigue beaucoup plus vite.



lundi 21 octobre 2019

Attendre l'Apocalyse avec confiance


J’étais hier en retard à l’église,  et dans un état de profonde tristesse dûe à l’actualité de plus en plus épouvantable et à la conscience de la vieillesse qui m’enlève mes forces et me cause toutes sortes de douleurs. Encore n’ai-je pour l’instant pas trop à me plaindre, car j’ai toute ma tête, et c’est bien le principal. Ce qui me cause le plus d’appréhension, c’est l’idée de mourir avant mes animaux.
Dans l’église, je pleurais en pensant à la France. J’avais vu la photo d’une musulmane  voilée proclamant qu’elle était « dans son pays », et que si nous n’étions pas d’accord, nous pouvions nous en aller (ce que du reste, j’ai fait, sur les conseils du père Placide, qui voyait cela venir gros comme une maison). Cette provocation est le résultat de cinquante ans de propagande, d’ingénierie sociale et de mollesse imbécile. Il est évident que son islam et toute la culture qui va avec n’ont absolument rien de français. C’est-à-dire qu’à mes yeux, la France, la vraie,  est morte avec l’incendie de Notre Dame, que ces envahisseurs dansent  sur sa tombe, et qu’elle commence à se décomposer. Mais beaucoup de malheureux zombies à prénom américain ne s’en rendent pas compte, car de Français, ils n’ont plus que le patrimoine génétique, cela fait cinquante ans qu’on leur rince la tête et leur atrophie  l’âme. Aconnassis et stérilisés, ils regardent béatement une mafia sans conscience transformer leur pays en immense Kosovo, où ils serviront de bétail sexuel et de souffre-douleurs à tous ceux qu’on leur déverse sur la tête et qui, le sachant bien, se conduisent avec l’impudence correspondante. Je souhaite de tout cœur à la voilée, et surtout à ceux qui ont favorisé son impudente présence sur la terre de mes ancêtres, que cette mauvaise action ne leur profite pas. Que notre douce France disparue devienne pour eux un champ d’épines, un espace empoisonné, d’ailleurs, au rythme où brûlent mystérieusement toutes nos usines, cela ne saurait tarder, mais c’est des Français que j’ai pitié, du moins de ceux qui n’ont jamais voulu cela, et qui sont de plus en plus opprimés et marginalisés chez eux.
Je précise en passant que ce n'est même pas le voile, à mes yeux, le problème, mais ce qu'il signifie pour la créature à la pancarte, qui ne susciterait pas de réaction de ma part, si elle proclamait son amour du pays d'accueil et son adhésion à sa culture, au lieu d'envisager d'en foutre  les indigènes dehors.
La veille, j’avais vu une vidéo où deux jeunes filles russes adorables, fraîches et spontanées comme on ne l’est plus chez nous depuis longtemps, chantaient une de ces chansons françaises des années 60 ou 70, légères et pleines de joie de vivre. J'ai pensé alors que la culture française piétinée par les nouveaux venus et les Français dénaturés ne vivrait bientôt plus que dans le coeur des Russes, où elle demeure un mythe merveilleux, entre les trois Mousquetaires et Charles Trenet. (https://www.facebook.com/laurence.guillon.10/posts/10218119574294588)
 Dieu protège la Russie de cette maladie sociale qui nous a été inoculée et qui, en rendant plusieurs générations de jeunes complètement idiots, va faire de nous des lapins pourchassés sur leur propre territoire.
Ce qui m’inquiète encore davantage, c’est de voir qu’en Russie, les mêmes virus toxiques sont à l’œuvre, la même secte supranationale monstrueuse. La résistance réside dans l’orthodoxie, d’où l’attaque virulente organisée contre elle, par le biais du « patriarche » Bartholomée et de la pagaille qu’il a collée en Ukraine et partout. Le pape de Rome, lui, est entièrement au service de la secte, et les protestants en ont favorisé l’avènement depuis 500 ans, avec zèle.
L’orthodoxie, les folkloristes, les cosaques, une partie des intellectuels, les gens simples, et aussi, les communistes, utiles un moment et maintenant laissés sur le bord du chemin par la bête de l’Apocalypse.
L’église me console en cela que j’y trouve une pérennité, une tradition qui me remet dans le droit fil des siècles, où court la trame secrète et dorée de la Promesse. Et les gens que j’y vois me sont tous chers. La famille de cosaques. Les petites vieilles. Les vendeuses de cierges, si amicales. Les couples qui se tiennent par la main, les pères qui enlacent leurs fils d’un bras protecteur, les jeunes filles en fichu. Les prêtres, qui sont tous bons et dignes, chacun à sa manière. Mon cher évêque Théoctyste, quand il célèbre chez nous. C’est un monde que je reconnais, qui est inscrit dans le devenir humain et le cosmos éternel.
J’y ai trouvé Katia, et nous avons échoué au café français, pour parler des ravages de la « modernité » sur les relations humaines, entre hommes et femmes en particulier. Et de nos projets « folkloriques », auxquels je voudrais associer le fils de mes voisins qui me supplient de lui ouvrir des horizons culturels. C’est un enfant intelligent et droit, avec un caractère viril, et je voudrais bien, en effet, lui donner quelques éléments qui pourront lui permettre d’échapper à la bête de l’Apocalypse.
« J’attends l’Apocalypse avec confiance », m’écrit Claude Ginesty, devant les invraisemblables ignominies qui se disent et se commettent jusqu’au sein même de l’Orthodoxie. C’est ce qu’il me faut essayer de faire. Et prendre une distance spirituelle avec internet, qui me fascine d’autant plus que la situation est si inquiétante. Mais ignorer ce qui se passe ne me semble pas possible, à l’heure où nous devons choisir et combattre. Mon ami Henri cherche avec succès l’antidote à tous ces poisons dans ses escapades au pic de Burgarach, qu’il photographie avec talent. Dans ce qui nous reste de beauté au sein des ténèbres montantes. Et je suis allée au bord du lac, avec Ritoulia. Il y soufflait un vent violent, et la pluie commençait à tomber. L’eau était d’un vert sourd, légèrement violacé, et l’église des Quarante Martyrs, très visible, et très claire, semblait une précieuse cassette, ou un encensoir ancien qui dévidait dans le ciel entier des nuages pleins de pluie. Un couple est arrivé, tous deux très beaux, la quarantaine, je les vois de temps en temps à la cathédrale, avec quatre ou cinq magnifiques enfants. Ils ont regardé le large, puis se sont embrassés sous le même manteau, appuyés contre un arbre et battus par les gouttes obliques. J’étais sous le kiosque bleu, et je dessinais.

