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dimanche 7 février 2021

Transmission

 Nous avons quand même un bel hiver. Il fait à nouveau froid, - 18, avec de la lumière. Je pense qu'après cela, nous arriverons au mois de mars, et si ce ne sera pas encore le printemps, nous n'aurons plus de températures extrêmes, nous verrons fondre la neige, pousser les crocus et les jonquilles, et je pourrai entreprendre la réorganisation de mon jardin à la suite de la catastrophe que furent l'implantation proche de la cabane en plastique sur pilotis et surtout l'avalanche de terre destinée à servir de socle à la sacro-sainte bagnole que le voisin entend vénérer quotidiennement depuis sa terrasse. Il va me falloir déplacer et planter des tas de choses, trouver un moyen peut-être d'intégrer des espaces légumes au sein de mes fleurs, et surtout, orienter la maison différemment, de façon à entrer, sortir et m'asseoir loin du monument à l'Automobile et des parties de brochettes bains de vapeur.

Hier soir, Moustachon a ramené un adorable petit oiseau, de ceux que je nourris avec amour, et j'ai cru que j'allais assommer cet imbécile repu qui bouffe comme un canon et va encore chasser pour le plaisir. Ce matin, Blackos, qui est de loin le pire de tous les parasites qui me pompent la substance, après avoir vomi sur mon lit, est allé chier sur le divan, et se planquer je ne sais où, car il sait parfaitement que cela me met en fureur. Ce qui ne l'empêche pas de me regarder avec des yeux de merlan mort d'amour, mais je comprends de mieux en mieux ceux qui abandonnent de tels malfaiteurs, bien que je sois incapable de le faire. J'ai lavé deux fois en deux jours le tissu que je mets pour protéger le divan.

Par dessus le marché, ma locataire joue avec moi les gourous orthodoxes, et pourtant justement, je ne la trouve pas très orthodoxe. Elle ne désespère pas de m'amener à prier avec elle et à participer aux vidéoconférences quotidiennes avec sa communauté, et moi, je suis du genre à "fermer la porte de ma chambre" pour prier seule, quand je suis en train pour cela, et autant je pourrais le faire spontanément en certaines occasions, autant ce prosélytisme me casse les pieds, nous ne somme pas des témoins de Jéhovah. Quand j'ai envie de prière commune, je vais à l'église. En fait, en dehors du père Valentin, il y a trois personnes avec qui je parlerais de mes problèmes spirituels, c'est mon amie Liouba, qui est très sage et très profonde, Henri et Dany.

Je vois des gens m'écrire comme si j'étais une poutiniste enragée; mais en face de Navalny, je soutiendrais un chimpanzé ou un crocodile, tant ce type est une nullité manipulée que seuls de petits cons décervelés et des intellectuels à côté de la plaque peuvent considérer comme une alternative. Nous n'avons plus la possibilité d'une démocratie, si tant est qu'on l'ait jamais eue, et jusqu'à récemment, la popularité énorme de Poutine lui donnait une légitimité populaire absolue à mes yeux. Un pays où l'on peut respirer sans masque, où les cafés, les restaurants et les magasins sont ouverts, où l'on peut sans problème pratiquer sa religion, créer ce qu'on veut, dire ce qu'on veut, voir qui on veut, aller où l'on veut, où l'on ne fait la chasse ni aux croix, ni aux crèches, ni aux sapins de Noël, ni même aux voiles, où l'on n'est soumis à aucun diktat idéologique ne peut pas être considéré comme un tyrannie. Il y a des tas de choses qui ne vont pas ici, elles ont souvent tout à voir avec ce qui ne va pas chez nous: la toute puissance des structures supranationales, des banques, des oligarques psychopathes richissimes, les bouleversements sociaux et même anthropologiques qu'ils veulent nous imposer. Ce qui suppose l'abrutissement de la population et sa perversion, pour la préparer à sa disparition et sa dissolution dans un magma multicolore et arc-en-ciel complètement stupide. D'autre part, il est incontestable qu'on risque beaucoup plus à empiéter sur les intérêts de promoteurs mafieux qu'a soutenir des idées politiques dissidentes. Comme me le disait déjà le voisin, pourtant libéral, du père Valentin, à propos de sainte Politkovskaïa, "les crimes ne sont plus chez nous liés à une idéologie mais à des intérêts mafieux".

