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dimanche 11 avril 2021

De la Provence à Pereslavl


Une famille de Moscou a visité ma maison, des gens très sympathiques avec une certaine classe. Ma maison les a emballés, mais pas ses abords. Et je peux les comprendre. De mon côté, je me sens découragée à l'idée de déménager, c'est-à-dire que je le ferai peut-être si je dispose d'argent pour acheter autre chose sans vendre ici, et que je peux prendre mon temps.
Les cosaques attaqueront le 20 la fabrication d'une palissade de bois, pour remplacer le grillage. Déjà, ça fera plus propre, et elle sera de 40 cm plus haute que l'actuelle. Le tuyau du voisin me semble insuffisant pour évacuer l'eau du canal. En plus, il n'a pas ramassé les divers déchets de construction, des bâches en plastique trainent dans l'eau et pourraient aisément le boucher.
Le temps vire enfin au printemps complet, et je me promène une pelle à la main sur mon terrain dévasté, pour réfléchir aux endroits où je vais planter, transplanter, enfin réparer le massacre. J'ai de l'eau qui stagne encore, comme jamais auparavant, même si la majorité des terres a déjà émergé! Au cours de ces déambulations, j'ai vu les voisins qui sont derrière la baraque malencontreuse parlementer avec un air consterné. Ils avaient un grand potager familial qui devait les nourrir, il est à présent à l'ombre tout l'après-midi, grâce à notre pachyderme bâtisseur qui voulait rentabiliser son investissement.
Les cosaques me feront une véranda à la place de la petite entrée que j'avais, en déplaçant le perron au nord ouest, ce qui me fera même une petite terrasse, à l'opposé de la verrue en plastique, à l'abri du poirier et du prunier, avec la vue sur l'isba d'oncle Kolia et mes fleurs. Aux endroits les plus bourbeux, je vais mettre des iris des marais et des hostas, j'en ai vu de blancs, pareils à de petits fantômes. Finalement, le bon côté de la chose, c'est que je tondrai beaucoup moins. Côté voisin, je vais laisser à l'abandon, je n'aurai pas de potager, mais j'ai peut-être passé l'âge.
Après la liturgie, aujourd'hui, j'ai rencontré Kostia et Natacha, qui m'a aidée à rédiger la traduction de mon livre. Elle s'en est remarquablement bien tirée, j'ai l'impression d'avoir écrit directement en russe. Elle m'a fait une préface qui révèle sa profonde compréhension du roman. Nous avons envisagé des solutions pour le publier. Là dessus est entré le père Alexandre, de Rostov, dans notre café français. La sympathie a été immédiate et réciproque. Le père Alexandre est un prêtre très "culturel". Il est grand, fort et chaleureux et m'a serrée dans ses bras en s'écriant: "Voici notre star!"
L'émission de la chaîne orthodoxe SPAS est passée, et j'ai des réactions très émouvantes de Russes touchés par mon amour de leur pays et de leur culture. J'en suis heureuse, car ces émissions sont pour moi un moyen de porter ce témoignage. Certains me disent que je suis plus russe qu'eux-mêmes.
De plus, mes proches, même quand ils ne comprennent pas le russe, ont été content de voir ma maison de l'intérieur, comme s'ils la visitaient, avec les chats, avec Rita, avec des objets et des photos qui appartiennent à notre passé commun et se retrouvent à Pereslavl Zalesski, dans le nord lointain. D'autant plus que tout cela est filmé avec art et sensibilité. L'émission s'intitule "de la Provence à Pereslavl Zalesski". Bien que j'aie passé dans le Gard mes dernières années françaises...




mercredi 7 avril 2021

Pensée printemps!

 

J'ai eu la surprise hier de voir, dans le pot d'une plante verte, une petite pensée adventice qui avait fleuri, alors qu'à l'extérieur, je n'ai encore que boue, neige fondue et herbes mortes.