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Sur le chemin du lac, j'ai noté plusieurs maisons qui m'ont intéressée, au milieu du chaos affreux de toutes les autres. Il y a peu de temps, j'ai eu une discussion avec des Russes qui ne comprenaient pas mon horreur des "toits bleus comme le ciel" en tuile métallique couleur cuvette en plastique qui tuent la maison dessous, les maisons autour, le ciel et toute la nature environnante. Mais ce n'est pas la couleur en elle-même le problème, c'est son côté criard, brillant, uni et mort, plastifié, car lorsqu'on peint un toit en bleu, ce n'est pas du tout la même chose, comme on le voit ici:



 Le bleu est doux, nuancé et se fond admirablement avec le reste. Evidemment, il y a le tuyau de gaz qui passe en travers des fenêtres et les fondations recouvertes de plastique façon fausse pierre, mais ça saute moins à la gueule, ce sont des détails.
 Plus loin, j'ai vu une maison récente que je ne trouve pas vilaine du tout et qui s'inscrirait bien auprès de n'importe quelle maison traditionnelle ou d'un monastère.

 Même le toit ne me gêne pas, et il est de toute façon difficile, de nos jours, de faire un toit en tuile de bois ou en chaume... Toujours le tuyau de gaz, mais ça, les malheureux, ils n'y peuvent rien...
J'ai vu également ceci, ces merveilleux cadres sculptés: 



Ils font partie d'une maison "double". Quand a maison est coupée en deux, ce qui était le cas de la mienne, avec deux propriétaires différents, personne n'a l'idée d'harmoniser façade, toit et fenêtres, ce qui donne un effet complètement disparate.
La jolie moitié, non restaurée est à vendre, mais l'ensemble donne ceci:


Plus loin, j'ai vu une maison contemporaine assez banale, mais pas du tout choquante; et qui ne gâche pas le petit étang voisin:


Je préfère donner des exemples de maisons réussies plutôt que de montrer des horreurs, d'abord parce que c'est infiniment plus rapide, et ensuite parce que cela évite de stigmatiser!

