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jeudi 21 décembre 2023

Saint Nicolas et le miracle de la station de Zoïa

 


Je pense qu’après tout ce froid et ces tonnes de neige en décembre, nous allons avoir le mois de mars tout le reste de l’hiver, et la patinoire permanente. Cela me consterne. Vraiment, en venant m’installer au nord de Moscou, je n’ai pas choisi la facilité...

Pour l’instant, c’est joli, il tombe une neige collante qui nappe toutes choses, les moindres rameaux, les branches sombres des thuyas, mon genevrier est particulièrement joli quand il est enneigé, je regrette de ne pas avoir dès le départ planté des genevriers à la place des thuyas, c’est vraiment ravissant, souple, avec une couleur un peu bleutée, mais pas trop, cela ne vient pas trop gros. Mes thuyas ne sont pas affreux, du reste, ils me rappellent les cyprès, d’autant plus que je ne les ai pas mis en haie compacte, mais ponctuellement. Suzanne, la copine des Leroy, m’a dit que cela venait jusqu’à vingt mètres, mais j’ai regardé dans les descriptions botaniques, on parle de quatre à six mètres, et j’espère que c’est vrai. Cela dépend peut-être des variétés.

Depuis que les buissons ont poussé et que je ne coupe plus les fleurs en automne, pour me souvenir de leur emplacement, mon jardin est joli même en hiver, il offre au regard toutes sortes de structures aériennes que décorent la neige et le givre et qu’animent de nombreux oiseaux. La partie en voie de défiguration de l’isba d’en face devient invisible de ma fenêtre et de ma terrasse. Je crois que d’ici deux ou trois ans, je ne verrai plus trop les horreurs actuelles ou potentielles. J’aurai aussi beaucoup de taillis, de buissons fleuris qui prendront la place des massifs et de l’herbe. Je serais dans un autre environnement, que j’aurais laissé plus dégagé, bien sûr. Encore que finalement, je ne raffole pas de la pelouse, le tapis vert tondu à mort avec les massifs idiots. L’herbe va finir par se limiter à des chemins plus ou moins larges allant d’un groupe de plantes à l’autre. J’essaie de garder une ouverture qui me permette de regarder le ciel depuis ma terrasse, du côté de la maison d’Ania, qui n’est pas menacée pour l’instant, de toutes façons, là, je ne peux pas planter grand chose.

Ce que je redoute plus, maintenant, c’est la pollution sonore, les radios qui dégueulent de la merde et les motos des petits cons qui tournent en boucle.

J’ai vu plusieurs émissions sur un miracle qui a eu lieu à Samara dans les années cinquante, en pleine persécution religieuse Khroutchev. C’était instructif à plus d’un titre. D’abord, rappel de l’idéologie communiste, Khroutchev avait promis de présenter le dernier pope à la télévision, le communisme était à l’horizon proche, les gosses systématiquement transformés en petits komsomols ricanants et redresseurs de torts à qui on promettait l’immortalité, fruit des progrès de la science. Ce qui rejoint tout à fait le cocopitalisme transhumaniste qui sévit en occident et amorce d’ailleurs la spioliation des petites gens au profit d’une caste de surhommes, seuls dignes de posséder quelque chose.



Sur ce fond, une jeune fille élevée par le régime, au cours d’une soirée d’anniversaire, comme son copain n’avait pas pu venir et qu’on dansait en couple, a pour faire la maline pris sur le mur une icône  oubliée de saint Nicolas et s’est mise à danser avec elle. Là dessus, on a vu comme un éclair, et la fille est restée figée avec l’icône, incapable de bouger, collée au plancher, pendant plusieurs jours. L’événement a eu un grand retentissement. Beaucoup de gens se sont alors convertis, dans l’atmosphère de persécution religieuse, les églises disponibles et les croix de baptême n’y suffisaient pas. Le pouvoir a aussitôt pris des mesures, la maison est devenue inaccessible, et les choses ont été si embrouillées que cela complique les enquêtes contemporaines. On dit qu’au bout d’un certain temps, un starets est venu lui enlever l’icône, ce que personne n’avait pu faire, la délivrant de sa stupeur, en lui disant : « Eh bien, tu es fatiguée ? » Ce starets, pour certains, serait saint Nicolas lui-même. Ou un starets local. Ou un jeune moine. La jeune fille délivrée dit à tout le monde en pleurant : « Repentez-vous, repentez-vous ». Elle raconta que pendant sa longue station, elle était entourée de flammes et nourrie par des oiseaux célestes. On l’enferma dans un hôpital psychiatrique. L’enquête de la chaîne orthodoxe SPAS dit que cette station n’a pas duré trois mois mais une semaine. Je ne doute pas que cet événement ait eu lieu, ne serait-ce que parce que les journaux ont été obligés d’en parler. Qu’on ait enjolivé, c’est possible. C’est toujours comme cela.

Comme d’habitude, il y a des commentaires d'anciens komsomols purs et durs, ou de leurs descendants. L’un d’eux explique que la schizophrénie peut provoquer ce genre de catalepsie, oui, d’accord, mais en l’occurrence, il ne s’agissait pas d’une schizophrène, ni même d’une jeune bigote exaltée, c’était une komsomole ricanante et un esprit fort, de l’espèce du commentateur, elle faisait une joyeuse bringue avec des copains. Et elle est restée clouée au sol je ne sais combien de jours, collée à l’icône et muette. Ces gens me rappellent les gauchistes des années soixante-dix. Les woke d’aujourd’hui, comme cette fille déchaînée qui se jette sur Vincent Lapierre pour l’empêcher de faire son reportage, sous prétexte qu’elle le considère comme un facho, alors qu’il est respectueux envers tout le monde. Ou les Ukrainiens militants.L’important pour eux est de s’insinuer partout, pour redresser les torts, dénoncer, injurier, assourdir et surtout empêcher de parler. Curieusement nous, les fachos, les réacs, les obscurantistes et les contras, nous n’allons pas sur leurs sites favoris faire du scandale, nous savons trop bien qu’à part les clouer au sol huit jours au milieu d’un cercle de flammes avec l’icône de saint Nicolas, il n’y a rien à tirer d’eux. Mais eux, ne peuvent rester tranquilles, notre existence même ne leur laisse pas de repos.

Saint Nicolas est quasiment le protecteur de la Russie, dans la Russie ancienne, les étrangers s’étonnaient de l’extraordinaire ferveur du peuple pour saint Nicolas, qu’ils appelaient le "dieu russe". Ce qui donne à l’événement un sens particulier, et me fait réfléchir à l’irruption de cette icône, que j’ai recueillie, abandonnée sur l’étagère des objets à donner, dans notre cathédrale, comme si elle n'attendait que moi. Je lui trouve une grande présence, et du coup, je prie aussi saint Nicolas. C'est comme s'il m'avait adoptée.





Dans le même ordre d'idées, j'ai vu un documentaire sur le Donbass intitulé "la guerre sainte" qui met l'accent sur le caractère avant tout spirituel du conflit et remet bien, c'est le cas de le dire, les églises au milieu des villages, dommage qu'il ne soit pas sous-titré et que je n'ai plus les moyens techniques de le faire. Je vois beaucoup de correspondances entre l'attitude du gouvernement ukrainien, dans les procédés, la nature et l'origine des protagonistes, et celui de l'URSS, surtout des débuts de l'expérience, mais le gros barbare Khroutchev, en poste au moment de la "station de Zoïa", en était un pur produit, et en plus, il était ukrainien lui-même. Dans ce documentaire, on rappelle ce que je savais déjà, que le faux patriarche Philarète avait lancé cette affaire de patriarcat de Kiev parce que, contrairement à ses attentes, il n'avait pas été élu patriarche de Moscou, ce qui se serait produit, s'il n'y avait pas eu la perestroïka à ce moment-là. C'est-à-dire qu'en gros, déçu par le KGB, il s'est tourné vers la CIA, mais c'est toujours le même diable, seules les casquettes changent.. 