Le voisin, ce soir, m'expliquait que la mairie ne répond pas à ses appels, au sujet de l'inondation qu'il m'a créée. Alors il creuse. Par le canal ainsi ménagé, l'eau commence à s'écouler. Je pense que ceci est la démonstration que son tuyau est trop petit pour remplir sa fonction. Et puis à vrai dire, le poids de toute cette terre, la sienne et celle que d'autres abrutis ont déversée un peu plus loin tout l'été, doit jouer un rôle; 

On m'a proposé d'aller visiter une maison à Koupanskoié. C'est là où habite Gilles et où je vais me baigner l'été. Il y a sur place une église, une banque, un centre médical et un ou deux magasins. J'ai constaté que le village avait lui aussi enlaidi, car les horreurs y remplacent peu à peu les isbas. La maison est justement une isba, jolie extérieurement. Elle est sur le bord de la route principale qui traverse le village, enfin pas vraiment sur le bord d'ailleurs, elle est en contrebas, et il y a un espace assez grand, entre elle et la chaussée, et des arbres. Le coin n'est pas spécialement pittoresque, le terrain non plus, mais ce n'est pas un marécage, et avec quelques arbres et buissons on ne verrait plus l'extérieur. Le début du printemps n'est pas non plus le meilleur moment pour apprécier un endroit, plus de neige et pas de verdure. L'avantage de Koupanskoié, c'est qu'on est assez vite dans la forêt ou au bord de la rivière, avec des chemins tranquilles pour se promener. La maison est encombrée d'un tel bordel qu'il est difficile de s'en faire une idée. Il y a une cuisine, avec un poêle russe, assez facile à aménager. Le poêle chauffe des radiateurs qui permettent d'avoir chaud dans toute la maison, et le gaz passe au bout du terrain, on peut s'y raccorder. Une grande pièce, où il faut arracher tout ce qu'il y a sur les murs pour retrouver les rondins équarris de départ et casser une espèce de cloison qui crée une pièce supplémentaire, mais toute en longueur, inutilisable. Une entrée à remettre en forme, une espèce de cellier où installer une salle de bains, un grenier aménageable, une véranda à isoler, pour la rendre habitable l'hiver, mais c'est une très jolie véranda, avec des fenêtres en dentelle de bois. La seule chose, c'est que tous ces aménagements coûtent quand même de l'argent, et prennent du temps et des forces. Le jardin est très mal conçu, tout est planté n'importe comment, les petits massifs dans les vieux pneus et tout ça... Le terrain est clôturé entièrement de grillage, le toit refait il y a dix ans.

Gilles me dit que je ne suis pas près, là où je suis, à Pereslavl, de récuperer un terrain normal pour y planter l'écran végétal qui me cacherait, selon son expression, le "camping car sur pilotis", que mon voisin a collé sur son socle de glaise, en face de son automobile. Je sens à divers signaux, que me tirer de cet endroit, qui sera de plus en plus abimé, ne serait pas une mauvaise chose, et en même temps, cela demande un investissement de forces et d'argent qui me dépasse un peu. Je voulais en discuter avec Gilles au café, mais il était déjà parti. Gilles a une équipe d'artisans corrects...