jeudi 17 octobre 2019

Que tout souffle loue le Seigneur

Un étrange temps printanier m'a poussée à aller sur le "val" dessiner dans l'air tiède. Il ne reste plus que quelques accents dorés aux branchages nus et bruns, et je profite du frémissement de ces derniers précieux lambeaux que le soleil exalte une dernière fois. Le ciel avait des tons de nacre, doux et mélancoliques. On dit que novembre sera tiède, ce qui n'est pas forcément une bonne chose, car il sera sûrement pluvieux, ce serait bien étonnant qu'il fût ensoleillé...
Le val est l'un des rares endroits de Pereslavl qui restent jolis, avec des points de vue pittoresques sur les diverses églises et la rivière.
Les mésanges sont venues me montrer qu'il fallait penser à les nourrir. Elles viennent voleter sous mes fenêtres et se poser de façon à ce que je les voie. Le problème est que les pies et les corneilles s'attaquent au lard que je suspens et finissent par le faire tomber.
Rita est à nouveau amoureuse, moi qui pensais qu'elle ne le serait qu'une fois par an... Je lui ai acheté des sortes de pampers! A Moscou, nous avons vu son ancienne maîtresse mais elle a fait comme si elle ne la connaissait pas, à vrai dire, même à ceux qu'elle n'a jamais vu, elle prête davantage d'attention, mais pour avoir vu ce comportement chez Joulik et Doggie, je crois qu'il signifie que le petit chien n'a aucune envie de changer encore de patronne, une fois ça suffit, ras le bol. ! Car les spitz ont beaucoup de mémoire, elle ne l'a certainement pas oubliée. J'en étais même ennuyée, car sa maîtresse a bien des problèmes et la donner était sans doute la meilleure chose à faire dans le contexte.
Avant d'aller à Moscou, j'avais vu un passage de saint Païssios où il recommandait de ne pas prêter attention aux beautés de ce monde pour ne s'orienter que vers celles de l'au-delà, mais ma nature poétique en est parfaitement incapable. Je n'appréhende le Créateur qu'à travers la Création et n'ai jamais compris ces gens qui se tournent vers Dieu par détestation de la vie et le voient comme un architecte dans son bureau. Je ne dis pas que c'était le cas de saint Païssios, mais c'est ainsi que certains peuvent interpréter ce qu'il dit. Je me souviens du père Alexandre Schmemann, si contemplatif et sensible aux spectacles quotidiens de la lumière et des nuages, il y voyait l'anticipation, le reflet des splendeurs futures. J'ai toujours eu le sentiment que le cosmos était une sorte d'immense cathédrale où se célébraient en permanence les liturgies de la vie. "Que tout souffle loue le Seigneur". On découvre scientifiquement que tout est lié, ce que savent tout poète et tout artiste. Rilke, Philippe Jacottet, Van Gogh... Les arbres vivants et mystérieux, que je ne supportais pas de voir abattre dans mon enfance, sont en communication les uns avec les autres, et avec les corps célestes, les païens les divinisaient, mais ce serait à mon avis une erreur que de faire, comme les chrétiens occidentaux, du monde un tas de matière inerte exploitable à merci. Car "tout souffle loue le Seigneur, louez le, feu et glace, vents de tempête, serpents et oiseaux ailés, arbres fuitiers et tous les cèdres". Tout souffle loue le Seigneur, et accompagne nos prières, et prie avec nous. Je me souviens d'un jour où j'avais lu ce psaume dans la campagne autour de Cavillargues et où le vent s'était tout à coup levé, comme un écho allègre... Tout souffle loue le Seigneur, et le père Svevolod Schpiller disait: "Chaque chose a son ange". J'en ai parlé au père Valentin, car j'avais peur d'être hérétique, et c'est le fils spirituel du père Vsévolod; il m'a dit: "Oui, ce sont des histoires de moines, ne vous en faites pas, ne prêtez pas attention à cela". Le père Barsanuphe me disait, lui: "Il y a plusieurs sensibilités dans l'orthodoxie, la vôtre y est présente, elle a de saints représentants".
Il ne me semble pas que l’Écriture parle du firmament du paradis comme de l’habitation séparée de Dieu… car le divin est également présent en toutes choses et, d’une certaine manière, il pénètre toute la création et n’existe pas séparément de l’être, mais la nature divine honore également chaque élément de l’être, prenant compassion de toutes choses à l’intérieur d’elle-même ». Saint Grégoire de Nysse 