On redéfinit bien aussi les notions d'Ukraine et d'Ukrainiens, et tout cela est fait par des prêtres et des fidèles locaux, l'un d'eux rappelle le rôle de l'uniatisme, ce cheval de Troie des Polonais contre les orthodoxes, destinés à détacher de la Russie les parties de la Biélorussie et de l'Ukraine actuelles qui étaient sous leur contrôle. Et comment Jean-Paul II a soutenu cette caricature d'orthodoxie papo-compatible, et le nationalisme ukrainien, lequel est avant tout un nationalisme galicien, concernant l'ouest du pays, tout ce qui était sous le contrôle des austro-hongrois et des Polonais. La persécution des orthodoxes sévissait déjà alors à plein régime. Le rôle également des sectes, que les Américains favorisent, et qu'ils avaient lâchées sur la Russie des années quatre-vingt-dix, mais auxquelles la législation avait mis un coup d'arrêt en n'autorisant sur le territoire russe que les religions traditionnelles, soit le christianisme, le bouddhisme, l'islam et le judaïsme. Le prêtre explique que l'Ukraine, la sienne, est comparable à ce qu'est la Bavière pour l'Allemagne: une région russe qui a sa culture, son coloris particulier. Il souligne qu'elle est très différente, par la mentalité, de l'Ukraine uniate, beaucoup plus agressive et vindicative. Du reste, explique-t-il, personne ne profane au Donbass les tombes des soldats ukrainiens qui se trouvent maintenant sous contrôle russe. Alors qu'en Ukraine de l'ouest, les monuments et les tombes sont profanés, et l'on s'attend à les voir s'attaquer aux fosses communes de la dernière guerre. 

Une vieille dame qui fait preuve d'une grande culture religieuse, observe à propos des persécutions endurées maintenant par l'Eglise ukrainienne du métropolite Onuphre et ses hiérarques: "Il faut quand même dire qu'ils n'ont jamais condamné la guerre au Donbass, et maintenant, ils le paient". Or en effet, si, comme me l'a rappelé Ivan Illitch Takhtiour, ils ont condamné la Russie, l'Eglise russe et son patriarche au moment de l'intervention, ils n'ont jamais expréssément condamné les bombardements et les atrocités pratiquées au Donbass depuis dix ans. Cette Eglise du métropolite Onuphre que les joyeux orthodoxes français, souvent d'origine russe,  présentent comme "soviétique" pour justifier le traitement qu'on lui fait et le tour de cochon que lui a joué le patriarche de Constantinople. Pourtant, le patriarche Cyrille a  défendu de critiquer le métropolite Onuphre, et tout le monde en Russie compatit et soutient, moi la première. Tout le monde comprend la difficulté de sa position, et aussi sa grande qualité spirituelle et humaine, tout le monde admire la ferveur et le courage de l'Eglise ukrainienne persécutée. Tout le monde se souvient précisément de ce qui se passa en Union Soviétique, et sait ce que ce genre de persécution signifie. Le métropolite Onuphre ne voulait pas entrer dans le jeu politique, et disait ne pas faire de différence entre ses fidèles. A mon avis, ce n'étaient pas tellement ses fidèles qui allaient bombarder les quartiers d'habitations du Donbass, les hôpitaux et les jardins d'enfants, et faire des cartons sur les grands-mères qui sortaient dans leur potager. Les bataillons punitifs étant plus souvent néopaïens ou uniates, ou pseudo-uniates de la mouvance Philarète ou Epiphane...

Enfin toujours est-il que ne pas avoir condamné les exactions au Donbass, mais avoir condamné l'intervention destinée à y mettre fin, n'a pas empêché les diables à l'oeuvre de se déchaîner plus que jamais, dans la violence, la fourberie et la calomnie. Le starets Zossime de Donetsk avait recommandé, dans ses prédictions, de se cramponner à l'Eglise russe.



mercredi 20 décembre 2023

Solstice printanier

 


Après le mois de février au mois de décembre, nous avons le mois de mars pour le solstice d'hiver, qu'aurons-nous donc au mois de janvier? J'ai vu que dans une ville russe, les rues étaient tellement verglacées que plus personne ne pouvait bouger, les enfants ne vont plus à l'école ni les adultes au boulot. Et ici, je n'ose plus tellement sortir non plus. Tout cela va évidemment regeler et se transfomer en patinoire.

Mais quand même, le solstice, c'est le moment où l'hiver bascule vers le printemps, où les jours recommencent à grandir, où la paupière se soulève. A partir d'après demain, nous irons vers la lumière, avec nos bougies, nos guirlandes et nos lanternes. Encore un peu plus de deux mois et on pourra guetter l'apparition des crocus et des jonquilles...

D'avoir choisi de venir en Russie ne me fait pas détester ni mépriser la France, au contraire, d'ailleurs, je l'aime mieux de loin que de près, car je finis presque par la voir à la façon des Russes, un pays merveilleux, encore intact, avec de superbes paysages, un art et une joie de vivre, un grand sens esthétique, mais c'est que ce n'est déjà plus ce que j'ai connu, ou alors quand j'étais petite... Si je déteste les griffes dans laquelle la France est tombée, je ne souhaite pas son malheur, ni son humilitation, au contraire, je les redoute, et même, je suis profondément perturbée par la perspective de sa disparition. Mais les Russes qui ont choisi de partir, ces derniers temps, au pays de la démocratie et des droits de l'homme n'offrent pas le même tableau. Je suis tombée sur une vidéo d'une Russe résidant depuis 30 ans en Italie, pour cause de mariage avec un Italien. C'est une femme intelligente et cultivée, guide. Elle fait une réponse au célèbre écrivain de polars Boris Akounine, qui a quitté le Pays Maudit pour le paradis démocratique en 2014, par solidarité de principe avec ceux qui détestent son pays et lui veulent la peau. A noter, comme il le précise lui-même, qu'il est toujours publié sans problèmes dans la tyrannie qu'il a fuie. Il vient de se faire piéger par les non moins célèbres Vovan et Lexus, qui se sont fait passer pour un membre du gouvernement ukrainien, et tout ce qu'il dit fait dresser les cheveux sur la tête. La Russe italienne lui dit toute sa déception, proclame qu'en ce qui la concerne, comme moi, d'ailleurs, elle a deux patries, la Russie qu'elle défend, l'Italie où elle vit et qu'elle aime. Et d'ailleurs, dans cette vidéo, ce qui est intéressant, c'est qu'elle défend l'Italie autant que la Russie, en traçant le tableau de ce qui existe réellement dans le paradis européen choisi et revendiqué par Boris Akounine: la liberté d'expression disparue, la situation de pays occupé, non souverain depuis la dernière guerre, soumis aux diktats américains, envahi par la terre entière; l'appauvrissement des citoyens qui ne peuvent plus joindre les deux bouts, les paysans et les petites entreprises ruinés par les sanctions. Un tableau complet, intelligent, argumenté. 