lundi 5 avril 2021

Les rythmes


Dimanche matin, à l'issue de l'office de la Croix, on a célébré aussi un moleben sur la tombe approximative de saint Constantin, dernier prêtre martyr de l'église du métropolite Pierre. J'ai rencontré une troupe de scouts, menés par des dames de Moscou, très sympathiques, l'une d'elles connaissait une de mes amies, Marie Gestkoff, scoute émérite. J'ai vu ensuite sur Facebook que l'autre avait entendu parler de moi par sa mère, qui m'avait vue sur scène avec les 3D au club Dom il y a peut-être 15 ans de cela, et pensait que j'étais l'organisatrice du concert, alors que Sérioja et toute l'équipe m'entraînaient là dedans pour chanter souvent au dernier moment!
  Après quoi, je suis partie à Moscou, car l'une de mes vielles grinçait, et de loin Skountsev ne voyait pas le problème. Donc, après les deux heures de trajet, il m'a fallu ajouter à cela la traversée de tout Moscou. 
Sur place, Skountsev, en tenue de cosaque, était filmé et interviewé par un jeune homme. J'attendais dans une autre pièce, avec Rita, en téléphonant à mon amie Liouba. A la pause, Skountsev a réparé la vielle, à vrai dire, c'était bête comme chou, il suffisait de prendre un pinceau pour aller huiler l'axe de la roue. Il s'est occupé ensuite de changer les cotons des cordes, qu'il a remplacés par de la laine de mouton, puis le jeune journaliste a voulu, dans la foulée, me filmer aussi, et m'interviewer. J'ai chanté et joué avec Skountsev un vers spirituel et une chanson cosaque, et puis une chanson  bretonne, "la Vierge et saint Jean-Baptiste", mais là, j'étais la seule à chanter, Skountsev m'accompagnait juste sur sa veille cosaque. J'étais très fière et très heureuse, car nous avons parfaitement fonctionné ensemble, et sans répétition. Il me semble que c'était très réussi.
J'ai exprimé mon amour du folklore, et la foi que je mettais dans sa nécessaire renaissance pour toute personne vraiment russe et qui tient à le rester ou à le redevenir.
Je devais ensuite retraverser tout Moscou pour aller chez le père Valentin, mais il était, avec Liéna, Aliocha et leurs filles, chez le peintre Constantin Soutiaguine, dans son atelier, rue Vavilova, quelque part plus ou moins à mi-chemin, dans ce labyrinthe des quartiers sud de Moscou tout en béton armé. Je commençais à être épuisée, et parvenue à proximité, je ne comprenais rien aux explications de Kostia, qui est meilleur pour parler de l'impressionnisme que pour indiquer un itinéraire. J'ai tourné dans les rues adjacentes jusqu'à la crise de nerfs. Aliocha est venu à ma rencontre et à mon secours. Il est extrêmement gentil et attentionné. 
Je me suis retrouvée dans l'atelier de Kostia, au milieu de ses tableaux, il était visiblement très heureux de recevoir le père Valentin, et bien que celui-ci se fût fait tirer l'oreille pour se décider à venir, il était aussi content que son hôte. Kostia avait fait et exposé toute une série de tableaux magnifiques sur des thèmes évangéliques, et maintenant il aborde l'ancien testament. Il avait quelques craintes sur le bien fondé de sa démarche, le père Valentin l'a complètement rassuré. Kostia a parlé des rythmes, qui sont l'écriture de la vie, et que l'on retrouve dans toutes les formes d'art, la musique, les arts visuels, la littérature, ce qui rejoignait les considérations que j'avais échangées précédemment dans le studio de Skountsev, avec lui et avec le jeune homme qui le filmait. Kostia est un homme enthousiaste, plein d'humour, avec quelque chose d'enfantin, de perpétuellement curieux et étonné. 
Le lendemain, je suis repartie pour Pereslavl. J'ai constaté à mon arrivée que les eaux n'avaient pas tellement baissé, il va me falloir réveiller le voisin qui m'a mis le terrain dans cet état. Lui n'a pas été elevé dans l'univers des rythmes, de l'écriture de la vie qui unit toutes créatures et toutes formes d'art en une subtile symphonie. Il est fin et ouvert à ces choses comme une porte blindée.


avec les 3D...

 




samedi 3 avril 2021

Art sacré

 


Je participais aujourd’hui à une exposition d’icônes. Je n’en avais que trois.  Les deux dernières, je les ai envoyées à leur commanditaire en France, parce que j’avais trouvé quelqu’un qui partait en Europe.

Sur ma demande, Veniamine le Suisse et sa femme ont exposé les leurs, qui sont très bien. Et ils sont venus au vernissage. Il y avait aussi mon évêque et quelques prêtres qui ne sont pas restés longtemps, car c’était une heure avant les vêpres.