mardi 15 octobre 2019

Protection

J'ai enfin réussi à mobiliser ma volonté pour aller à Moscou rendre visite à mon père Valentin. Il faut dire que c'était hier la fête votive de son église consacrée à la Protection de la Mère de Dieu. Difficile de laisser passer ça...
Dans sa paroisse, je me sens en famille. Les prêtres et tous les gens que je connais ont toujours un mot gentil, et de plus, j'ai enfin réussi à repérer la dame qui s'occupe des plates bandes, et à qui depuis deux ans je voulais demander un rejet d'un églantier à ravissantes petites roses blanches, avec un port de branches très souple, de petites feuilles légères qui prennent en automne des tons rubescents, au sein desquelles les fruits noirs sont du plus bel effet. Il a deux floraisons, au printemps et à l'automne. La dame appelle cela un rosier, c'est vrai que la fleur est plus élaborée que chez l'églantier ordinaire, mais pour moi, c'est un églantier...Par la même occasion, j'ai récolté quelques roses trémières pour compléter ma collection. Cette dame à la main très verte arrive même à faire pousser des lavandes dans les parterres de l'église, mais me dit que c'est grâce au micro-climat urbain.
Le dimanche, on fêtait aussi l'anniversaire du sixième enfant de Macha, Doroteïa, et le lendemain, celui de la troisième fille de Liéna, Zinaïda. J'ai vu également Xioucha, et son septième bébé, Kyra. Et chez elle, un charmant jeune Français, Samuel, qui est en train d'émigrer. Il est beau garçon, et sympathique. Xioucha lui a trouvé une chambre à louer dans l'appartement du dessus. "On m'a reproché de partir sans lutter, m'a-t-il dit, mais je sens tellement que ce n'est pas la peine, on dirait que les gens n'ont plus aucune réaction.
- Je sais, ils sont sous hypnose. Vous savez, j'ai vu hier un Russe libéral qui, lorsque j'ai confirmé qu'après les églises qui brûlaient en série, chez nous, ce sont maintenant les usines, et que quasiment chaque jour, un "déséquilibré", ou plusieurs, assassinent le premier venu, violent impunément ou tabassent, m'a répondu: "Je ne veux pas savoir ce qui se passe en France, en Russie, ça va très mal, ça va très très mal, et c'est tout ce qui m'intéresse." Comme ça, il est bien sûr de ne pas discerner ce qui se passe au niveau mondial et de continuer à gober ce qu'on lui raconte qu'il faut croire dans les milieux intelligents, exactement comme chez nos bobos. Et exactement comme un pur produit de la République, il n'en croit pas moins, tout en étant libéral et anticommuniste, qu'avant la Révolution, la Russie paysanne n'était que ténèbres, alors qu'en dehors de leur art populaire et de leur folklore magnifiques, plus de la moitié des gens savaient lire, et les folkloristes me chantent des chants populaires élaborés sur des vers de Lermontov et Pouchkine que cette "populace" prenait dans les journaux! Mais toute cette frange d'intellectuels urbains est complètement hors sol, et parle d'autant plus dans le vide qu'elle est persuadée d'être le sel de la terre. J'ai trouvé à Férapontovo des gens qui n'ont jamais quitté leur province et qui sont plus intelligents et profonds, et d'aplomb que beaucoup d'entre eux.
- Oui, c'est sans doute le phénomène Gustave Thibon qui joue!
- Un peu!"
Samuel, et d'après ce que j'ai compris, toute sa génération, attribuent la désagrégation de la France à l'aveuglement des babyboomers, dont je ne fais partie que par la date de naissance...
Il a soutenu les gilets jaunes et pris des coups de matraque. D'après lui, ce sont là les vrais Français, le sursaut de la province, mais leur récupération l'a découragé.
Le père Antoni, avec qui j'ai échangé sur Whatsapp, m'a dit qu'il rêvait de fonder une paroisse dans un coin perdu des Alpes: "Quand on est en France, il faut monter dans les montagnes, et quand on est en Russie, s'éloigner des villes dans les profondeurs du pays".
J'ai ensuite parlé avec le père Valentin de la situation de schisme provoquée par les Américains par l'intermédiaire du patriarche Bartholomée, et rendue irréparable par la trahison des hiérarques grecs. Avec beaucoup d'orthodoxes que je connais, je ne suis désormais plus en communion. "Comment pourrais-je rester en communion avec des gens qui le sont, depuis la décision de leur synode, avec des imposteurs plus ou moins criminels comme Philarète et Epiphane Doumenko, lesquels à présent, se jettent de surcroît dans les bras des uniates et de leur métropolite menteur et complice des massacres au Donbass?
- Impossible, impossible, m'a répondu le père Valentin, pourtant très héllénophile. C'est devenu impossible, c'est fini. Le schisme est acté."
Bien sûr, comme au temps du premier schisme du XI° siècle, des gens qui ne savent rien, continueront à aller, déterminés par leur position géographique, dans leurs églises habituelles, et se retrouveront de facto d'un côté ou de l'autre sans l'avoir vraiment décidé. Mais moi, je sais. Les hiérarques grecs qui ont suivi Bartholomée savent ce qu'ils font, comme le leur a dit le métropolite de Zaporojié. Ils vouent consciemment des millions de croyants et leur pasteur, à juste titre respecté de tous, aux persécutions d'intrigants impurs, aux ordres d'une bande de mafieux supranationaux notoirement sataniques et antichrétiens. Leur pardonner est l'affaire de Dieu, pas la mienne. Je Lui rends grâce de m'avoir fait monter dans la dernière arche plutôt que de m'avoir laissée en occident, dans la nef des fous.
N'oublions pas cependant ces rochers grecs de l'orthodoxie qui ne suivent pas le triste mouvement de la course à l'abîme:
https://orthodoxologie.blogspot.com/2019/10/sur-lexcellent-blog-ortodossiatorino.html

Réaction du métropolite Luc de Zaporojié à la décision du synode grec :