https://youtu.be/S04jofqm--4?si=pP0SlbevA7dpw_zQ

Boris Akounine, comme beaucoup de libéraux, est pour la fragmentation de la Russie en une infinité de républiques, selon le prédécoupage complètement artificiel des bolcheviques, qui ont fabriqué cette bombe à retardement. Lui-même est géorgien, il publie sous un pseudonyme russe, se prétend russe. Il explique d'un air grave et pénétré, que la Russie est une "menace pour le monde". Ah bon? Et sur quoi se base-t-il, à l'heure actuelle, pour affirmer cela? Je me rends compte que même au temps de la guerre froide, si l'URSS cherchait à étendre son influence dans le monde, économique, culturelle ou politique, elle ne serait jamais sortie des limites du glacis établi par Staline autour de son fief, quand un pays est de cette taille, on a déjà assez de problèmes pour le gérer. La menace russe ne servait qu'à justifier la colonisation américaine. Poutine lui-même ne s'est décidé à reprendre la Crimée, puis le Donbass, qui ne demandaient que cela, qu'à force d'être harcelé par l'OTAN. En revanche, une tyrannie mondiale jetée comme un filet indestructible sur l'ensemble des pays, par l'intermédiaire de castes locales entièrement acquises au cerveau central et d'organismes internationaux qui sont autant de moyens de contrôle, cela me paraît beaucoup plus inquiétant. Je ne comprends même pas comment quelqu'un d'intelligent, et d'intellectuellement honnête, peut ne pas voir qui, depuis des décennies, fiche partout la pagaille sanglante, mais c'est sûrement la haine, ou l'orgueil, qui lui troublent le jugement, sinon, il verrait aussi ce qu'évoque Ekaterina Santoni et dont me parlent nombre de correspondants. A moins qu'il ne soit juste candidat à l'entrée dans cette secte mondialiste qui fait notre malheur et voudrait achever la Russie. Mais bon, des gens qui vivent dans une réalité parallèle, depuis ma jeunesse, j'en ai vu un paquet. Surtout chez les intellectuels.

https://youtu.be/Bu3H-IUAWdE?si=hMCh27F9u4IqyfX- 

https://youtu.be/WtVPATZCcio?si=3IpAG9eP-lL7e9zB

Pour parvenir à ses fins, il donne explicitement la recette qu'on applique déjà en Russie, comme partout ailleurs, et qui détruit la France: pourrir le pays de l'intérieur. Il n'y a pas de meilleur moyen, dit-il. Jusqu'à une période récente, on appelait les gens comme lui des traîtres. Est-ce parce qu'au fond, il est géorgien, bien qu'il se revendique russe? Mais non, même pas, il y a des Russes comme cela. Et tout ce qui s'est passé ou se passe là bas, il ne veut pas le savoir, il est prêt à livrer au désastre que connaissent l'Ukraine, ou les pays du moyen Orient, la Russie toute entière, sans compter que l'Europe y passerait aussi, elle y passe déjà. Non, c'est Moscou, le danger universel, il faut le voir discuter avec cet air grave de l'intellectuel qui a tout compris, c'est un poème, j'en suis positivement fascinée: pas l'ombre d'un doute, et il dispense ses conseils au pseudo-chef d'état qu'il croit lui faire face... 


Dans le même temps, un autre intellectuel, le journaliste orthodoxe ukrainien Dmitri Skvortsov, est emprisonné pour avoir défendu son Eglise persécutée. Il fait signe de sa prison, avec l'icône de saint Nicolas, dont c'était la fête hier. D'après ce que j'ai compris, Ian Illitch Takhtiour, qui m'avait invitée, a eu le temps d'être échangé avec des prisonniers ukrainiens, mais pas lui. Je suppose qu'Akounine ne veut même pas en entendre parler. https://vk.com/wall355949337_29940

Ce qui me déplaît en Russie, c'est davantage les cicatrices de ce qui fut que ce qui se passe aujourd'hui. En France, pour y revenir, c'est le contraire. Mais je vois bien que la France et la Russie sont victimes du même mal, il n'est plus si virulent chez la première, il se déchaîne chez la seconde. Il y a eu tant de dégâts de faits, depuis cent cinquante ou deux cents ans, que je ne sais comment l'une et l'autre se relèveront de tout cela, ni quel monde est en train d'émerger, mais en commentaire de la vidéo de Ekaterina Santoni, la jeune Russe qui l'a postée se montre optimiste. Elle pense que c'est la fin de la caste, de la secte, et que c'est la Russie qui lui écrasera la tête. Elle exprime une pensée qui me soutient depuis bien longtemps: "Il n'y a pas de système éternel". En effet, et j'aurai au moins vécu assez pour commencer à voir tomber tous ces masques, et démonter ces impostures. Je ne suis pas certaine que Boris Akounine ai fait le bon choix, et pas seulement sur un plan éthique.





dimanche 17 décembre 2023

Numérisation

 




Je ne suis pas allée à l’église, le temps, la flemme, la visite d’un intellectuel français, de son épouse et de leur copine, et puis après-demain, c’est la saint Nicolas, à laquelle j’aurai le temps de me préparer comme il convient. L'intellectuel est un homme charmant, très distingué, très cultivé, très intelligent. Il comprend bien la Russie, et il est passionné depuis sa jeunesse par la politique, il en saisit tous les mécanismes, ce qui n’est pas du tout mon cas. Moi je marche à l’instinct (de conservation). C’est un inconditionnel de Poutine, qu’il voit, aux prises avec une cinquième et une sixième colonnes actives et pourvues de puissants soutiens, essayer d’arracher, de la Russie et du monde, la tunique de Nessus du globalisme, et préoccupé avant tout de garder l’arrière de ce dur combat dans la paix, sans trop de pertes économiques et humaines.

Parallèlement, Tatiana Mass, une journaliste russe en exil en France, parce que tombée du mauvais côté, celui des pays baltes, au moment de la chute de l’URSS, (elle ne pouvait plus obtenir le droit de vivre en Russie, à l’instar de la plupart des Russes des ex républiques), écrit que Poutine, en dépit du respect qu’il lui inspire, se fiche de la culture, et qu’il a bien tort.  Et en effet. Les ministres de la culture successifs ne font qu’en encourager la démolition. De Gaulle aussi abandonnait la culture à n’importe qui, on a vu le résultat. Slobodan Despot, dans son dernier Antipresse, évoque l’installation du numérique en Russie, qui de ce fait, n’est plus un refuge, à ses yeux, pour les gens qui veulent éduquer leurs enfants normalement ou simplement vivre normalement. Dans l’avenir, je ne sais pas, mais pour l’instant, si, et on est obligé de nos jours de vivre au jour le jour. Poutine a déclaré qu’on ne pouvait éviter la numérisation de la société sans exposer la nation à sa perte, et je ne peux qu’admettre son point de vue, on est souvent forcé de s'aligner sur les progrès technologiques qui donnent aux autres l'avantage. C’est d’ailleurs ainsi que le monde fonctionne depuis cinq cents ans, depuis que l’Europe  a commencé à sortir du christianisme pour s’engager dans un humanisme judéo-protestant progressiste, luciférien, conquérant, et disons le mot, prédateur. La Russie a dû aussi s’adapter, et en a beaucoup souffert, mais je me demande si elle avait tellement le choix. Elle a essayé de dégager un chemin personnel, au XIX° siècle, dans l’esprit de la société traditionnelle et de l’ethique chrétienne, mais tout cela a été assassiné avec le dernier tsar et sa famille. Maintenant encore, elle semble promouvoir un chemin personnel, dans la mesure où elle condamne les dérives idéologiques délirantes de l’occident, dont les masques tombent un à un, mais son appareil, élevé dans l’esprit des jeunesses communistes, reste dans le culte aveugle du progrès, l’adoration servile de l’occident et la barbarie culturelle. Poutine dit une chose, l’appareil fait ce qu’il veut.