Je devais chanter, et j’avais un trac terrible, ce qui m’arrive souvent, et cela me fait perdre mes moyens. C’est évidemment complètement stupide, car je ne compte pas faire carrière, mais pour l’instant, c’est plus fort que moi, et en plus j’avais très soif, l’angoisse me déssèche, et cela me gênait pour chanter.

Les deux jeunes amies iconographes qui m’avaient invitée, et qui sont marrantes, avec une forte personnalité, étaient en retard, alors qu’elles m’avaient dit de venir une heure à l’avance, ce que j’ai fait; je devrais enfin arriver à comprendre que la Russie n’est pas la France.

Monseigneur Théoctyste a annoncé à tout le monde que j’allais passer sur la chaîne SPAS. La journaliste m’ayant dit hier que c’était « samedi prochain », j’ai compris que c’était ce samedi, mais non, c’est l’autre, dans une semaine.

Je ne sais pas comment l’évêque l’a appris, il est au courant de tout.

Bien que très intimidée, je tenais à ce qu’il m’entendît chanter des vers spirituels, c’est un genre auquel je voudrais voir les Russes s’intéresser. Mais avant moi se produisait un choeur local, accompagné d’une mandoline, d’une guitare et d’un accordéon, et ce choeur était aussi intarissable qu'excessivement suave. L’évêque, emporté par ces flots d'harmonie, est allé s’occuper des vigiles. Quand j’ai enfin chanté mes trois vers spirituels (dont un breton !), il était parti.

Voici une vidéo de l'exposition, Veniamine est le plus grand, avec son fils dans les bras.

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On m’a ensuite demandé de dire un mot, j’ai expliqué le rôle des icônes dans ma conversion à l’orthodoxie, car elles m’avaient ouvert un langage symbolique cohérent et cosmique, qui me reliait à tout le passé humain aussi bien qu’au présent, ce que je ne trouvais pas ou plus dans le catholicisme. J’ai ainsi scandalisé une brave dame, iconographe, qui trouve que ce n’est pas vrai du tout, et que le catholicisme ouvre de grandes perspectives à l’art sacré etc... Un peu plus tard, on m’a proposé d’aller prendre le thé avec les exposants. Celle qui invitait m’a donné l’adresse, mais l’immeuble avait plusieurs entrées, et elle ne m’avait pas dit laquelle, ni le code, et je n’arrivais pas à obtenir mes jeunes amies au téléphone. J’ai failli rentrer chez moi.

Je dois dire que j’aurais dû, parce que l’assemblée n’était pas tellement ma tasse de thé, justement, et me rappelait ma pensionnaire, surtout la brave dame ouverte au cathollicisme. On m’a montré une revue luxueuse, avec des photos superbes, et là, des églises futuristes, catholiques et orthodoxes, des icônes audacieuses, qui tirent fortement sur l’art catholique, en effet, tout cela souvent très esthétique, et « minimaliste » (mais nous n’avons pas encore mûri jusqu’à ce point, disait l’article, c’est encore trop tôt, et je regardais deux exemples de ce minimalisme qui me foutait le cafard dans les églises catholiques d’après Vatican II et m’avait découragée de les féquenter). Il y avait aussi une photo de Jean-Paul II, et tout un article de la même veine. J'ai fini par dire: "C'est une belle revue".  Et en effet, c'est une belle revue; elle doit avoir de bons financements.