Je pense que Poutine déçoit son électorat, non parce qu'il est le croquemitaine présenté comme tel aux gogos français par des russophobes rabiques tels qu'Ackermann, Vitkine, Glucksmann et autres clones de Trotski, mais parce qu'il ménage trop la chèvre et le chou, il veut trop plaire à ses partenaires. Contrairement à ce qu'on raconte en France, il n'a aucune envie de faire la guerre, le pays est convalescent et n'en a pas les moyens. Il a récupéré la Crimée, mais il a laissé tomber le Donbass; il a laissé l'Ukraine devenir un trou noir mafieux. Peut-être d'ailleurs ne pouvait-il pas faire autrement. Cela dit, sans lui, la Russie n'existerait plus, ou serait réduite à l'espace de celle d'Ivan le Terrible, assiégée par les tatars et les Polonais. C'est sans doute parce qu'il a évité cela que les néocons le détestent tellement.

Il y a 20 ans, il avait tout le pays derrière lui, et il nous parlait des ciments spirituels et culturels de la Russie, mais il a laissé construire le centre Eltsine de Ekaterinbourg, cette antenne maléfique de la propagande américaine où l'on amène les gosses par classes entières entendre et voir tout ce qui peut salir et rabaisser leur pays, et le leur faire détester, en leur proposant le radieux modèle occidental dont nous voyons aujourd'hui la brillante réussite au pays des racailles souveraines et des concombres masqués. La télé est un instrument à décerveler et à avilir, exactement comme partout ailleurs. Les ministres de la culture successifs n'ont qu'une idée, c'est déconstruire la Russie en marginalisant et démodant sa culture au profit de merdes occidentales répugnantes. L'éducation est également détricotée sur le modèle américain, la famille exposée aux injustices et à l'arbitraire de la justice juvénale. Que fait Poutine? Les navalnichons sont le produit de tout ce qui s'est fait ou ne s'est pas fait, pendant les vingt dernières années.

Un ami qui émigre en Russie en passant par la Biélorussie s'effraie de voir des enfants de familles orthodoxes s'enavalnichoner. Oui, moi aussi, mais si je milite pour la restauration du folklore partout où c'est possible, c'est parce que malheureusement, une éducation orthodoxe ne suffit pas. A la limite, quand sous l'URSS, antirusse et anticléricale dans sa conception, les gens bénéficiaient encore de leur folklore localement, écoutaient de bonnes chansons et de la musique classique, lisaient les auteurs russes du XIX° siècle, même censurés et triés, regardaient des films soviétiques appelant à l'héroisme et au sacrifice, pouvaient encore contempler des sites historiques ou naturels qui n'étaient pas ravagés par une lèpre immobilière incontrôlable, ils restaient plus imprégnés d'esprit russe et d'orthodoxie qu'actuellement, où la religion est librement pratiquée, et toutes les publications permises mais confidentielles. La censure se fait maintenant par l'omission, la marginalisation, le dénigrement, la paupérisation, la substitution dans l'espace médiatique, de la soupe mondialiste vulgaire partout imposée au terreau culturel, mémoriel et spirituel indigène. Les familles orthodoxes trainent leurs enfants à l'église, mais le terrain est mal préparé. En dehors des séances d'église, il n'y a souvent rien, ni musique en commun, ni lectures de classiques, ni visites de musée, ni conversations. Un enfant a besoin de contes, d'épopées, de modèles héroïques, il a besoin d'admirer pour imiter. L'église lui demande un trop gros saut pour se mettre au niveau, il manque toutes sortes de paliers intermédiaires. J'ai connu un prêtre en Biélorussie qui organisait une bibliothèque que je supposais religieuse, et il m'avait répondu: "Mais nous n'en sommes pas là, si déjà ils lisaient les classiques..."

Les familles réussies que je vois autour de moi ne sont pas seulement orthodoxes, ce sont des folkoristes, des cosaques, des artistes aussi. Avec des enfants à la fois épanouis et adorables, équilibrés. La famille Rimm par exemple, où ils sont si frais et purs, et ont toujours le réflexe de partager, de demander qu'on n'oublie pas de servir leurs frères et leurs soeurs. Ou le plus petit prend déjà des airs virils et suit, éperdu d'admiration, l'ataman à la trace. Les enfants de Kolia Sakharov, éblouis par leur père sur scène. Ceux de Skountsev; ceux de Sacha Joukovski. 

Les cosaques de Pereslavl qui font beaucoup d'enfants et forment une communauté unie dont ils représentent l'espoir et la projection dans l'avenir, les ont mis au monde pour leur pays, et tout ce qu'il représente, ils cherchent à élever des héros et d'éventuels martyrs. Et ces enfants en sont heureux, car ils s'inscrivent dans quelque chose de grand, avec des adultes qu'ils respectent, qui leur offrent un modèle à suivre.