 Pour l’instant, l’installation du numérique ne nous induit pas une tyrannie dystopique comparable à celle de l’Europe, et plus particulièrement de la France. Je déteste Gref, qui est l’objet d’un autre article de ce même Antipresse, je m’en méfie comme de la peste, sa physionomie me rappelle celle de l’affreux docteur Laurent Alexandre, chantre du transhumanisme. Cependant, pour voir un conseiller à la Sberbank, je n’ai pas besoin de prendre rendez-vous, il me suffit d’y aller, de retirer un ticket à la borne pour attendre mon tour, et si je ne comprends rien, on m’explique aimablement, ou on le fait à ma place. Le paiement de mes factures par QR code est on ne peut plus simple, je scanne un papier après l’autre, je pourrais même scanner mon arrêt de mort dans la foulée, mais c’est simple. Je ne suis pas favorable au tout numérique dans l’absolu, mais ne ressens ni oppression, ni coercition. Et quand je consulte mes comptes, tout me paraît limpide, alors que je n’ai jamais rien compris à ceux du Crédit Agricole.

Un autre article de l’Antipresse évoque la complexité insurmontable des moindres démarches en Europe, ou poster une lettre devient un exploit, il est bien connu qu’on a découragé le petit commerce et la petite exploitation agricole autant par ces persécutions administratives, qui imposent à longueur de temps des pensums interminables à de petites gens accablées de travail, que par les impôts injustes et la concurrence déloyale. Je n’ai pas l’impression ici qu’on emmerde les gens systématiquement et à tous propos. Alors qu’en occident, il en est ainsi depuis fort longtemps, et cela s’aggrave terriblement à présent. On a même l'impression que l'unique souci de tous ces vampires et ces goules est d'empoisonner l'existence de leurs administrés, de les priver de tout, de leur voiture, de leur maison, de leur fêtes, de leur culture, de leur foi, et même de leur famille et de leurs animaux domestiques. 

Evidemment, l’appareil progressiste au front bas soutient ici le numérique n’importe comment, et en particulier, à l’école, et à l’école particulièrement, j’y suis violemment opposée. Néanmoins, si dangereux que soit le numérique, il faudrait surtout, dans la mesure où l’on n’en fait pas un outil d’extermination et d’asservissement de son propre peuple, développer parallèlement une culture qui permette de résister plus ou moins à ses effets pervers. Or ce n’est pas du tout ce qui se passe. La télé, la radio vomissent en permanence de la merde dans les cervelles, le cinéma, la littérature sont soumis à de gros débiles qui allient le mauvais goût à celui de l’argent. Slobodan dit que ne pas aimer l’Europe les ferait passer pour des ploucs, mais c’est précisément parce qu’ils sont des ploucs qu’ils ont cette prédilection pour l’Europe, ou plutôt pour l’image qu’ils en ont dans leurs cervelles de ploucs.

Sur son expérience du Donbass, Iouri avait écrit un scénario « le Témoin », qui reflète une réalité aussi cruelle qu’extraordinaire, avec des bons mouvements inattendus de la part d’ennemis qui n’auraient pas été censés les avoir. Torturé pendant dix jours, il a pardonné à son tortionnaire, fait prisonnier à son tour, et a été lui-même sauvé par des géorgiens, grâce à son amour de leur poésie nationale, qu’il leur a parfois récité dans le texte original. Bref, son scénario est vraiment un témoignage humain et historique, de surcroît bien écrit. Il a proposé plusieurs fois ce scénario à des gens susceptibles d’en tirer un film, et au ministère de la Culture. Il lui fut répondu que ce n’était pas le moment. Or un film vient de sortir, avec le même titre, le Témoin, financé par le ministère de la Culture et Gazprom, le héros n’en est pas un poète dissident, revenu faire le correspondant de guerre au Donbass agressé par Kiev, mais un violoniste juif et belge, qui porte pratiquement le nom de la femme de Iouri, Dany Kogan, il s’appelle Daniel Cohen ! Iouri explique, dans une vidéo, que pour lui, le problème n’est pas tant qu’on lui ait plagié son oeuvre, mais qu’on l’ait fait si mal, et avec une si totale inutilité pour la cause qu’on prétend défendre. Dans un article consacré à l’affaire, une amie de Iouri, Elena, explique comment le cinéma russe est anéanti par le pognon mafieux.

De même, très souvent, si des marches russes ou des chansons soviétiques de la guerre de 40 sont interprétées, c’est avec une nullité et une vulgarité modernistes américanoïdes indescriptibles, pour avoir l’air dans le coup, pour répondre au goût infâme de ceux qui décident et de ceux qui paient. Tout cela crée un bain de merde corrosif pour les âmes, les intellects et les mentalités, et c’est bien aussi grave que la numérisation du pays, pour l’instant encore respectueuse de la liberté personnelle des gens.

Il faut savoir que si les hommes de pouvoir, les fonctionnaires et les oligarques ont toujours été plus ou moins pourris par définition, les peuples n’ont pas toujours été aussi incultes, et par conséquent, sans défense. Ils avaient leur culture paysanne, orale, antique et solide. Les satrapes passaient, le peuple demeurait.

Mon visiteur épris de politique estime qu’il ne faut plus parler de la Russie aux Français, que c’est inutile, mais qu’il faut en parler aux Russes, et leur parler aussi de l’occident, afin qu’ils ne répètent pas nos erreurs. Il considère comme moi que la substitution de l’écrit à l’oral n’est pas un progrès mais un appauvrissement. C’est-à-dire que présenter la très pauvre instruction dispensée par les écoles comme un progrès absolu par rapport à « l’analphabétisme » des générations passées qui avaient tout ce qu’elles savaient enregistré dans leur mémoire incroyablement développée, ce qui est le fait autant de la République que de l’URSS, est complètement faux. La plupart des gens qui savent lire ne lisent rien et ne savent rien, n’ont plus de mémoire, plus d’histoire, plus de sens artistique, plus de développement personnel ni spirituel. Et plus de recours face aux conditionnements, aux perversions du goût et des moeurs. Dans la société russe du XIX° siècle, coexistaient encore une puissante culture orale populaire et une culture livresque remarquable, lyrique, l’une nourrissant l’autre. Le destruction de l’une par les plus mauvais éléments de l’autre n’a pas donné grand chose de bon.

Néanmoins, il me paraît évident que les plus bandits ici, en dehors des métastases mondialistes,  restent des êtres humains, disons de l’espèce des opritchniks, des cosaques de Pougatchov ou de Makhno, tandis que le personnel politique extraterrestre de l’occident n’a de nom en aucune langue. Et d’autre part que Poutine, qui surfe sur tout cela d’après mon intellectuel, n’a pas l’intention de nuire à son peuple, de le faire disparaître, au contraire, il encourage la natalité, il économise la vie de ses soldats. Alors que je suis persuadée, en ce qui concerne la caste occidentale mondialiste, que c'est son programme planifié de longue haleine, avec une malveillance consciente et fourbe.

Mes visiteurs devaient rester deux jours, mais pas de chambres d'hôtel, tout est bourré, les trains, les bus: la tempête de neige se double d'une compétition sportive, je vois passer aujourd'hui en boucle, bondissant à travers les congères, des marathoniens emmitouflés. La femme du monsieur n'est pas enthousiaste à l'idée de quitter la France, mais elle est convaincue que les choses ne vont pas dans le bon sens. Leur amie connaissait la Russie mais n'avait pas pratiqué la langue depuis des décennies. Elle m'avait apporté des graines et des bulbes de son jardin. Elle a mon âge, l'émigration lui fait peur, rester peut-être plus encore. J'ai mis tout le monde en relation avec un Russe blanc  qui fait le retour au pays de ses ancêtres.