Je m’ennuyais plutôt. Il n’y avait pas de naturel ni de vérité dans tout cela, c'est trop voulu, trop intentionnel, en contradiction complète avec ce qu'enseignait Ouspenski. En réalité, je me sens beaucoup plus proche du Suisse Veniamine et de sa femme. Et pour ce qui est de l’iconographie, et pour ce qui est de la façon de vivre, de la mentalité, et je revoyais les photos de leur communauté de vieux-croyants, des gens tellement réels et vrais, des Russes authentiques, des hommes et des femmes dignes qui ne jouent pas un rôle, mais transmettent humblement leur tradition. Je n’en ai rien à foutre de l’esthétisme moderniste sur papier glacé, et pourtant, Dieu sait que je souffre de la laideur, mais ce que je ne supportais plus en occident, c’est que tout devenait attitudes et simagrées, à part chez les paysans et les petits commerçants, souvent malgré tout un peu trop imperméables aux spéculations métaphysiques, et voilà que s’infiltrent dans les milieux intellectuels et orthodoxes la même passion pour les faux-semblants, le mépris et l’ignorance de tout un langage symbolique immémorial patiemment élaboré pour recourir à des idées et innovations personnelles. Veniamine m’en a parlé récemment à propos de ma pensionnaire, à qui il trouve un côté secte charismatique. L’idée m’a effleurée que si ce mouvement prenait de l’ampleur, je finirais par passer chez les vieux-croyants du métropolite Corneille. Car ceux dont je me sens le plus proche ici, à part la famille Asmus et les Soutiaguine, c’est Veniamine Forster et Volodia Skountsev ! J’ai dit à l’un et à l’autre que ce qui me retenait de le faire, c’était mon père Valentin, les saints orthodoxes qui ont suivi le schisme et avec lesquels je suis en communion, et aussi la flemme d’assister à des services interminables et d’observer un rituel parfois rigide, ce qui les a bien fait rire. En un mot, je suis une pied-tendre.

En somme, je croyais l’oecuménisme forcené limité au séminaire du père Siniakov, près de Paris, mais non, à Moscou, il est aussi en pleine forme. Il doit avoir des soutiens hauts placés. 


https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=1731374590367680&id=100004854663424&__cft__[0]=AZVHATsGAuvICtnBh57r1siXYy7nGXPl5TkvITpk3QnlPDzT-3WnR3pS-XiEZlvRZ5j2xHFBWmgfy_ADIgQVQ8rryrjNwdRXmE3QDVnBYiwst8LCc1kNbr6frJmJzQjYNVZ2IKIdVdfRSXriRX1Udc1z&__tn__=%2CO%2CP-R

mercredi 31 mars 2021

Il ne manque que les canards.

Il a plu sur la neige en train de fondre, et l'inondation n'a fait que s'aggraver. Je n'ai pas vu le voisin de toute la journée, mais cela ne lui a pas échappé. Il a une petite pompe de rien du tout, avec laquelle il a pompé trois jours durant en vain, comme les shadocks. "Et que faire, me demande-t-il au téléphone, d'un ton comminatoire, acheter une deuxième pompe? 

- Mais je n'en sais rien, et que voulez-vous que je fasse moi-même?" 

En fait, j'avais appelé Veniamine le Suisse cosaque. Il viendra demain avec le cosaque Romane qui doit me faire la palissade. Je ne suis pas prix Nobel de physique, mais je vois bien que mettre un tuyau de 50 cm de diamètre pour évacuer les eaux d'un canal qui fait un mètre cinquante de profondeur, ça ne peut pas le faire, et Veniamine est bien de mon avis. La solution que propose le joyeux voisin, c'est un système électrique qui chauffe le tuyau et lui évite de geler. Le problème c'est que d'après Veniamine, ça pompe un maximum d'électricité. Et puis je ne sais pas, balancer de l'électricité dans les eaux d'un canal, cela ne m'inspire pas trop confiance. 

Toujours est-il qu'il est inutile de discuter, il ne m'écoute pas, et c'est pourquoi je fais venir deux bonshommes, afin d'essayer de lui faire entrer dans le crâne qu'il faut mettre un tuyau d'un diamètre suffisant pour évacuer les eaux sans que cela ne gèle.