Le Sanhédrin juif condamne le Christ pour une seule raison simple et banale : pour ne pas perdre de confortables conditions de vie. « Il vaudrait mieux mourir… » (Jean 18 :12). Les hiérarques grecs font la même chose. Mieux vaut que souffre le Corps du Christ, Son Eglise, plutôt que de nous voir privés de nos salaires européens, de notre confort, de nos bonnes relations avec les poches d’où sortent nos salaires. C’est quand même plus simple.
Vous vous en êtes lavé les mains, pareils à Pilate, mais vous avez souillé vos cœurs. On nous spolie de nos églises, on tabasse nos paroissiens, le sang coule sur notre terre. Et c’est là seulement « le commencement des maux » (Mat. 24 !8). Pendant que vous philosopherez sur le Christ et théologiserez sur Dieu dans vos bureaux douillets, on nous tuera pour le Christ avec votre permission. Du levain de votre hypocrisie nous a prévenu le Seigneur depuis longtemps (Mat. 16 :6) et nous sommes à nouveau les témoins de la véracité de ses paroles.
Vous n’avez pas senti  dans le baiser de Dmitrios Archondonis le goût de Judas. Maintenant que vous avez dit « A », il vous faudra dire « B » et continuer plus loin selon tous les points du plan prévu par le gouvernement du Nouvel Ordre Mondial. Après que vous aurez baisé le soulier du pape de Rome, vous baiserez déjà celui de l’antéchrist.  Cest là votre choix daujourdhui.
«Serpents, race de vipères ! Comment fuirez-vous votre châtiment dans la géhenne » ? (Mat. 23 :33). « Ainsi votre maison restera vide » (Luc 13 :35). Comme vous vous en souvenez, la trahison des juifs ne les a pas sauvés. Au bout de quelques temps, le Jugement de Dieu n’a pas tardé à venir. Dieu ne connaît que deux mots « Oui » et « Non ». Les déterminants biaisés, glissants, déguisés et perfides de votre sanhédrin ne vous sauveront déjà plus. Dieu vous a entendus, vous avez dit non à la Justice. Vous êtes allées consciemment contre la Vérité, et cela, c'est le blasphème contre le Saint Esprit qui ne peut jamais connaître de pardon (Mat. 12 :23).
Nous,  nous sommes infiniment reconnaissants à Dieu de nous avoir choisis en qualité de victimes pour la Vérité. Sans doute par les prières de la Mère de Dieu. Dans le monde entier, c’est seulement sur notre sainte terre que se trouvent trois de Ses saintes Laures. Pour nous, souffrir pour le Christ est un grand honneur. Merci à Dieu pour ce don immense : non seulement croire en Lui, mais souffrir pour Lui.  (Philip. 1 :29). A votre propos, j’aimerais pouvoir dire à Dieu : « Pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Mais je ne le peux pas, car alors, je serais un hypocrite pareil à vous.
Car je le sais à coup sû: vous savez, mais vous le faites quand même.

lundi 7 octobre 2019

Les trois Russie


sainte Russie

Je lis parfois des choses sur facebook qui me plongent tout d’abord dans une grande fureur et une espèce d’angoisse, celles d’avoir à y répondre, car je ne peux pas laisser passer ça, dans la mesure où mon père spirituel m’a bénie pour combattre. Mais c’est pour moi une souffrance, car je déteste les conflits et la polémique. Hélas nous vivons des temps où l’on ne peut vivre en paix, même intérieure.
Quelqu’un m’a inscrit sur un groupe « d’amitié biélorusse » ; des groupes, j’en ai des milliers, je n’arrive pas à tout lire, et celui que j’ai ouvert pour soutenir le métropolite Onuphre m’occupe déjà pas mal. Mais soit. Et là, je tombe sur le post d’un Français, résidant depuis onze ans au pays de Loukatchenko et avide  de démontrer que les Biélorusses ne sont surtout pas des Russes (comme si être de près ou de loin apparenté à des Russes était quelque chose d’absolument infamant), ni par leur histoire, ni par leur langue, ni par rien. Bref le syndrome de la vérole ukrainienne galopante (et inoculée).