J'ai vu un film qui présentait des couples de jeunes folkloristes et expliquait très bien en quoi la musique traditionnelle avait cimenté leurs relations et donné à tous les jeunes qui le pratiquent une échappée dans un autre monde, profondément satisfaisant, profondément en accord avec la nature humaine et son besoin d'échanges, d'appartenance à une communauté. Une communauté qui va plus loin que les engouements de la mode, car elle a des ramifications dans le passé et une projection dans l'avenir, par l'effet de la transmission. C'est-à-dire tout le contraire de la navalnomanie, qui méprise généralement ce qui est russe, comme le bobo chez nous méprise le franchouillard.

 


Je suis parfois assez critique avec l'administration russe pour pouvoir affirmer que dans le monde où nous vivons, quand cela ne va pas trop mal, qu'on vit en paix et qu'on conserve des libertés fondamentales, celle de culte, de pensée, et d'entreprise, il vaut mieux lutter localement avec ce qui ne va pas que tout foutre en l'air car nous n'aurons pas mieux, nous aurons pire. Et même bien pire. Nous aurons l'Ukraine, ses bandits de grands chemins à folklore néonazi, ses oligarques à triple passeport, ses mercenaires otanesques, ses règlements de compte et ses persécutions.

vendredi 5 février 2021

Anniversaire à Peredielkino


 Prise d'insomnie sévère, je suis partie pour Pereslavl à cinq heures du matin, pensant que de toutes façons, je serais crevée le lendemain, alors plutôt que de tourner encore trois heures dans mon lit, autant rouler...

Mal m'en a pris, car il neigeait, et je me suis retrouvée sur le périphérique extérieure, le MKAD, de nuit, dans la tourmente, je ne voyais même pas les lignes blanches de la route, je recevais des paquets de bouillasse à chaque passage de camion, le liquide antigel gras diluait les lumières des phares, sur le pare-brise, et je distinguais les lettres des panneaux au dernier moment. J'étais déjà épuisée en abordant enfin la route de Iaroslavl. Je me suis arrêtée dans une station service au centre commercial Leroy Merlin de Pouchkino pour boire un café. Puis une autre fois quarante kilomètres plus loin, et là, j'ai dormi vingt minutes en attendant qu'il fasse jour.

Si j'étais dans cet état-là, c'est que je n'ai pas arrêté de voir des gens, qui à chaque fois, me servent à bouffer et du thé, le thé, en fin de journée, m'empêche de dormir, surtout à dose massive. J'étais allée chez Macha, avec laquelle on ne peut avoir une conversation normale à cause de ses gosses, ce qu'elle admet elle-même. Je me pose du reste des questions sur les générations nouvelles, car écrivant mes souvenirs d'enfance, je me souviens parfaitement, que la plupart du temps, avec ma cousine, avec ma copine Agnès à la Surelle, ou avec mon amie Carole à l'Armençon, non seulement nous jouions seules, mais nous n'avions aucune envie que les adultes viennent au milieu nous casser les pieds. Ce sentiment était d'ailleurs, à mon avis, réciproque. Les adultes étaient trop contents de pouvoir deviser sans enfants dans les pattes.

Ensuite, je suis retournée chez les Messerer, avec qui j'ai encore bu le thé, puis je suis allée chez Lisa, chez qui j'ai à nouveau bu le thé, et mangé des gâteaux... 

Lisa a une impressionnante collection de sifflets et de jouets de terre traditionnels, pas seulement russes, mais d'Asie Centrale, de Pologne, des pays baltes et scandinaves, tout cela entassé dans la chambre minuscule de sa minuscule maison de Peredielkino. Elle a aussi énormément de livres sur la question. Cette passion remonte à son enfance. Elle m'a montré sur un livre trois jouets qui lui ont été ensuite offerts par l'auteur du livre lui-même, quand elle l'a rencontré à l'âge adulte. 

Elle a aussi beaucoup de vêtements traditionnels qu'elle fait elle-même, avec des étoffes magnifiques, qu'une association d'enthousiastes imprime à nouveau, et elle les porte pour les fêtes. Dans la vie ordinaire, c'est plutôt le genre sportif, jeans et baskets. Elle fait également des vêtements actuels inspirés par le style traditionnel. Elle m'a montré une jupe qu'elle a composée avec un bout de tissu dont on se servait quelque part de serpillère. Elle a demandé à le récupérer, l'a lavé et utilisé, en lui ajoutant des applications d'autres tissus, et obtenu quelque chose de très stylé.

Je ne sais pas comment elle a le temps de faire tout cela, en plus de son boulot de pédiatre, et de voyager en Russie. Naturellement, elle est jeune, mais quand même, elle a une sacrée énergie. sur le seuil, elle m'a offert une poupée traditionnelle russe qu'elle a faite elle-même.