Actuellement, il doit y avoir 40 cm d'eau dans le jardin. Le terrain s'est même affaissé. Il avait besoin de construire, parce qu'il a acheté ce terrain la peau des miches, m'empêchant de le faire, et que maintenant, il lui faut le rentabiliser à tout prix et ce "à tout prix" rend mes objections irrecevables, comme s'il était normal que je souffre des conséquences de ses conneries. Il est prêt à essayer d'arranger le problème, car cela l'ennuie d'avoir une voisine mal disposée, mais en même temps, il me fait sentir que je suis une emmerdeuse.





J'ai trouvé sur Facebook cet extrait impressionnant que j'ai traduit, mais on peut trouver le livre aux éditions des Syrtes:

Lorsque le dernier archimandrite des Solovki emmena ses moines à Valaam, en 1920, certains d'entre eux, en raison de leur âge ou de leur zèle, restèrent au monastère, et parmi eux, un moine du grand schème dans un coin perdu, qui faisait son salut dans la réclusion. Le nouveau pouvoir en entendit parler, et un jour, au printemps, le nouveau chef Nogtev et ses camarades partirent à cheval pour la casemate qui lui servait de hutte. Il avait beaucoup bu, et il était ivre, il fit sauter la porte et entra dans la casemate... il avait une bouteille de vodka à la main.

"Bois avec moi, très saint père Opium! Tu as assez jeûné, il est temps d'y mettre fin! Maintenant, frère, c'est la liberté! Ton Seigneur Dieu, on L'a supprimé par décret... " Il verse un verre au starets, le lui donne et jure un bon coup.

Le starets se détourna de sa lampe à huile et se prosterna en silence jusqu'à terre devant Nogtiev, comme devant un défunt, et se relevant, lui désigna son cercueil ouvert, comme pour dire: souviens-toi, tu finiras là dedans. 

Nogtiev changea de visage, jeta sa bouteille dehors, se mit en selle et s'éloigna au galop. Il but ensuite un mois entier sans dessaouler, il ordonna de distribuer des rations au starets, et lui affecta un serviteur pris parmi les moines.

Les fils de deux siècles se sont entrelacés puis séparés selon des voies tracées d'en haut. Et la prédiction muette du starets s'accomplit: une année ne s'était pas écoulée qu'une commission venue de Moscou découvrait que Nogtiev avait vendu les chérubins d'argent de l'iconostase à des spéculateurs, et on fusilla ce serviteur de Dieu.

Extrait du livre de Boris Chiriaiev  "la veilleuse des Solovki"  éditions des Syrtes. 





 


mardi 30 mars 2021

Table rase

 A Moscou, bien que sans hystérie, sans flics à tous les coins de rue ni amendes au moindre mouvement, j'ai trouvé qu'il y avait encore pas mal de concombres masqués. Dans le métro, une représentante de cette population mutante transnationale s'est même levée pour ne pas rester à côté de moi, facteur potentiel d'infection irresponsable non pourvu de la muselière de rigueur. 

Depuis le début de l'opération Covid, j'ai encore plus de mal à secouer ma flemme pour me rendre dans la capitale.

A l'église, on continuait aussi à appliquer les mesures Covid, or je n'en ai vraiment pas l'habitude, car à Pereslavl Zalesski, à part les verres jetables dont, dès le premier jour de leur apparition, un cosaque m'avait proposé de partager le sien avec un bon sourire, tout se passe comme depuis la nuit des temps. L'eglise des Quarante Martyrs proclame même sur une affiche: "Ici, personne n'est malade, personne ne porte de masque, si vous l'êtes et avez besoin de le faire, prenez vos responsabilités."

En réalité, je ne sais pas comment les gens font pour ne pas trouver tout cela suspect. La consigne normale serait de porter un masque et surtout de rester chez soi quand on est malade, étant entendu que le masque sert surtout à éviter les projections de ceux qui toussent et éternuent. Autrement le virus, lui, il s'en fout complètement. Ce qui est curieux, c'est que Poutine a déclaré que tout cela, c'était fini, or apparemment, tout cela, ça continue quand même. 

J'ai réussi quand même à voir mon père Valentin et sa famille, et à prendre un petit déjeuner carémique à la chocoladnitsa avec Dany avant d'aller chez elle.