Pour moi, il a toujours été évident que les Biélorusses et les Malorusses sont des Russes, avec des particularités locales, mais des Russes. Ceux qui ne sont pas russes parmi eux sont des sortes de polonais uniates, car ce qui fait la différence initiale entre les tribus slaves de la grande plaine, c’est l’adoption du catholicisme romain par les uns, de l’orthodoxie par les autres. Génétiquement, avec bien sûr de petits métissages locaux, ils sont tous pareils, et ça se voit. Culturellement et linguistiquement également. Ils sont beaucoup plus proches les uns des autres que de n’importe quel représentant de l’Europe occidentale, et par la génétique, et par la culture, et par la foi, et par la mentalité, et par les traditions. Les Polonais et leurs uniates se sont éloignés et puis ils se croient d’une autre essence, qui a « connu la renaissance », des Européens pur jus, pas des paysans arriérés des steppes, mais Biélorusses, Malorusses ou grands Russiens, tout ça, c’était les Russes des trois Russie qui avaient un seul tsar et un seul patriarche. Certes les frontières ont pas mal fluctué, les Polonais sont allés jusqu’à Moscou et l’ont occupée au XVII° siècle, provoquant un rejet absolu des populations. Mais les trois Russie avaient toutes en commun la même foi orthodoxe et le même folklore.
Les vidéos de folkloristes, sur youtube, sont souvent accompagnées des commentaires haineux et stupides des «Ukrainiens » ukrainisants : « C’est notre folklore, vous nous l’avez volé ; vous vous n’avez pas de folklore, vous êtes des mongols etc… » C’est complètement faux et affligeant à lire. Car justement, le folklore remonte à la plus haute antiquité , dans les trois Russie, et en démontre la profonde unité. D’une certaine manière, il rejoint même celui des pays d’Europe, qui s’est parfois davantage éloigné de ces sources millénaires, mais je laisserai cette question de côté. En ce qui concerne les trois Russie, c’est le même folklore. Des musiciens italiens venus en Russie au XVIII° siècle se sont à ma grande surprise intéressés à la question. Ce folklore les avait émerveillés par la complexité de ses architectures musicales, que de simples paysans élaboraient d’instinct. Et ils avaient observé que dans tout l’empire russe, de Pétersbourg au Khamtchatka, d’Arkhangelsk à Odessa, il s’agissait d’UNE SEULE formule mélodique qui connaissait d’infinies variations. Cela pourrait être d’ailleurs la formule de l’âme russe qu’Ukrainiens et Biélorusses antirusses renient purement et simplement. Je ne suis jamais allée en Biélorussie, sauf deux jours à Brest-Litovsk, et l’envie m’en passe au vu de telles considérations ; mais je suis persuadée qu’on retrouve les mêmes coutumes et les mêmes motifs de tissage et de broderies, symboles de fertilité, conjuration du mauvais œil etc. Qui plus est, on voyageait pas mal, par les grandes plaines et les forêts, pèlerins, marchands, cosaques ou même brigands, et le folklore aussi. Personne ne songeait alors, dans l’empire des tsars, à le revendiquer pour sa seule région.
La Biélorussie, comme l’Ukraine actuelle, sont des créations soviétiques entérinées par l’Occident via Eltsine pour affaiblir l’entité russe, le prochain stade étant de casser la Russie en deux selon l’axe de l’Oural et vous verrez que si cela se fait, ce qu’à Dieu ne plaise, avec une bonne propagande, les Sibériens dans vingt ans ne seront plus russes du tout, eux non plus. Comme en Ukraine, il y a sans doute des régions de Biélorussie occidentale qui se sentent plus polonaises que russes. Mais j’ai observé que même en Pologne orientale ce phénomène existait, en direction inverse. Ainsi je me suis arrêtée au monastère saint Onuphre, qui était russe depuis le XIV° siècle, et s’est retrouvé après la guerre, à son grand désespoir, en territoire polonais. Pour le monastère saint Onuphre, d’ailleurs, la Biélorussie, c’était la Russie…
J’avais rencontré ensuite un prêtre à Brest-Litovsk, il parlait russe, et pas biélorusse, et dans la bibliothèque qu’il s’occupait de monter pour relever le niveau culturel des populations, il mettait Tolstoï, Dostoïevski, Pouchkine et Gogol en version originale…
Au moment du démembrement de l’URSS, j’avais parlé avec une jeune Biélorusse qui était catastrophée par « l’indépendance » et me disait que personne n’y comprenait rien et n’avait rien demandé. Les Biélorusses ont eu de la chance, en un sens, car de tous les apparatchiks communistes pourris bombardés roitelets dans leur nouvelle petite république périphérique, il est le seul qui ait pris les intérêts de son fief en considération et conservé une sorte de société soviétique soft, ce qui était la meilleure chose à faire, dans le contexte actuel. A tel point que les Russes enviaient leurs voisins de l’avoir pour président. J’avais rencontré une Biélorusse dont le fils travaillait et s’était marié en Russie, comme foule de Biélorusses et d’Ukrainiens depuis la nuit des temps et aujourd’hui peut être encore plus que jamais.  La dame m’avait confié : « l’indépendance, au début, on était tous contre, mais finalement, on y trouve notre compte ». Mettons qu’aujourd’hui, le Pays d’Oc fasse sécession, avec par exemple, Robert Ménard de la République soluble dans l’UE et le Nouvel Ordre Mondial du traître Macron, et développe une politique nationale satisfaisante pour les habitants, dans 20 ans, il pourrait s’en féliciter, et le Pays d’Oc aurait bien plus de raisons historiques et culturelles de le faire que la Biélorussie.
De là à dire que les Biélorusses n’ont rien en commun avec les Russes… Alors bien sûr, quand l’histoire des gens et leur mémoire ne remontent pas au-delà de 1917, ou pire, de 1990, et que tous les liens sont rompus avec la culture et la foi de leurs ancêtres, on peut facilement prétendre une chose pareille. On dit bien aux Français, qui ont perdu tout lien avec leur passé et donnent à leurs gosses des noms américains, qu’ils doivent tout aux Arabes et que les héros de l’Iliade étaient noirs… Vous avez même des Russes qui renient leur histoire, sous l’effet d’une propagande inlassable, et mettraient leur pays avec joie sous tutelle internationale, je dirais que ceux-ci ne sont pas plus russes, en fin de compte que les Biélorusses ou les Ukrainiens revendiqués : ce sont là des mutants post-soviétiques, des serviteurs bien dressés du Nouvel Ordre Mondial. Car derrière le nationalisme régionaliste des uns et la haine de soi des autres, on discerne le même rejet général de sa spécificité, celle qui subsiste dans la foi orthodoxe, le folklore, la littérature et la mémoire commune. Vous remarquerez en passant que BHL, le principal soutien médiatique du maïdan ukrainien, en dépit du nationalisme des cavernes des banderistes et de leur symbolique nazie, se revendique auprès des Français qui eux, non plus que les Russes, n’ont pas le droit d’être nationalistes, comme cosmopolite et affirme, à la façon de Trotski, son mépris et sa haine de tout ce qui est local et folklorique, bref ce qui fait d’un peuple une famille et même une entité mystique. Je rappellerai à ce propos qu’il se place dans la droite ligne des bolcheviques. Ceux-ci avaient convoqué un « congrès panrusse des vielleux », des joueurs de vielle-à-roue (d’ailleurs majoritairement ukrainiens et biélorusses, et le congrès, là, il était « panrusse »), à seule fin de les arrêter tous et de les fusiller en masse, ce qui a pratiquement détruit cette tradition populaire. Je le tiens du grand folkloriste russe Starostine. Pourquoi leur fallait-il le faire ?