La veille, j'avais fêté mon anniversaire chez les Messerer, dans leur grande maison qui fait souvent office de galeries de tableaux, les leurs et ceux des copains. Je ne savais où poser les yeux tant il y en avait de superbes, consacrés à Saint-Pétersboug et sa poésie nordique fantasmagorique. C'était en petit comité, par rapport à l'année dernière chez Dany et Iouri, parce que Peredielkino, c'est plus loin, et la salle à manger n'a pas la dimension de leur théâtre. Mais c'était très gai, chaleureux et touchant. Skountsev était là avec sa femme, de sorte que nous avons pu sacrifier à la tradition russe, qui est de chanter à table. J'ai porté un toast "aux couples présents, car moi qui suis seule, je ne peux que saluer ceux qui se sont trouvés sur la base d'un univers spirituel et culturel commun et ont réussi à passer toute leur vie ensemble, plus ou moins dans l'harmonie." Marina Skountsev, les larmes aux yeux, s'est écriée: "Lora, Dieu vous bénisse!"

https://www.facebook.com/laurence.guillon.10/posts/10222237085349791?__cft__[0]=AZXHJu6x84R9YI58ljURyQ59gFeeWyx6Zn-8lEjp9M14fNfdSSj-TP_dnRIh32fSxHWYUG65SSH_EuIHkK7w2JqkZfUm2xeqqqbThA8vUPS8TMFHqeiv5ZWx4KRFJX7L3NXS8yczY02gomFObc4Wn8ee2kv2Lw8_h3k6EXyWvYY0Ag&__tn__=%2CO%2CP-R

Sérioja et Tania Lochakov m'ont proposé de fêter chez eux l'anniversaire suivant, eux aussi vivent en dehors de Moscou. Il faut croire que mon anniversaire est en passe de devenir un événement mondain!

au premier plan Kostia Soutiaguine, puis Sacha Messerer

Skountsev et Marina

Ritoulia est aussi de la fête
avec Serioja Lochakov




lundi 1 février 2021

Saint Ouar

 


Le père Valentin m'a emmenée à l'église principale des vieux-croyants de Moscou, c'est tout un ensemble, avec une boutique et une cantine, plusieurs églises. Il est surprenant qu'elles soient d'un style occidentalise, alors que l'église attenante bâtie au XIX siecle pour les tenants du vieux rituel qui reconnaissaient l'église nikonienne est dans un style neorusse charmant. D'après le père Valentin, il y a beaucoup de différences entre les textes utilisés par les vieux-croyants et ceux des nikoniens qui se basent sur les originaux grecs. Il s'est beaucoup intéressé à la question, pour des raisons linguistiques et par sympathie romantique pour les vieux-croyants. Il considère qu'on a eu raison de corriger ces textes. En réalité, ces corrections seraient sans doute bien passées, si on n'avait pas modifié des choses plus évidentes, plus cruciales et moins importantes touchant au rituel. Il m'a dit que les tsars avaient fait plusieurs tentatives pour réparer le schisme, en proposant de réintégrer les tenants de la vieille foi en leur permettant de garder leurs usages, mais seulement une partie d'entre eux à réagi favorablement. À un moment, la vieille foi menaçait, si l'on peut dire, de devenir majoritaire dans le peuple qui restait attaché à ses usages. 

Il voulait me faire un cadeau pour mon anniversaire et comme je m'extasiais sur les icônes de laiton émaillé, il m'a demandé d'en choisir une. J'ai pris saint Ouar, non parce que c'était la plus belle, mais parce que c'est un saint que l'on prie pour les gens morts dans l'incroyance. 

Je lui ai rapporté que d'après ma famille, au moment de mettre dans le caveau des Pleynet les cendres d'Henry, la tombe et nos proches avaient été brusquement inondés de soleil par une brèche dans les nuages. "C'est bien sûr un signe.... M'a-t-il dit. 

- C'est bien ainsi que je l'ai ressenti, mais si ma famille en a été frappée, rien ne saurait la pousser à franchir le pas, elle vit sans cela et je suis la seule à y prêter une véritable attention. C'est pourquoi j'ai choisi saint Ouar."

Le territoire de ces églises était blanc de neige sous une vive lumière et des vapeurs flottaient dans l'azur, derrière les coupoles dorées ou multicolores. Je m'enfoncais dans ce spectacle qui me faisait oublier les immeubles en béton, et j'en ressentais une impression de répit et de grâce, songeant que la Russie demeurait en de tels endroits et certainement pas dans les défilés des navalnichons. J'ai eu même réconfort plus tard dans la cantine de l'endroit, quand le père Valentin a prié silencieusement pour bénir le repas. Une sorte de paix bénéfique et chaude. 