En passant, Dany m'a montré l'endroit où un Anglais projetait la construction d'un énorme hôtel, en plein dans ce quartier de Sretenka, qui est l'un des rares à avoir gardé du charme et un caractère homogène. Le même genre de projet menace le quartier de Zamoskvorietché, miraculeusement parvenu jusqu'à nous sans trop de dommages. Et celui d'Ivanovskaïa Gora. 

Dans le même temps, j'ai lu que la ville d'Irkoutsk, qui était très pittoresque, d'après ce que j'ai entendu dire et les photos que j'ai vues, était soumise à des destructions systématiques. Je crains pour Iaroslavl, Vologda, Kostroma, je crains pour toute la Russie, au delà de la cupidité et de la stupidité, il semble y avoir là derrière un projet idéologique, dans le prolongement de celui du communisme, la table rase. Pour préparer cette fois le mondialisme transhumaniste. Encore une fois, que fait Poutine?  

J'ai acheté en trois tomes un recueil des photos en couleur de Prokoudine-Gorski, faites au début du XX° siècle sur la commande de Nicolas II. C'est bientôt tout ce qu'il restera de ce pays merveilleusement beau et poétique, à la civilisation très originale, qui s'appelait la Russie, et dont je rêvais tellement dans mon jeune temps. Les photos en couleur donnent une vie extaordinaire à ces vues. si l'on y réfléchit bien, ce n'est d'ailleurs pas si vieux, tout cela. Mais que de chemin nous avons fait déjà à l'intérieur de l'enfer. Tout est si rapidement devenu méconnaissable, les sites et les gens, quelle brutale et terrible dégradation...



Pereslavl

Rostov



Le voisin est venu m'exposer ses idées pour réparer les dégâts causés à mon terrain. Cela l'ennuie que nous n'ayons pas de bonnes relations, ne pas avoir de bonnes relations avec le voisinage est une mauvaise chose. Et il m'a donné des conseils pour aménager mon terrain, soit un sentier bétonné surélevé le long de la maison pour servir en quelque sorte de digue. Je lui ai objecté que ce serait positivement affreux, et visiblement, c'est un point qui est au dessus de sa compréhension. De même que mon désir de me cacher derrière une haie. "En dehors de toute considération esthétique, ai-je essayé de lui expliquer, je suis à la vue de tous, j'ai l'impression d'être dans une cage au zoo ou dans un aquarium. Mais le côté esthétique est important pour moi. Je n'ai envie d'admirer ni votre maison, ni votre voiture, ma voiture, je la gare derrière chez moi pour ne pas la voir. Il n'y a que deux maisons pittoresques et normales ici, ce sont celle de l'oncle Kolia en face, et celle d'Ania. Les autres, excusez-moi, mais je n'ai pas envie de les voir, car elles sont toutes plus moches les unes que les autres, et quand elles sont en plus précédées d'un parking ou environnées de pelleteuses et de serres en plastique, je préfère planter des thuyas, puisque c'est trop petit pour les sapins, et cacher ce désastre."

J'ai vu que ce que je lui racontais là lui paraissait absolument extraordinaire. Lui, il est tellement façonné par le moche que c'est devenu son milieu naturel. Pourvu qu'il y ait trois bégonias dans un pneu de voiture reconverti en massif, cela lui paraît bien suffisant. 

Les gens comme lui ne voient aucun inconvénient au saccage de Pereslavl, d'Irkoutsk, de Rostov ou autres villes historiques ravissantes. Il n'a déjà plus rien à voir avec ceux qui les ont construites, ce n'est plus un Russe, c'est un post-soviétique.

Je suis quand même soulagée de ne pas avoir à passer toute une vie dans une époque pareille. S'adapter à une existence de rat technologique sur un tas d'ordures n'est pas fort exaltant.

samedi 27 mars 2021

une bêtise


 J'ai eu la visite de la télévision: la chaîne orthodoxe SPAS, cela ne se refuse pas. Arrivée à midi, l'équipe est repartie à 11 heures du soir...