Si je regarde les vidéos des sermons du père André, du monastère sainte Elizabeth de Minsk, et les fidèles qui l’écoutent, je vois la sainte Russie. Je suis à la fois aujourd’hui et il y a cent ans et même cinq cents ans, je suis dans la sainte Russie. Si je regarde les grandes processions du lumineux métropolite Onuphre de Kiev, le métropolite lui-même, ses fidèles persécutés, je vois la sainte Russie. Tous ces croyants des trois Russie, qui n’ont pas perdu la mémoire, sont frères par leur histoire, par leur volonté, par le sang versé de leurs guerriers et de leurs martyrs, par les chemins séculaires de leurs pèlerins, par leurs nombreux saints, vénérés par tous, par leurs traditions, leurs cousinages, leur génétique, par l’âme russe qui n’a qu’une seule formule mélodique. Partout où j’entends résonner cette formule, où je vois ces moines et ces pèlerins, je suis en sainte Russie. Partout où j’entends les criailleries d’un nationalisme politique artificiel revendiquant la « démocratie » occidentale et les slips en dentelles au son du rock et du rap, je suis dans la modernité du poisson de banc voulue par BHL et consorts pour les idiots utiles. Ce qui attend les Biélorusses, s’ils se laissent mettre dans la tête ce qu’on a inculqué aux Ukrainiens, c’est de devenir un trou noir périphérique, avec une base américaine au milieu, des défilés LGBT, des usines à bébé, des filières de prostitution, des trafiquants et des mercenaires internationaux, administré par des oligarques à passeport israélien. Le stade ultérieur étant l’infiltration de migrants pour le métissage obligatoire annoncé par Sarkozy et mis en place chez nous à marche forcée, et là, adieu le joli dialecte biélorusse ou ukrainien, les chemises brodées et l’indépendance. Tous à la chaîne, tous sur le trottoir. C’est ça le programme, et pour le monde entier.

sainte Russie...

sainte Russie...