Je n’ai vraiment pas besoin de décorer mes fenêtres de flocons artificiels, la tempête de neige fait à nouveau rage, et l’on prédit un réchauffement qui va transformer tout cela en cauchemar savonneux et verglacé. Au réveil, j’ai vu une vidéo selfie tournée par un jeune soldat ukrainien de dix-neuf ans, juste avant sa mort. « Nous sommes en enfer », dit ce beau garçon complètement désespéré qu’on a envoyése faire tuer pour les intérêts des amis de la Démocratie et de l’Humanité, les philanthropes du billet vert. Les soldats russes ne sont pas dans cet état d’esprit, mais ce sont généralement soit des militaires de carrière, soit des volontaires. Pas des gens que l’on attrappe au lasso pour les envoyer se faire réduire en chair à pâtée ou alimenter le trafic d’organes. Le visage de ce garçon, et son désespoir me poursuivent. Dieu ait son âme, et que son sang retombe sur ceux qui lui ont préparé un tel destin.



jeudi 14 décembre 2023

Avent

 


Je me suis souvenue qu’il fallait remercier les cosaques de Pereslavl d’avoir emporté l’icône du miracle de saint Michel à Khonekh, au père Nikita, qui me l’avait commandée, et j’ai fait parvenir à Tania, qui recueille l’aide humanitaire,  une photo de ce dernier, avec l’icône. Elle m’a répondu que c’était elle et ses cosaques qui me remerciaient de leur avoir fait connaître cet homme merveilleux. Il les a reçus à bras ouverts, leur a fait de la musique, et tel que je le connais, a dû leur conter avec talent toutes sortes de choses.  Le garçon qui a remis l’icône veut à présent faire connaissance avec moi, quand il sera de retour de sa mission. Je lui ai dit que j’en serais ravie. Le père Nikita, dans la foulée, est passé à la télé locale, avec son icône, et ses récits, que je devine colorés,  sur l'auteur, la Française de Pereslavl.

J’étais heureuse et émue, je me souvenais tout-à-coup des raisons qui m’avaient amenée ici. Quoiqu’à vrai dire, on ne puisse pas parler de raisons, c’est plutôt de l’ordre du destin, peut-être de la vocation. Et je pensais que j’avais obéi à la volonté de Dieu, qu’il fallait continuer à le faire, qu’il fallait enfin le faire tout à fait, me confier à Lui, me remettre entre ses mains, comme un petit enfant à son père. C’est vrai qu’il n’est pas toujours facile d’être loin de son pays quand on le voit sombrer, et qu’on souffre de ne pas voir sa famille. Mais l’un et l’autre aussi, il faut les remettre à Dieu.

Il fait moins froid, mais il tombe des tonnes de neige, on se croirait en février, tempêtes de neige les unes après les autres. C'est très joli, immaculé, étincelant, poudreux, les rues ressemblent à une moquette de velours, et si l'on tombe, tout est si moelleux que même les vieux ne risquent pas grand chose. Seulement, si tout cela commence à fondre et à regeler... Je déneige tous les jours, heureusement que c'est léger, tout ça. Je regarde mon jardin endormi sous les congères, les traces desséchées des fêtes florales, et les nombreux oiseaux qui passent et repassent, autour de la mangeoire, dans la cage ajourée du poirier squelettique, lui faisant une sorte de floraison duveteuse et mouvante. Grâce à la neige, le jour pâle et bref s’irise, et sa couverture nuageuse s’imbibe d’une sorte de phosphorescence rose. Si je n’avais pas de problèmes de sinusite, j’apprécierais ce froid vif et cet univers de cristal. J’ai sorti, avec ma voisine Ania, mon pauvre tapis martyrisé par les chats pour le nettoyer dans la neige. Je l’ai laissé toute la nuit, et le matin, je l'ai dégagé. En effet, les couleurs semblent ravivées

Un chat vient gratter pour déterrer les fonds d'écuelle de ma ménagerie, que je jette parfois pour les corneilles, quand je veux nettoyer. Il est affamé, et je le regarde avec consternation. Je ne veux pas d'autre chat, surtout pas. Mais le voir gratter pendant des heures pour exhumer trois vieilles croquettes ou un croûton... Il est assez sauvage et s'enfuit dès que je sors.

Le livre de Voznessenskaïa recoupe les récits du père Seraphim Rose et d’autres spirituels orthodoxes sur les péages et les démons à l’affût, or ce n’est pas que je ne crois pas aux démons, chaque tour que je fais sur internet me confirme leur existence, mais j’ai du mal à me faire au côté juridique de tout cela. Je sais naturellement qu’on exprime ces choses comme on le peut, avec des références à ce que nous connaissons. Ce que je trouve le moins convaincant dans cet excellent livre, c’est le paradis, un paradis où les gens inventent des papillons, prennent le thé dans des maisons meublées de leurs souvenirs, où la neige des sommets a le goût de la glace à la vanille. Cependant, je me souviens de ce que m’avait dit Olga Asmus : on a le paradis qu’on se fait. J’avais un jour rêvé de ma grand-mère morte, elle était dans sa cuisine, où tout était transfiguré et lumineux. Et le Christ lui-même dit qu’il y a plusieurs maisons dans la maison de son père. Il se peut que là bas comme ici, les choses soient à notre mesure. Les expériences de grâce que j’ai eues me laissaient à penser que là bas, c’était complètement autre chose, que cela n’avait rien à voir avec ce que nous connaissions. C’était presque inquiétant, bien que je n’eusse jamais ressenti une telle paix et une telle béatitude, peut-être pas inquiétant mais plutôt étrange et dans tous les cas, indicible.

J’ai commencé à disposer les ornements de Noël, c’est vraiment chez moi une manie, car n’ayant pas de famille, cela n’a pas beaucoup de sens, sinon de me rappeler que je suis seule. J’ai été souvent si frustrée de ne pouvoir préparer toute cette magie pour des enfants... quand j’étais à l’école, dans une certaine mesure, mais on y faisait la chasse aux anges, peut-être que maintenant, on n’a même plus droit aux étoiles ni aux sapins.



samedi 9 décembre 2023

Froid

 




Grand froid et ténèbres que percent les étoiles et dissipe brièvement un jour raccourci, dans le désordre immobile de nuées lâches et brillantes. Je suis allée faire un tour du côté du marécage, pour prendre l'air glacial et m'obliger à marcher. Là bas, sur les chemins sauvages, je peux porter des bottes de feutre, qui tiennent chaud et évitent de glisser, elles adhèrent à la neige. En ville, où je peux difficilement m'exhiber avec de telles chaussures, j'ai peur de tomber, encore un signe de l'âge, un réflexe que je n'avais pas encore il y a trois ou quatre ans.

Du haut de la berge du lac, Pereslavl, transfiguré par la neige, retrouve son harmonie perdue, autour des coupoles étincelantes du monastère saint Nicolas. Les toitures de métal aux couleurs criardes sont toutes réunifiées par la blancheur ambiante. 

Cela sent Noël, les Russes sortent les guirlandes scintillantes qui resteront jusqu'à Pâques, jusqu'au retour de la lumière. Je n'ai pas encore eu le temps ni l'énergie d'installer les miennes, et pourtant, j'ai conservé la passion des étoiles, des angelots, des crèches, des sapins, des boules, de tout ce qui luit et réjouit. Au pays de France, où il n'y avait pas bien souvent de la neige, combien je rêvais dans mon enfance des magies hivernales qui se déploient autour de ma vieillesse!