Il s'agissait de parler de ma conversion, de ce que représentait l'orthodoxie pour moi, de mon amour pour la Russie, etc. De chanter un vers spirituel. Evidemment, on m'a emmenée au lac, et dommage, j'avais oublié mon téléphone, car c'était très beau, les roses du ciel autour d'un soleil orange, un grand nuage mauve, et dans un ciel bleu lavande, une lune presque pleine et déjà brillante, au dessus des coupoles des quarante Martyrs. Le lac avait de subtils reflets turquoise très pâle, comme frottés à la craie. J'ai évoqué les projets immobiliers, la journaliste a dit qu'il faudrait faire un reportage.

Ce matin, sur mon lit, j'ai vu par la fenêtre arriver encore des camions de terre pour les imbéciles qui bâtissent dans le marais, aggravant la situation de tous les autres, dont ils se foutent éperdument, et la mairie, ce qui l'intéresse, c'est la rive du lac et les projets des requins.

En me levant, j'ai constaté que ma maison était située désormais au milieu d'un étang, et qu'il me faudrait bientôt une barque pour rejoindre la route. Hier, l'équipe de télévision n'a pas pu entrer, je l'ai fait passer par l'arrière, c'est-à-dire par ma salle de bains!

Le voisin m'a expliqué qu'il avait fait une bêtise (c'est pas possible?) mais qu'il n'était pas professionnel, il a fait comme on le lui a dit, or qui a construit? Une équipe de tadjiks de derrière les fagots, vite fait sur le gaz et n'importe comment. En somme, ce que je pense, c'est que son tuyau est trop petit, il en faudrait un d'au moins un mètre de diamètre. L'eau a gelé dedans. Il y a un dispositif pour chauffer le tuyau, mais il a oublié de le mettre, si j'ai bien compris. Et j'ai compris aussi que je devrais adapter désormais mon jardin à des inondations possibles. J'ai pris des photos, car on voit bien, forcément, les endroits qui sont plus hauts que les autres, et cela m'aidera à déterminer l'emplacement des plantations susceptibles d'avoir des racines plus profondes. 

Le gars va faire venir quelqu'un pour l'aider à résoudre ça, il voulait que je m'en occupe, mais non, je pars à Moscou, et c'est lui qui m'a créé ce bordel.

Je me fais du souci pour l'oncle Kolia, inondé par les terrassements des autres, et pour sa maison, qui est jolie et qui pourrait bien être remplacée un de ces jours par une merde sur pilotis qui s'accompagnera d'un déversement de terre.

En somme, il serait tout à fait raisonnable de déménager, mais les forces et l'enthousiasme commencent à me faire défaut.





Avec l'équipe de télé, je suis passée faire des courses alimentaires, et alors que Poutine a annoncé la fin des mesures, et qu'à part ceux qui tiennent à les garder, tout le monde se fichait des masques, voilà qu'une compagnie de flics masqués de noir nous a sauté dessus à l'entrée du Vierny, pour nous obliger à mettre la muselière. J'en avais une dégueulasse qui trainait dans ma poche, je l'ai mise de biais, et une fois dans les rayons, je l'ai baissée sous le nez, à l'instar de tous les autres clients. Qu'est-ce que ça veut dire? Tout à coup, ils recommencent à nous emmerder? Et ce que dit Poutine, tout le monde s'en fout? J'ai vu le briefing lucide et lumineux de Slobodan Despot, que je conseille à tous les gens qui n'ont pas envie de se laisser transformer en poupées mécaniques. En réalité, je me rends compte que le seul antidote au conditionnement qui rend fou, c'est d'une part la culture, c'est pour cela qu'on l'anéantit, qu'elle soit populaire ou classique, et la foi, c'est pour cela qu'on persécute les chrétiens, qui ont, contrairement à l'islam, une relgion du libre choix et du discernement.