dimanche 6 octobre 2019

Mauvais goût

Première neige, mouillée, et elle ne tiendra pas. Mais enfin voilà, on passe à la dernière partie de l'automne. Il y a trois jours, je faisais une aquarelle au bord du lac dans un air suave et tiède. Ce matin, je suis partie à l'église en doudoune, et il va falloir sortir le sac d'hiver de Rita, qui est très frileuse. J'ai entrevu Katia, qui reçoit une copine de Moscou et revient de Sicile. Elle était très en forme, très jolie et discrètement maquillée, ce qui lui va bien.
Je suis allée ensuite au café Montpensier où Rita a été accueillie par son fan club et une écuelle de poulet. J'étais allée au café la Forêt la veille. J'y ai vu un Français, qui a suivi sa femme prise de mal du pays. Il est pêcheur, et trouve son bonheur à Pereslavl, il m'a dit avoir pêché 60 poissons en une seule fois. Pourquoi autant? Il me semble que si je pêchais, je prendrais juste de quoi manger. C'est la mentalité contemporaine...
Auparavant, j'étais allée à pied à l'embouchure de la rivière, près des quarante martyrs, c'est un endroit qui vaut à lui seul le coup de vivre à Pereslavl. Mais la pluie m'a accompagnée, ce qui a compromis mon aquarelle de l'ambiance nordique à l'horizon. Il y a des bateaux et des mouettes, comme sur la côte en France, mais c'est un lac nordique violacé, verdâtre, avec des nuages lourds où des taches d'azur résiduelles s'enchâssent dans l'or et la nacre. Il sera sans doute bientôt gelé, mais les canards glissent encore avec élégance sur ses eaux de plomb.
Ces changements atmosphériques m'ont épuisée, en revenant de l'église, j'ai dormi deux heures.
J'ai eu un échange avec des Russes sur une page facebook consacrée à la restauration de la vie paysanne. C'est-à-dire que voyant une photo de village avec un abominable toit bleu façon hangar de centre commercial, j'ai poussé un cri du coeur: "Encore ce bleu vénéneux, y a-t-il encore un endroit en Russie où il ne blesse pas le regard?" Manque de bol, c'était la maison de la fondatrice du groupe et j'ai provoqué un tollé. Une  journaliste (journaliste!) d'un organe de presse important ne voyait pas le problème et m'a vanté son toit rouge qui est probablement encore pire, car le rouge sang de boeuf rutilant fait généralement écho partout au bleu cuvette de plastique dans les malheureux paysages russes défigurés. Une troisième nana m'a objecté que ces toits étaient "bleus comme le ciel". Hé oui mais non... justement! Un toit de ce bleu suffit à tuer le ciel entier, toutes les maisons autour, les arbres, tout ce qui vit, respire et porte les couleurs subtiles de la vie est anihilé par un pareil toit, comme le sont les sons mélodieux de la nature par la radio que met à fond le fils du voisin quand il bricole sa voiture dehors. Le problème est que les descendants de ces paysans géniaux, qui avaient une architecture et des arts décoratifs absolument féériques, sont dénaturés par un siècle de modernité imposée à coups de pied au cul, et même quand ils veulent "restaurer la campagne", ils ne savent pas l'observer, lire les signes laissés par leurs ancêtres, leur âme est bétonnée et plastifiée, imperméable, la sève et l'eau vive ne passent plus. Il faut dire que lorsque j'avais visité Moscou en 1973, j'avais été effarée par la laideur de ce monde soviétique, les maisons, les meubles, les vêtements, les gosses habillés n'importe comment, ça laisse des traces. Et les maternelles où on élevait ces gosses, j'ai connu cela dans les années 90, ces coloriages gnangnans, ces affreux petits objets qu'on leur faisait fabriquer, ce mauvais goût désespérant... Il paraît que la femme du père Vsévolod Schpiller, émigrée revenue avec son mari au pays dans les années 50, souffrait plus que tout de ce fantastique mauvais goût contre lequel elle n'arrivait pas à lutter, car même dans l'aménagement de son propre appartement, elle ne disposait que des horreurs en vente dans les magasins de l'époque.
J'ai essayé de rattraper ma gaffe sans me dédire.. C'est sûr que je ne voulais pas faire de la peine à la dame si fière de son toit bleu... Mais ici, c'est ce qui me déprime le plus, cette lèpre galopante de la laideur contemporaine fantasmagorique. En France nous en avons jusqu'ici moins souffert, mais les démons qui nous gouvernent sont en train de s'occuper de Paris, comme les bolcheviques ont saccagé Moscou et pratiquement toutes les villes russes...
Sérioja Lochakov m'a apporté son soutien d'architecte, dans cet échange! Cela dit, la journaliste, par exemple, ne s'attend sûrement pas à voir ce genre de toits dans les pittoresques villages d'Europe où elle va peut-être passer ses vacances...
Cette question du mauvais goût, inconnu au moyen âge et introduit par la société industrielle, a pour moi des prolongements métaphysiques, elle n'est pas du tout anodine, comme le pensent beaucoup de gens qui ont grandi dedans. Milan Kundera avait écrit qu'on allait à l'église, en Tchécoslovaquie communiste, pour trouver un peu de beauté. Et aussi, que la laideur du monde contemporain était telle que si tout à coup nous le voyions tel qu'il est sans les lunettes de l'habitude, nous deviendrions fous de terreur. Et une de mes amies me disait à propos des villes du midi de la France, au centre pourtant préservé, que si elles nous apparaissaient telles qu'elles étaient il y a cent ans, nous nous mettrions à pleurer.Je n'ai jamais eu ces lunettes de l'habitude, et j'ai au contraire entraîné mon regard à voir, à voir pleinement, toute ma vie, mon regard est un trou béant sans défense . Je ne suis pas devenue folle parce que j'ai la foi, mais j'ai souvent envie de pleurer...

sur le chemin du lac, j'ai rencontré un tigre abandonné!

un canard profite des derniers jours d'eau fluide

Sibélius ou Arvö Part...

Les bateaux, les mouettes, mais ni Raimu ni Fernandel...