Je suis ensuite allée chez Xioucha, que je n'avais pas vue depuis une éternité. Un de ses ados a décrété qu'il était pour Navalny, j'ai eu la flemme de lui demander pourquoi, mais je le regrette. Il est très musicien mais chante en anglais à la guitare électrique, et tout cet anglosaxonisme africanisant universel de rigueur m'emmerde. Sa fille aînée est sortie de l'âge ingrat et elle est devenue un être humain agréable. Elle est très artiste, elle dessine très bien, elle coud et aime à créer des modèles de vêtements. 

Enfin je suis partie à la rencontre d'Albert qui était revenu à son état normal et était prêt à me couper les cheveux 

La veille, Skountsev était venu répéter avec moi pour que j'apprenne à jouer en groupe, ce qui n'est pas possible à distance. Nous avons fait un récital à la famille Asmus. Je mesure la distance entre l'univers de Skountsev et de ses fils, et aussi des cosaques de Pereslavl et leurs enfants, et puis les navalnichons, béats devant la culture de masse de la matrice mondialiste. Xioucha m'a raconté que la fille d'une de ses amies libérale ayant amené chez elle, à l'issue d'un meeting, des navalnichons bourrés ou jointes, ou les deux, cela s'était terminé par une bagarre dans l'escalier, puis par des depredations commises sur les voitures garées dans la cour. "Le voilà, notre avenir radieux," m'a-t-elle dit en rigolant.

Ce matin, j'ai vu que France Musique annonçait l'arrestation des enfants du pianiste Berezovski, il se trouve qu'ils habitent l'appartement du dessous, et j'ai vu l'un d'eux il y a 2 jours, un charmant petit intellectuel de 15 ans au physique asiatique. Sa mère raconte d'après France Musique, qu'il a été embarqué, avec sa sœur, qu'on avait voulu leur faire signer un papier et que c'était "pire que sous Staline".  Connaissant ce genre de public, je dirais que pour ce qui est de Staline, c'est sans doute très exagéré, mais que si les enfants Berezovski ont conservé leurs deux yeux, leurs deux mains et leur mâchoire, c'est que c'est toujours mieux que chez Macron. On les a d'ailleurs aperçus dans l'escalier en pleine forme. https://www.francemusique.fr/musique-classique/les-enfants-du-pianiste-russe-boris-berezovsky-arretes-a-moscou-92385

 C'est sur que sous Staline, on ne les aurait pas relâchés aussi vite. Et d'ailleurs les manifestations auraient été impensables, Navalny lui-même aurait été discrètement enlevé ou liquidé avec efficacité et non victime d'une indigestion passagère de soi-disant poison violent. 




dimanche 31 janvier 2021

Les navalnichons

 À l'église du père Valentin, encore beaucoup de masques, mais pas d'hostilité envers ceux qui ne le portent pas. Quand j'ai reçu l'eucharistie, j'ai voulu baiser le calice, comme de toute éternité et comme on fait à Pereslavl, mais le père Valeri m'a arrêtée, la chose est interdite, ici, je l'avais oublié. Et on se confesse pas, on écrit ses péchés sur un bout de papier. Les prêtres les ramassent, je ne sais pas ce qu'ils en font. Il y avait peu de monde, c'est que beaucoup de paroissiens du père Valentin, bien que lui-même soit monarchiste, s' apprêtaient à aller manifester pour Navalny. Ils avaient autre chose à faire
Après l'office, je suis allée à la chocoladnitsa avec Dany. Nous venions de déjeuner en devisant derrière la vitrine, quand nous avons vu les trottoirs se couvrir d'une foule dense de jeunes gens bien nourris, bien frais et bien habillés qui criaient:"à bas l'état policier". Et cela sans représentants féroces de l'état en question pour leur taper dessus, leur faire sauter un œil, la mâchoire ou une main, comme dans la démocratie de Macron l'eborgneur, ni les traîner par les cheveux ni les disperser à coups de canons à eau.

Dany et moi venions de discuter de la France et de ce qui se passe, et du fait que la Russie était le dernier pays de culture chrétienne et européenne on l'on pouvait vivre et respirer. En effet, mais les créatures des ténèbres qui sont en train de détruire l'Amérique avec Biden et l'Europe avec des satrapes de service tels que Macron et Merkel ont décidé de passer à la vitesse supérieure en injectant à la Russie le virus Navalny. Qu'on puisse se fier à cette gueule en biais au regard de poisson mort est pour moi un mystère total, mais il faut dire que les générations élevées hors sol n'ont plus aucun discernement et cela dans tous les pays. Ce qui m'étonne, c'est quand des gens équipés d'une certaine culture se laissent abuser par de tels bateleurs, mais quand on voit ce qui s'est passé en 1917, et qu'on se souvient du tableau de Repine ou une foule de gens bien sous tous rapports et propres sur eux défilent galvanisés et les yeux hors de la tête... Pas mal de gens se laissent prendre aux mouvements de rue qui donnent tout à coup de l'éclat à leurs existences minables. 