 Dany était bouleversée d'apprendre, sur le blog de Karine Bechet-Golovko, que les députés de la Douma avaient légalisé l'usage du smartphone à l'école.

 http://russiepolitics.blogspot.com/2023/12/culte-numerique-la-russie-legalise.html . 

En effet, il y a de quoi. Je me souviens de la pression qu'on me mettait, au début des années 2000, quand je travaillais au lycée, pour me faire utiliser internet, dont au début je ne voulais pas, puis pour me le faire utiliser avec les enfants. Je disposais d'un seul ordinateur dans la classe, et c'était la bagarre pour s'en servir, j'y plaçais deux enfants à la fois. Il y avait des petits jeux éducatifs très rigolos, avec des jolies couleurs et plein de petits bruits, un écureuil malin et tout ça. Je pensais que cela plairait à ma mère, elle aimait bien ce genre de choses. Puis de voir les gamins hypnotisés se battre pour ce truc m'a alertée. J'ai tout arrêté. Dessin, peinture, musique, contes, chants traditionnels, rondes et jeux dansés, tout cela avait fait ses preuves, développait l'habileté manuelle, l'aisance corporelle, l'imagination, l'inventivité et la créativité, le sens de la communauté et de la coopération. Lorsqu'on m'amenait un petit être en sucre, en me disant qu'à trois ans il savait se servir d'un ordinateur, je demandais s'il savait enfiler ses chaussures et utiliser un crayon et une paire de ciseaux. Personnellement, je serais pour l'interdiction de toute espèce d'écran jusqu'à l'université, car même des personnes cultivées et forgées ne résistent pas à l'addiction informatique, et je me souviens de Bernard Frinking, le peintre d'icônes, qui passait des heures devant son ordinateur, comme moi-même, et y avait collé un post-it avec une prière destinée à lui permettre de résister à l'attraction fatale.

J'ai vu une nouvelle qui m'a fait réfléchir. Une jeune mariée, dans un costume russe stylisé, s'est vu refuser, au ZAGS, l'institution chargée des mariages, l'enregistrement du sien parce qu'elle était "déguisée". C'est-à-dire qu'elle était déguisée parce qu'elle était en costume vaguement russe, au demeurant très joli. N'importe quel style d'abat jour ruché ou de pièce montée de tulle blanc, n'importe quelle tenue provocante ou grotesque de couleur blanche et d'allure contemporaine vulgos et universelle aurait passé la rampe, mais pas une tenue d'inspiration russe, et cela, alors que le président Poutine ne cesse de parler des traditions nationales... Cela m'a fait penser aux réactions furibondes que suscitent parfois les chants folkloriques, alors qu'on est complètement tolérant aux radios qui nous dégueulent dessus, à un volume prohibitif, des "musiques" insupportables, capables de faire tourner le lait des vaches et geler l'eau en zig-zags... Eh bien c'est-à-dire que forcément, quand pendant des décénnies, on a présenté les costumes russes comme des déguisements, les chants russes comme des trucs de sauvages, l'architecture russe comme une survivance du passé honteux d'un peuple obscur, on obtient une fonctionnaire formatée à mort, qui, devant une charmante coiffe de mariée inspirée par celles d'autrefois, voit positivement rouge. J'imagine la bâtisse en plastique de cette créature, sa coiffure et ses vêtements, et son jardin tondu à mort, avec des fleurs au garde-à-vous dans de petits massifs idiots.

Je ne doute pas que les députés qui ont légalisé les smartphones pour les gosses soient exactement du même tonneau. Cela fait cent ans que les décisions sont prises par des imbéciles, dans la plupart de nos pays auparavant restés encore normaux. Eux-mêmes déformés dans des écoles idéologiques vouées au culte du Progrès et de l'avenir radieux, et cela de chaque côté du rideau de fer, par des assassins de Mozart en série. Je me souviens même d'une directrice de maternelle de banlieue qui ne cessait de murmurer avec lucidité: "C'est Mozart qu'on assassine"... Ils ont légalisé le smartphone pour les gosses de la même façon que leurs prédécesseurs avaient fait planter du maïs dans le grand nord ou importé la berce du Caucase pour nourrir les vaches, qui n'en voulaient pas, et au lait desquelles cette peste végétale, impossible à éradiquer, donnait un goût détestable.

Pourtant, les adorateurs du Progrès matérialiste exponentiel devraient bien finir par s'interroger sur ses effets, dont on voit de plus en plus le caractère destructeur et satanique, et s'intéresser à ceux qui, réellement scientifiques, explorent d'autres voies. Ceux-là rencontrent l'expérience spirituelle millénaire qui s'exprime dans toute oeuvre poétique et qu'a si bien reflétée Evgueni Vodolazkine dans son roman "les quatre vies d'Arséni", inspiré justement par la sainte Russie des ténèbres qui donne des boutons aux fonctionnaires en costar.



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Le problème est que leur vision du monde est si réductrice qu'elle a positivement fait d'une partie de l'humanité une espèce mutante particulièrement nuisible pour son environnement, ses semblables et ses propres enfants, dont les miracles de la mémoire génétique ne les sauve pas toujours.

Cependant, si Karine écrit que le niveau de ses étudiants a baissé, Olga, l'autre soir, se réjouissait de celui des siens, autant sur le plan intellectuel que sur le plan moral. 




mardi 5 décembre 2023

"Soirée créative" et rencontres littéraires.

 


Je suis rentrée de Moscou à travers une carte postale de Noël ou un conte d’Andersen, champs immaculés, forêts emmitouflées, une lumière pâle et scintillante. Il faisait moins onze, on annonce moins vingt-cinq, la nuit, dans quelques jours. Il y a une chose qui m’apporte de vraies consolations, par ce froid et ces ténèbres polaires, c’est de sortir du congélateur une soupe aux herbes du jardin, du persil dont le parfum reste intact, et aussi des framboises, dont j’avais presque oublié le goût et qui me rendent un peu d’été. Et puis maintenant, le jardin est beau même en hiver, les arbres et les arbustes ont poussé, j’ai laissé en place beaucoup de fleurs déssechées, maintenant ornées de chapeaux blancs et de dentelles brillantes qui soulignent les mouvements impétueux d’une vie figée pour quelques mois dans un somnolent désordre.

Dans l’autre sens, j’ai dû traverser une tempête de neige verglaçante à trente à l’heure. J’ai mis quatre heures et demie à rallier la rue de Iouri et Dany, et là, avec le système de parking payant de la « ville intelligente », j’étais obligée de surveiller ma montre, car il est impossible de payer plusieurs heures d’affilée, un vrai racket. Je me demandais aussi comment j’allais repartir, si ma voiture ne disparaîtrait pas sous les congères. Et je me suis juré de ne plus jamais rien organiser entre le 15 novembre et le 15 mars.

A cause de la neige, plein de gens n’ont pas pu venir à ma présentation de livres, et en plus, nous n’avions pas pensé que tout cela coïncidait avec la fête de l’Entrée de la Mère de Dieu au temple. Difficile de tout concilier, les fêtes, les pièces de Iouri, les moments où Dany répète ou joue. Et en été, les gens sont tous dans leurs datchas.

Néanmoins, la soirée dans l’atmosphère magique du « théâtre du Poète », avec son mur de briques et ses chandeliers baroques, a été très chaleureuse. Tout le monde était très content. J’ai vu Sacha Viguilianskaïa, et ses amis de Kourmych, et aussi ma chère Liouba... Iouri m’a accueillie en me disant : « Laurence, tu es un grand écrivain, je t’assure qu’en lisant tes extraits, j’avais la larme à l’oeil. Et tout cela, qui est tellement russe, et tellement plein d’amour pour la Russie, est écrit par une Française ! »

J’étais extrêmement touchée, c’est l’avis d’un connaisseur ! 