Consternation totale chez le père Valentin, sa fille Liena, son gendre Aliocha et moi-même. Liena m'a parlé d'une amie de la famille, une aristocrate émigrée aux ancêtres frondeurs dont la famille était revenue en Russie dans les années 50, qui trouve tout à fait normale la dislocation éventuelle de la Russie en plusieurs petits fiefs gouvernés par des satrapes de la Caste. 

La Russie sera ramenée aux frontières qu'elle avait au temps d'Ivan le Terrible, et si cela se produit, comme il y a de fortes chances, au moins resterai-je sur son territoire au lieu de me retrouver dans une espèce d'Ukraine où les Russes seront brusquement étrangers chez eux, obligés de se renier ou de constituer partout des Donbass résistants pour essayer de rester eux-mêmes. 

J'espère que nous n'aurons pas de visites triomphales des traditionnels oiseaux de malheur, BHL, Glucksmann, Ackerman et autres Alexievitch, et que si cela se produit, ils se prendront enfin dans la gueule non une tarte à la crème mais une grenade degoupillée.

Nous regardons ce soir passer les cons avec le poignant sentiment de grands malheurs à venir.

.


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samedi 30 janvier 2021

Albert

 

Les cosaques Olga et Romane sont venus voir mon terrain, dans le but d'y construire une palissade, à la place du grillage que le voisin Oleg m’avait posé, pour créer un début d’écran visuel. Ce sont eux aussi qui se chargeront des arbres, ils ont un ami paysagiste. Romane me déplacera aussi sans problème le perron et l’escalier, je prendrai mon petit-déjeuner loin de la maison moche et de ses occupants, parmi les fleurs du poirier et du prunier, puis les feuillages d’été et d’automne, et j’aurai la vue, pour l’instant, sur l’isba de l’oncle Kolia, et sur mes fleurs. Je crée aussi un écran végétal préventif de ce côté là. Peut-être devrai-je remercier le voisin pour m'avoir obligée à envisager cela, car ce sera beaucoup plus agréable. Evidemment, cela me cause aussi toutes sortes de dépenses et me prive de potager, du moins pour l'instant, mais je trouverai peut-être une solution. Mélanger fleurs et légumes, par exemple. Le perron là où il sera me mettra à l'abri des regards, tout en me donnant de jolis points de vue. Je ne me voyais pas, quand je sors hirsute et hagarde pour déjeuner tranquille en plein air, faire coucou aux habitants de la maison voisine sur leur terrasse qui me surplombe...

Romane est un grand type baraqué avec un anneau d'argent à l'oreille, habillé comme un cosaque, et Olga est aussi vêtue à la cosaque, robe longue, cheveux enfermés sous un foulard noué sur la nuque. Elle porte son dernier bébé sous sa veste ouatinée avec juste la tête qui dépasse. Les cosaques font beaucoup d'enfants, et ils les élèvent très bien.

Olga et Romane sont très sympas. En fait, tous les cosaques sont très sympas. C’est pourquoi quand même je me cramponne à Pereslavl: les orthodoxes, les cosaques, le café français et son patron, et mon merveilleux évêque.

Je suis ensuite partie pour Moscou ou je n'étais pas allée depuis longtemps. Soi-disant Poutine a supprimé les mesures anti covid mondialistes, mais on a exigé que je fasse semblant de m'accrocher sur la gueule le masque que je traîne dans une poche, à la station service et dans l'espèce de centre où mon coiffeur Albert exerce ses talents. De plus, le gardien n'a jamais voulu me laisser entrer avec ma chienne qu'il avait malheureusement repérée.

Albert a proposé de m'accompagner à la voiture, que j'avais laissée près de chez le père Valentin, pour revenir ensuite me garer près de son centre. L'aller-et-retour représentait une sacrée distance, j'avais mal partout. En chemin, je me suis rendu compte que mon Albert était complètement bourré. Il me l'a d'ailleurs avoué lui-même en ajoutant qu'il était un imbécile et en m'assurant que néanmoins il me ferait une coupe super. Arrivé près de la voiture, il a fondu en larmes: non, il ne serait pas capable de me couper les cheveux... "Bon, Albert, ce n'est pas grave, on fera ça lundi...

-Non, non, plus jamais...

-Mais si, Albert, je vous rappellerai...." 

Je m'étais décidée à me faire couper les cheveux mais il faut croire que ce n'était pas mon destin ! Jamais Albert ne m'avait fait un coup pareil, un génie du ciseau, un travailleur, un père de famille.. . J'ai cru comprendre qu'il s'était disputé avec sa femme.

Après une pareille aventure, j'ai accepté avec reconnaissance le verre de mousseux que m'offrait Kolia, le fils du père Valentin. Ce dernier m'a proposé de la vodka avec des airs de conspirateur, mais j'ai préféré continuer au mousseux. "Il s'est disputé parce qu'il avait bu, et ensuite il a bu parce qu'il s'était disputé" m'a dit Kolia qui s'y connaît.





 



Moustachon et Blackos dans l'ignorance que j'allais partir pour quatre jours.

lundi 25 janvier 2021

Mars en janvier

Aujourd'hui, température et lumière du mois de mars, c'est le printemps; tout fond. Sauf que ce n'est pas le printemps. Impossible, il y a encore devant nous tout février, et mars, ici est plus rude que les hivers les plus mémorables en France.
Néanmoins, j'en ai profité pour aller dessiner au lac; en voiture, car aller à pied sur la glace savonneuse ne me disait rien.
Les nuages étaient pareils à des échevaux d'argent roulés dans de la nacre. Le soleil resplendissait comme un disque blanc et calme dont les rayons rebondissaient sur ces légères vapeurs. J'oubliais les horreurs de notre temps dans cette brèche d'éternité que la beauté ouvre dans les rideaux tirés du quotidien.



Auparavant, je m'étais entretenue au téléphone avec un jeune vendeur d'une pépinière qui procure des arbres de grande taille. Mais je ne peux pas en prendre de trop énormes non plus, car le transport et la plantation seraient trop chers. Je me suis arrêtée, sur deux pins de 2.50 de haut. Ils prennent de 20 à 40 cm chaque année, mais il leur faudra un an ou deux pour recommencer à pousser après la plantation. J'ai pris aussi un sureau canadien, avec un feuillage jaune et de grosses fleurs blanches. Il pousse très vite, et il aime les endroits où la nappe phréatique est proche, il assainit même le sol où il se trouve, et il ne vient pas plus haut que quatre mètres, ce qui suffit à créer un écran, sans dérober toute la lumière. J'adore les sureaux, il y en avait plein dans le Gard, les soeurs de Solan faisaient du sirop de leurs fleurs.
Cela fait des temps que je me creuse la tête pour me soustraire à la vue de ceux qui vivront sous mes fenêtres, et m'épargner celle de leur boite d'allumettes plastifiée, avec la bagnole posée avec amour sur l'énorme masse de terre importée par cet imbécile, comme un char d'assaut sur un monument soviétique de la seconde guerre mondiale. Il faudra bien trois ou quatre ans pour y parvenir, et je ne sais pas combien de temps je vivrai encore.
Il me faudra faire creuser une petite mare, pour éviter que toute l'eau ne stagne dans ma cave. 
Skountsev me dit qu'il a violé toutes les règles, en construisant sa maison si près, et m'a donné des adresses pour déposer un recours, mais cela reviendrait à une déclaration de guerre, et je n'aurais plus de vie, seulement un conflit permanent avec un crétin. Personne ici ne respecte aucune règle, et beaucoup ont un mépris de la nature et de ses impératifs absolument colossal, ce qui n'est pas dans le tempérament russe classique, mais bien dans celui du soviétique de base, comme dans celui du capitaliste, d'ailleurs, leur mentalité est le résultat du même lavage de cerveau et aboutit à l'éducation du parfait mutant moderne, qui produit à son tour des rejetons maussades à l'esprit et au coeur atrophiés.
Ce sont ceux-là que, dans le monde entier, la super mafia utilise pour régler ses comptes avec les gouvernements qui ne lui conviennent pas, soit qu'ils gênent les affaires, soit que leurs  propres intérêts mafieux soient contraires aux siens.
Chez les cosaques et les folkloristes, on ne voit pas de telles gens ni de tels enfants. 
Si Poutine avait pris soin de concrétiser ses discours sur les ciments spirituels et culturels de la Russie, Navalny aurait moins de petits cons à fanatiser pour mettre ici le bordel souhaité par l'Empire. Mais ses ministres de la culture successifs n'ont eu qu'un seul souci, détruire le patrimoine, empêcher la renaissance culturelle russe en fermant le centre de folklore ou le centre de culture slave, promouvoir ce qui déconstruit et pervertit, casser l'éducation, faire de la télé un instrument d'abrutissement et d'avilissement. Il a même laissé édifier et fonctionner ce centre Eltsine d'Ekaterinbourg qui est un organisme de propagande pro américaine et russophobe particulièrement toxique, où l'on emmène les enfants par classes entières apprendre combien l'histoire russe, jusqu'à sa colonisation des années 90 par l'occident démocrate, était épouvantable et déshonorante. Ce qui grandit dans les villes est en tous points aussi consternant que ce que nous avons en France, et dans le monde entier. 
Devant cet assaut des orques de Sauron qui se reproduisent à toute vitesse, comme des cellules cancéreuses, il faut faire, à l'instar des cosaques de Pereslalv, qui ont de si merveilleux enfants, ce que l'on peut, à son niveau. Pereslavl devint hideux, je persiste à faire de ma maison un endroit harmonieux, à écrire, peindre, chanter, et promouvoir la défense de nos valeurs, de notre héritage, de notre foi. Que Dieu nous vienne en aide, et en fin de compte, en qui avoir confiance, sinon en Lui? "Ne mettez pas votre confiance dans les princes et les fils des hommes, en est eux il n'est point de salut". 