Il a redit tout cela aux amis présents, avant de lire les extraits et de les commenter.

Une dame, professeur de littérature à l’université, m’a demandé sur quoi je fondais mon optimisme à l’égard de la Russie. Je lui ai répondu : « Mon optimisme est tout de même assez modéré, car je suis bien consciente qu’ici, sont à l’oeuvre les mêmes forces ténébreuses qu’en France, mais que vous dire ? Si votre arche prend l’eau, nous n’en avons de toute façon pas d’autre, pourvu qu’elle continue à flotter...

- Si je vous demande cela, c’est que voyez-vous, de mon côté, j’espère comme vous, et si je ne suis pas pessimiste, c’est que mes étudiants me semblent avoir un niveau culturel et moral très rassurant. »

D’un autre côté, Alla, mon ancienne voisine, m’a dit qu’elle était partie avant la fin, parce qu’elle avait peur de rentrer seule, qu’elle avait été agressée et plusieurs femmes de ce quartier également, par des migrants ou des drogués. Je n’ai pas peur à Moscou et n’ai jamais eu peur, mais voilà ce que j’entends dire...

Liéna, la fille du père Valentin, me trace un tableau consternant de Moscou, envahie par l’Asie centrale, ce que je ne sens pas à ce point, mais, dit-elle, c’est parce que je n’y vis pas. Liéna est une patriote ulcérée. Elle ne voit partout que trahison, corruption et incompétence.  Cependant, ce sont des phénomènes qui ont toujours existé en Russie, et la Russie est toujours là. Son père trouve qu’elle s’obnubile sur un certain type de sites d’informations, mais Iouri pense comme elle, tout en comptant sur le peuple, et, me semble-t-il, sur une protection mystérieuse, bien qu’il ne soit pas vraiment croyant.

J’ai rencontré le journaliste ukrainien Igor Drouz. Il m’a dit que le maïdan fut un immonde coup d’état, qu’on y retrouvait les mêmes zombies que sur le tableau de Répine, où l’on voit des gens de la bonne société, des dames, des messieurs, des étudiants, des écoliers, galvanisés par la révolution russe, défiler avec des yeux de maniaques. Combien furent-ils alors à finir leur vie contre un mur, au goulag, ou chauffeurs de taxi dans les capitales européennes ? Je me demande, d’ailleurs, dans quel esprit Répine a peint ce tableau. Voulait-il rendre hommage à cette foule de crétins, et a-t-il involontairement reflété leur hystérie collective ? Ou bien commençait-il à réaliser lui-même où tout cela menait ? A en juger par les mémoires du peintre Korovine, si ces pantins ont ouvert les yeux, ils ont dû voir le diable en face, et c’est le même diable qui sévit en ce moment en Ukraine, quelle que soit la couleur de ses suppôts.


Igor Drouz a vu cela de près, avant de rejoindre la résistance au Donbass, et il est maintenant à Moscou. Il s’est beaucoup intéressé à ce que je lui ai raconté de mai 68, de ses conséquences, des facs des années 70, des trotskistes qui y grouillaient, de la main mise de tous ces gens sur la culture, la presse, l’école, et par conséquent, l’opinion. «Les révolutions, m’a-t-il dit, ce ne sont pas les poseurs de bombes ni les égorgeurs qui la font, ce sont tous les idiots utiles qui les laissent arriver par snobisme, conformisme, intérêt, rancoeur, envie, gloriole, ennui, besoin de sensations fortes et de reconnaissance. Pour arrêter la révolution russe, ou le maïdan, il aurait fallu arrêter Tolstoï, par exemple, tous les peintres du mouvement des Ambulants qui se vautraient dans le misérabilisme, beaucoup de poètes, d’intellectuels et de gens du monde infectés d’occidentalisme et drogués aux grandes idées qui ont préparé ces malheurs à notre peuple et en ont été souvent eux-mêmes les victimes. Est-ce qu’Alexandre III et Nicolas II allaient réprimer toute leur bonne société ? Il s’est passé la même chose chez vous, avant la révolution française, et après 68. Et ce ne sont pas seulement ces intellectuels et ces nobles distingués qui ont payé, mais la population qui, dans l’ensemble, à part la racaille des villes, ne participait pas à cela, et n’y comprenait rien. »

Dostoiveski a très bien décrit le processus dans « les Démons », livre qui devrait être étudié en détail dans les écoles russes, et même les écoles françaises. Mais cela ne risque pas d’arriver. Je crains souvent d'ailleurs que le processus enclenché à la Renaissance ne puisse plus vraiment être arrêté. Ralenti, peut-être, arrêté, pas sûr, disons que l'essentiel du combat se passe à un niveau métaphysique. Cela me désole que la Russie en ait été la victime, alors que son histoire l'avait placée à la périphérie de l'Europe, ce qui aurait pu la protéger, et cela l'a effectivement protégée dans une certaine mesure, tout en concentrant sur elle la détestation des forces lâchées sur le monde par un occident dévoyé.

Igor Drouz m'a confirmé que tous les satrapes qui ont gouverné l'Ukraine depuis la chute de l'URSS, en plus d'être pourris, étaient d'une bêtise hallucinante, ce qui se voyait sur leurs faciès. Quand à Zelenski, c'est pour lui un histrion qui ne pense qu'à se mettre de l'argent à gauche et de la coke dans le nez. En fait de libération et d'indépendance, l'Ukraine s'est remise en des mains infernales. On voit le résultat. Je prie pour que ce qui lui arrive ne devienne pas le destin de toute l'Europe, ni de la Russie elle-même.


Après Igor Drouz, j'ai rencontré une jeune chanteuse, Maria Zikhina. Elle chante en français, elle adore le français, elle rêve d'aller en France, et elle a fait un trajet de deux heures pour venir me rencontrer dans le café en bas de l'immeuble du père Valentin. Je l'ai trouvée jolie et sympathique, elle me regardait avec une sorte d'émerveillement attendri et m'a brusquement déclaré: "Vous êtes si gentille..."

Ayant donné un concert à Iaroslavl, elle a vu mes chroniques année 17 en vente chez le père Mikhaïl, et les a achetées. C'est comme cela qu'elle a débouché sur moi. Elle voudrait des textes de chansons, car elle en a assez de chanter Edith Piaf, elle voudrait avoir un répertoire personnel. J'ai écrit des chansons, et après tout, si elle cite l'auteur-compositeur, je les lui laisserais volontiers chanter, elle est jeune, charmante et en pleine forme, elle a une jolie voix, elle les portera sans doute mieux que moi. 

https://vk.com/laurageai?z=video9754635_456240289%2F3b6f09e190472c5a71%2Fpl_wall_-223294015





 

samedi 2 décembre 2023

Emelia

 

Je devais aller à Moscou, présentation de livres chez Iouri et Dany demain, mais j’ai remis le départ à demain matin, j’irai même probablement directement chez eux avec mon barda, si j’arrive à faire fonctionner l’application de l’autre monde pour payer le parking dans cette ville « intelligente ».

Un jeune Français qui est en Russie depuis quinze ans, et y a fait ses études, m’a pris une petite interview par écrit et je suis sidérée par l’ampleur des réactions, sur son site, mais aussi sur ma page. C’est une interview assez courte, et j’ai répondu vite,  parce que je n’avais pas bien le temps, mais j’ai évoqué mon enfance, dans les années 50, et les gens l’ont pris comme un vrai conte de fées. J’ai parlé de mes jolies tantes élégantes, de l’hôtel de maman, avec les femmes de ménage qui chantaient et riaient dans les couloirs, en travaillant : Charles Trenet. Un type a dit que j’échangeais la libre France contre la Russie asservie, il ferait bien de réviser ses clichés, comme ses équivalents français, d’ailleurs, qui croient toujours la Russie gelée dans les années 30. Une autre m’a tracé avec amertume le tableau d’une enfance dure, avec une mère et une grand-mère pauvres et exténuées. Maman travaillait énormément, elle se levait à cinq heures, se réveillait la nuit pour ouvrir aux clients qui avaient oublié leurs clés, elle réparait tout elle-même, je la vois encore repeindre les volets des vingt-deux chambres de l’hôtel, la gauloise au coin des lèvres. Elle cousait pour elle et pour moi, et n’a pas pris de vacances pendant vingt ans. Mais nous ne vivions pas mal et gaiment. Comme beaucoup de gens alors. Jusqu’à la guerre sournoise contre les petits commerçants, les paysans, les artisans, les gens indépendants, la petite économie traditionnelle qui gênait les banquiers, les malfrats, toute l’affreuse caste qui nous tient maintenant à la gorge.

Dans l’ensemble, toutes ces réactions sont extrêmement gentilles et me témoignent beaucoup d’affection et de bienveillance.

Une amie dépressive à qui j’avais conseillé de prendre un petit spitz comme le mien pour l’aider à surmonter la mort de sa mère est à présent très malade. Elle m’a demandé de recueillir le chien, ou plutôt la chienne, encore plus miniature que Rita et nettement plus jeune. J’ai besoin de vieillir gaillarde. Car je ne peux pas refuser, cette femme est absolument seule, et c’est moi qui l’ai poussé à prendre un chien.

J’ai fait encore des changements chez moi, c’est-à-dire un peu de bricolage et de transports de meubles. On ne sait jamais dans quoi on s’embarque quand on commence ce genre de choses, et j’ai eu beaucoup plus de travail que prévu. Cela m’a mise dans un épuisement que je crois n’avoir jamais éprouvé de ma vie, sauf quand j’avais le Covid. J’ai pensé à ma mère, ce bourreau de travail, qui, à soixante-quatre ans, s’était lancée dans la réfection de sa salle-à-manger et m’avait dit : «Je crois bien que c’est la dernière fois que je fais quelque chose comme cela, car je n’ai jamais été aussi crevée ». Ma voisine Ania a soupiré aujourd’hui : « Enfin, Laurence... mon mari a votre âge, le médecin lui a dit de faire en trois jours ce qu’il faisait avant en un seul. »

Eh oui.






J’ai lié connaissance sur VK avec une femme qui est paysagiste et décoratrice et montre des choses magnifiques. J’ai vu sur sa page une maison à la fois très contemporaine et très russe que j’aurais pu mettre en réponse à la bonne femme qui m’écrivait le refrain habituel « nous voulons bien vivre, avec tout le confort », pour justifier le massacre des villes russes et leur transformation en chaos de bâtisses mal foutues. Cette mentalité et cette absence total de goût sont le résultat, comme l'explique une autre internaute, de décennies de rééducation soviétique qui ont amené ces malheureux à mépriser tout ce qui était russe, et antérieur à 1917, et à se donner pour but de surpasser un occident mal compris dans ce qu'il a conçu de pire. 

On nous a nourri pendant des décennies d'un narratif dans lequel nos contes poulaires nous présentent; vous et moi, comme un village mal lavé, une nation de branleurs et d'incapables. Nous savons en nous-mêmes que nous ne sommes pas du tout comme cela, que nos ancêtres ont survécu des siècles dans les conditions les plus pénibles, qu'ils travaillaient à la sueur de leur front, qu'au prix d'exploits infinis et de centaines de millions de vctimes, ils ont encore et encore repoussé les raids ennemeis et redressé l'économie, et créant, sans trêve entre l'épée et la charrue, une grande culture sans laquelle l'humanité en tant que telle est impensable. Mais on ne peut pas discuter avec les contes de fées, Emelia n'est pas un un calviniste hollandais obstiné, ni, mettons, un sage philosophe japonais. On nous dit qu'il est le dernier des fainéants et des idiots, mais quelque chose nous fait soupçonner que tout est là beaucoup plus intéressant. On ne nous permet simplement pas d'y penser, on le stigmatise, et on nous dit de le mépriser pour sa négligence. Lui, et avec lui tout le peuple qui a donné naissance à Emelia.

alors qui est-il, et pourquoi devrions-nous être fiers de nos héros de contes populaires? Qu'ont en commun son poêle automoteur et le char T-34? Emelya et Korolev? C'est de cela que parle cette vidéo. Cherchez par vous-mêmes, et montrez à vos plus jeunes que cela devrait être vu par le plus grand nombre - pour leur propre bien, pour un regard juste et argumenté sur les meilleurs côtés de notre peuple.

https://youtu.be/g7ADtDbXfhY?si=Z5aL1F8W_s6vJ5qY

 Arina Kourassovskaïa   

Les bolcheviques, qui détestaient tout ce qui était russe, ont élevé des générations de komsomols dans le déni de leurs ancêtres, et l'adoration du modèle européen, qui en fin de compte est toujours resté leur idole, mais dans ce qu'il avait de plus désespérant, son esprit bourgeois besogneux, envieux et totalement dépourvu de transcendance. Heureusement, cela n'a pas trop pris, ici, bien que cela ait fait beaucoup de ravages. C'est que pour inventer, créer, il faut avoir le temps de penser et de rêver, et que l'homme mécanique engendré par le capitalisme et son revers, le communisme, n'a en principe pas ce loisir. Le Russe était un rêveur et un mystique, un poète, dont des intellectuels au front bas ont voulu faire un prolétaire utilitariste et sinistre. Dans une certaine mesure, cependant, le système soviétique laissait encore passer beaucoup de Yemelya en donnant à tous un salaire pour faire semblant de travailler. Il n'est jamais venu à bout du bordel russe. 

Je place ici pour finir une vidéo de Thierry Messian qui explique beaucoup de choses sur notre situation actuelle, et établit des liens entre ses divers aspects, notemment ce qui n'a pas pu s'accomplir au Donbass, pour cause de puissant voisin, et se commet en Palestine sans que personne n'ouvre les yeux sur le problème ni n'ose y mettre fin. 

https://crowdbunker.com/v/8N5kzjJF


Всем нам десятилетиями вталкивали нарратив, в котором наши народные сказки характеризуют нас с вами как суть село неумытое, нацию лодырей и неумех. Внутри себя мы знаем, что вовсе не такие, что наши предки веками выживали в тяжелейших условиях, что они трудились в поте лица, что ценой бесконечного подвига и сотен миллионов жертв из раза в раз отражали вражеские набеги и восстанавливали хозяйство, без отрыва от меча и орала создавая великую культуру, без которой немыслимо человечество как таковое. Но со сказками не поспоришь — Емеля вам не упорный голландский работяга-кальвинист и не японский, допустим, мудрец-философ. Нам говорят, что он у нас распоследний бездельник и раздолбай, но что-то подсказывает нам, что всё там куда интереснее. Просто нам упорно не дают об этом задумываться, ставят на нем клеймо и велят презирать за нерадивость. Его — и заодно весь народ, Емелю породивший.

Так кто же он, и почему мы должны гордиться нашими героями народных сказок? Что общего у его самоходной печи и танка Т-34? А у Емели с Королёвым? Вот об этом видео. Посмотрите сами и покажите вашим младшим, это должно увидеть как можно больше людей — ради себя же самих, ради правильного и аргументированного взгляда на сильнейшие стороны нашего народа.
Арина Курасовская