dimanche 24 janvier 2021

LISEZ-MOI ÇA!

 


Une critique de Yarilo dans Antipresse, site d'information libre de tout sponsor douteux.

LISEZ-MOI ÇA! • «Yarilo» de Laurence Guillon

Ce qu’il apporte. Au XVIe siècle, de ce côté-ci de l’Europe, nous savons repérer Henri III en France, Elisabeth en Angleterre…et la lecture de Dumas nous a plongés dans les évènements tragiques de la Saint-Barthélémy. A la même époque, que se passe-t-il en Russie? Qui règne? Ivan le Terrible, ou plutôt «le Grand», traduction exacte du qualificatif russe. Qu’en savons-nous? Sauf erreur, son règne ni sa personne n’ont été l’objet d’une œuvre romanesque digne de ce nom en langue française. C’est chose faite avec Yarilo, le roman de Laurence Guillon, qui nous conte l’histoire de Féodor Basmanov, proche du tsar, de sa famille, sur un fond historique pour le moins brutal, puisque c’est la période de l’Oprichnina. Le massacre de la Saint-Barthélémy dans La Reine Margot, ou les assassinats des Rois maudits sont des bluettes en comparaison. Pour autant, il n’y a aucune complaisance. C’est l’âme de ces personnages qui intéresse l’auteur. Ils sont mus par des forces denses, complexes, profondes. On y voit que la grande histoire était faite par des pécheurs, certes, mais conscients de l’être, et sachant qu’ils auraient des comptes à rendre à Dieu. La médiocrité est donc inconcevable. L’écriture de Laurence Guillon est digne de son sujet et la rédemption de Fédia est simplement bouleversante.

Ce qu’il en reste L’auteur nous embarque dans un voyage qui va bien au-delà de la réalité historique ou géographique. Même si elle décrit les paysages par touches délicates qui émouvront ceux qui les connaissent. A travers ce qu’on pourrait qualifier de conte, elle nous fait approcher du cœur de «l’âme russe» et de ses ressorts. Le terme est galvaudé, mais je n’en trouve pas d’autre. Cette histoire est bien plus qu’une belle histoire. Elle est ancrée dans une terre qu’on aborde avec le cœur, et qui peut toucher sans être comprise. Ce que réussit Laurence Guillon, c’est précisément de nous aider à connaître la Russie à travers une époque très brutale que nous approchons souvent à travers beaucoup de clichés teintés d’incompréhension voire de condescendance. Son écriture de conteur est fluide, de cette simplicité sophistiquée assez rare, et l’usage qu’elle fait des poésies traditionnelles est pertinent. Elles permettent de nous familiariser avec l’insondable immensité de cette terre.

A qui l’administrer? Ceux qui aiment Tarkovski, Répine, la Russie en général et en particulier, se délecteront de lire une œuvre en langue française, certes, mais qui décrit ce monde de l’intérieur. Comme quoi c’est possible, mais pas donné à tout le monde. C’est un peu comme si Rebecca West, après son voyage en Yougoslavie (Agneau noir et faucon gris), avait écrit un roman dont les protagonistes seraient le roi Lazar et son entourage à l’époque de la bataille de Kosovo. Ceux qui sont intrigués par le titre,_Yarilo_, n’ont plus qu’à lire, car il révèle encore une autre facette de ce conte, parmi tant d’autres qui en font la richesse. Comme tous les bons livres, il nous transforme. D’une manière ou d’une autre.

  • Laurence Guillon,Yarilo, Editions du Net, 2018. Une suggestion d’Anne Demonet.



Editorial d'Antipresse, par Slobodan Despot: